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11/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950755

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0037, 11 mai 2006, JURITEXT000006950755


COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 1 SECTION 2ARRÊT DU 11/05/2006*No RG : 04/07934Tribunal de Grande Instance de DOUAIJUGEMENT du 09 Décembre 2004REF : MM/VR APPELANTE CAISSE D'EPARGNE DES PAYS DU HAINAUT ayant son siège social 31 Avenue Clémenceau 59300 VALENCIENNES Représentée par ses dirigeants légaux représentée par la Selarl Eric LAFORCE en reprise d'instance aux lieu et place de Maître LENSEL, avoué à la Courassistée de Maître François CHANTRAINE, avocat au barreau de DOUAI INTIMÉE S.C.P. X... Y... ayant son siège social 32 rue Fily 59151 ARLEUX Représentée par ses dirigeant

s légaux représentée pa la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués assoc...

COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 1 SECTION 2ARRÊT DU 11/05/2006*No RG : 04/07934Tribunal de Grande Instance de DOUAIJUGEMENT du 09 Décembre 2004REF : MM/VR APPELANTE CAISSE D'EPARGNE DES PAYS DU HAINAUT ayant son siège social 31 Avenue Clémenceau 59300 VALENCIENNES Représentée par ses dirigeants légaux représentée par la Selarl Eric LAFORCE en reprise d'instance aux lieu et place de Maître LENSEL, avoué à la Courassistée de Maître François CHANTRAINE, avocat au barreau de DOUAI INTIMÉE S.C.P. X... Y... ayant son siège social 32 rue Fily 59151 ARLEUX Représentée par ses dirigeants légaux représentée pa la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Courayant pour conseil Maître Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAI DÉBAT à l'audience publique du 14 Février 2006, tenue par Madame MARCHAND magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉMadame GOSSELIN, Président de chambreMadame MARCHAND, ConseillerMadame BONNEMAISON, ConseillerARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 MAI 2006 après prorogation du délibéré en date du 09 Mai 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame GOSSELIN, Président et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.VISA DU MINISTÈRE PUBLIC :

Monsieur Patrick de CANECAUDE, Substitut GénéralORDONNANCE DE CLÈTURE DU :

10 janvier 2006

Par acte du 15 septembre 2000, la Caisse d'Epargne des Pays du

Hainaut a consenti à Monsieur Jacques Z... et Madame Véronique A... un prêt d'un montant de 107 000 francs, remboursable en 72 mensualités au taux effectif global de 10,66 %.

Les emprunteurs s'étant montrés défaillants dans leur obligation de remboursement, une mise en demeure leur a été adressée le 20 octobre 2001. Cette mise en demeure étant restée infructueuse, la déchéance du terme est intervenue.

Autorisé par le juge de l'exécution, l'organisme bancaire a fait inscrire le 25 janvier 2002 une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble appartenant aux débiteurs, situé à Sin le Noble, 110, rue Jules Guesde, pour un montant principal de 20 421,22 euros.

Par acte passé devant Maître X..., notaire à Arleux, Monsieur Jacques Z... et Madame Véronique A... ont procédé à la vente de leur immeuble.

Par jugement du 6 mars 2002, le tribunal d'instance de Douai a condamné Monsieur Jacques Z... et Madame Véronique A... à payer à la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut la somme de 15 917,92 euros. Ce jugement a été signifié aux débiteurs le 18 mars 2002.

Par courrier du 17 mai 2002, le conseil de la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut a informé Maître X... de l'existence de la créance de sa cliente et lui a demandé de ne pas se dessaisir des fonds dans l'attente de la conversion de l'hypothèque judiciaire provisoire en hypothèque judiciaire définitive.

Par lettre du 21 mai 2002, Maître X... lui a indiqué ne plus être en possession des fonds car il avait remboursé le Crédit Immobilier, créancier hypothécaire, et remis au vendeur le solde du prix de vente, soit la somme de 18 464,59 euros, au vu d'un état hypothécaire du 26 décembre 2001.

Par exploit d'huissier du 27 mars 2003, la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut a fait assigner la SCP X... Y... devant le

tribunal de grande instance de Douai afin d'obtenir notamment la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 15 917, 92 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2002, en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 9 décembre 2004, le tribunal a :

débouté la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut de sa demande ;

débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

condamné la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut aux dépens.

Par déclaration du 23 décembre 2004, la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 4 mars 2005, elle demande à la cour :

vu les articles 1382 du code civil et 258 du décret du 31 juillet 1992 portant réforme des procédures civiles d'exécution,

d'infirmer la décision entreprise ;

de condamner la SCP X... Y... à l'indemniser de son préjudice en lui versant la somme de 15 917,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2002 ;

de la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

de la condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que si la non inscription de l'hypothèque judiciaire définitive fait perdre au créancier titulaire d'une hypothèque

judiciaire provisoire sa qualité de créancier hypothécaire et le rang qui s'y attache, elle ne l'empêche pas de venir en concours avec les autres créanciers chirographaires.

