COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 31/05/2006
** *
No RG : 04/01741
Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNESdu 15 Janvier 2004
REF : JLF/CB
APPELANT
Monsieur Joël X...demeurant ...59154 CRESPIN
représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Courassisté de Maître COURTIN, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉS
Monsieur Pierre Z...né le 20 Octobre 1942 à ONNAING (59264)
Madame Nicole A... épouse Z...née le 21 Octobre 1944 à QUIEVRECHAIN (59920)demeurant ensemble ...59920 QUIEVRECHAIN
représentés par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Courassistés de Maître THEVENOT, avocat au barreau de VALENCIENNES
S.A.R.L. BARY MATERIAUX prise en la personne de ses dirigeants légaux domiciliés ès qualité audit siègeayant son siège social Les Bruilles NordRoute d'Onnaing59278 ESCAUTPONT
représentée par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués à la Courassistée de Maître Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES
PARTIES INTERVENANTES
S.A. GAGNERAUD prise en la personne de ses dirigeants légaux domiciliés ès qualité audit siègeayant son siège social 7-9 rue A. Marquet75016 PARIS
S.A. AGF IART , pris en sa qualité d'assureur de la Société GAGNERAUD, en ses représentants légauxayant son siège social 87 rue de Richelieu75002 PARIS
représentées par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Courayant pour conseil le cabinet HASCOET TRILLAT, avocats au barreau de PARIS
SA AGF IART, en ses représentants légaux, en qualité d'assureur de la SARL BARY MATERIAUXayant son siège social 87 rue de Richelieu75002 PARIS
représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Courassisté de Maître Jacques DUTAT, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 08 Mars 2006, tenue par Monsieur FROMENT magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui après son rapport oral a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉMonsieur FROMENT, Président de chambreMadame DEGOUYS, ConseillerMadame BONNEMAISON, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FROMENT, Président et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 février 2006
*****
Les époux Z... (les maîtres d'ouvrage) ont confié des travaux de constuction d'un bâtiment à usage d'habitation, 364 rue u Quesnoy à Quievrechain, à l'entrepreneur X..., en 1994. L'achèvement des travaux est intervenu le 20 mai 1994.
Se plaignant de désordres, caractérisés par des fissurations et des désolidarisations avec le gros oeuvre, les maîtres d'ouvrage ont obtenu en référé une expertise, confiée à l'expert E..., au contradictoire de l'entrepreneur. Cette mesure a été étendue à la société Barry Matériaux (le fournisseur Barry) , à la société AGF, recherchée comme son assureur, à la société Gagneraud, qui a elle-même fourni la société Barry précitée (le fournisseur Gagnereau), et à la société AGF également recherchée en tant qu'assureur de la société Gagneraud.
L'expert a clôturé son rapport le 19 février 2003.
Les maîtres d'ouvrage ont donné assignation, à jour fixe, le 7 mai 2003, à l'entrepreneur, en demandant que celui-ci soit jugé responsable des désordres et condamné à des provisions sur dommages intérêts. L'entrepreneur a appelé en garantie son fournisseur Barry le 18 juin 2003. Celui-ci a appelé en garantie son fournisseur Gagnereau et la compagnie AGF en tant qu'elle serait l'assureur de ces deux fournisseurs.
Par jugement du 15 janvier 2004, le tribunal de grande instance de Valenciennes, saisi de ce litige:
- a jugé l'entrepreneur responsable des désordres affectant le bâtiment litigieux,
- l'a condamné à payer aux maîtres d'ouvrage une provision, au titre des travaux de structure, et une provision au titre des préjudices annexes, outre 1200 euros pour frais non taxables,
- a débouté l'entrepreneur de son appel en garantie contre son fournisseur Barry,
- a dit, en conséquence, sans objet les appels en garantie de ce fournisseur dirigés contre le fournisseur Gagnereaud et la compagnie AGF, en tant qu'assureur des deux fournisseurs.
Appel de ce jugement a été interjeté par l'entrepreneur contre les maîtres d'ouvrage et le fournisseur Barry.
Le fournisseur Barry a fait appel provoqué contre le fournisseur Gagneraud et la société AGF, recherchée en tant qu'assureur des deux fournisseurs.
Se plaignant d'une aggravation de désordres les maîtres d'ouvrage ont demandé une nouvelle mesure d'instruction, qui a été rejetée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 février 2005.
Par ordonnance du 4 janvier 2006 l'exécution provisoire des provisions allouées par le jugement déféré a été ordonnée.
