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29/06/2006 | FRANCE | N°04/00112

France | France, Cour d'appel de Douai, 29 juin 2006, 04/00112


COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 2 SECTION 2ARRÊT DU 29/06/2006** *No RG : 04/00112Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOINGdu 20 Novembre 2003REF : TF/CP APPELANTES S.A. J NORD prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social ZA des Blatiers - Rue des Jardins - BP 859551 ATTICHES Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Marie-Anne BADE, avocat au barreau de LILLESociété SOMEVE société de droit belge, prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 54 Rue de Menin 7730 ESTAIMPLUIS (Belgique)Représen

tée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée d...

COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 2 SECTION 2ARRÊT DU 29/06/2006** *No RG : 04/00112Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOINGdu 20 Novembre 2003REF : TF/CP APPELANTES S.A. J NORD prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social ZA des Blatiers - Rue des Jardins - BP 859551 ATTICHES Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Marie-Anne BADE, avocat au barreau de LILLESociété SOMEVE société de droit belge, prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 54 Rue de Menin 7730 ESTAIMPLUIS (Belgique)Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Marie-Anne BADE, avocat au barreau de LILLEI NTIMÉE S.A.R.L. HYGI'NE ENVIRONNEMENT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 13 rue de la Distillerie 59650 VILLENEUVE D'ASCQ Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoué à la CourAyant pour Conseil le Cabinet DUPOND MORETTI SQUILLACCI du Barreau de LILLEDÉBATS à l'audience publique du 1er Juin 2006, tenue par T. FOSSIER, magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉM. FOSSIER, Président de chambreM. ROSSI, ConseillerM. ZANATTA, ConseillerARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Mme NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 8 décembre 2005

*****

Les sociétés J. NORD et SOMEVE, celle-ci relevant du droit belge, ont pour activité la maintenance des gaines d'extraction, notamment pour les cuisines collectives. En septembre 2002, une société concurrente, HYGIÈNE ENVIRONNEMENT, a été fondée par Messieurs X... et Y.... Le premier nommé était démissionnaire de la société J. NORD au 30 septembre 2002, le second a été licencié le 31 juillet 2002. En 1996, J. NORD avait recruté Monsieur X... sous contrat de qualification puis, à partir de septembre 1998, comme attaché technico-commercial. En 1999, J. NORD avait passé des accords avec la société EUROPE FILTRATION, dirigée par M. Y..., pour que cette dernière puisse vendre des filtres aux clients habituels de J. NORD ; finalement, M. Y... avait été recruté par J. NORD à partir de janvier 2002.

Les sociétés J. NORD et SOMEVE ont saisi le tribunal de commerce le 3 juin 2003, en estimant avoir été victime de concurrence déloyale.

Par jugement contradictoire en date du 20 novembre 2003, dont appel, le tribunal de commerce de ROUBAIX TOURCOING a débouté les sociétés J. NORD et SOMEVE de leurs demandes et les a condamnées à indemniser HYGIÈNE ET ENVIRONNEMENT pour procédure abusive (4.500 euros). En revanche, cette dernière société, si elle s'est vu reconnaître le principe d'un préjudice, n'a pas obtenu réparation, faute d'avoir distingué clairement les causes et les victimes de ce préjudice.

La SA J. NORD et la société de droit belge SOMEVE ont interjeté appel principal et général de la décision intervenue.

A l'attention du second degré de juridiction, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du nouveau code de procédure civile, dont les dernières en date sont du 1er février 2006, et dans lesquelles il est demandé à la Cour de constater les faits de concurrence déloyale ; de condamner HYGIÈNE ENVIRONNEMENT à payer de ce chef à J. NORD un million (1.000.000)

d'euros de dommages et intérêts et à SOMEVE sept cent mille (700.000) euros de même ; outre 15.000 euros pour frais irrépétibles de procédure.

