COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 17/11/2005 * * * No RG : 03/07100 Tribunal de Commerce de LILLE du 23 Octobre 2003 REF : TF/CP APPELANTE S.A. ESKENAZI FRÈRES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social ... Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Maître Y..., Avocat au Barreau de LILLE INTIMÉE S.A. TRANSPORTS EUGÈNE Z... prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social C.I.T. - ... par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assistée de Maître X..., Avocat au Barreau de LILLE DÉBATS à l'audience publique du 04 Octobre 2005, tenue par Monsieur FOSSIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOLIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FOSSIER, Président de chambre M. ZANATTA, Conseiller M. REBOUL, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FOSSIER, Président, et Mme NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 14 septembre 2005
***** Par jugement contradictoire en date du 23.10.2003, le Tribunal de commerce siégeant à Lille a condamné la société anonyme ESKENAZI à payer à la société de même forme EUGÈNE Z... la somme principale de 14.646,73 euros pour stockage de marchandises avec intérêts et clause pénale de 15 p.100 mais a débouté la société ESKENAZI de sa demande reconventionnelle en paiement de 14.646,74 euros pour perte de marchandises par la faute du dépositaire.
Par acte de son avoué en date du 9.12.2003, la S.A. ESKENAZI FRÈRES a interjeté appel principal et général de la décision intervenue. A l'attention du second degré de juridiction, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du nouveau code de procédure civile dont les dernières en date sont du 18.1.2005 et dans lesquelles il est demandé à la Cour donner acte à l'appelante qu'elle reconnaît devoir la somme de 14.646,73 euros pour le dépôt de cartons de linge de maison contracté auprès des magasins Z... en juin 2000 ; mais condamner la société EUGÈNE Z... à payer une somme identique de 14.646,73 euros et ordonner la compensation ; et condamner encore l'intimée à payer 3.000 euros de dommages et intérêts et 2.500 euros pour frais irrépétibles de procédure.
La partie intimée, la S.A. EUGÈNE Z..., a conclu le 14.10.2004 à la confirmation pure et simple du jugement critiqué et à l'octroi de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC.
Selon ce qu'autorise l'article 455 NCPC, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens. SUR QUOI LA COUR, - Au principal
Attendu qu'il est constant que les parties ont été liées par un contrat complexe, au moins à partir de 1998, aux termes duquel ESKENAZI, grossiste et importateur en linge de maison, confiait à
Z...
le dédouanement puis l'entreposage de cartons contenant les marchandises, tandis que des employés d'ESKENAZI se rendaient dans les magasins de
Z...
pour effectuer un reconditionnement, pour servir les commandes des demi-grossistes ou détaillants ;
Attendu que les opérations de dédouanement ne sont pas litigieuses ; Attendu qu'en mars 2000, ESKENAZI s'est convaincue qu'il existait des différences à son préjudice entre les marchandises dédouanées puis reçues par
Z...
et les marchandises qu'elle a pu conditionner et
livrer à ses propres clients;
Qu'en mai 2000, la société ESKENAZI a donc pris l'initiative de facturer les "manquants" à
Z...
; que cette prétention s'est répétée en novembre 2001, pour atteindre un montant de 2.484,21 euros, 1.005,46 euros en 2000 et 11.157,07 euros en 2001 ;
Que pour l'année 2000, ESKENAZI a unilatéralement imposé la compensation avec les frais d'entreposage -un peu plus importants- que
Z...
lui a facturé et n'a donc réglé que la différence ;
Attendu que pour justifier cette pratique, ESKENAZI fait plaider qu'il appartenait à
Z...
de contrôler les sorties de marchandises ; qu'en matière de contrat de dépôt, en cas de perte de la chose déposée, le dépositaire doit prouver qu'il n'a pas commis de faute ; que des inventaires ont été faits par ESKENAZI dans les magasins de
Z...
et contresignés par un responsable de cette entreprise, de sorte que ces documents sont parfaitement opposables à l'intimée ;
Mais attendu que si le dépositaire est, par application des articles 1927 et 1932 du Code civil, tenu d'apporter, dans la garde des choses déposées, les mêmes soins qu'il apporterait dans la garde des choses qui lui appartiennent, et s'il doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue, il n'est tenu ni des accidents de force majeure, ni des détériorations qui ne surviennent pas de son fait ;
Attendu que l'immixtion du déposant dans le dépôt, singulièrement dans les magasins du dépositaire, peut constituer une circonstance assimilable pour le dépositaire à la force majeure ;
Qu'il en est ainsi notamment lorsque, prétextant une compétence particulière pour manipuler lui-même la marchandise, le déposant reprend la direction et le contrôle des opérations ;
Qu'en l'espèce, en envoyant ses salariés dans les magasins Z... pour éventrer des cartons de marchandises, ou modifier complètement l'aspect de certains autres, sans que
Z...
soit appelé à
participer ou même à assister aux opérations, ESKENAZI s'est privé du bénéfice des deux dispositions légales sus-énoncées ;
Attendu que pour ces raisons, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la validité des prétendus inventaires contradictoires qui auraient été établis dans certaines circonstances, le premier juge était bien fondé à imposer au déposant le paiement des factures de stockage et à ne pas admettre que celles-ci se compensent avec des "factures" de marchandises manquantes, sans aucun fondement contractuel et au demeurant chiffrées de manière arbitraire ; - Accessoires
Attendu que, succombant sur l'essentiel du principal, la S.A. ESKENAZI supportera la charge des dépens du présent appel ;
Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 NCPC la somme de mille euros ;
PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le23.10.2003 par le Tribunal de commerce de Lille en toutes ses dispositions ; Condamne la S.A. ESKENAZI FRÈRES à payer les dépens d'appel, outre la somme de 1.000 (mille) euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Accorde aux avoués constitués le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
C. Nolin
T. Fossier