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02/02/2006 | FRANCE | N°03/05298

France | France, Cour d'appel de Douai, Deuxième chambre section 2, 02 février 2006, 03/05298


COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 02 / 02 / 2006 * * * No RG : 03 / 05298 Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING du 17 Juillet 2003 REF : TF / CP
APPELANTE S. A. CFF RECYCLING prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 119 Avenue du Général Michel Bizot 75579 PARIS CEDEX 12 Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de Maître SCHMIDT Dominique, Avocate
INTIMÉS S. A. GALLOO FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 1 Avenue du Port Fluvial 59250 HALLUIN

Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Maître PETITDEMA...

COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 02 / 02 / 2006 * * * No RG : 03 / 05298 Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING du 17 Juillet 2003 REF : TF / CP
APPELANTE S. A. CFF RECYCLING prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 119 Avenue du Général Michel Bizot 75579 PARIS CEDEX 12 Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de Maître SCHMIDT Dominique, Avocate
INTIMÉS S. A. GALLOO FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 1 Avenue du Port Fluvial 59250 HALLUIN Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Maître PETITDEMANGE, Avocate au barreau de LILLE Monsieur Antoine X... demeurant... à MENEN (BELGIQUE) Représenté par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Maître PETITDEMANGE, Avocate au barreau de LILLE S. A. ETS JEANROUSSELprise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 162 Avenue Van Pelt-BP 23-62301 LENS CEDEX Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Maître PETITDEMANGE, Avocate au barreau de LILLE Société Civile ROUSSELprise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social Avenue Van Pelt 62300 LENS Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Maître PETITDEMANGE, Avocate au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. FOSSIER, Président de chambre M. ZANATTA, Conseiller M. REBOUL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOLIN
DÉBATSà l'audience publique du 08 Décembre 2005,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Février 2006 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FOSSIER, Président, et Mme NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLOTURE DU : 2 novembre 2005
La société anonyme des établissements Jean-Roussel (ci-après E. J. R.) exploite une activité de négoce, de récupération et de transformation de métaux. Elle a eu jusqu'en février 1999 cinq associés : deux personnes morales, la société civile Roussel et la société anonyme devenue CFF RECYCLING (ci-après CFF), et trois personnes physiques pour une part résiduelle. La société civile Roussel réunit deux associés personnes physiques, Messieurs Jean et Philippe Y....
Les parties ont été liée par leurs statuts sociaux mais aussi par une convention d'assistance d'EJR par CFF sur les plans administratif, commercial et technique. Cette convention, établie le 13. 11. 1996, n'a pas reçu d'application et a été dénoncée par EJR le 27. 7. 1998.
A partir de septembre 1998, la société civile Roussel, actionnaire majoritaire, et M. Philippe Y... ont été seuls administrateurs d'E. J. R., CFF ayant démissionné après diverses difficultés financières d'E. J. R..
Le 10 février 1999, Messieurs Jean et Philippe Y... ont cédé leurs parts de la société civile Rousselà la société anonyme GALLOO FRANCE et à une personne physique, M. X....
Au motif que cette cession portait atteinte à ses droits et violait une clause de préemption incluse dans les statuts d'E. J. R., CFF a saisi, contre EJR, la SC Roussel, M. Ph. Y... et M. Antoine X..., mais non contre la société Galloo, les arbitres dont les mêmes statuts imposent le ministère. Par sentence du 24 novembre 2001, le tribunal arbitral a, statuant en dernier ressort et comme amiable compositeur, considéré que la cession de parts à la société GALLOO et M. Antoine X... n'était ni frauduleuse ni contraire à l'intérêt social-au sens de la clause statutaire qui régit les prises de contrôle par des tiers des sociétés actionnaires d'EJR-, en l'absence d'une preuve que les tiers acquéreurs aient de mauvaise foi contribué à la prétendue fraude, preuve d'autant moins rapportée que la société GALLOO FRANCE n'avait pas été attraite devant les arbitres.
