ARRET DU
27 Octobre 2006N 2622/06RG 06/00435BM/SLO
JUGEMENT DU
Conseil de Prud'hommes d'ARRAS
EN DATE DU
31 Mars 2005 NOTIFICATION à parties
le 27/10/06 Copies avocats
le 27/10/06
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes -APPELANT :M. Jean-Marie X...
... Comparant en personne, assisté de Me Yvon-Jean CHAPUS (avocat au barreau de PARIS) INTIME :MUTUALITE FRANCAISE DU PAS DE CALAIS 3 Rue Ernest de Lannoy - BP 357 - 62026 ARRAS CEDEX Représentée par Me André SIPP (avocat au barreau d'ARRAS)DEBATS :
à l'audience publique du 07 Septembre 2006
Tenue par B. MERICQ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER :
M. ROUE COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBEREB. MERICQ: PRESIDENT D CHAMBRE H. LIANCE: CONSEILLER A. COCHAUD-DOUTREUWE: CONSEILLER ARRET :
Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2006
B. MERICQ, Président, ayant signé la minute
avec V. GAMEZ, greffier lors du prononcé
LA COUR,FAITS ET PROCÉDURE /PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
1. Jean-Marie X..., embauché à compter du 18 janvier 1999 (contrat de travail du 23 novembre 1998) comme manager (ou responsable) de la filière dentaire - statut cadre par l'organisme Mutualité Française Pas-de-Calais, a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave prononcé selon lettre du 7 octobre 2003, après mise à pied à titre conservatoire décidée le 29 septembre 2003.
2. Saisi sur demande formée par Jean-Marie X... qui contestait la légitimité de la rupture et estimait n'avoir pas été rempli de ses droits, le conseil de prud'hommes d'Arras a pour l'essentiel, selon jugement rendu le 31 mars 2005 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties :
- condamné la Mutualité Française Pas-de-Calais à payer à Jean-Marie X... la somme mensuelle de 241,63 ç pendant deux ans au titre de la clause de non concurrence,
- débouté Jean-Marie X... du surplus de ses demandes - spécialement quant au licenciement dit justifié pour faute grave.
Appel de ce jugement a été relevé par Jean-Marie X....
3. Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l'audience, Jean-Marie X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et reprend, sous couvert d'une présentation différente de sa thèse, l'intégralité de ses demandes aux fins de voir juger qu'il a été victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui devrait lui valoir paiement des indemnités légales et de diverses indemnisations ; il s'explique sur les faits articulés contre lui, contestés et non prouvés - les griefs énoncés à la lettre de licenciement n'étant pas pertinents ou ne justifiant pas de sanction.
Quant à la clause de non concurrence stipulée à son contrat de travail sans contrepartie financière, il réclame une appréciation plus juste de ses droits et/ou de son préjudice.
4. De son côté, par ses conclusions écrites et observations orales développées à l'audience, la Mutualité Française Pas-de-Calais sollicite la confirmation pure et simple du jugement déféré ; elle insiste sur les fautes multiples reprochées au salarié et qui justifiaient le licenciement tel qu'il a été opéré.
Quant à la clause de non concurrence, elle propose sa pratique actuelle de calcul d'une contrepartie financière.
* * *DISCUSSION :
1. En premier lieu, Jean-Marie X... conclut à la nullité du licenciement au motif que l'employeur l'a convoqué sans respecter le délai de prévenance et en indiquant qu'il était "conduit à engager ... une mesure de licenciement pour faute" ce qui démontre que sa décision était déjà prise.
L'entreprise étant pourvue de représentants du personnel, le délai de quatre jours entre la remise de la convocation et l'entretien apparaît suffisant pour permettre au salarié de réfléchir à l'entretien et d'organiser son assistance.
D'autre part, le salarié ne peut déduire de l'engagement de la procédure une décision prise puisqu'à tout moment l'employeur peut arrêter le processus ainsi engagé et qu'au surplus, il invite le salarié à l'entretien préalable pour qu'il fournisse précisément toutes explications sur les fautes reprochées et pour qu'il tente de cette façon de dissuader l'employeur de poursuivre son projet.
2. La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
La charge de la preuve repose sur l'employeur - lequel au surplus doit, pour caractériser la nécessité immédiate de rompre la relation de travail, agir avec diligence dès qu'il a connaissance de la (des) faute(s) qui va (vont) fonder sa décision de licenciement.