Elle souligne que le notaire ne conteste pas avoir commis une faute en ne consignant pas les fonds jusqu'à l'expiration du délai qui lui était ouvert pour convertir son hypothèque judiciaire provisoire en hypothèque judiciaire définitive ; que cette faute a eu pour conséquence de la priver des fonds qui lui seraient revenus après l'obtention de son titre et ce, même en concours avec les autres créanciers ; qu'elle disposait en effet d'une option puisqu'elle pouvait soit convertir son hypothèque, soit pratiquer une saisie-attribution entre les mains du notaire, s'il avait conservé les fonds.

Elle allègue que dès lors que les fonds provenant de la vente étaient suffisants pour régler l'intégralité des créanciers, la conversion de l'hypothèque était dénuée d'intérêt puisqu'elle pouvait faire usage d'une voie d'exécution plus rapide ; que la faute du notaire lui a fait perdre une chance de pouvoir pratiquer une saisie-attribution.

Elle soutient en outre que puisque le notaire s'était dessaisi des fonds, elle ne pouvait plus obtenir une quelconque garantie du paiement de sa créance par ses débiteurs et que la conversion de l'hypothèque lui aurait simplement donner la faculté d'exercer un droit de suite très aléatoire et de poursuivre le paiement de sa créance à l'encontre de l'acquéreur de l'immeuble.

Elle considère donc qu'il existe un lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice subi par elle.

Par conclusions déposées le 30 septembre 2005, la SCP X... Y... demande à la cour :

de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;

de débouter la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut de toutes ses demandes ;

de la condamner à payer à la concluante la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

de la condamner aux dépens, de première instance et d'appel.

Elle fait valoir qu'il pourrait certes lui être reproché d'avoir commis une négligence en s'abstenant de consigner les fonds provenant de la vente ; que cependant, dès lors que la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut n'a pas confirmé son inscription d'hypothèque provisoire, elle n'aurait pu intervenir dans la distribution du prix, même si les fonds avait été consignés.

Elle soutient que la faute qu'elle a commise est sans lien de causalité avec le préjudice subi par l'organisme bancaire qui trouve sa source dans la propre carence de ce dernier à prendre une inscription définitive, laquelle lui aurait permis d'exercer son droit de suite pour recouvrer le montant de sa créance.MOTIFS1) sur la demande de dommages et intérêts formée par la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut

Par application des dispositions des articles 257, 258, 260, 263 et 265 du décret du 31 juillet 1992 relatif aux procédures civiles d'exécution :

une hypothèque judiciaire provisoire peut être constituée sur un immeuble, sur présentation de l'autorisation du juge ;

cette publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans et peut être renouvelée pour la même durée ;

elle doit être confirmée par une publicité définitive, laquelle donne rang à la sûreté à la date de formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière ;

la publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois à compter du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;

à défaut de confirmation dans ce délai, la publicité provisoire est caduque ;

si le bien est vendu avant que la publicité définitive ait été accomplie, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire jouit des mêmes droits que le titulaire d'une sûreté conventionnelle ou légale, toutefois, la part qui lui revient dans la distribution du prix est consignée ;

cette part lui est remise s'il justifie de l'accomplissement de la publicité définitive dans le délai prévu ; à défaut, elle est remise aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur.

En l'espèce, il est constant :

qu'autorisée par le juge de l'exécution, la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut a fait inscrire le 25 janvier 2002 une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble appartenant à ses débiteurs, pour un montant principal de 20 421,22 euros ;

que la SCP X... a remboursé le Crédit Immobilier, créancier hypothécaire, et a remis aux débiteurs le solde du prix de vente de leur immeuble, soit la somme de 18 464,59 euros, au vu d'un état hypothécaire du 26 décembre 2001, sans consigner la part susceptible de revenir à la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut dans la distribution du prix ;

que le jugement du tribunal d'instance de Douai ayant condamné Monsieur Jacques Z... et Madame Véronique A... à payer à la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut la somme de 15 917,92 euros a été signifié aux débiteurs le 18 mars 2002, de sorte qu'il est passé en force de chose jugée le 19 avril 2002, à l'expiration du délai pour interjeter appel ;

et enfin que l'organisme bancaire n'a pas confirmé l'hypothèque judiciaire provisoire par une hypothèque judiciaire définitive dans le délai ci-dessus mentionné ; que la publicité provisoire est donc devenue caduque le 20 juin 2002.** * *

En s'abstenant de consigner le solde du prix de vente de l'immeuble après avoir désintéressé le Crédit Immobilier, en dépit de l'existence d'une inscription d'hypothèque provisoire au profit de la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut, la SCP X... Y... a indéniablement commis une faute.

