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23/05/2006 | FRANCE | N°06/01206

France | France, Cour d'appel de Douai, 23 mai 2006, 06/01206


COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 2 SECTION 2ARRÊT DU 23/05/2006*[* *]No RG : 06/01206Tribunal de Commerce de CAMBRAIdu 21 Février 2005REF :

TF/CPJour fixe APPELANTE S.A. VERRERIES DE MASNIERES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social Route nationale 59241 MASNIERES Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Maître PAETZOLO, Avocat au barreau de PARIS INTIMÉE S.A. CERVE prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur X... Alberto ayant son siège social ... 59400 CAMBRAI Représentée par la SCP LEVASSEUR-CAS

TILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour Assistée de Maître ZEINEH Roger, A...

COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 2 SECTION 2ARRÊT DU 23/05/2006*[* *]No RG : 06/01206Tribunal de Commerce de CAMBRAIdu 21 Février 2005REF :

TF/CPJour fixe APPELANTE S.A. VERRERIES DE MASNIERES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social Route nationale 59241 MASNIERES Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Maître PAETZOLO, Avocat au barreau de PARIS INTIMÉE S.A. CERVE prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur X... Alberto ayant son siège social ... 59400 CAMBRAI Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour Assistée de Maître ZEINEH Roger, Avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉM. FOSSIER, Président de chambreM. ZANATTA, ConseillerM. REBOUL, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOLINDÉBATS à l'audience publique du 13 Avril 2006, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président, et Mme NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société anonyme VERRERIES DE MANIERES, ci-après "les Verreries", a été une filiale du groupe BSN-Danone et l'est maintenant du groupe Y...-Z.... Cette entreprise fabrique du verre nu. La société anonyme CERVE est une filiale de la société italienne CERVE, laquelle appartient à Giovanni Z..., frère du précédent. Cette entreprise décore le verre, notamment pour "valoriser", selon l'expression utilisée par les parties, des flacons de parfums.

Les deux entreprises, installées à Cambrai ou environ, ont passé un accord de coopération le 1.10.1996, à l'image de leurs sociétés-mères

en Italie. Il y est prévu que les Verreries confieront à CERVE S.A. l'exclusivité de la "valorisation" (décoration) de sa production, à l'exception de sa branche dite "Tendance". Les Verreries paient une redevance à CERVE S.A. mais touchent en retour une ristourne sur les ventes de flacons, fixée à 5 % dans un premier temps puis portée au double.

Cet accord a fonctionné pendant une quarantaine de mois puis les parties ont cessé de s'entendre, les Verreries invoquant des difficultés économiques avec lesÀ pays de l'Est européen, clients traditionnels, et CERVE S.A. soupçonnant les Verreries de violer l'exclusivité susdécrite. Un référé puis une instance au fond ont opposé les parties, puis la Cour de cassation les a invités à respecter la clause compromissoire que contenait leur convention. Un arbitrage a eu lieu, qui a permis de décrire le mécanisme de l'exclusivité, et de détailler celui de l'indemnisation, en l'occurrence cantonnée, sauf manquement délibéré des Verreries, au remboursement des salaires payés aux salariés que CERVE S.A. aurait inutilement immobilisés au service des Verreries.

Les parties se sont alors à nouveau opposées après cet arbitrage. Par jugement du 21 février 2006, le Tribunal de commerce de Cambrai a estimé : - que la convention des parties avait été rompue par la faute des Verreries, lesquelles ont procédé à des appels d'offre auprès de tiers, au mépris manifeste de la clause d'exclusivité, sans aucune autorisation judiciaire préalable de s'affranchir du contrat signé, et sans justifier, sinon par des motifs trop généraux, de difficultés réelles ; - que le préjudice s'établit à 1.925.513,40 euros, par reconstitution sur les trois années 19992001 du résultat manqué pour CERVE S.A., additionné aux pertes effectives de cette société; qu'il faut y ajouter 20.000 euros pour frais irrépétibles ; - que les Verreries ne peuvent prétendre à rien, ni pour atteinte à

leur image ni pour perte de clientèle, comme elles le prétendaient.