La lettre de licenciement que le directeur de la Mutualité Française Pas-de-Calais, Christophe Y..., a adressée le 7 octobre 2003 à Jean-Marie X... énonce cinq griefs considérés comme constitutifs d'une faute grave :
elle est rédigée de la façon suivante :
"Je vous ai demandé à trois reprises de me remettre un dossier présentant un plan d'action en réponse au rendez-vous que nous avons eu le 27 mars 2003 avec trois praticiens. Les réponses apportées ne correspondent pas à un plan d'action et démontrent votre incapacité à traiter ce genre de dossier. Malgré mon insistance, vous avez refusé de vous soumettre à mes directives : je n'ai toujours pas à ce jour obtenu de votre part ce dossier.
Lors de la réunion du 4 septembre 2003 réunissant l'ensemble du personnel, vous n'avez pas donné de directives précises aux salariés de votre filière et géré seulement à quelques jours de cette date la fermeture des sites alors que cette réunion était prévue depuis le mois de mars 2003. Vous avez à nouveau tenté de masquer ce dysfonctionnement par le biais d'une note mettant en cause la direction.
Vous avez également donné des consignes sur la récupération du temps passé en réunion et l'indemnisation des praticiens pour leur participation à cette manifestation contraires à l'application de leur contrat de travail, ce qui démontre la méconnaissance de votre activité et votre incapacité à organiser la filière dentaire.
Vous n'avez pas su gérer la mise en place de la nouvelle tarification
des prothèses dentaires au 1er septembre 2003 et avez omis d'informer votre personnel de cette date d'effet. Afin de masquer votre incompétence en matière de gestion et d'organisation de votre activité et me cacher à nouveau ce dysfonctionnement, vous avez demandé à votre secrétaire de rédiger une note antidatée.
Concernant le dossier Achats de prothèses, dossier que j'ai exigé à plusieurs reprises afin de gérer les négociations avec les fournisseurs, j'ai découvert lors du comité d'entreprise du 9 septembre 2003 que vous aviez fait des promesses d'augmentation à des prothésistes il y a un an et que ceux-ci, sans réponse de votre part, menaçaient de ne plus livrer nos cabinets dentaires. L'absence de réponse aux prothésistes et la non gestion de ce dossier, ont entraîné des dysfonctionnements dans nos cabinets dentaires auxquels le personnel doit faire face sans information de votre part. Et vous avez à nouveau tenté de masquer cette incompétence en me cachant ces faits.
Et c'est le dossier Z... qui a mis en lumière ce comportement de défiance, ces refus systématiques de vous soumettre à mes directives dans le but de masquer volontairement des dysfonctionnements. Cette stratégie mise en évidence dans le cadre de la gestion du dossier Z... tend à cacher votre incapacité à gérer votre activité.
Le dossier Z... est une illustration précise de l'ensemble de ces graves manquements qui se reproduisent dans la gestion de ces différents dossiers.
Ainsi, nous vous avons rencontré le 8 septembre 2003 pour vous informer que Madame Isabelle Z..., chirurgien dentiste pratiquant l'orthodontie à Lens, nous avait transmis via son avocat un dossier faisant état d'agissements de votre part constitutifs de harcèlement moral à son encontre.
Nous vous avons remis à cette occasion une note datant du 5 septembre
2003 vous précisant les points développés dans ce dossier et vous demandant de me remettre dans les 8 jours un rapport complet agrémenté de tous les éléments utiles au bon traitement de cette affaire.
Les 3 notes que je vous ai adressées (les 5, 12 et 16 septembre 2003) exigeant ce rapport avant mise en demeure, n'ont pas donné lieu à la remise de ce rapport. Lors de l'entretien que j'ai provoqué avec vous-même le 22 septembre 2003 et au cours duquel je vous ai rappelé mes attentes, vous vous êtes engagé à me remettre ce rapport complet, agrémenté de pièces, le lendemain matin. J'ai dû à nouveau vous relancer à deux reprises le 23 septembre 2003 sans que vous jugiez utile de tenir cet engagement. Et je ne dispose toujours pas à ce jour d'un rapport complet permettant à l'entreprise de traiter ce dossier.
Par ce comportement, vous avez tenté de masquer des éléments de ce dossier, en cachant des pièces ou des faits. Vous avez notamment tenté de gérer ce dossier à titre personnel, faisant fi de mes consignes et entravant délibérément la démarche engagée par la direction.