CFF a ensuite assigné la société GALLOO et M. Antoine X..., en la présence à la cause de EJR et de la société civile Roussel, pour voir déclarer nulle la cession de parts dont ils ont bénéficié.
Par jugement contradictoire en date du 17 juillet 2003, le Tribunal de commerce siégeant à Roubaix-et-Tourcoing a implicitement mis hors de cause M. Antoine X..., inclus dans le champ de la sentence arbitrale, et a débouté la S. A. C. F. F. RECYCLING contre la société Galloo, faute de preuve d'une fraude de cette dernière dans l'achat des parts de la société Roussel. Le tribunal a fait une application modérée de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par acte de son avoué en date du 4 septembre 2003, la S. A. COMPAGNIE FRANOEAISE DES FERRAILLES C. F. F. RECYCLING a interjeté appel principal et général de la décision intervenue. A l'attention des juges du second degré, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du nouveau code de procédure civile, dont les dernières en date sont du 29 mars 2005 et dans lesquelles il est demandé à la Cour de déclarer nulle la vente de parts du 10 février 1999 ; d'indemniser CFF à hauteur de 549. 367 euros ; et de chiffrer à 8000 euros les frais de procédure que l'appelante a exposés.
A l'appui de son recours, l'appelante expose successivement que :- les statuts et un protocole ultérieur concernant EJR ont eu pour objectif de permettre aux actionnaires d'EJR d'agréer intuitu personae et sur des critères industriels, les acquéreurs de parts ; qu'au besoin, l'article L 228-3 du Code de commerce conforte ces prévisions contractuelles ;- la vente litigieuse a eu pour objet de contourner cette exigence, en permettant à un tiers de devenir le principal actionnaire d'EJR sous couvert de la société civile Roussel, qui ne détient aucun autre actif que les parts d'EJR et n'a pas d'activité propre ;- la fraude est aussi démontrée par le seul fait que les gérants de Roussel n'ont rien proposé à CFF, qui aurait pu se montrer intéressée, d'autant que Galloo est un concurrent direct ;- le préjudice de CFF tient d'abord à ce que la vente litigieuse s'est faite à un prix bas qui dévalorise le prix de la part EJR ; et ensuite à une perte d'influence au sein d'EJR.
Les parties intimées, faisant cause commune, la société civile Roussel, la société anonyme GALLOO FRANCE, M. Antoine X... et la société anonyme Etablissements-Jean-Roussel EJR, ont conclu le 3 mai 2005 à la confirmation pure et simple du premier jugement, dont ils s'approprient et développent les motifs, avec octroi de 10. 000 euros à M. Antoine X... et à la SA Galloo pour appel abusif, 2000 (sociétés EJR et Roussel) et 6000 (société Galloo et M. Antoine X...) euros pour frais irrépétibles de procédure.
SUR QUOI LA COUR,
- Au principal
1o- Recevabilité
Attendu que les intimés font valoir, par prétérition ou explicitement selon les stades de leurs écritures, que si la société Gallo n'a pas été partie à l'instance arbitrale, elle est en droit de se prévaloir de la sentence contre CFF, dès lors que l'objet de cette sentence et celui de la demande de CFF devant la Cour sont identiques ; qu'ainsi, la demande de CFF, déboutée par les arbitres, serait irrecevable ;
Mais attendu que par application de l'adage " Res inter alios judicata ", la chose jugée entre deux parties ne nuit ni ne profite à une troisième, hors le cas des décisions publiées ; qu'autrement dit, et nonobstant ses motifs contraires, la sentence dont il s'agit n'a pas pu trancher sur les droits de CFF par rapport à GALLOO puisque celle-ci était absente de l'instance arbitrale ;
Que dès lors, cette sentence n'est pas opposable par un tiers qui, y étant demeuré étranger, ne peut en tirer de droit subjectif ;
2o- Fond
Attendu que même lorsque, comme en l'espèce, l'article L 228-3 du Code de commerce ne trouve pas à s'appliquer, la prise de participation, même majoritaire, dans le capital d'une société actionnaire d'une autre société ne constitue pas en elle-même une fraude ayant pour objet ou pour effet d'éluder une clause d'agrément, à moins que les parties n'apportent les éléments qui caractérisent spécialement cette fraude (rapp. Com. 13 déc. 1994, Midi Libre) ;
Attendu qu'en l'espèce, et en fait, la société CFF s'est désintéressée d'EJR dès 1996 ;
