COUR D'APPEL DE DOUAI TROISIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 20/ 10/ 2005
BAUX RURAUX
* * *No RG : 04/ 07046
Tribunal paritaire des baux ruraux de MONTREUIL SUR MER du 30 Septembre 2004
REF : CP/ CC
APPELANT
Monsieur Guy X...né le 04 Mars 1947 à LOISON SUR CREQUOISE (62990) demeurant ...représenté par Maître AUBRON, avocat au barreau de BOULOGNE/ MER
INTIMÉ
Monsieur Ludovic Y...demeurant ... représenté par Me Danièle LAMORIL LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Madame MERFELD, Président de chambre Monsieur GAIDON, Conseiller Madame PAOLI, Conseiller--------------------- GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame GAMEZ
DÉBATS à l'audience publique du 08 Septembre 2005, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Madame MERFELD, Président, et Madame GAMEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Guy X...est propriétaire de terres cadastrées C no 209, 211, 20 et ZC 60 à LOISON SUR CREQUOISE d'une superficie d'environ 3 ha 40 a.
Soutenant être titulaire d'un bail soumis au statut du fermage, Monsieur Ludovic Y...a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux afin de voir constater ses droits et cesser le trouble que lui occasionne le bailleur.
Par jugement contradictoire du 30 septembre 2004, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de MONTREUIL SUR MER a :
- déclaré recevable la demande formulée par Ludovic Y...,- déclaré le jugement commun à Maryvonne X...,- dit que Ludovic Y...est titulaire d'un bail soumis au statut du fermage concernant les parcelles situées à LOISON SUR CREQUOISE et cadastrées sous les références C 209, C 211, ZC 60 et C 20 appartenant à Guy X...,- ordonné à Guy X...de libérer les lieux dans un délai de 14 jours à compter de la signification du jugement sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant deux mois,- condamné Guy X...à payer à Ludovic Y...la somme de 13. 200 € au titre des pertes subies pour les années culturales 2003 et 2004,- ordonné l'exécution provisoire du jugement, sauf pour les dépens,- condamné Guy X...à payer à Ludovic Y...la somme de 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- condamné Guy X...aux dépens.
Par lettre recommandée postée le 25 octobre 2004 et réceptionnée au greffe du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de MONTREUIL SUR MER, Monsieur Guy X...a relevé appel du jugement. Par conclusions déposées au greffe de la Cour le 5 janvier 2005 et soutenues oralement à l'audience du 8 septembre 2005, Monsieur X...demande à la Cour d'infirmer le jugement et de :
- dire Monsieur Y...mal fondé en ses demandes tendant à faire juger de l'existence d'un bail à son profit,- débouter Monsieur Y...de toutes ses demandes,- condamner Monsieur Y...au paiement de la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dans la mesure où les parcelles litigieuses sont incluses dans un ensemble plus vaste, il retrace le contentieux qui l'a opposé à Monsieur et Madame Z..., anciens exploitants preneurs à bail de cet ensemble et indique que ses droits et la réalité de l'exploitation de ses terres par lui même ont été judiciairement reconnus par arrêt de la Cour d'Appel d'AMIENS du 22 novembre 2004 saisie comme juridiction de renvoi après cassation.
Il rappelle ensuite le contexte d'entraide dans lequel Monsieur Pierre Y..., père de l'intimé, est intervenu pour en conclure que les prétentions de Monsieur Ludovic Y...ne sont pas fondées car il n'y a jamais eu bail à ferme au profit de son père ; qu'il ne peut donc pas y avoir cession d'un bail inexistant mais surtout cette cession n'a jamais été autorisée par lui ; il rappelle à cet égard les dispositions d'ordre public de l'article L. 431-35 du code rural.
Il indique enfin justifier exploiter et avoir maintenu son exploitation.
Monsieur Ludovic Y..., par conclusions déposées au greffe de la Cour le 10 février 2005 et soutenues oralement à l'audience du 8 septembre 2005, demande à la Cour de confirmer le jugement et de :
Vu l'article 1719 du code civil,- condamner Monsieur Guy X...à assurer la jouissance paisible des biens loués,
- ordonner en conséquence la libération par Monsieur Guy X...de l'ensemble des parcelles ci-dessus désignées sous peine d'une astreinte de 150 € par jour pendant deux mois,
- le condamner au paiement de la somme de 9. 200 € par année culturale perdue,
- condamner Monsieur Guy X...au paiement de la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur Y...soutient être en possession depuis 1994 des parcelles litigieuses dans le cadre d'un bail à ferme, dont le contrat de vente d'herbe est une variante, et payer depuis cette date les fermages y correspondant. Il ajoute qu'il a fait refaire les clôtures.
Il précise ne pas venir aux droits de son père et soutient que le bailleur lui a consenti un bail en nom personnel et que dès lors la question de l'autorisation de la cession du bail ne se pose pas.
Il rappelle ensuite que le litige entre Monsieur X...et son ancien locataire lui est étranger et sa solution ne peut lui être opposée. De plus cela ne fait pas nécessairement obstacle à l'application au cas d'espèce des dispositions de l'article L. 411-1 du code rural.
A titre incident, il évalue son préjudice résultant des obstacles apportés par le bailleur, à la somme de 9. 200 € par année culturale perdue soit 18. 400 € au total.
