COUR D'APPEL DE DOUAICHAMBRE 2 SECTION 1ARRÊT DU 13/04/2006*[* *]No RG : 04/02011 et 04/2385 JONCTION Jugements du Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de BETHUNE du 04 Février 2004 - no 03/1228 & 03/1236-
Rejet de demande de sanctions- comblement de passif REF : XR/CD
PREMIERE PROCEDURE RG 04/2011
APPELANT Maître Jérôme X... es qualités de liquidateur judiciaie de la Société LENS RENOV LOGIS. Demeurant ... 62405 BETHUNE CEDEX Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoué à la Cour Assisté de Me PEIRENBOOM substituant Me J.HERBAUX, avocat a barreau de BETHUNE INTIMÉ Monsieur Yves Y... né le 1er Janvier 1956 à HENIN BEAUMONT 62110 Demeurant ... 62143 ANGRES Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assisté de Me Jean-Luc DEVIGNES, avocat au barreau de BETHUNERL
SECONDE PROCEDURE RG 04/2385 APPELANT Monsieur Jean-Baptiste Z... né le 30 mars 1941 à LABOURSE 62113 Demeurant ... 59182 MONTIGNY EN OSTREVENT Représenté par la SCP MASUREL THER LAURENT Assisté de Me CAMPAGNE, avocat au barreau de BETHUNE INTIME Maître X... Jérôme idem première procédure DÉBAT à l'audience publique du 1er Février 2006, tenue par M. REBOUL magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉMme GEERSSEN, Président de chambreM. ROSSI, ConseillerM. REBOUL , ConseillerARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2006 (date indiquée à l'issue des débats) par Mme GEERSSEN, Président, et Mme J. DORGUIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 20 janvier 2006ORDONNANCES DE CLÈTURE DU : 20 janvier 2006
*****Vu les deux jugements rendus contradictoirement par le tribunal de grande instance de Béthune, statuant commercialement, le 4 février 2004, no 1236 et 1228/03 qui ont condamné M. Jean Baptiste Z... , gérant de droit de la société Lens Renov Logis, à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif, provisoirement chiffré à 30 379,89 ç, débouté Me X..., ès qualités, de ses autres demandes visant M. Z... , de prononcé de la faillite personnelle ou d'interdiction de gérer et débouté Me X..., ès qualités, de condamnation solidaire
à la mesure de comblement de passif à l'égard de M. Yves Y... ;Vu l'appel formé le 6 avril 2004 par M. Jean Baptiste Z... à l'encontre du jugement no 1228/03 ;Vu l'appel formé le 22 mars 2004 par Me X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Lens Renov Logis à l'encontre du jugement no 1228/03 ;Vu les conclusions déposées le 26 juillet 2004, pour M. Z... ;Vu les conclusions déposées le 14 décembre 2005, pour Me X..., ès qualités ;Vu les conclusions déposées le 25 avril 2005, pour M. Yves Y... ;Vu les ordonnances de clôture du 20 janvier 2006 ;Vu les observations du Ministère Public du 20 janvier 2006 ;
[***] La société Lens Renov Logis a débuté en 1996, créée par M. Z... , retraité des mines, gérant de droit et M. Y... , respectivement détenteurs de 51 % et 49 % des parts sociales, a débuté en 1996 et avoir pour objet principal d'effectuer des travaux de rénovation immobilière.M. Z... bénéficiait d'une rémunération mensuelle de 10 000 F, lorsque la situation de la société le permettait, M. Y... était salarié à hauteur de 12 607,74 F par mois, en tant que chef de chantier, l'entreprise employant deux autres salariés.Sur déclaration de cessation des paiements le 31 août 2001, la liquidation judiciaire a été prononcée le 7septembre 2001avec une date de cessation des paiements provisoire au 15 juillet 2001.M. Z... , gérant de droit, conteste le montant de l'insuffisance d'actif selon lui de 14.865,58 ç, réfute les fautes de gestion reprochées, et l'existence d'un lien de causalité avec l'insuffisance d'actif. Il sollicite l'infirmation
en ce qu'il a été condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif ;Me X..., ès qualités conclut à voir déclarer son appel bien fondé à l'encontre de de M.Y..., et mal fondé celui de M.Z... à titre principal, il demande que soit constatée la qualité de gérant de droit de M.Y... selon les statuts modifiés le 10 janvier 2001 de la société ; subsidiairement, dire que M.Y... a été le gérant de fait ; constater les fautes de gestion ayant aggravé le passif social, condamner M.Y... à supporter solidairement avec M.Z... la totalité de l'insuffisance d'actif, prononcer à leur encontre une mesure de faillite personnelle ou interdiction de gérer, lui allouer 4.000 ç de frais irrépétibles ;M. Y... conclut à la confirmation du jugement le concernant (1o1228/03) soutenant qu'il n'était pas gérant de fait, et sollicite 1 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIFSDans le souci d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les no04/02011 et 04/02385.1/Sur la gestion de fait de M. Y...;La personne, qui exerce en toute indépendance une activité de direction de la société en cause, est un dirigeant de fait.M. Y... a été licencié par le liquidateur, la lettre de licenciement mentionnant que c'était sous réserve de la validité du contrat de travail, la rupture devant intervenir dans un bref délai ne laissant pas au mandataire judiciaire le temps matériel de faire reconnaître l'illégitimité du contrat de travail.Le seul fait que le liquidateur procède à un licenciement ne signifie pas pour autant qu'il reconnaît la validité du contrat de travail du salarié concerné et qu'il renonce à voir reconnaître ultérieurement la qualité de dirigeant de fait du présumé salarié. M. Y... explique (p.3 des conclusions) qu'au retour des congés, lui même et M. Z... ... ont apprécié la situation et ont considéré qu'il n'était plus possible d'assurer le
redressement financier de la société. , reconnaît l'absence de lien de subordination malgré son contrat de travail (qui se caractérise pourtant par l'existence d'un lien de subordination juridique vis à vis d'un employeur), sachant parfaitement la nature desmissions techniques à réaliser, et admet que les décisions prises dans la société, résultaient plus d'une concertation avec M. Z... , que des décisions de ce dernier. Le 30 août 2001, M. Y... a fait à l'entreprise une avance de trésorerie de 1 813,50 ç, et dans une lettre du premier octobre 2001, adressée au liquidateur, il explique qu'il s'occupait de l'approvisionnement en matériels, des commandes et des livraisons, assurait le suivi administratif, de la société, comprenant l'élaboration des fiches de paie, la rédaction des devis, la facturation sur pointage, et le suivi de la trésorerie avec la comptable tandis que le 1er avril 2003 il reconnaissait dans une attestation rédiger les contrats par exemple les contrats de travail ;M. Y... prenait les décisions, en concertation avec son partenaire, le gérant de droit, décidant avec lui d'arrêter l'activité de la société fin août 2001, assurant quotidiennement la gestion administrative, commerciale et technique de l'entreprise, et exerçant ainsi en toute indépendance une activité de direction de la société, qui caractérise une situation de dirigeant de fait.Me X... produit les statuts modifiés le 10 janvier 2001 signés de MM.Z... et Y... précisant que la société est administrée par deux gérants associés, M.Z... étant nommé premier gérant, l'article 13 stipule "des gérants" ; M.Y... ne peut donc dénier être gérant de droit puisque statutaire à compter de la date de la modification.Le jugement déféré no 2003/1228 sera infirmé, M. Y... étant gérant de fait de la société Lens Renov Logis puis gérant statutaire à compter du 10 janvier 2001 ;2/Sur les fautes de gestion reprochées aux gérants de droit et de fait, et l'existence d'un lien de causalité
ainsi que sur l'insuffisance d'actif :Le Conseil des prud'hommes de Lens a fixé à 13
676,54 ç la créance de M.Y... au passif de la société Lens Renov Logis , la Cour de ce siège ordonnant dans un arrêt du 30 septembre 2003, un sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Béthune, sur les sanctions commerciales demandées contre M. Y... . En raison de la qualité de dirigeant de fait de M. Y... , cette créance ne devrait pas augmenter le passif de la société.L'état de déclaration des créances, non compris la créance salariale éventuelle de 13
676,54 ç, mentionne un passif de 20
028, 17 ç, dont 640 ç de créance super privilégiée du CGEA, qui demeurera au passif de la société, l'actif étant de 4 522,59 ç.L'insuffisance d'actif est donc d'au moins de 15
505,58 ç.L'article L. 624 û 3 du code de commerce prévoit: Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux. .A) l'absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 15 joursLes parties admettent qu'après une facture impayée de 15 549,79 ç, en juin 2001, M. Z... et M. Y... , ont apprécié la situation au retour des congés, pour considérer qu'il n'était pas possible d'assurer le redressement financier de la société, et déclarer l'état de cessation des paiements le 31 août 2001, la liquidation judiciaire étant prononcée le 7 septembre 2001, avec fixation de la date de cessation des paiements au 15 juillet 2001.En juin 2001, les deux cogérants n'ont pas tiré les conséquences de la situation de l'entreprise, ont attendu le retour des congés, avant de prendre la décision qui s'imposait, et ainsi, n'ont pas
