COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 1 SECTION 2 ARRÊT DU 25/01/2006 * * * No RG : 04/04831 JUGEMENT Tribunal de Grande Instance de CAMBRAI du 10 Juin 2004 REF : FB/MB APPELANTS Monsieur Jean-Marie X... né le 04 Septembre 1951 à BUSIGNY (59137) Madame Marie-José Y... épouse X... née le 27 Mars 1954 à CAMBRAI (59400) demeurant 33 Rue du 6ème Cuirassier (anciennement Rue de Quievy) 59292 ST HILAIRE LEZ CAMBRAI représentés par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés à la Cour assistés de Maître CORNAILLE Alain, avocat au barreau de CAMBRAI INTIMÉE SOCIETE GENERALE ayant son siège social 29 Boulevard Haussmann 75000 PARIS 9ème représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués associés à la Cour DÉBATS à l'audience publique du 09 Novembre 2005, tenue par Madame BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FROMENT, Président de chambre Madame MARCHAND, Conseiller Madame BONNEMAISON, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2006 après prorogation du délibéré en date du 11 Janvier 2006 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FROMENT, Président, et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 4 OCTOBRE 2005
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Les époux X... ont relevé appel le 19 Juillet 2004 d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Cambrai en date du 10 Juin 2004, assorti de l'exécution provisoire, qui a condamné les époux X...
solidairement à verser à la Société Générale : - une somme de 170000 euros avec intérêts légaux à compter du 15 novembre 2002, capitalisables, - une indemnité de procédure de 1000 euros.
Par voie de conclusions récapitulatives déposées le 25 Mai 2005, ils demandent à la Cour, au visa des articles L341-4 du Code de la Consommation, 1382 du Code Civil, de la Loi du 24 Janvier 1984 et de son article 60, de : - dire leur appel recevable et fondé, - infirmer le jugement précité, à titre principal : * juger leur engagement disproportionné à leurs patrimoine et revenus, * les décharger, par suite, de leur engagement, à titre subsidiaire : * consacrer une rupture abusive du crédit imputable à la Société Générale, génératrice d'un dommage au détriment des époux X..., justifiant l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 170 000 euros, à titre infiniment subsidiaire : * limiter l'aval à la somme de 11 1675 euros, * condamner la Société Générale au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Suivant conclusions déposées le 27 Janvier 2005, la Société Générale demande à la Cour de : - déclarer mal fondé l'appel interjeté par les époux X..., - les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, - confirmer en toutes se dispositions le jugement querellé, - condamner les époux X... au paiement d'une indemnité de procédure de 1000 euros.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 Octobre 2005 et les débats le 9 Novembre 2005. SUR CE
Les époux X... se sont portés avalistes le 30 Octobre 2OO2 d'un billet à ordre d'un montant de 170 000 euros à échéance du 15 Novembre 2002 souscrit par la société Europe Autos Diffusion (EAD), dont Mr X... présidait le Conseil d'Administration, en faveur de la Société Générale.
Par suite de la défaillance de la société EAD, et après avoir déclaré
sa créance à la Liquidation Judiciaire de celle-ci, la Société Générale a sollicité en vain des avalistes l'exécution de leurs engagements.
Le Tribunal de Grande Instance de Cambrai, par jugement dont appel, a accueilli la demande en paiement de la Société Générale, écartant les moyens successifs soulevés par les époux X... tirés de la nullité de la procédure de recouvrement engagée par la Société Générale, de la nullité de l'aval de Mr X... (non repris en cause d'appel) et, très subsidiairement, de la disproportion des engagements souscrits par les avalistes par rapport à leurs patrimoine et revenus .