Ainsi vous avez une nouvelle fois sollicité Madame Virginie A... le 9 septembre 2003, après qu'elle ait répondu à vos demandes de rapports écrits les 5 et 17 juin 2003 visant à porter atteinte à l'image et l'autorité de Madame Z.... Pour justifier votre démarche, vous avez affirmé que Madame A... était venue spontanément vers vous, ce qui est faux.
Vos refus répétés de vous soumettre à mes directives, votre attitude de défiance sont indignes d'un cadre de votre niveau. Vous avez par ce comportement volontairement caché des éléments pour masquer un dysfonctionnement anormal de l'activité orthodontie.
Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Au regard de
ces agissements pour lesquels vous n'avez pas voulu donner des explications lors de notre entretien du 3 octobre 2003, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour fautes".
3. Le premier grief concerne des questions d'organisation posées spontanément par des chirurgiens dentistes à l'adresse de la direction, éventuellement par l'intermédiaire des délégués du personnel ; une réunion plus ou moins informelle a été organisée le 27 mars 2003 en présence de Christophe Y... et de Jean-Marie X....
L'employeur en déduit un déficit en communication et demande à Jean-Marie X... de le corriger en établissant un plan d'action réclamé les 22 mai et 3 juin 2003, la réponse du 27 mai 2003 ne constituant pas le document attendu.
Cela étant, il s'avère que Jean-Marie X... a préparé la réunion du 27 mars 2003 (voir e-mail du 24 mars 2003) puis géré ce dossier (voir e-mail du 27 mai 2003), même si Christophe Y... a considéré cette gestion comme insuffisante.
Le grief relève en réalité de l'insuffisance professionnelle, qui ne peut fonder un licenciement de nature disciplinaire.
Il n'est spécialement pas démontré que Jean-Marie X... aurait
méconnu des directives précises - lesquelles ne sont pas clairement indiquées.
4. Le deuxième grief concerne la préparation de la manifestation du 4 septembre 2003, dans le cadre du projet Odyssée, pour laquelle Jean-Marie X... n'a pas répercuté en temps utile les informations auprès du personnel placé sous son autorité comme cela lui avait été demandé.
Cela étant, même à considérer ce grief, qui concerne l'absence d'organisation par Jean-Marie X... auprès des professionnels de sa filière, comme établi, il ne relève encore que de l'insuffisance professionnelle et, comme le précédent, il ne peut utilement soutenir un licenciement pour faute grave.
Il n'est pas démontré que Jean-Marie X... aurait tenté de dissimuler de mauvaise foi cette situation d'impréparation.
5. Le troisième grief concerne la gestion de la nouvelle tarification des prothèses dentaires (augmentation des tarifs des prothèses et des actes au 1o septembre 2003, s'agissant de la deuxième vague d'augmentation des tarifs décidée par la Mutualité Française Pas-de-Calais après une première augmentation menée à bien en 2002).
Au soutien de ce grief, l'employeur produit plusieurs attestations
(Jamy B..., responsable des services administratifs et comptables, Sandrine C..., chargée d'études au service comptable, Joseph D..., dentiste) qui révèlent de façon circonstanciée les difficultés qui ont été rencontrées dans la préparation des budgets en raison de l'incapacité de Jean-Marie X... à fournir les éléments relatifs à la révision des tarifs dentaires (notamment, le témoignage B... est complété par celui de Sandrine C... qui précise que, dans la maquette fournie en juillet 2003 par Jean-Marie X..., il manquait des tarifs, d'autres, non vérifiés, étant incohérents).
Cela étant, il résulte de ce qui précède que si, à quelques jours de son départ en vacances, le salarié ne s'est pas impliqué dans l'élaboration des nouveaux tarifs, il s'agit d'un grief qui illustre de nouveau son insuffisance professionnelle.
Il sera ajouté que la carence de Jean-Marie X... concernant l'information des praticiens n'est pas totalement établie puisque les dits praticiens ont été informés, certes par un tiers, de la date d'entrée en vigueur des nouveaux tarifs (voir e-mail de Mélanie Courquin envoyé le 28 août 2003 aux sept sites - ou cliniques - dentaires de la Mutualité Française Pas-de-Calais).
Enfin, l'employeur reproche à son salarié de ne pas avoir informé son personnel de la date d'effet de cette nouvelle tarification puis d'avoir tenté de pallier cet oubli en demandant à sa secrétaire de rédiger une note antidatée (attestation Coralie E...) : cependant, ce témoin précise que finalement Jean-Marie X... a
renoncé à antidater sa note, laquelle a été établie à la date du 1er septembre 2003.
Le grief est ainsi insuffisamment établi.
