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09/09/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944795

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre civile 3, 09 septembre 2004, JURITEXT000006944795


COUR D'APPEL DE DOUAI TROISIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 09/09/2004 * * * No RG : 03/00401 Tribunal de Grande Instance LILLE du 09 Décembre 2002 REF : HF/VD APPELANTE Société AGROFINO TRANSPORTS BVBA société de droit belge Ayant son siège social Moerenstraat BRUG 4-2370 ARENDONK (BELGIQUE) représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour assistée de Me Bruno CARPENTIER, avocat au barreau de LILLE INTIMÉ L'ETAT FRANOEAIS pris en la personne de Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor Demeurant 6 rue Louise Weiss - Bâtiment Condorcet 75703 PARIS CEDEX 13 représenté par la SC

P COCHEME-KRAUT, avoués à la Cour assisté de Me Christian ROMBAUT...

COUR D'APPEL DE DOUAI TROISIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 09/09/2004 * * * No RG : 03/00401 Tribunal de Grande Instance LILLE du 09 Décembre 2002 REF : HF/VD APPELANTE Société AGROFINO TRANSPORTS BVBA société de droit belge Ayant son siège social Moerenstraat BRUG 4-2370 ARENDONK (BELGIQUE) représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour assistée de Me Bruno CARPENTIER, avocat au barreau de LILLE INTIMÉ L'ETAT FRANOEAIS pris en la personne de Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor Demeurant 6 rue Louise Weiss - Bâtiment Condorcet 75703 PARIS CEDEX 13 représenté par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués à la Cour assisté de Me Christian ROMBAUT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES X... ET DU DÉLIBÉRÉ Madame MERFELD, Président de chambre Monsieur FOURNIER, Conseiller Madame CONVAIN, Conseiller --------------------- GREFFIER LORS DES X... : Monsieur P. LAUDET-JACQUEMMOZ X... à l'audience publique du 03 Juin 2004, ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 09 Septembre 2004 (date indiquée à l'issue des débats) par Madame E. MERFELD, Président, qui a signé la minute avec Madame V. Y..., Greffier, présents à l'audience lors du prononcé de l'arrêt. OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Conclusions du 26 mars 2004 ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 18 mars 2004

La société Agrofino Transports BVBA (Agrofino) a relevé appel le 20 janvier 2003 d'un jugement prononcé le 9 décembre 2002 par le tribunal de grande instance de Lille, qui l'a déboutée de ses demandes en paiement à l'encontre de l'Etat français.

Propriétaire d'un ensemble routier dont le chauffeur a causé un

accident mortel de la circulation le 8 août 1996, elle a vu immobiliser celui-ci du 8 août au 29 novembre1996, en exécution de deux mesures d'expertise successives ordonnées par un juge d'instruction.

Elle estime que lui est due la réparation du préjudice résultant de cette immobilisation, sur le fondement des principes gouvernant la responsabilité sans faute de l'Etat.

Par conclusions signifiées le 10 décembre 2003, elle demande à la Cour, réformant le jugement, de : - dire que l'immobilisation de son camion a constitué une charge anormale dont le coût doit être supporté par la collectivité, - dire que l'Etat français ne peut pas lui opposer le fait qu'elle n'ait pas été un tiers par rapport à la procédure pénale, - le condamner en conséquence au paiement de la somme de 31.226,58 Euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 février 2001, outre les dépens de première instance et d'appel, et une somme de 1.500 Euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par écritures signifiées le 16 février 2004, l'Agent Judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante aux dépens et au paiement d'une somme de 1.500 Euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions écrites du ministère public en date du 26 mars 2004, qui tendent à la confirmation du jugement. MOTIFS :

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat

Le premier juge a écarté la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de l'Etat aux motifs, d'une part, que celle-ci supposait la démonstration d'un dommage spécial et anormal, excédant, par sa gravité, les charges pesant sur tout citoyen en contrepartie des avantages résultant pour lui du fonctionnement du service public, et par voie de conséquence, de ce que celui-ci a été un tiers par rapport au fonctionnement dudit service, ou à tout le moins étranger à la procédure lui ayant fait grief; d'autre part en l'espèce, que la société Agrofino avait eu un intérêt certain au bon déroulement de l'expertise judiciaire dès lors que cette dernière avait conduit à ne pas retenir à son encontre de circonstances de nature à engager sa responsabilité pénale, que l'immobilisation de son véhicule ne pouvait être considérée comme ayant été anormale ou spéciale au regard de l'avantage qu'elle avait tiré du fonctionnement du service public de la justice, et enfin que, civilement responsable de son préposé, elle ne pouvait être considérée comme un tiers par rapport à la procédure en cause et par rapport au service public de la justice ;

