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11/09/2006 | FRANCE | N°05/02307

France | France, Cour d'appel de Douai, 11 septembre 2006, 05/02307


COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 1 SECTION 1 ARRÊT DU 11/09/2006 * * * No RG : 05/02307 JUGEMENT Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE du 02 Mars 2005 REF : CG/MB APPELANTE S.A.R.L. FEPSI ayant son siège social 1414 Rue du 28 Septembre 62730 MARCK représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués associés à la Cour assistée de Maître Bertrand CHARLET, avocat au barreau de LILLE INTIMÉS Monsieur Jean-Marc X... né le 19 Avril 1950 à ZUYDCOOTE (59123) Madame Chantal Y... épouse X... née le 31 Décembre 1951 à DUNKERQUE (59140) demeurant ... 5924

0 DUNKERQUE représentés par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués ...

COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 1 SECTION 1 ARRÊT DU 11/09/2006 * * * No RG : 05/02307 JUGEMENT Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE du 02 Mars 2005 REF : CG/MB APPELANTE S.A.R.L. FEPSI ayant son siège social 1414 Rue du 28 Septembre 62730 MARCK représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués associés à la Cour assistée de Maître Bertrand CHARLET, avocat au barreau de LILLE INTIMÉS Monsieur Jean-Marc X... né le 19 Avril 1950 à ZUYDCOOTE (59123) Madame Chantal Y... épouse X... née le 31 Décembre 1951 à DUNKERQUE (59140) demeurant ... 59240 DUNKERQUE représentés par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués associés à la Cour assistés de la SCP CARLIER BERTRAND KHAYAT, avocats associés au barreau de DUNKERQUE DÉBATS à l'audience publique du 15 Mai 2006, tenue par Madame GUIEU magistrat chargé d'instruire l'affaire qui après son rapport oral a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Madame ROUSSEL, Président de chambre Madame GUIEU, Conseiller Madame COURTEILLE, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame ROUSSEL, Président et Madame HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 4 AVRIL 2006

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Par jugement du 2 mars 2005 auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits, moyens et prétentions antérieurs des parties, le

Tribunal de Grande Instance de Dunkerque a, dans un litige opposant la SARL FEPSI à Monsieur et Madame Jean-Marc X... : - débouté le SARL FEPSI de sa demande en paiement, - débouté la SARL FEPSI de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamné la SARL FEPSI aux dépens.

Par déclaration du 13 avril 2005, la SARL FEPSI a relevé appel de la décision.

Vu les conclusions déposées par l'appelante le 30 janvier 2006,

Vu les conclusions déposées par Monsieur et Madame X... le 4 octobre 2005,

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 4 avril 2006.

L'analyse plus ample des moyens des parties sera effectuée à l'occasion de la réponse apportée à leurs écritures opérantes.

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* MOTIFS Rappel des données utiles du litige

Monsieur et Madame X... ont repris en 1989, l'exploitation d'un magasin d'alimentation sous l'enseigne " TIMY" à Leffrinckoucke.

La SA PIDOU a fait l'acquisition le 1er avril 1999 de ce fonds de commerce, les époux X... étant alors devenus salariés du groupe PIDOU.

La SARL FEPSI est devenue le 1er janvier 2001, propriétaire du fonds, exploité sous l'enseigne "MARCHE U". Monsieur X... a été désigné responsable de magasin et son épouse, employée commerciale.

Le 1er janvier 2004, la SARL FEPSI a décidé d'exploiter le fonds sous une nouvelle enseigne "SHOPI", maintenant Monsieur X... à la tête du magasin.

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Le 15 juillet 2001, la SARL FEPSI a été destinataire en sa qualité d'employeur des époux X..., d'un avis à tiers détenteur, concernant des impôts dûs par le couple, et se rapportant à la

période à laquelle ils exploitaient eux-mêmes le fonds de commerce, de façon indépendante.

La somme réclamée aux époux, s'élevait à 430 601 francs soit 65 644,70 euros.

La SARL a, le 3 septembre 2001, réglé l'intégralité de la somme réclamée, aux services fiscaux.

Au motif que les époux X... ne l'avaient pas remboursée alors qu'il avait été convenu entre les parties qu'il ne s'agissait que d'une avance amiable qui devait faire l'objet d'un remboursement échelonné à la mesure des primes d'intéressement reçues par les salariés, la SARL FEPSI a, par acte d'huissier du 13 septembre 2004, fait assigner ces derniers aux fins de les voir condamner, sur le fondement des articles 1371 et 1235 du code civil, à lui payer la somme de 65 644,70 euros avec intérêts à compter de la mise en demeure du 6 août 2004.