Les dernières conclusions d'appel des parties sont :
- celles des maîtres d'ouvrage du 17 octobre 2005, qui demandent confirmation de la condamnation à provision,
- celles de l'entrepreneur du 6 décembre 2004, qui demande qu'il soit "statué ce que de droit" à l'égard des maîtres d'ouvrage et critique le jugement déféré en ce qu'il a rejeté son appel en garantie dirigé contre son fournisseur Barry,
- celles de ce fournisseur, du 8 septembre 2004, qui demande la confirmation et, subsidiairement, la garantie de son assureur AGF, de la société Gagneraud et de son assureur, qui est également la compagnie AGF,
- celles de la société Gangeraud et de la compagnie AGF, en tant que son assureur, du 26 avril 2005,
- celles de la compagnie AGF, en tant que recherchée comme assureur du fournisseur Barry, du 13 juin 2005.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 février 2006.
Sur quoi,
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise, non discuté sur ces points:
- que l'entrepreneur X... a réalisé les travaux de construction qui lui ont été confiés par les maîtres d'ouvrage sur la base d'un devis descriptif accepté d'un montant de 302.000f ,
- qu'il n'était aucunement assuré,
- que les travaux ont été achevés le 20 mai 1994 et soldés en totalité à cet achèvement,
- que les premiers désordres sont apparus en 1999 et ont entraîné quelques reprises par l'entrepreneur,
- qu'ils se sont ensuite poursuivis et aggravés,
- que ces désordres consistent en une désolidarisation de la maçonnerie, avec fissuration importante des diverses pièces de l'habitation, et aggravation de cette fissuration au fil du temps, le caractère évolutif des désordres n'étant pas stabilisé à la date du 6 septembre 2002, 18 mois après les premières constatations,
- que la cause des désordres, qui met en cause non seulement l'habitabilité du bâtiment mais également sa stabilité, siège dans un gonflement du remblais industriel très expansif disposé sous le dallage, provoquant une poussée verticale en sous-face du dallage en béton,
- que les travaux pour remédier aux désordres consistent, suivant les préconisations en page 32 à 39 du rapport de l'expert, en démolition des cloisons, avec récupération des menuiseries, du sanitaire, des appareillages électriques, démolition de la dalle, enlèvement des remblais, reconstruction et remise en état du second oeuvre,
- que le prix de ces réfections a été estimé, par l'expert, tous frais compris, à la somme de 137.267,14 euros TTC, sur la base d'un devis Quillery,
- que les frais engagés par les maîtres d'ouvrage pour le compte de qui il appartiendrait, au cours de l'expertise, se sont élevés, suivant les pièces contrôlées par l'expert, à 6803,32 euros,
- que les frais de déménagement/emménagement et garde meuble pendant les travaux ont été estimés par l'expert à 6077,04 euros, sur devis Bils Deroo,
- que les frais d'hébergement pendant les travaux ont été estimés par l'expert à 9118,80 euros, pour 120 jours ;
Attendu que les premiers juges ont retenu que l'entrepreneur était responsable des désordres envers les maîtres d'ouvrage, sur le fondement de l'article 1792 du Code civil et que l'entrepreneur, bien qu'il ait appelé contre ces derniers, ne forme aucune critique sur ce point à l'encontre du jugement déféré ;
Attendu que les premiers juges ont accordé des dommages intérêts, fixés "à titre provisionnel" à 137.267,14 euros TTC, pour les travaux à entreprendre pour remédier aux désordres constatés par l'expert, et à 21.299,66 euros, en ce qui concerne des frais de déménagement et garde-meuble pendant les travaux (6077,04 euros), des frais d'hébergement (9118,80 euros) pendant ces travaux et des dépenses exposées "provisoirement" d'un montant de 6803,82 euros ; qu'il ont retenu que les maîtres d'ouvrage "ont entendu libeller leur demande de condamnation à des dommages intérêts simplement à titre provisionnel, afin d'éviter une décision les enfermant dans le principe de l'autorité de chose jugée pour ce qui concerne le quantum de la réparation, sans que cette formulation suscite d'observation particulière de la part de l'entrepreneur" ; que l'entrepreneur ne formule pas davantage d'observation particulière en appel sur ce point ;
Attendu que l'entrepreneur ne critiquant sur aucun point le jugement déféré, en ce qu'il porte condamnation à titre provisionnel à son égard envers les maîtres d'ouvrage, sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, le jugement déféré sera confirmé du chef de ces condamnations, en l'absence de tout moyen d'ordre public devant être soulevé d'office ;
Attendu que l'entrepreneur critique le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de son appel en garantie contre son fournisseur Barry ;