6. Le quatrième grief concerne la gestion des achats de prothèses.
L'employeur justifie du mécontentement des laboratoires de prothèses dentaires qui se plaignent de tarif inchangé depuis 1996 et affirme qu'il a découvert le problème à l'occasion d'une question d'un représentant du personnel au comité d'entreprise du 9 septembre 2003.
À le supposer établi, ce grief relève encore de l'insuffisance professionnelle (la lettre de licenciement évoque explicitement l'incompétence de Jean-Marie X... pour traiter ce dossier).
7. Le cinquième grief est en relation avec des faits de harcèlement dénoncés par le docteur Isabelle F... épouse Z..., chirurgien dentiste salarié de la Mutualité Française Pas-de-Calais exerçant sur les sites de Béthune et de Lens puis uniquement sur le site de Lens, par l'intermédiaire d'un avocat qui a adressé à la Mutualité Française Pas-de-Calais un courrier détaillé le 26 août 2003.
Il faut préciser dès l'abord que la Mutualité Française Pas-de-Calais n'a jamais reproché à Jean-Marie X... des faits de harcèlement à l'encontre du docteur Z... ; le grief fondant le licenciement a trait à une information insuffisante que Jean-Marie X... aurait donnée à son supérieur, le mettant dans l'impossibilité de répondre utilement, pour la défense de la Mutualité Française Pas-de-Calais, à l'avocat du docteur Z... ; par son comportement, Jean-Marie X... aurait même cherché à dissimuler des éléments de ce dossier Z....
Christophe Y... a sollicité par note du 5 septembre 2003 un rapport complet de Jean-Marie X... dans la mesure où celui-ci était désigné comme responsable de ces agissements de harcèlement ; il lui reproche d'avoir tardé à lui remettre ce rapport.
Or, dès le 11 septembre 2003, Jean-Marie X... a adressé à Christophe Y... une longue note ; celle-ci n'ayant pas satisfait la direction, il a adressé une seconde note en date du 15 septembre 2003.
Ainsi il apparaît que Jean-Marie X... a répondu - ou tenté de répondre - à son directeur sur ce dossier Z....
Il faut préciser que, depuis de nombreux mois, Jean-Marie X... gérait de nombreuses difficultés en rapport avec le docteur Z... (absences, doléances de patients, voeux du docteur Z... pour une installation différente sur le seul site de Lens), le tout en lien
avec et à la connaissance de la direction de l'entreprise ; celle-ci était donc parfaitement au courant de ces difficultés récurrentes que rencontrait Jean-Marie X... en rapport avec ce praticien.
Or, quand il s'est agi d'une aggravation de ce dossier Z... puisqu'il fallait désormais répondre à une accusation de harcèlement, une demande répétée d'information a été faite à Jean-Marie X... mais, dans le même temps, celui-ci n'a pas eu communication de la lettre de l'avocat du docteur Z... (fait indiqué par Jean-Marie X... et non démenti), ce qui ne lui a pas permis à la fois d'apprécier la gravité des reproches et d'apporter des éléments de réponse pertinents, répétant inlassablement que l'intéressée développait une stratégie de rupture aux torts de l'employeur.
Cette défiance manifestée par l'employeur à l'égard de son salarié mis en cause en dépit de ce que le climat relationnel difficile avec le docteur Z... était connu de longue date n'a pas mis le salarié en mesure de répondre à ses interrogations.
Il ne peut dès lors lui en faire le reproche.
8. En résumé, l'employeur démontre un manque d'investissement de son collaborateur, des insuffisances professionnelles, des négligences, un manque d'organisation mais non une volonté de se soustraire à ses directives ou de lui dissimuler des informations.
En l'absence d'agissements fautifs, le licenciement ne pouvait être prononcé pour motif disciplinaire et/ou se fonder sur une faute grave.
En l'état des considérations ci-dessus développées, il y a lieu de faire droit à la thèse de Jean-Marie X... et de décider que le licenciement a été opéré sans cause réelle et sérieuse.
9. Les conséquences chiffrées que Jean-Marie X... propose de voir tirer de cette situation reposent sur des bases de calcul qui ne sont pas critiquées et relèvent de chiffres tirés des pièces du dossier (contrat de travail, augmentation de salaire obtenue en 2000, fiches de paie, attestation Assédic), outre application de la convention collective de la mutualité.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de l'impossibilité où il se trouve désormais de trouver un nouvel emploi, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la cour a les éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi, en application des dispositions de l'article L.122-14-4 du code du travail, au chiffre qui sera indiqué au dispositif du présent arrêt.
