ARRET DU
28 Octobre 2005 N 2804/05 RG 04/03120 HL/MAP
JUGEMENT DU Conseil de Prud'hommes de ROUBAIX
EN DATE DU
09 Septembre 2003 NOTIFICATION à parties
le 28/10/05 Copies avocats
le 28/10/05
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes - APPELANT : M. Abdel Hamide X... 20/5 Rue de Tournai 59100 ROUBAIX Représentant : Maître Lucie DELABY (avocat au barreau de LILLE) INTIME : S.A.R.L. CMP 191 Rue de Lannoy 59100 ROUBAIX Comparant en la personne de Monsieur Y..., gérant, assisté de Maître Karl VANDAMME (avocat au barreau de LILLE) DEBATS :
à l'audience publique du 08 septembre 2005
Tenue par H. LIANCE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER :
S. BLASSEL COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE B. MERICQ :
PRESIDENT DE CHAMBRE C. MAMELIN : CONSEILLER H. LIANCE : CONSEILLER ARRET :
Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28/10/05,
B. MERICQ, Président, ayant signé la minute
avec S. BLASSEL, Greffier, lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE :
Abdel Hamide X... a été engagé en qualité de maçon par la société CMP à compter du 25 avril 2000. Il a été licencié pour faute grave suivant lettre du 29 juillet 2002.
Contestant la légitimité de la rupture et estimant n'avoir pas été rempli de ses droits, Abdel Hamide X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de ROUBAIX qui, selon jugement du 9 septembre 2003 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des moyens et prétentions des parties, a pour l'essentiel dit que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Abdel Hamide X... a relevé appel de ce jugement.
Par ses conclusions et ses observations à l'audience devant la Cour de laquelle il sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de l'employeur à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour discrimination raciale, Abdel Hamide X... reprend et complète l'argumentation présentée en première instance.
Il expose que victime de discrimination raciale, recueillant sans cesse des insultes et des humiliations, il a toujours réagi sereinement jusqu'à ce qu'il inflige une gifle à un apprenti, Nicolas Z..., qui l'avait insulté le 17 juillet 2002.
Bien qu'il ait immédiatement avisé son employeur et signalé au commissariat de ROUBAIX ces faits qui se sont déroulés hors du lieu de travail, il a fait l'objet d'un licenciement par l'employeur qui a produit plusieurs attestations sans grand intérêt et dont certaines sont fantaisistes ou contradictoires.
Abdel Hamide X... se réfère aux témoignages de Jean-Luc A..., de Serge B..., Sébastien C..., Hamid D... et à un épisode où il a été faussement accusé de vol, pour affirmer qu'il subissait sans cesse des humiliations, parfois en présence des responsables de l'entreprise et malgré ses demandes d'intervention auprès de l'employeur. * * *
La société CMP conclut à la confirmation du jugement.
Elle rappelle tout d'abord qu'il appartenait à Abdel Hamide X... de prendre ses dispositions pour se faire accompagner d'un conseiller à l'entretien préalable au licenciement.
L'employeur affirme que Abdel Hamide X... a porté un coup de poing et non une gifle, à l'oeil gauche de Nicolas Z..., sans raison, le 17 juillet 2002 sur un chantier et non hors du lieu de travail.
A l'appui de ces affirmations, il verse les certificats médicaux et plusieurs témoignages (Dominique E..., Damien F..., Cédric G..., Farid H..., René I...)qui démontrent la réalité du coup de poing porté par Abdel Hamide X... sur son collègue. Il produit également les témoignages de Patrice J... et de Jean-Pierre K... relatant son comportement provocateur au volant de sa voiture.
Il remarque que la seule attestation que verse Abdel Hamide X..., celle de Dominique E..., a été rédigée sous la contrainte.
Concernant les discriminations raciales, l'employeur s'étonne que le salarié ne lui ait adressé aucun courrier avant l'engagement de la procédure de licenciement et qu'aucune suite n'ait été donnée après la saisine de la commission départementale d'accès à la citoyenneté. Il conteste l'attestation d'Hamid D... dans la mesure où Abdel
Hamide X... n'a pas travaillé avec Pascal J... et produit des attestations qui démentent le témoignage de Sébastien C.... Il critique les allégations mensongères de Jean-Luc A... et de Serge B... et est surpris des témoignages d'anciens salariés alors qu'une grande partie de ses clients et de son personnel est d'origine maghrébine.
