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06/10/2005 | FRANCE | N°03/05782

France | France, Cour d'appel de Douai, 06 octobre 2005, 03/05782


COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 06/10/2005 * * * No RG : 03/05782 Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER du 19 Août 2003 REF : TF/CP APPELANTE S. N. C. FORCUM COTE D'OPALE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ayant son siège social ... II - 62230 OUTREAU Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour Assistée de Maître X..., Avocat au Barreau d'AMIENS INTIMÉS Maître Dominique Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL I.T.C. (Remplacé par Me Jean Claude B...) demeurant ... S.A. B

TP BANQUE prise en la personne de ses représentants légaux ayant s...

COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 06/10/2005 * * * No RG : 03/05782 Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER du 19 Août 2003 REF : TF/CP APPELANTE S. N. C. FORCUM COTE D'OPALE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ayant son siège social ... II - 62230 OUTREAU Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour Assistée de Maître X..., Avocat au Barreau d'AMIENS INTIMÉS Maître Dominique Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL I.T.C. (Remplacé par Me Jean Claude B...) demeurant ... S.A. BTP BANQUE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social ... par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour Assistée de Maître Z... substituant Maître A..., Avocat au Barreau de BOULOGNE SUR MER Maître Jean-Claude B... ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ITC en remplacement de Maître Y... demeurant ... par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour Assisté de la SCP SABLON LEEMAN BERTHAUD, Avocat au Barreau de BEAUVAIS DÉBATS à l'audience publique du 06 Septembre 2005, tenue par Monsieur FOSSIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOLIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FOSSIER, Président de chambre M. ZANATTA, Conseiller M. REBOUL, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FOSSIER, Président, et Mme NOLIN, greffier, auquel la minute a été

remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 29 août 2005

***** I - Faits et procédure

Courant mai 2000, la société FORCUM COTE d'Opale (ci-après FORCUM) s'est vue confier par l'Hôpital Maritime de Berck des travaux de désenfumage, plomberie et électricité pour un montant de 233.247 euros HT (pièces no 1 et 2 de l'appelante) ;

La société ITC a été choisie pour effectuer en sous-traitance certains travaux ; à ce titre, la société ITC a obtenu de FORCUM l'acceptation de deux billets à ordre les 6 novembre 2000 (pour107.039,54 francs, pièce no 1 de l'intimée) et 7 décembre 2000 (pour 124.698,54 francs de l'intimée) à échéances respectives des 10.1 et 10.2.2001, et les a escomptés auprès de la BTP BANQUE ;

Le 11 janvier 2001, l'Hôpital Maritime de Berck a fait savoir à FORCUM par écrit que contrairement à la convention initiale des parties rendant ITC créancière de FORCUM, sauf le droit de cette dernière d'être remboursée par l'Hôpital, l'article 186-bis du Code des marchés publics impose le paiement direct du sous-traitant par le maître d'ouvrage ;

Mais le 23 janvier 2001, la société ITC a été admise au bénéfice de la liquidation judiciaire, Maître Y... étant nommé liquidateur ;

En conséquence de ces deux événements, FORCUM a déclaré à la BTP BANQUE qu'elle s'opposait au paiement des deux billets à ordre, faute de créance d'ITC sur FORCUM, la dette s'imposant finalement à l'Hôpital maître de l'ouvrage;

Par exploit en date du 17 avril 2002, la SA BTP BANQUE a attrait la société FORCUM COTE D'OPALE devant le tribunal de commerce de BOULOGNE SUR MER aux fins de :

"Vu l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,

- s'entendre la société FORCUM COTE D'OPALE, condamner à payer à la société BTP BANQUE les sommes de 16.318,08 euros et de 19.010,17 euros, outre intérêts au taux légal depuis l'échéance des lettres de change ;

- s'entendre la société FORCUM COTE D'OPALE à payer à la société BTP BANQUE la somme de 1.524,49 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile".

Pour contester cette réclamation, le tiré de l'opération est venu opposer à la société BTP BANQUE ses rapports avec la société ITC et l'absence de créance d'ITC.

Maître Y..., nommé liquidateur judiciaire de la SARL ITC, par jugement en date du 23 janvier 2001, a été appelé en garantie par la société FORCUM qui prétendait que la société ITC s'était enrichie à son détriment.