Sur les faits de concurrence déloyale, les appelantes reprennent leur argumentation de première instance, résumée précédemment. Sur le montant de leur préjudice, elles évaluent la perte de chiffres d'affaires :

- sur la foi d'une attestation de l'expert-comptable, KPMG : 745.589 euros pour 2003 s'agissant de la société J. NORD ;

- 68.101,44 euros HT pour les cinq premiers mois de 2003 s'agissant de SOMEVE, selon constat d'huissier de justice et selon le bilan.

Les appelantes y ajoutent le préjudice récurrent, tenant à ce que les deux sociétés auront besoin de plusieurs années pour retrouver leur rythme de croissance de 2002.

La partie intimée, la SARL HYGIÈNE ENVIRONNEMENT, a conclu le 14 septembre 2005 à la confirmation du jugement critiqué, tant en ce qu'il a rejeté les demandes de J. NORD et de SOMEVE qu'en ce qu'il a consacré le principe du préjudice D'HYGIÈNE ENVIRONNEMENT. Mais l'intimée, par voie d'appel incident, demande 500.000 euros de réparation, outre 15.000 euros pour ses frais de procédure.

L'intimée estime que J. NORD est elle-même née en 1994 pour concurrencer une société tiers dénommée TECHNIVAP ; rappelle que M. Y... a été salarié de J. NORD pendant 7 mois en tout et pour tout et est parti transactionnellement ; que M. Y... n'est pas entré immédiatement selon un plan prémédité chez H-E ; que M. X..., quant à lui, se voyait refuser toute progression au sein de J. NORD et a ainsi résolu d'en partir ; que les autres départs s'expliquent de même, et n'ont rien de fautifs ; que les prétendus pillages ne sont absolument pas démontrés en fait ; que les détournements de

clientèle sont non moins imaginaires, les "preuves" avancées ne résistant pas à l'examen. Réciproquement, J. NORD a mené une campagne de destruction et d'intimidation d'H-E, y compris par des voies pénales, qui appellent une réparation.

Selon ce qu'autorise l'article 455 du nouveau code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

SUR QUOI LA COUR, - Au principal1o - Sur les faits de concurrence déloyale

Attendu que les sociétés J.NORD et SOMEVE démontrent, dans une rare concordance d'éléments de faits en pareille matière, la concurrence déloyale ; que si certains de ces faits ne suffiraient pas isolément à prouver la mauvaise foi des dirigeants de HYGIÈNE ENV., leur conjonction démontre que le projet des fondateurs de cette nouvelle société était bien de nuire à leur entreprise d'origine dans des conditions qui excédaient les lois du commerce ;

Qu'en effet et en premier lieu, les deux sociétés ont exactement le même objet social ;

Qu'en deuxième lieu, les deux seuls cadres commerciaux de J.NORD ont quitté cette société en février 2003 pour rejoindre HYGIÈNE ENVIRONNEMENT et ses deux fondateurs, eux-mêmes partis quelques mois à peine auparavant ;

Qu'en troisième lieu, sur seize salariés d'HYGIÈNE ENV., dix sont d'anciens de J.NORD, sans préjudice de tentatives de débauchage qui n'ont pas abouti ou que J.NORD n'a pas été en mesure de prouver formellement ; que vainement sur ce point, HYGIÈNE ENV. invoque la mauvaise ambiance sociale de J.NORD (pièce no 22), dont la réalité ne repose que sur les dires d'un seul salarié, si l'on excepte naturellement les subordonnés actuels de l'intimée ;

Qu'en quatrième lieu, HYGIÈNE ENV. a utilisé sans hésitations les

données techniques de J.NORD et SOMEVE pour établir ses propositions commerciales ; qu'à ce sujet, un constat d'huissier de justice décrit le contenu du disque dur de l'ordinateur de Monsieur X... et permet de se convaincre du grief avancé ; que le plus probable est que l'intéressé a racheté l'ordinateur pour un euro à J.NORD lors de sa démission, et a exploité ce qui pouvait y être enregistré ; que cette attitude, de même que la prétention actuelle et parfaitement illicite de l'intéressé à une sorte de propriété sur ces données, traduit à suffire son mépris des prérogatives de son ancien employeur et sa volonté de développer une activité aux dépens purs et simples de ce dernier ;