EXPOSE DES MOTIFS :
Le licenciement :
La lettre de licenciement du 29 juillet 2002 qui fixe le cadre du litige est rédigée comme suit :
"Suite à notre entretien du 25 juillet 2002, nous vous confirmons votre licenciement sans préavis ni indemnités pour la faute grave que vous avez commise le jeudi 17 juillet 2002, soit agression avec coups et blessures sur la personne de Nicolas Z...."
(...)
Ces faits de violence ne sont pas contestés mais seulement minimisés par Abdel Hamid X... qui reconnaît avoir infligé une gifle à Nicolas Z... alors que Dominique E... évoque à son témoignage plusieurs coups de poing dans le dos et au visage et que Farid H... a constaté que c'est un coup de poing à la figure qui a provoqué un "oeil au beurre noir". Le certificat médical fait état d'un traumatisme oculaire à l'origine d'un arrêt de travail de 4 jours, ce qui semble correspondre davantage à un coup de poing qu'à une gifle. Pour expliquer son agression, Abdel Hamid X... prétend que le jeune Nicolas Z... l'aurait provoqué par des insultes. Or, Geoffrey VANLEYNSEELE affirme que "suite aux provocations de toute la journée", Nicolas Z... lui aurait demandé d'aller "chercher bonheur ailleurs". Dominique E... précise qu'Abdel Hamid X... a
commencé à "traiter " Nicolas puis à le frapper à l'oeil. Enfin, tant à sa lettre du 25 juillet 2002 qu'à sa plainte au commissariat, l'agresseur s'abstient de préciser les insultes que lui aurait adressées le jeune apprenti.
Enfin, les mêmes témoins situent l'agression vers 16 H 30, en fin de journée de travail, au départ du chantier.
Il en résulte que l'acte de violence sur le lieu de travail est bien caractérisé alors que la provocation préalable du jeune apprenti n'est pas établie.
La Cour confirmera la décision des premiers juges en ce qu'ils ont considéré que le licenciement pour faute grave était parfaitement justifié.
La discrimination raciale :
Abdel Hamid X... verse plusieurs témoignages pour soutenir qu'il était victime de discrimination raciale.
Jean-Luc L..., Serge B... et Jean-Michel M... affirment que le chef d'équipe Pascal l'injuriait "de manière raciale" ("Dehors les bougnouls") ; Sébastien C... rapporte des faits où en période de ramadan, le chef d'équipe lui aurait jeté une couenne de jambon en lui disant que c'était du "malouf pour les bougnouls". Patrick N... et Carmélo O... confirment que Pascal avait des propos racistes et vulgaires envers Abdel Hamid X...
En sens inverse, Salvatore P..., Damien F... précisent que Abdel Hamid X... imposait sa musique arabe "à fond" aux autres ouvriers et qu'il s'était réjoui au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Jean-Pierre K... atteste que ce salarié a agressé verbalement et avec une barre de fer Pascal J..., le chef d'équipe, qui conteste les affirmations portées aux attestations produites par le demandeur.
Ces différents épisodes non datés qui n'ont été portés à la
connaissance de l'employeur par écrit que par lettre du 25 juillet 2002 et qui ne sont invoqués qu'à l'occasion de la présente procédure ne sont pas à l'origine du licenciement. Le salarié ne précise pas non plus que ces agissements seraient la cause d'une quelconque mesure discriminatoire si bien qu'il n'est pas fondé à en demander réparation sur le fondement des articles L 122-45 et L 122-46 du Code du Travail.
L'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CMP l'intégralité de ses frais irrépétibles. Compte tenu de sa situation lui ouvrant droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle, Abdel Hamid X... sera condamné à verser à son ancien employeur la somme de 250,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de ROUBAIX du 9 septembre 2003.
Y AJOUTANT :
Condamne Abdel Hamid X... à payer à la société CMP la somme de deux cent cinquante euros (250,00 euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne Abdel Hamid X... au paiement des dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, S. BLASSEL B. MERICQ