Le Tribunal de Cambrai a ordonné l'exécution provisoire de sa décision, que la déléguée du Premier président a dû arrêter par ordonnance du 13.3.2006.

Par acte de son avoué en date du 27.2.2006, la S.A VERRERIES DE MASNIERES a interjeté appel principal et général de la décision intervenue.A l'attention du second degré de juridiction, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du N.C.proc.civ., dont les dernières en date sont du 10.4.2006 et dans lesquelles il est demandé à la Cour de prononcer la résiliation des accords aux torts exclusifs de la SA CERVE et de condamner celle-ci à payer à l'appelante 3.265.810,30 euros de dommages et intérêts pour préjudice commercial et moral ; subsidiairement, de refuser à CERVE S.A. une quelconque indemnisation ; en tout cas, chiffrer à 20.000 euros les frais irrépétibles de procédure de l'appelante.

La partie intimée, la S.A. CERVE, a conclu le 13.4.2006 à ce que son indemnisation soit portée à 6.638.292,60 euros ; subsidiairement, à ce que l'indemnisation soit cantonnée à 1.925.513,40 euros ; en toute hypothèse, accorder à l'intimée 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC.

Selon ce qu'autorise l'article 455 NCPC, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.SUR QUOI LA COUR, - Au principal

Attendu qu'il résulte de la convention du 1o octobre 1996, que les parties n'ont pas entendu soumettre la responsabilité contractuelle de l'une ou de l'autre à l'application du droit commun de l'article 1147 du Code civil ;

Qu'au contraire, l'article 1o de cette convention stipule : "Si, pour

quelque motif (que ce soit), la SA Verreries-de-Masnières (est amenée à) ne pas respecter (le contrat), et à réduire ou annuler la production de valorisation donnée à CERVE S.A., les Verreries-de-Masnières s'engagent à payer à CERVE S.A., à titre d'indemnités, un montant équivalent aux salaires des salariés occupés au sein des ateliers CERVE S.A., dans un nombre correspondant à la quantité de travail qui viendrait à diminuer du côté des Verreries-de-Masnières. Cette indemnité sera payée pour le temps nécessaire à CERVE S.A. pour réaliser des nouveaux marchés, et cela pour une durée maximale de deux ans. Etc." ;

Que ce dispositif, qui fait la loi des parties et maintenant celle de la Cour, est dénué de toute référence à une faute, comme le démontre l'usage de l'expression capitale "pour quelque motif que ce soit" ;

Que de même, l'"indemnisation" prévue n'est pas celle du préjudice commercial de CERVE S.A., mais un forfait se référant à la dépense sociale (salaires et charges) inutilement exposée par CERVE S.A. pendant le temps de son adaptation à la nouvelle attitude des Verreries-de-Masnières ;

Attendu que les arbitres, usant légitimement de leur compétence d'interpréter cette clause, telle que la leur conféraient l'article 5 de la convention des parties et l'arrêt Civ.2o, 27 juin 2002 (Bull.146) ont énoncé : "le mode d'indemnisation (défini à l'article 1o) ne s'applique pas dans le cas où la réduction ou l'annulation de la production de valorisation donnée à CERVE S.A. résulte d'un manquement délibéré de Verreries-de-Masnières à ses obligations contractuelles" ;

Attendu dès lors que, pour échapper au forfait prévu par l'article 1o de leur convention, û la SA des Verreries pour payer moins, ou rien, et CERVE S.A. pour obtenir davantage, ou beaucoup plus encore û , les parties doivent s'expliquer, la première sur un respect scrupuleux de

l'exclusivité, la seconde sur l'existence d'un manquement délibéré ; Que cette notion, qui n'est pas incluse à la convention du 1o octobre 1996, ne relève donc pas de la compétence interprétative exclusive des arbitres et peut être au contraire explicitée par la Cour elle-même ;

Attendu que le "manquement délibéré" ne se résume pas à la faute contractuelle, au rebours peut-être de ce qu'ont pu avancer les arbitres ; qu'en effet, les parties n'ont pas pu, sans contradiction, vouloir à la fois se soustraire aux mécanismes de la responsabilité pour faute, et dans le même temps les réintroduire par une conception très lâche du manquement délibéré ;