La BTP BANQUE a contesté l'argumentation de la société FORCUM.

Aux termes d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de BOULOGNE SUR MER en date du 19 août 2003, la décision suivante a été rendue :

"Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Joint les deux instances ;

Condamne la société FORCUM COTE D'OPALE à payer à BTP BANQUE la somme principale de 12.653,27 euros, correspondant à la première traite, avec intérêts au taux légal depuis l'échéance de la traite, soit le 10 janvier 2001 ;

Déboute BTP BANQUE pour le surplus de sa demande ;

Condamne la société FORCUM COTE D'OPALE à payer à BTP BANQUE la somme de 1.500 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La condamne aux entiers dépens de la présente instance."

La société FORCUM a régularisé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour aux termes de ses conclusions d'appelante :

"Infirmer le jugement du tribunal de commerce de BOULOGNE SUR MER du 19 août 2003 du chef de la condamnation de la société FORCUM COTE D'OPALE à payer à la BTP BANQUE la somme de 12.653,27 euros avec intérêts au taux légal depuis le 10 janvier 2001, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, les entiers dépens de première instance, et du chef du débouté de la société FORCUM COTE D'OPALE de son appel en garantie dirigé à l'encontre de Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ITC.

Pour le surplus, confirmer le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Débouter la SA BTP BANQUE de sa demande en condamnation de la somme de 12.653,27 euros correspondant à la 1ère traite avec intérêts au taux légal depuis l'échéance de la traite, soit le 10 janvier 2001 ainsi que de toutes autres demandes ;

Subsidiairement, en application des articles L 511-12 du code de commerce et 1371 et suivants du code civil, dire et juger que la société ITC s'est indûment enrichie au détriment de la SNC FORCUM COTE D'OPALE ;

Dès lors, condamner Me Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ITC à garantir la SNC FORCUM COTE D'OPALE de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de BTP BANQUE par inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société ITC.

Condamner en toute hypothèse in solidum la BTP BANQUE et Me Y... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ITC à payer à la SNC FORCUM COTE D'OPALE la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité de procédure en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile."

La BTP BANQUE entend pour sa part obtenir la confirmation de la décision qui consacre sa créance au titre de la première traite escomptée, mais également forme appel incident, afin d'obtenir la réformation de ce jugement en ce qu'il la déboute de sa réclamation au titre de la seconde traite du 7 décembre 2000 d'un montant de 19.010,17 euros.

Maître B..., POUR LA SOCIÉTÉ ITC en liquidation a, par conclusions du 5-1-05, demandé sa mise hors de cause et le paiement de 3000 euros pour frais irrépétibles.

II - Discussion A - Sur l'appel principal

Attendu qu'aux termes de l'article L 511-12 du Code de commerce, applicable au billet à ordre par l'effet de l'article L 512-3 du même code, les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ;

Attendu que cette conscience du préjudice à venir de celui à qui le paiement va être réclamé, ne présente pas nécessairement les caractéristiques du dol mais doit excéder la simple négligence ou même l'imprudence ;

Attendu que dans le cas d'une banque qui accepte à l'escompte un effet douteux, l'appréciation des juges peut être plus sévère que pour d'autres types de porteurs ; que néanmoins, au rebours de ce que semble affirmer FORCUM, il n'a jamais été jugé que l'imminence d'un redressement judiciaire ou même d'une liquidation suffirait à démontrer la mauvaise foi d'une banque, la loi imposant au contraire sous le substantif "conscience" un faisceau d'indices concordants qui ne sauraient tromper le porteur professionnel ;

Qu'ainsi, la "mauvaise foi" d'une banque peut être retenue s'il est

avéré dès l'endossement qu'il n'existera pas de provision suffisante au jour du paiement, ou si la situation du tireur est notoirement désespérée, ou s'il existe un litige sérieux et persistant, donc connu notamment de la banque, sur la validité de l'opération qui a causé l'effet de commerce ; que cette appréciation, objective, du caractère avéré, notoire, connu et définitif de la difficulté, doit être faite par les juges en référence à la conduite habituelle et normale d'un porteur professionnel ;