Les époux X... réitèrent, en appel, ce seul grief de proportionnalité, plaidant subsidiairement, le comportement fautif de la Banque, légitimant selon eux l'octroi, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, de dommages et intérêts à hauteur de la créance réclamée sinon le cantonnement de cette dernière à la somme de 11 1675 euros. Sur le grief de proportionnalité :
Les époux X... qui, devant le premier juge, se fondaient sur la jurisprudence de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation ( arrêts des 17 Juin 1997 et 11 Juin 2003), se prévalent en cause d'appel des dispositions de la Loi du 1er Août 2003 pour l'initiative économique dont est issu l'article L 341-4 du Code de la Consommation au terme duquel : un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations
Pour s'opposer à l'application de ce texte qui n'a, selon elle, aucune vocation à s'appliquer au cas d'espèce , la Société Générale invoque successivement la non rétroactivité d'un Loi promulguée
postérieurement à laval litigieux, l'inapplicabilité de ce dispositif protecteur des consommateurs à un garantie cambiaire revêtant un caractère commercial, le montant des engagements souscrits excédant, au demeurant, le plafond prévu aux articles D 311-1 et 311-2 du Code de la Consommation en matière de crédit à la consommation, enfin l'impossibilité pour des avalistes initiés (au regard des fonctions exercées par les intéressés au sein de la société EAD) d'invoquer l'exigence de proportionnalité .
Il s'observe toutefois que : * Le dispositif de l'article L 341-4 précité, inséré au Titre I/ (Cautionnement) du Livre III (Endettement) du Code la Consommation, destiné à protéger toutes cautions personnes physiques contractant avec un créancier professionnel, ne comporte aucune disposition dérogatoire selon la nature ou l'objet du cautionnement souscrit et trouve dès lors à s'appliquer, comme c'est le cas en l'espèce, au dirigeant de société se portant caution des engagements de sa Société, * d'application différée au 6 Février 2004 pour les dispositions intéressant le formalisme du cautionnement et l'information des cautions, la Loi du 1er Août 2003 est immédiatement applicable s'agissant des dispositions relatives à la proportionnalité, * en l'espèce, il s'avère que le porteur du billet à ordre litigieux est également le professionnel dispensateur du crédit de trésorerie alloué à la société EAD le 30 Octobre 2002 et le bénéficiaire du billet à ordre signé par cette société ainsi que de l'aval souscrit par le dirigeant social et son épouse.
Le moyen tiré du caractère commercial de l'aval souscrit et des spécificités de la garantie cambiaire est inopérant dès lors que, dans leurs rapports fondamentaux, l'engagement souscrit par les époux X... envers la Société Générale constitue un cautionnement au sens de l'article L 341-4 précité, par suite applicable au cas
d'espèce. * il est constant que le 30 Octobre 2002, les époux X... se sont portés garants du remboursement sous quinze jours d'un crédit de trésorerie de 170 000 euros consenti à une société qui affichait depuis Janvier un découvert en compte supérieur à 150 000 euros (en dépit d'une autorisation de découvert limitée à 46 000 euros par la Société Générale) alors qu'ils disposaient d'un revenu mensuel moyen de 7 000 euros ( selon cumul net imposable au 30 Octobre 2002 ), d'un patrimoine constitué de deux immeubles et de parts de SARL pour une valeur estimée à 372 000 euros, et cumulaient un endettement de l'ordre de 1 200 000 euros (d'ailleurs essentiellement lié aux soutiens financiers apportés en 2002 à la société EAD).
L'aval des époux X... (dont la mobilisation à brève échéance était prévisible : pour mémoire ,à fin Octobre 2002, la dette de la société EAD envers la seule Société Générale, exigible immédiatement ou à très court terme, se chiffrait à 400 000 euros û la juridiction consulaire a d'ailleurs fixé provisoirement au 12 Novembre 2002 la date de cessation des paiements, soit dès avant le terme du billet à ordre) était donc totalement disproportionné à leur situation patrimoniale et financière.
Celle-ci est aujourd'hui obérée par la Liquidation Judiciaire de la société EAD prononcée le 16 Décembre 2002, de par son incidence sur les revenus du foyer puisque les deux époux travaillaient dans l'entreprise et les menaces de recouvrement qui pèsent sur les cautions d'une société dont l'insolvabilité est avérée.
Les époux X... sont, par suite, fondés à se prévaloir de la déchéance instituée à l'article L 341-4 du Code de la Consommation et à voir réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas, par contre, de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à leur profit. PAR
CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute la Société Générale de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des époux X...,
Rejette la demande d'indemnité de procédure des époux X...,
Condamne la Société Générale aux dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit des avoués qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,
C. POPEK
JL. FROMENT