COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 1 SECTION 2 ARRÊT DU 29/06/2005 * * *
No RG : 04/02527 JUGEMENT Tribunal d'Instance de TOURCOING du 17 Décembre 2003 REF : MM/AMD APPELANTS Monsieur Jacques X... né le 04 Décembre 1929 à LYONS LA FORET (27480) Madame Rolande Y... épouse X... née le 26 Juillet 1930 à MARCQ EN BAROEUL (59700) demeurant 11 Bis Chemin Saint Georges 59910 BONDUES Représentés par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Cour Assistés de Maître Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE INTIMÉ Monsieur Roger Y... né le 05 février 1928 demeurant 11 Chemin Saint Georges 59910 BONDUES Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués associés à la Cour DÉBATS à l'audience publique du 11 Mai 2005, tenue par Madame MARCHAND magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FROMENT, Président de chambre Madame COURTEILLE, Conseiller Madame MARCHAND, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FROMENT, Président, et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 09 mai 2005
*****
Aux termes d'un acte de donation-partage en date du 12 juin 1965,
Madame Yvonne Z... veuve Y... a fait donation à ses six enfants, au rang desquels Monsieur Roger Y... et Madame Rolande Y... épouse X... de divers immeubles sis à Bondues et Marcq-en Baroeul. Le lot no2, qui est actuellement la propriété de Monsieur Roger Y... comportait un mur situé à environ deux mètres de la limite séparative du lot no5, appartenant à Madame Rolande Y... épouse X....
A partir du mois de décembre 2001, Monsieur Roger Y... a entrepris des travaux de démolition d'un mur de clôture et posé une palissade sur la limite séparative des deux fonds.
Par acte du 15 mai 2002, Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... ont fait assigner Monsieur Roger Y... devant le juge des référés du Tribunal d'Instance de Tourcoing, qui, par ordonnance du 5 mars 2003, a enjoint aux parties de suspendre et de cesser tout acte de démolition dans l'attente de la décision au fond. Par acte du 7 janvier 2003, Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... ont fait assigner Monsieur Roger Y... devant le Tribunal d'Instance de Tourcoing qui a, par jugement du 17 décembre 2003 :
- déclaré l'action possessoire engagée par Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y..., épouse X... irrecevable ;
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamné Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... aux dépens.
Par déclaration du 13 avril 2004, Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 23 novembre 2004, ils demandent à la Cour :
Vu l'article 1264 du nouveau code de procédure civile et les articles 2282 et 2283 du code civil,
Sur la question de la recevabilité,
- de constater que l'action en référé qui a été introduite le 15 mai 2002 a interrompu la prescription ;
- de constater que l'assignation du 7 janvier 2003 a été introduite dans le délai annal du premier acte faisant obstacle à la possession ;
En conséquence,
- de déclarer leur action recevable ;
Sur le fond,
- de condamner Monsieur Roger Y... à cesser le trouble illicite portant atteinte à leur possession ;
- de le condamner à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi ;
- de le condamner à leur payer la somme de 4 928,20 euros en réparation du préjudice matériel ;
- de le condamner à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- de le condamner aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées le 4 avril 2005, Monsieur Roger Y... demande à la Cour :
Vu les articles1264 du nouveau code de procédure civile et 2282 et 2283 du code civil,
Vu l'acte de donation partage en date du 12 juin 1965,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal
d'Instance de Tourcoing en date du 17 décembre 2003 ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait considérer que l'action n'est pas prescrite,
- de dire Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y..., épouse X... mal fondés en leurs prétentions ;
- de les en débouter ;
En toutes hypothèses,
- de les condamner in solidum au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- de les condamner in solidum au paiement des dépens.
MOTIFS :
1) sur le moyen tiré de la prescription de l'action introduite par Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X...
Par application de l'article 1264 du code civil, les actions possessoires sont ouvertes dans l'année du trouble.