Qu'elle a notamment négligé de respecter le protocole d'assistance établi entre les parties, comme il a été relevé par la Cour dans l'exposé des faits de la cause ; que CFF est allée jusqu'à quitter ses fonctions d'administrateur à la fin de 1998 ; que les intimés développent à ce sujet une chronologie abondante et non sérieusement contestée dans leurs conclusions, auxquelles il est renvoyé autant que de besoin ; qu'il en résulte que, contrairement aux prétentions de l'appelant, il n'existait guère de motifs factuels pour les actionnaires de la SC Roussel de se tourner vers CFF, complètement éloignée des préoccupations d'EJR, pour vendre les parts ;
Qu'en outre dans l'opération litigieuse, la société Galloo et M. Antoine X... proposaient la relance, dont chacun convient qu'elle était indispensable, et un véritable projet industriel, l'expérience de GALLOO et de M. Antoine X... étant utile à EJR ; qu'il ne s'est donc pas agi d'une opération purement capitalistique, qui aurait pu laisser envisager une fraude aux droits des actionnaires, c'est-à-dire aux droits de CFF ; qu'autrement dit, loin de constituer un signe de fraude, comme le soutient l'appelant, l'appartenance des nouveaux actionnaires à la concurrence a été un gage du sérieux du projet ;
Attendu qu'en droit, la prétendue clause d'agrément dont se prévaut la société CFF (art. 5. 0. 3) n'est qu'une clause d'acquisition forcée déclenchée en cas de changement de mains préjudiciable d'une société actionnaire d'EJR ;
Que la véritable clause d'agrément (art. 5. 0. 2. 1. a) ne concerne que la vente des parts EJR et est donc inapplicable à la cause ;
Que selon cet article 5. 0. 3, c'est le conseil d'administration d'EJR qui peut ordonner l'acquisition forcée si et seulement si l'indépendance ou l'intérêt d'EJR le commandent, ou agréer un nouvel associé, une majorité des deux tiers étant exigée par le protocole complémentaire déjà signalé ;
Que précisément, la majorité des deux tiers a été acquise, puisqu'à la date de la vente litigieuse, CFF n'était plus administrateur et n'a de toute façon jamais détenu plus du tiers des parts ;
Attendu que du tout, il résulte, comme l'a brièvement mais justement énoncé le premier juge, que la preuve nécessaire de la fraude conjointe d'EJR, SC Roussel, SA GALLOO et M. Antoine X... n'est nullement rapportée par CFF, de sorte que l'appel apparaît mal fondé ;
- Accessoires
Attendu que, succombant sur l'essentiel du principal, CFF supportera la charge des dépens du présent appel ;
Attendu que la partie condamnée aux dépens indemnisera en outre ses adversaires par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, à hauteur de 1. 000 euros chacun ;
Attendu que la société GALLOO et M. Antoine X..., dont il a été dit qu'ils avaient passé un accord industriel utile et normal avec les consorts Y..., n'auraient pas dû subir les effets d'une procédure injuste et dommageable, en sorte que leur demande de dommages et intérêts apparaît bien fondée dans son principe ; qu'une somme de 5. 000 euros chacun réparera les coûts indirects de cette procédure et l'inquiétude de voir annuler un projet dans lequel ils se sont investis ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 17 juillet 2003 par le Tribunal de commerce de Roubaix-et-Tourcoing en toutes ses dispositions ;
Condamne la SA CFF RECYCLING à payer les dépens d'appel, outre la somme de 1. 000 (mille) euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à chacun de ses quatre adversaires intimés ;
Condamne la même en outre à payer à M. X... Antoine et à la SA GALLOO FRANCE, la somme de 5. 000 (cinq mille) euros chacun à titre de dommages et intérêts ;
Accorde aux avoués constitués le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
C. Nolin
T. Fossier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Deuxième chambre section 2
Numéro d'arrêt : 03/05298
Date de la décision : 02/02/2006

Analyses

SOCIETE (règles générales)

Sociétés, associé personne morale, cession des parts, clause d'agrément ou d'acquisition forcée, fraude. Même lorsque l'article L.228-3 du code de commerce ne trouve pas à s'appliquer, la prise de participation, même majoritaire, dans le capital d'une société actionnaire d'une autre société, ne constitue pas en elle-même une fraude ayant pour objet ou pour effet d'éluder une clause d'agrément à moins que les parties n'apportent des éléments qui caractérisent spécialement cette fraude.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2006-02-02;03.05298 ?
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