Qu'en cinquième lieu, il est patent, et d'ailleurs non formellement contesté, que M. X... a pu ensuite se procurer des données supplémentaires, dans des conditions qu'il n'éclaircit pas ;

Qu'en sixième lieu, HYGIÈNE ENV. a accaparé des données non plus techniques mais commerciales de J.NORD et SOMEVE ; que l'intimée a exploité le fichier des clients de son ancien employeur ; que de très nombreux et concordants témoignages de clients en attestent, dans des proportions inaccoutumées en pareille matière ; que la défense de l'intimée consistant à prétendre que ces données sont accessibles par Internet est inopérante, l'accès inopiné à des données de ce genre n'autorisant certes pas leur utilisation à des fins concurrentielles, même dans une conception très libre du développement commercial ; qu'au total, selon un autre constat d'huissier de justice, jusqu'à 98.8 p.100 du chiffre d'HYGIÈNE ENV. provient de la clientèle ou ex-clientèle de J.NORD et SOMEVE ; qu'ainsi, il est vain, pour ne pas dire inadmissible, de la part de l'intimée, d'invoquer ses liens familiaux ou amicaux avec les clients pour expliquer qu'ils se sont éloignés de J.NORD ;

Attendu que la Cour ne peut donc pas suivre les premiers juges dans

leur raisonnement exonératoire pour HYGIÈNE ENVIRONNEMENT ; 2o - Sur le préjudice

Attendu que le rôle précis de SOMEVE, donc son éventuel préjudice, ne font l'objet d'aucun explication de la part des appelantes ; que cette société sera déboutée de ses demandes ;

Attendu, s'agissant de J.NORD, qu'HYGIÈNE ENVIRONNEMENT a réalisé plus de 500.000 euros de chiffre d'affaires entre novembre 2002 et mai 2003 dans un marché pourtant particulièrement saturé, couvert par près de 500 entreprises dans la seule région Nord-Pas-de-Calais ;

Attendu que réciproquement, la société J.NORD démontre qu'elle a subi une érosion de son propre chiffre, selon attestation de l'expert-comptable KPMG ; que cette perte est évaluée entre 17 et 22 p.100 d'une année (2003) sur la précédente ;

Que l'explication avancée par l'intimée relativement à la situation géo-politique mondiale, à la supposer sérieuse en matière de nettoyage et maintenance de gaines et cuisines, n'est pas suffisante pour écarter tout lien de causalité entre la déloyauté d'HYGIÈNE ENV. et les pertes subies ;

Que cependant, il est démontré par HYGIÈNE ENV. qu'elle a d'emblée dépassé J.NORD en volume global d'affaires, au point que la somme de son activité et de celle de J.NORD a dès 2004 largement excédé ce que J.NORD faisait en des temps plus anciens et meilleurs ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations, il n'apparaît pas possible d'imputer à HYGIÈNE ENV. plus de la moitié de la perte d'une année de chiffre d'affaires de J.NORD, soit 300.000 euros ; - Accessoires

Attendu que HYGIÈNE ENVIRONNEMENT supportera les dépens de première instance et d'appel ;

Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 NCPC la somme de 3.000 euros ;PAR CES

MOTIFSLa Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Rabat l'ordonnance du 5 avril 2006 et dit que la clôture sera faite au jour de l'audience ;Confirme le jugement rendu à Roubaix-et-Tourcoing le 20.11.2003 en ce qu'il a débouté la société de droit belge SOMEVE de ses demandes ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,Condamne la SARL HYGIÈNE ENVIRONNEMENT à payer à la SA J.NORD la somme de 300.000 (trois cent mille) euros pour concurrence déloyale, avec intérêts de droit ;Condamne la même à payer en outre à la SA J.NORD la somme de 3.000 (trois mille) euros pour frais irrépétibles de procédure, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel ; Accorde aux avoués constitués, le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

C. Nolin

T. Fossier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 04/00112
Date de la décision : 29/06/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-06-29;04.00112 ?
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