Qu'inversement, et cette fois en conformité avec ce qu'ont énoncé les arbitres, la notion de "manquement délibéré" doit avoir un contenu ou une réalité suffisants pour que la clause litigieuse ne soit pas potestative au bénéfice des Verreries-de-Masnières;

Qu'entre ces deux bornes, la notion de "manquement délibéré" apparaît, quant à la nature juridique de la faute, comme équivalente à une violation d'une exceptionnelle gravité des exigences du contrat, voulue dans son déroulement autant que dans le préjudice û ou au moins les risques réels de préjudice û qu'elle a imposés au cocontractant ; que le "manquement délibéré" implique, quant à la façon concrète de procéder, soit une agressivité soit au moins une brusquerie excédant ce qui est accoutumé dans le monde des affaires ; Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas dénié que les Verreries-de-Masnières ont redéployé leurs activités à partir de 1999 aux dépens de CERVE S.A., soit pour rechercher de meilleurs prix, une meilleure réactivité ou une meilleure qualité que ce qu'offrait CERVE S.A. ; soit pour tenir compte d'évolutions exogènes ; l'une ou

l'autre argumentation ayant été avancée par les parties selon les stades de la procédure (point 2.1.3 des conclusions présentes de CERVE S.A. ; point "1999" des conclusions présentes des Verreries-de-Masnières) ;

Qu'au demeurant, le processus de désengagement des Verreries-de-Masnières a duré plusieurs années et ne peut être taxé de brusquerie ; qu'il ne s'explique pas par une hostilité claire et démontrée entre membres d'une même famille ; que si la rupture a été indéniablement imposée par les Verreries, elle n'était pas destinée à détruire CERVE S.A., et n'a même pas tranché particulièrement sur les comportements habituels de recherche de rendement commercial, qui sont nuisibles par essence ;

Attendu qu'en somme, la preuve n'est pas rapportée par CERVE S.A. d'un "manquement délibéré" au sens susdit ; que de même, les premiers juges n'ont pas pu valablement entrer dans l'analyse du comportement des Verreries-de-Masnières et procéder en conséquence au calcul du préjudice commercial et moral de CERVE S.A. ; en quoi leur décision sera nécessairement infirmée ;

Que réciproquement, les Verreries-de-Masnières ne peuvent pas dénier que pour un motif quelconque, fautif ou pas, elles n'ont pas respecté le contrat , ou qu'elles ont réduit la production de valorisation initialement confiée à CERVE S.A. ;

Que par suite, le forfait d'"indemnisation" de l'article 1o du contrat trouve seul à s'appliquer ;

Attendu que CERVE S.A. ne donne à la Cour aucun élément chiffré pour faire application de ce forfait ; que la condamnation des Verreries-de-Masnières sera donc prononcée sans chiffrage, le juge de l'exécution vidant tout litige futur à ce sujet ; - Accessoires

Attendu que les parties succombent toutes deux dans leurs appels et n'étaient pas davantage fondées dans leurs positions devant le

tribunal de commerce ; qu'elles conserveront la charge de leurs dépens de première instance et d'appel ;

Que pour d'identiques raisons, il ne sera pas fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire,Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Cambrai le 21.2.2005 ; Statuant à nouveau, constate la rupture de la convention des parties du fait de la SA Verreries-de-Masnières, sans manquement délibéré à ses obligations ;En conséquence, condamne la SA Verreries-de-Masnières à payer à CERVE S.A. un montant équivalent aux salaires des salariés occupés au sein des ateliers CERVE S.A., dans un nombre correspondant à la quantité de travail qui aura diminué du côté des Verreries-de-Masnières, sans pouvoir excéder une durée maximale de deux ans ; Ordonne la compensation avec les sommes éventuellement payées pour satisfaire à l'exécution provisoire du premier jugement ;Laisse à chaque partie la charge des dépens qu'elle aura exposés en première instance ou en appel et dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en première instance non plus qu'en appel ;Accorde aux avoués constitués, le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

LE GREFFIER,C. Nolin

LE PRÉSIDENT,T. Fossier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 06/01206
Date de la décision : 23/05/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-05-23;06.01206 ?
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