Le point de départ de ce délai est le jour du premier acte du trouble impliquant une prétention rivale à la possession des demandeurs.
En l'espèce, dans l'assignation à comparaître devant le Tribunal d'Instance délivrée à leur voisin, les époux X... exposaient : "courant décembre 2001 et janvier 2002, Monsieur Roger Y... a débuté des travaux de démolition du mur de clôture."
Dans la mise en demeure adressée à l'intimé, le 29 mars 2002, le conseil des appelants indiquait en outre : "vous avez débuté courant décembre 2001, des travaux de démolition dans le but de prendre possession de la partie acquise par prescription par Monsieur et Madame X...".
Il est constant que dans les mois qui ont suivi les premiers travaux de démolition, Monsieur Roger Y... a partiellement découpé les tôles en plastique d'un abri édifié par Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X..., qui dépassait sur la parcelle litigieuse, puis posé une clôture sur la limite séparative des deux fonds.
Il apparaît donc que les troubles successifs sont liés entre eux de telle sorte que les troubles postérieurs ne sont que la continuation du premier.
Il s'en déduit que le délai annal court à compter de l'acte le plus ancien, à savoir les premiers travaux de démolition réalisés en décembre 2001, ceux-ci constituant une entreprise suffisamment caractérisée contre la jouissance des demandeurs.
[****]
Dans l'assignation à comparaître devant le juge des référés, délivrée à Monsieur Roger Y... , les époux X... formaient des demandes identiques à celles ultérieurement présentées dans le cadre de l'instance introduite devant le Tribunal d'Instance.
La lecture de l'ordonnance rendue par le juge des référés révèle qu'après que l'incompétence de cette juridiction pour connaître d'une
action possessoire ait été soulevée par leur adversaire, les époux X... ne se sont pas désistés de leur demande mais ont d'une part, changé le fondement juridique de leur action en invoquant désormais les dispositions de l'article 848 du nouveau code de procédure civile et d'autre part, partiellement modifié leurs prétentions. Ils ont ainsi demandé au juge d'ordonner la suspension et la cessation du trouble illicite portant atteinte à leur possession et ont sollicité la condamnation sous astreinte de Monsieur Roger Y... à remettre les lieux dans l'état où ils étaient avant les voies de fait.
Le juge des référés, constatant que les actes de démolition du mur et de la véranda des époux X... constituaient un trouble manifestement illicite, a enjoint aux parties de suspendre et de cesser tout acte de démolition dans l'attente de la décision au fond et a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.
Il apparaît donc que les actions engagées par les époux X... devant le juge des référés, puis le Tribunal d'Instance de Tourcoing ont la même cause, à savoir le trouble allégué et le même objet qui est la cessation du dit trouble.
Conformément aux dispositions de l'article 2244 du code civil, la citation à comparaître devant le juge des référés délivrée à Monsieur Roger Y... le 15 mai 2002 a interrompu la prescription.
L'assignation de l'intimé devant le Tribunal d'Instance ayant été délivrée le 7 janvier 2003, il en résulte que la prescription annale de l'action n'est pas acquise.
Il convient par conséquent de rejeter la fin de non recevoir soulevée par Monsieur Roger Y...
2) sur l'action possessoire
Il n'appartient pas au juge du possessoire d'interpréter les clauses
de l'acte de donation partage relatives à l'interdiction des recours entre copartageants - notamment pour moindre mesure pouvant exister entre les contenances réelles et celles indiquées dans l'acte - et à la condition de ne pas attaquer le partage, une telle interprétation relevant des attributions du juge du pétitoire et n'ayant au surplus aucune incidence sur la possession dont les appelants sollicitent la protection.
En vertu de l'article 1264 du nouveau code de procédure civile, l'action en réintégration contre l'auteur d'une voie de fait peut être exercée alors même que la victime de la dépossession possédait ou détenait depuis moins d'un an.