Qu'encore et du tout, il s'évince utilement vu les circonstances de l'espèce : - que la preuve de la mauvaise foi du porteur, y compris une banque, incombe à celui qui refuse son paiement ; - que la survenance d'une procédure collective dans un temps proche de l'endossement ne réalise pas cette preuve ; - que l'insuffisance de provision au jour de l'endossement n'est pas non plus un élément qui fasse, du moins à lui seul, présumer la mauvaise foi de la banque ;

Attendu qu'en l'espèce, ITC ne bénéficiait, comme l'établit la banque en évoquant les productions ultérieures à son passif, d'aucun concours financiers excédant la raison ou la norme ;

Que les comptes bancaires d'ITC étaient débiteurs à une hauteur infinitésimale au jour de l'endossement et n'ont atteint des niveaux inquiétants que longtemps avant cet endossement, ou alors plus tard, à l'époque du paiement, ce qu'évidemment la BTP BANQUE ne pouvait pas prévoir avec certitude ;

Que sur ces deux plans, l'appelante déplore sans motifs que l'intimée n'apporte pas davantage de preuves, dont elle tente par surcroît d'inverser la charge ;

Qu'enfin, et pour se rapprocher de l'exception que FORCUM a entendu soulever pour refuser son paiement, absolument aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la BTP BANQUE connaissait

l'illégalité du rapport principal ayant causé les deux effets litigieux ;

Qu'autrement dit, FORCUM ne fait pas la preuve que toute banque dans la situation de l'espèce aurait eu conscience, par un faisceau d'indices dénués d'ambigu'té et assez graves, du caractère irrémédiable des difficultés d'ITC non plus que des causes possibles d'un litige parfaitement prévisible ; que le porteur, en acquérant la lettre, n'a donc pas pu agir sciemment au détriment du débiteur, selon la lettre de la loi ;

Attendu enfin, pour répondre à l'argument superfétatoire de l'appelante, que l'appréciation du juge de l'exécution, donnée pour une période bien plus tardive et dans un litige sans aucune connexité avec le présent, ne saurait modifier l'approche faite ici par la cour d'appel ;

Attendu qu'ainsi, et sans qu'il soit même permis d'évoquer l'exception que FORCUM développe dans ses conclusions, la confirmation s'impose ; B - Sur l'appel incident

Attendu que le jugement critiqué a opéré une distinction entre le premier billet à ordre et le second, celui-ci étant affecté par la mauvaise foi du banquier et pas celui-là;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, ledit jugement s'est contenté d'évoquer un léger accroissement du débit sur l'un des comptes d'ITC ; qu'il n'a pas recherché dans le dossier de FORCUM, le faisceau d'indices, ni la conscience exacte du risque ni évalué la conduite normale ou anormale de la banque, selon les critères énoncés précédemment ;

Que la réformation est donc nécessaire ; C - Sur la mise en cause d'ITC

Attendu que dès lors que FORCUM se voit dénier le droit d'invoquer

les exceptions tenant à ses rapports avec ITC, cette société, prise en la personne de son liquidateur Maître B..., doit être mise hors de cause, comme elle le demande ; D - Accessoires

Attendu que, succombant au principal et sur l'appel incident, l'appelante supportera la charge des dépens du présent appel ;

Qu'au titre des

Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera aux deux autres par application de l'article 700 NCPC la somme de 1200 (mille deux cents) euros ;

PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort,

Met Maître B..., pour la société ITC, hors de cause ; Confirme le jugement rendu le 19 août 2003 par le Tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en ce qu'il a condamné la SNC FORCUM à payer 12.653,27 euros à la SA BTP BANQUE avec intérêts au taux légal, outre 1500 euros pour frais irrépétibles de procédure ; Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la SA BTP BANQUE pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la SNC FORCUM à payer 19.010,17 euros (dix neuf mille dix ç dix sept) à la SA BTP BANQUE avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2001 ; Condamne la SNC FORCUM à payer les dépens d'appel, outre la somme de 1200 euros tant à la SA BTP BANQUE qu'à Me B... ès qualité par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Accorde aux SCP CONGOS VANDENDAELE, MASUREL-THERY-LAURENT et SCP CARLIER-REGNIER, avoués, le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

C. Nolin

T. Fossier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 03/05782
Date de la décision : 06/10/2005
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2005-10-06;03.05782 ?
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