L'indemnisation ci-dessus fixée couvre tous les préjudices de Jean-Marie X..., y compris quant au caractère immédiat du
licenciement qu'il a subi.
En revanche, il n'est pas suffisamment établi qu'il aurait subi un préjudice particulier en raison d'informations maladroitement diffusées quant à sa rémunération.
Il y a lieu en outre d'ordonner le remboursement par la Mutualité Française Pas-de-Calais à l'Assédic des indemnités de chômage par elle éventuellement versées à Jean-Marie X..., dans la limite de six mois.
10. Le contrat de travail de Jean-Marie X... comportait une clause de non concurrence d'une durée de deux ans, sans contrepartie financière.
Une clause de non concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
En l'espèce, la clause de non concurrence qui est insérée au contrat de travail de Jean-Marie X... ne stipule aucune contrepartie financière.
Il s'agit dès lors d'une clause de non concurrence illicite qui a été imposée par la Mutualité Française Pas-de-Calais à Jean-Marie X... ... ce qui à soi seul caractérise une faute commise au préjudice du salarié.
Par ailleurs, à aucun moment la Mutualité Française Pas-de-Calais n'a libéré Jean-Marie X... des effets de cette clause, que l'intéressé a en tous points respectée puisqu'il n'a pas, dans les deux ans, occupé un emploi de concurrence (étant précisé que c'est la Mutualité Française Pas-de-Calais, en ce qu'elle est débitrice de la contrepartie financière qu'elle se refuse à régler, qui a la charge de démontrer que la clause de non concurrence aurait été méconnue par Jean-Marie X... :
or une telle preuve n'est pas même proposée).
Dans cette situation où la faute de la Mutualité Française Pas-de-Calais est caractérisée et où le préjudice consécutif subi par Jean-Marie X... est avéré, il y a lieu de verser non pas une contrepartie financière stricto sensu mais une indemnisation pour le préjudice subi dans la recherche d'emploi.
Au vu des éléments du dossier (dont la longueur de la période de chômage qu'a connue Jean-Marie X..., avec cependant indemnisation Assédic, du montant du salaire de l'intéressé du temps de la période d'emploi), la cour est en mesure de fixer l'indemnisation due à Jean-Marie X... au chiffre qui sera indiqué au dispositif du
présent arrêt (étant précisé que les sommes que la Mutualité Française Pas-de-Calais a dû déjà servir en exécution du jugement infirmé devront être défalquées de cette indemnisation).
11. Les intérêts au taux légal courent, pour les créances de nature salariale, à compter de la réception par l'employeur de la convocation en conciliation (20 février 2004) et pour les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt.
Les éléments de la cause justifient l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de Jean-Marie X..., à hauteur de 3.000,00 ç.* * *PAR CES MOTIFS :
- infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;ET, STATUANT A NOUVEAU :
- dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé le 7 octobre 2003 par la Mutualité Française Pas-de-Calais à l'égard de Jean-Marie X... ;
- condamne la Mutualité Française Pas-de-Calais à payer à Jean-Marie X... les sommes de :
+ 1.476,31 ç brut (mille quatre cent soixante seize euros et trente et un cts) à titre de rappel de salaires pour la mise à pied
+ 12.081,30 ç brut (douze mille quatre vingt un euros et trente cts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis
+ 1.208,00 ç brut (mille deux cent huit euros) à titre de congés payés sur indemnité de préavis
+ 11.860,07 ç (onze mille huit cent soixante euros et sept cts) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
+ 55.000,00 ç (cinquante cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts
+ 50.000,00 ç (cinquante mille euros) à titre d'indemnisation pour la clause de non concurrence illicite - dont à déduire les sommes que la Mutualité Française Pas-de-Calais a dû déjà servir en exécution du jugement infirmé
+ 3.000,00 ç (trois mille euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour la totalité de l'instance ;
- dit que les intérêts au taux légal courent depuis le 20 février 2004 pour les créances de nature salariale et depuis le prononcé du présent arrêt pour les créances de nature indemnitaire ; ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 du code civil ;
- ordonne le remboursement par la Mutualité Française Pas-de-Calais à l'Assédic des indemnités de chômage par elle éventuellement versées à Jean-Marie X..., dans la limite de six mois ;
- rejette toutes autres prétentions plus amples ou contraires ;
- condamne la Mutualité Française Pas-de-Calais aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel.Le Greffier,
Le Président,V. GAMEZ B. MERICQ