La décision attaquée a été rendue dans ces conditions.

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Au soutien de son appel, la SARL FEPSI expose : - qu'elle a avancé la somme nécessaire au règlement de la dette fiscale aux époux X... qui, en contrepartie, avaient la possibilité de ne rembourser qu'au rythme qu'ils souhaitaient, en particulier lors du versement des primes d'intéressement, - que si les époux X... reconnaissent que ce paiement ne constituait pas une libéralité, ils prétendent à tort que la contrepartie aurait consisté dans l'obligation de ne pas quitter la société nouvellement créée, - qu'en réalité, elle a bien agi avec leur accord, mais non, comme relevé à tort dans le jugement, dans son intérêt exclusif et à ses risques et périls, - que rien ne permet davantage de justifier que l'avance consentie par elle, l'ait été en contrepartie d'un quelconque apport en industrie, comme retenue à tort également par le tribunal.

La SARL FEPSI relève en outre : - qu'à la suite du désengagement de Monsieur X... dans l'exercice de ses fonctions, son licenciement a dû être envisagé selon les termes de la lettre de licenciement du 2 septembre 2004, - que cette situation a emporté déchéance de l'échelonnement convenu entre les parties, la société se trouvant dès lors privée de la possibilité, d'être remboursée à la mesure des primes d'intéressement perçues, - que cette absence de remboursement constitue un enrichissement sans cause pour les époux X..., - qu'en effet, la cause du paiement ne peut résider dans l'obligation pour les époux X... de rester à la direction du magasin, puisque leur présence était rémunérée par des salaires et primes.

Enfin, la société souligne que la cause du paiement opéré par elle, ne réside pas dans le contrat de travail puisqu'elle n'a pas limité

son règlement à la seule partie saisissable des salariés, mais qu'au contraire elle a réglé l'intégralité des sommes réclamées.

Elle ajoute avoir été dans l'impossibilité morale de se préconstituer un écrit eu égard aux relations qui la liaient aux époux X..., et relève que le seul fait de n'avoir pas agi pendant plusieurs années ne la prive pas de son action à l'égard de l'enrichi.

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Monsieur et Madame X... quant à eux, font valoir : - qu'au moment où la SARL FEPSI a reçu l'avis à tiers détenteur, ils avaient l'intention de démissionner, - que la société leur a alors proposé de régler les causes de l'avis en contrepartie de quoi, ils resteraient dans l'établissement, - qu'ils ont accepté cette offre et ont respecté leurs obligations jusqu'en 2004, - que les relations se sont ensuite détériorées après la décision prise par la société le 1er janvier 2004, de changer de franchiseur, - qu'à partir de cette date en effet, il y a eu une baisse du chiffre d'affaires ayant abouti au licenciement le 2 septembre de Monsieur X..., pour une prétendue insuffisance professionnelle, - que d'ailleurs, le 26 août 2005, le

conseil de prud'hommes de Dunkerque a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les époux X... ajoutent : - que la cause du paiement effectué par la société FEPSI est le contrat de travail qui la liait à eux, - que la société avait un intérêt personnel à effectuer ce paiement, dépourvu d'intention libérale, cet intérêt résidant dans la volonté de les dissuader de démissionner, - que la société disposait d'une action contractuelle (en raison de l'existence d'un contrat de travail), elle ne peut donc prétendre user de l'action " de in rem verso".

Les intimés précisent : - qu'aucune reconnaissance de dette n'a été établie entre les parties, - qu'aucune demande de remboursement ni même aucune allusion à cette prétendue dette n'a été faite entre le 3 septembre 2001 et le 6 août 2004, - qu'ils ont bénéficié de primes entre 2001 et 2004 et que l'on voit mal pourquoi la société aurait versé ces primes si elle avait détenu une créance à leur égard, - que de surcroît, dans le courrier qui a été adressé à Monsieur X... le 7 avril 2004 le convoquant à un entretien de licenciement le 15 avril suivant, aucune allusion n'était faite à la dette prétendue, - que l'entretien préalable s'est déroulé le 15 avril sans qu'il soit fait davantage référence à un quelconque remboursement à effectuer, - que ce n'est que le 6 août 2004 leur a été intimé l'ordre de rembourser la somme payée au service des impôts en 2001.

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Il est constant au vu des documents produits et des écritures concordantes des parties sur ce point, que la SARL FEPSI, a, le 3 septembre 2001, adressé à la Trésorerie Principale de Dunkerque, un chèque de 65 644,70 euros en règlement d'une dette fiscale des époux X...