respecté l'obligation légale de déclarer la cessation de paiements, dans les 15 jours, commettant tous les deux une faute de gestion.B) l'absence de comptabilité régulière Les comptes des exercices 1998 et 1999 ont été tenus par un cabinet qui n'a pas établi de comptes pour l'exercice 2000, et les deux dirigeants, responsables de cette situation, ont commis une deuxième faute de gestion, en ne faisant pas établir de comptabilité pour l'exercice 2000. C) la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, dans un intérêt personnel M. Y... bénéficiait d'un salaire de 12 607,74 F par mois, et d'un avantage en nature, constitué par un logement de fonction, pour lequel 800 F était déduit de sa fiche de paye, la société versant 3 500 F au bailleur, pour la location de cet appartement. Il avait un intérêt personnel à la poursuite de l'activité de la société, qui de l'aveu même des dirigeants n'avait plus de perspective de redressement, dès juin 2001. Cette société était déficitaire en 1998, en 1999, en 2000 il n'y avait pas de comptabilité ;M. Y... a commis une faute de gestion en poursuivant abusivement une exploitation déficitaire, dans un intérêt personnel.D) la réalisation de travaux supplémentaires, sans bon de commande La société Lens Renov Logis a effectué des travaux pour M. A..., propriétaire de l'immeuble abritant la maison syndicale de la CGT, puis des travaux supplémentaires, que le propriétaire a refusé de payer, faute de les avoir commandés, la facture impayée de 15 549,79 ç ayant précipité la perte de la société, à partir de juin 2001.Réaliser des travaux d'une telle importance, pour une aussi petite société, sans prendre la précaution juridique élémentaire d'intervenir après signature d'un bon de commande, constitue une faute de gestion. E) la rémunération disproportionnée de M. Y... La rémunération, composée d'un salaire brut mensuel de 12 607,74 F, et d'un avantage en nature, constitué par un logement de fonction au loyer mensuel de 3 500 F, avec
déduction de 800 F sur la fiche de paye, n'est pas disproportionnée, pour un chef de chantier, qui exerce en même temps des fonctions de direction de l'entreprise, et la décision d'octroyer cette rémunération ne constitue pas une faute de gestion. 3/Sur le lien de causalité entre les fautes de gestion commises et l'accroissement de l'insuffisance d'actifLa réalisation de travaux supplémentaires, sans bon de commande, est à l'origine de la déconfiture de l'entreprise, et de l'apparition d'une insuffisance d'actif dont le montant s'est accru par la tardiveté de la déclaration des paiements, l'absence de comptabilité régulière interdisant aux dirigeants sociaux de suivre avec pertinence la situation des comptes de l'entreprise. La poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, dans un intérêt personnel, a eu pour effet d'accroître le passif social. Les fautes de gestion des deux co-gérants ont accru l'insuffisance d'actif.4/Sur les sanctions à appliquerAu regard de la gravité des fautes commises, et de l'importance relative de l'insuffisance d'actif actuel, les fautes de gestion de M. Z... et M. Y... sont suffisamment sanctionnées par leur condamnation in solidum à payer l'insuffisance d'actif de la société Lens Renov Logis à hauteur de 10
000 ç, à l'exclusion de toute autre sanction commerciale.Le jugement déféré no 2003 001236, est confirmé sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation de M. Z... et MM.Z... et Y... étant condamnés in solidum à payer l'insuffisance d'actif de la société Lens Renov Logis à hauteur de 10
000 ç.
PAR CES MOTIFS,Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et en dernier ressort,Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les no04/02011 et 04/02385 sous le numéro le plus ancien 04/2011 ;Infirme le jugement déféré no
2003/001228 ;Confirme le jugement déféré no 2003/1236, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation de M. Z... ; Statuant à nouveau,Dit que M. Y... était gérant statutaire de la société Lens Renov Logis depuis le 10 janvier 2001 et gérant de fait antérieurement ;Condamne in solidum MM. Z... et Y... à supporter l'insuffisance d'actif de la société Lens Renov Logis, à hauteur de 10
000 ç ; Déboute Me X..., ès qualités, de ses autres demandes ;Dit qu'il est équitable de laisser à Me X..., ès qualités, la charge de ses frais irrépétibles ;
Condamne in solidum MM.Z... et Y... aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier
Le Président
J.DORGUIN
I.GEERSSEN