Il importe peu dès lors que les époux X... aient fait usage de la parcelle litigieuse à compter de 1965, date de l'acte de donation ou seulement depuis l'achèvement de la construction de leur maison d'habitation en 1988.
Monsieur Martial A..., Madame Reine B..., Madame Madeleine C..., Madame Simone D... et Monsieur Jean-Pierre E... attestent de l'usage, depuis de longues années, par les époux X... de la parcelle litigieuse jusqu'à la limite du mur d'enceinte du fonds de Monsieur Roger Y...
Il résulte en outre des attestations des enfants des appelants, Messieurs Jean F... et Jacques X... que leurs parents entretenaient des plantations au pied du mur édifié sur le fonds de l'intimé et qu'ils ont exploité le puit situé sur la parcelle à l'aide d'une pompe à eau dont ils avaient fait l'acquisition.
Le fait que les enfants de Monsieur Roger Y... attestent s'être rendus sur cette parcelle durant leur enfance pour y puiser de l'eau n'est pas de nature à contredire la réalité de la possession des époux X...
Les témoignages des époux G... et de Monsieur Jacques X... ainsi que les clichés photographiques produits par les appelants établissent en effet d'une part que la porte incluse dans le mur était fermée par une targette et ne pouvait donc s'ouvrir que du côté du fonds des époux X... et d'autre part que depuis 1990, la pompe à eau a été démontée et remplacée par une pompe électrique installée à l'intérieur de la maison d'habitation des appelants, rendant ainsi impossible l'usage du puit par la famille de Monsieur Roger Y...
La possession paisible de la parcelle litigieuse par les époux X... est dès lors démontrée.
Monsieur Roger Y... reconnaît dans ses écritures avoir découpé une partie des tôles de l'abri édifié par les époux X... qui dépassaient légèrement sur la parcelle litigieuse, afin de pouvoir installer une palissade sur la limite séparative. Il ressort en outre des clichés photographiques produits par les appelants que l'intimé a démoli un muret qui avait été édifié par les époux X... afin de clôturer leur fonds. Ces deux actes doivent recevoir la qualification de voies de fait.
Les conditions de la protection possessoire étant réunies en l'espèce, il convient de déclarer les appelants possesseurs légitimes et de faire droit à leur demande tendant à faire cesser le trouble qu'ils subissent.
L'intimé est en outre tenu de réparer le préjudice matériel subi par les appelants. Or, il
L'intimé est en outre tenu de réparer le préjudice matériel subi par les appelants. Or, il ressort du devis produit par les époux X... que le coût de la réfection de l'abri endommagé et du muret détruit
s'élève à la somme de 1 733,79 euros. Il convient par conséquent de condamner Monsieur Roger Y... à payer cette somme aux époux X..., à titre de dommages et intérêts.
En revanche, les appelants ne démontrant pas la réalité du préjudice moral qu'ils prétendent avoir subi, ils seront déboutés du surplus de leur demande.
3) sur les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Monsieur Roger Y... sera condamné à payer à Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... la somme de 2 000 euros à titre d'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû engager en première instance et en cause d'appel.
L'intimé sera par ailleurs débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il sera en outre condamné aux dépens, de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action introduite par Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X...;
Déclare Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... possesseurs légitimes de la parcelle s'étendant de la limite
séparative de leur fonds et de celui de Monsieur Roger Y... jusqu'au mur précédemment édifié sur le fonds de ce dernier ;
Fait injonction à Monsieur Roger Y... de cesser le trouble portant atteinte à cette possession ;
Condamne Monsieur Roger Y... à payer à Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... la somme de1 733,79 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
Déboute Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Condamne Monsieur Roger Y... à payer à Monsieur Jacques X... et Madame Rolande Y... épouse X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Déboute Monsieur Roger Y... de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Monsieur Roger Y... aus dépens de première instance et d'appel ;
Autorise la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à les recouvrer directement en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,
C. POPEK.
JL. FROMENT.