La SARL FEPSI expose avoir par ce biais, consenti à ses salariés, et en accord avec eux, une avance de fonds qu'ils devaient lui rembourser au fur et à mesure de la perception par eux des primes d'intéressement. L'absence de remboursement constitue selon la société un enrichissement sans cause au profit des débiteurs de la dette fiscale.

Les époux X... qui reconnaissent qu'aucune intention libérale n'a motivé ce règlement, exposent cependant que celui-ci aurait été causé par l'engagement pris par eux de rester salariés de la société alors même, qu'ayant reçu une proposition d'embauche, ils envisageaient de démissionner.

*

La SARL FEPSI fonde son action sur les articles 1235 et 1371 et suivants du code civil.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1236 alinéa 2 du code civil, une obligation peut être acquittée par un tiers qui n'y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur, ou que, s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier.it pas subrogé aux droits du créancier.

Dans cette hypothèse, le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, comme c'est le cas en l'espèce, est tenu de prouver que la cause dont procède le paiement implique pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées. Pour tenter d'apporter la preuve de l'obligation pour les époux X..., de la rembourser, la SARL FEPSI n'invoque que le courrier du 6 août 2004 qu'elle leur avait adressé et dont la teneur est la suivante : " Suite à votre demande, la société FEPSI a avancé cette somme au Trésor Public depuis le 3 septembre 2001. Vos vous étiez engagé à vous investir en votre qualité de directeur de l'exploitation du magasin pour en assurer l'extension, ce qui devait vous permettre de dégager des primes d'intéressement qui devaient compléter et contribuer au remboursement de votre dette à l'encontre de la société, et ceci pour éviter les saisies-arrêts sur vos salaires que la société aurait dû opérer suite à la notification de l'avis à tiers détenteur".

Néanmoins ce seul élément ne permet pas, en l'absence de toute autre pièce probante, de caractériser que le paiement opéré par la SARL l'aurait été au titre d'un prêt et qu'ainsi la contrepartie de ce règlement consistait en une obligation de remboursement.

En effet, étant rappelé que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, il s'observe : - qu'aucun écrit constatant l'accord des parties sur l'existence d'une avance et sur les modalités précises de l'échelonnement du remboursement n'est versé aux débats, - que, de la date du paiement opéré par la SARL le 3 septembre 2001 au 6 août 2004, aucune relance n'a été adressée aux époux X... alors même

que ceux-ci justifient, par production des fiches de paie de Monsieur X... que celui-ci a reçu à plusieurs reprises de 2001 à 2003, des primes dites "exceptionnelles" ou de "résultat".

La SARL FEPSI ne peut dans ces conditions valablement se retrancher derrière l'impossibilité morale de se préconstituer un écrit alors même que la nature des relations entre les parties, n'était pas susceptible d'exclure la réalisation d'un écrit et qu'au contraire, le montant de la somme payée ne pouvait qu'inciter la société à en établir un.

Il sera ajouté que la SARL FEPSI ne produit aucun élément, ni ne fait valoir aucun argument tendant à démentir les explications des époux X... développées dans leur courrier en réponse du 17 août 2004 et reprises dans leurs écritures, selon lesquelles la société aurait "payé cette somme en (me) demandant comme seule contrepartie de ne pas quitter la SARL FEPSI que vous venez de créer. En effet, à cette époque, j'avais reçu une proposition d'embauche d'une autre entreprise qui me semblait intéressante. Vous m'avez expliqué que notre connaissance du métier et de ce magasin en particulier vous était indispensable et que vous souhaitiez que nous restions au moins quelques années".

Force est de constater que les époux X... sont d'ailleurs demeurés salariés jusqu'à l'intervention du licenciement de Monsieur X..., à la mi 2004

[*

Il doit être enfin souligné que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte, celle-ci ne pouvant notamment pas être introduite pour suppléer à une autre action qui se heurte à un obstacle de droit.

En l'espèce, compte tenu des observations précédentes et de la carence de la SARL FEPSI dans l'administration de la preuve "d'une avance" ou d'un prêt, il convient de retenir que compte tenu du caractère subsidiaire de l'action "de in rem verso", la société est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1371 du code civil.

Il y a lieu, au bénéfice de l'ensemble de ces développements, de confirmer le jugement ayant débouté la SARL FEPSI de sa demande en paiement de la somme de 65 644,70 euros.

*]

L'équité commande d'indemniser les époux X... des frais irrépétibles exposés par eux et non compris dans les dépens. Une somme de 600 euros leur sera allouée en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, y ajoutant,

Condamne la SARL FEPSI au paiement de la somme de 600 euros au profit des époux X..., sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,

N. HERMANT

B. ROUSSEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 05/02307
Date de la décision : 11/09/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-09-11;05.02307 ?
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