Attendu que l'expert a relevé dans son rapport que la fourniture de remblais industriels du fournisseur Gagneraud apparaît sur la facture adressée par ce fournisseur au fournisseur Barry, que l'utilisation des matériaux n'était vraisemblablement pas connu du fournisseur Barry, que les remblais ont été réceptionnés par l'entrepreneur, que ce type de matériaux ne pouvait être utilisé en remblais sous dallage béton mais pouvait être utilisé pour la réalisation de l'accés provisoire au chantier ;
Attendu que l'entrepreneur X... ne verse pas le bon de commande des remblais qu'il a mis en place ; qu'il n'est pas établi par les productions, faute de tout contrat sur ce point, que l'entrepreneur a associé, de quelque façon que ce soit, le fournisseur Barry, qui lui a fourni notamment ces remblais, à la construction à laquelle il s'est obligé envers les maîtres d'ouvrage et pour laquelle il y a lieu de relever qu'il n'avait pas cru devoir souscrire une assurance le couvrant de sa reponsabilité sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, pourtant obligatoire ; que la simple circonstance que ce fournisseur ait fourni le panneau servant à l'affichage du permis de construire, avec sa dénomination, est, sur ce point, totalement inopérante, ce panneau ayant pu notamment est remis à titre publicitaire ; qu'en réalité le fournisseur Barry n'a été lié à l'entrepreneur que pour l'acquisition par celui-ci de tout ou partie des matériaux de construction, notamment les remblais litigieux ; qu'il n'est pas établi que le fournisseur devait fabriquer lui-même ces remblais, en raison d'une commande spécifique ; que rien n'étaye que le fournisseur Barry a eu connaissance de l'usage qu'entendait faire de ces remblais l'entrepreneur, professionnel chargé de la construction, ni davantage qu'il a été spécialement questionné, par l'entrepreneur, sur un type de remblais à mettre sous le dallage ; qu'enfin il ne résulte pas davantage avec une suffisante certitude des productions que, lors de la livraison du remblai litigieux, le fournisseur a pu se convaincre de l'usage qui en était fait et ait ainsi commis une faute ayant concouru aux dommages, en ne le déconseillant pas, étant observé les quatre attestations, visées par l'entrepreneur à l'appui de ses dernières conclusions d'appel, ne font pas cette preuve :
- celle de Pierre Z... pour celui-ci être un des maître d'ouvrage et dés lors être intéressé à la garantie recherchée par l'entrepreneur,
- celle de David F... pour celui-ci être à la date de cette attestation un employé de l'entrepreneur et en lien de subordination avec ce dernier,
- celles de Marc G..., dont la profession n'est pas indiquée, et de Pascal H..., maçon, pour ces attestations n'être aucunement renseignées quant aux circonstances à l'occasion desquelles ces attestants ont pu se convaincre de ce qu'ils relatent ;
Attendu que le remblai litigieux n'étant pas affecté d'un vice caché mais étant inapproprié à l'usage qui en a été fait, comme il se déduit du rapport de l'expert, il suit de ces éléments qu'à bon droit les premiers juges ont débouté l'entrepreneur de sa demande de garantie dirigée contre le fournisseur Barry, le jugement étant confirmé de ce chef ;
Attendu que, dans le cadre des appels provoqués, la compagnie AGF a constitué deux avoués pour la représenter en justice, l'un, suivant constitution déposée le 8 novembre 2004, avec le fournisseur Gagneraud, l'autre en tant qu'elle est recherchée par le fournisseur Barry pour couvrir celui-ci, au cas où sa responsabilité serait engagée, suivant constitution déposée le 7 décembre 2004 ; que, toutefois, cette irrégularité de procédure, qui n'a pas été relevée par les parties, est sans incidence sur le fond de l'affaire, dés lors que le fournisseur Barry, qui a formé les appels provoqués contre la compagnie AGF et contre la société Gagneraud, n'est pas tenu à garantir l'entrepreneur ;
Attendu que l'équité commande d'accorder, à la charge de l'entrepreneur, aux maîtres d'ouvrage la somme de 500 euros, pour les frais non taxables qu'ils ont exposés en appel, et au fournisseur Barry et au fournisseur Gagnereau une indemnité de 1200 euros à chacun pour les frais non taxables qu'ils ont exposés dans le procès ; qu'il n'y a pas lieu, en équité, à d'autres indemnités pour frais non taxables ; que les dépens en frais d'expertise de référé, les dépens de 1ère instance et ceux d'appel incombent à l'entrepreneur qui succombe et qui est à l'origine de l'entier procès ;
Par ces motifs,
La cour,
Statuant contradictoirement,
Reçoit l'appel principal et les appels provoqués,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Joel X... à payer aux époux Z... la somme de 500 euros pour les frais non taxables qu'ils ont exposés en appel,
Le condamne à payer à la société Barry Matériaux et à la société Gagneraud la somme de 1200 euros à chacune, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour les frais non taxables exposés dans l'entier procès,
Dit n'y avoir lieu, en équité, à d'autres indemnités pour frais non taxables,
Condamne Joël X... aux dépens d'appel, avec, pour les avoués adverses, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.