SUR CE
Aux termes de l'article L. 411-4 du code rural : " Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public. Il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens et dans l'intention de faire obstacle à l'application du présent titre :- de toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ;- des contrats conclus en vue de la prise en pension d'animaux par le propriétaire d'un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux. La preuve de l'existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens. "
Nonobstant les déclarations faites le 9 novembre 2000 à l'huissier instrumentaire, requis pour un constat, à qui Monsieur Y...indique : " Que ces parcelles sont louées à usage de pâture par Monsieur Y...Ludovic, requérant, qui l'a reprise en 1994 à son père, Monsieur Y...Pierre, utilisateur depuis 1988. ", l'intimé soutient désormais devant la Cour suivant en cela le raisonnement du premier juge, qu'il a été autorisé à titre personnel par Monsieur X..., depuis 1994, à faire paître ses bovins sur les parcelles propriétés de ce dernier, moyennant un fermage annuel et que cette convention de vente d'herbe qui s'est renouvelée depuis de nombreuses années lui confère un bail à ferme sur lesdites parcelles soumis au statut des baux ruraux.
Le fait que des bovins de messieurs Y..., père et fils, aient pu pacager sur ces parcelles, n'est ni contestable ni d'ailleurs contesté par Monsieur X...qui soutient qu'il s'agissait de conventions précaires et exceptionnelles de vente d'herbes qui n'ont pu conférer à ces derniers de bail à ferme et que ces autorisations correspondaient à de l'entraide entre exploitants dans des périodes de difficultés respectives.
Les copies de chèques et relevés de compte versés aux débats par Monsieur Y...permettent d'établir le paiement au bénéfice de Monsieur X...des sommes suivantes :
-3. 000 Frs le 24 août 2000-3. 000 Frs le 24 septembre 2000-1. 500 Frs le 24 octobre 2000
-2. 500 Frs le 25 août 2001-2. 000 Frs le 24 septembre 2001-2. 000 Frs le 25 octobre 2001
-356, 67 € le 24 août 2002-356, 67 € le 24 octobre 2002-356, 67 € le 24 novembre 2002
Aucun document n'est produit pour la période antérieure.
Le constat d'huissier du 9 novembre 2000 établit que des bovins de Monsieur Y...paissaient en 2000 sur une pâture appartenant à Monsieur X....
Les quatre attestations produites par Monsieur Y..., par leur généralité et leurs imprécisions de date, établissent tout au plus que des bovins de Monsieur Y...ont pu paître sur les parcelles de Monsieur X..., ce qui n'est pas contesté, mais sont insuffisantes à établir la permanence de ces occupations comme surtout leur nature ainsi que l'existence d'un prix.
En revanche, les relevés bancaires et les photocopies des chèques produits établissent l'existence d'une convention entre les parties mais uniquement pour 2000, 2001 et 2002, cette convention annuelle paraissant commencer et s'achever en milieu d'année civile.
Enfin aucune des pièces de l'intimé n'établit qu'il ait pu assumer les obligations incombant habituellement au propriétaire des parcelles. Monsieur X...justifie que l'entretien des clôtures lui a été facturé par Monsieur Y....
Si l'article L. 411 alinéa 2 du code rural déclare le statut du fermage applicable " à toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou les faire recueillir ", le cédant conserve la possibilité de démontrer que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens et dans l'intention de faire obstacle au statut du fermage.
Monsieur X...établit pour faire échec à la présomption de bail invoquée par l'intimé, sa volonté, depuis son installation en 1989 (cf l'attestation de la M. S. A.) d'exploiter personnellement les parcelles dont il est propriétaire ou constituant l'exploitation paternelle reprise à cette date (cf les procédures judiciaires antérieures tendant à ce constat) ; il démontre également la réalité de l'exploitation de ses parcelles (cf les relevés et registres parcellaires) et de ses difficultés professionnelles et économiques (cf les attestations des Assedic du 5 mars 2003, de la M. S. A. des 15 février 2005 et 24 juillet 2002).
L'examen corrélatif de ces documents et des pièces relatives à la vente d'herbes à Monsieur Pierre Y...en 1993-1994 (cf la réponse de celui-ci à la sommation interpellative du 9 février 1993) démontre que le recours à cette convention est manifestement ponctuel et correspond sensiblement aux périodes de difficultés économiques de Monsieur X...et qu'en recourant à la solidarité entre exploitants agricoles et en particulier avec ses voisins, la famille Y..., Monsieur X...n'a jamais entendu cesser d'exploiter personnellement ces parcelles et faire échec, même temporairement, au statut du fermage au travers de convention de ventes d'herbes consenties à Monsieur Pierre Y...ou à son fils Ludovic et dont l'exécution correspondait effectivement à la dénomination adoptée par les parties et ne conférait pas à l'acquéreur un droit d'utilisation continue ou répétée des parcelles.
Le jugement du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de MONTREUIL SUR MER doit être infirmé. Aucun bail à ferme ne lie les parties.
Il s'en suit que Monsieur Y...ne peut obtenir des dommages-intérêts pour privation de jouissance et pertes culturales.
Monsieur Y...doit donc être débouté de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur Y...qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ainsi que celle d'une indemnité de procédure en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile d'un montant de 1. 000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique et contradictoirement,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur Y...de ses demandes,
Condamne Monsieur Y...aux dépens de première instance et d'appel,
Le condamne également à payer à Monsieur X...une somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
V. GAMEZ E. MERFELD