Ainsi que le souligne à juste titre l'intimée, même si elle avait procédé à la consignation des fonds, elle n'aurait pu, sur le fondement de l'article 258 du décret du 31 juillet 1992, remettre à l'appelante la somme de 15 917,92 euros correspondant au montant de sa créance telle que fixée par jugement du tribunal d'instance, puisque la banque ne jouissait plus des droits du créancier hypothécaire à l'expiration du délai prévu pour l'accomplissement de

la publicité définitive.

Cependant, si comme il en avait l'obligation, le notaire avait attendu que la caducité de la publicité provisoire soit acquise pour remettre le solde du prix de vente de l'immeuble à Monsieur Jacques Z... et Madame Véronique A..., la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut aurait obtenu le recouvrement de sa créance en mettant en oeuvre, pendant la période comprise entre le 19 avril et le 20 juin 2002, une voie d'exécution telle qu'une saisie-attribution.

L'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par le notaire et le préjudice subi par la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut est donc établi.

Cependant, en s'abstenant d'effectuer la publicité définitive dans un délai de deux mois à compter du 19 avril 2002, alors même qu'elle savait, depuis la réception de la lettre du notaire datée du 21 mai 2002, que le solde du produit de la vente avait été remis aux débiteurs, la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut a participé à la réalisation de son préjudice. Elle s'est en effet privée de la possibilité d'exercer son droit de suite, qui lui aurait permis de poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de l'acquéreur de l'immeuble.

Il y a lieu dès lors de considérer que la faute du notaire et la carence de la banque ont toutes deux concouru à la réalisation du dommage subi par la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut, à concurrence respectivement des trois quarts pour la première et d'un quart pour la seconde.

Il convient par conséquent de condamner la SCP X... Y... à payer à l'appelante, à titre de dommages et intérêts, la somme de 11 938,44 euros, correspondant aux trois quarts de la créance de la banque à l'encontre de Monsieur Jacques Z... et Madame Véronique A..., telle que fixée par jugement du tribunal d'instance de

Douai, étant précisé que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, par application de l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil. 2) sur les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et sur les dépens

La SCP X... Y... sera condamnée à payer à la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'intimée sera en revanche déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Enfin, la SCP X... Y... sera condamnée aux dépens, de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la SCP X... Y... de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;Et, statuant à nouveau,

Condamne la SCP X... Y... à payer à la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut la somme de 11 938,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SCP X... Y... à payer à la Caisse d'Epargne des Pays du Hainaut la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la SCP X... Y... aux dépens, de première instance et d'appel ;

Autorise la SELARL Eric LAFORCE, avoué, à les recouvrer directement en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le Greffier,C. POPEK

Le Président, G. GOSSELIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0037
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950755
Date de la décision : 11/05/2006

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute - Concours de fautes - Faute de la victime - Portée - /

En s'abstenant de consigner le solde du prix de vente de l'immeuble après avoir désintéressé un créancier hypothécaire, en dépit de l'existence d'une inscription d'hypothèque provisoire au profit d'un organisme bancaire, la SCP de notaires a indéniablement commis une faute.Même si elle avait procédé à la consignation des fonds, elle n'aurait pu, sur le fondement de l'article 258 du décret du 31 juillet 1992, remettre à ce créancier la somme correspondant au montant de sa créance telle que fixée par jugement du tribunal d'instance, puisqu'il ne jouissait plus des droits du créancier hypothécaire à l'expiration du délai prévu pour l'accomplissement de la publicité définitive.Cependant, si, comme il en avait l'obligation, le notaire avait attendu que la caducité de la publicité provisoire soit acquise pour remettre le solde du prix de vente de l'immeuble aux vendeurs, la banque aurait obtenu le recouvrement de sa créance en mettant en oeuvre une voie d'exécution telle qu'une saisie-attribution.L'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par le notaire et le préjudice subi par la banque est donc établi.Cependant, en s'abstenant d'effectuer la publicité définitive dans un délai de deux mois, alors même qu'elle savait, depuis la réception de la lettre du notaire, que le solde du produit de la vente avait été remis aux débiteurs, la banque a participé à la réalisation de son préjudice en se privant de la possibilité d'exercer son droit de suite, qui lui aurait permis de poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de l'acquéreur de l'immeuble.Il y a lieu dès lors de considérer que la faute du notaire et la carence de la banque ont toutes deux concouru à la réalisation du dommage, à concurrence respectivement des trois quarts pour la première et d'un quart pour la seconde


Références :

Code civil article 1382

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme Gosselin, Président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2006-05-11;juritext000006950755 ?
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