Mais s'il découle des principes régissant la responsabilité de la puissance publique, et, notamment, du principe constitutionnel de l'égalité devant les charges publiques, que l'Etat peut voir sa responsabilité engagée, lorsqu'un particulier invoque un dommage résultant d'une décision prise par un juge d'instruction, dont la légalité n'est pas contestée, dès lors que ce dommage est spécial et anormal, et excède par sa gravité les charges qui doivent normalement être supportées par les particuliers en contrepartie des avantages résultant du fonctionnement du service public de la justice, il n'en résulte pas, à l'instar des conditions édictées à l'article 149 du

Code de procédure pénale pour permettre l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention provisoire, l'obligation pour la victime du dommage de démontrer qu'elle était un tiers par rapport à la procédure en question, ou encore que la décision lui ayant fait grief n'avait pas eu pour visée la recherche de son éventuelle responsabilité pénale ;

Etant seule concernée par le dommage, la société Agrofino justifie de son caractère spécial ;

Mais en revanche, si à l'issue des investigations menées en exécution des deux décisions lui ayant fait grief en l'espèce ( décisions de commission d'expert des 12 août et 24 septembre 1996), seule a été recherchée la responsabilité pénale de son chauffeur, à l'exclusion de la sienne, elle n'établit pas pour autant le caractère anormal ou de gravité de son dommage, dans la mesure où ce dernier a découlé d'une immobilisation de son ensemble routier pendant seulement 102 jours, alors qu'en sa qualité de transporteur routier, elle doit assumer un risque majoré, par rapport à celui d'un simple particulier, de voir l'un de ses véhicules immobilisés dans le cadre d'une enquête de nature pénale consécutive à un accident de la circulation dans lequel il se trouve impliqué ;

Par ces motifs substitués, le jugement doit être confirmé ;

Sur les dépens et l'indemnité de l'article 700 en cause d'appel

La société appelante supportera les dépens d'appel, sera condamnée au paiement d'une somme de 1.000 Euros par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et sera déboutée de sa demande sur ce même fondement ; PAR

CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement, Condamne la société Agrofino Transports BVBA aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société civile professionnelle d'avoués COCHEME-KRAUT, et à payer à l'Agent Judiciaire du Trésor la somme de 1.000 Euros par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, La déboute de sa demande sur ce même fondement. Le Greffier,

Le Président, V. Y...

E. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944795
Date de la décision : 09/09/2004
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT.

et65279;Le premier juge a écarté la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de l'Etat aux motifs, d'une part, que celle-ci supposait la démonstration d'un dommage spécial et anormal, excédant, par sa gravité, les charges pesant sur tout citoyen en contrepartie des avantages résultant pour lui du fonctionnement du service public, et par voie de conséquence, de ce que celui-ci a été un tiers par rapport au fonctionnement dudit service, ou à tout le moins étranger à la procédure lui ayant fait grief; d'autre part en l'espèce, que la société Agrofino avait eu un intérêt certain au bon déroulement de l'expertise judiciaire dès lors que cette dernière avait conduit à ne pas retenir à son encontre de circonstances de nature à engager sa responsabilité pénale, que l'immobilisation de son véhicule ne pouvait être considérée comme ayant été anormale ou spéciale au regard de l'avantage qu'elle avait tiré du fonctionnement du service public de la justice, et enfin que, civilement responsable de son préposé, elle ne pouvait être considérée comme un tiers par rapport à la procédure en cause et par rapport au service public de la justice ; Mais s'il découle des principes régissant la responsabilité de la puissance publique, et, notamment, du principe constitutionnel de l'égalité devant les charges publiques, que l'Etat peut voir sa responsabilité engagée, lorsqu'un particulier invoque un dommage résultant d'une décision prise par un juge d'instruction, dont la légalité n'est pas contestée, dès lors que ce dommage est spécial et anormal, et excède par sa gravité les charges qui doivent normalement être supportées par les particuliers en contrepartie des avantages résultant du fonctionnement du service public de la justice, il n'en résulte pas, à l'instar des conditions édictées à l'article 149 du Code de procédure pénale pour permettre l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention provisoire, l'obligation pour la victime du dommage de démontrer

qu'elle était un tiers par rapport à la procédure en question, ou encore que la décision lui ayant fait grief n'avait pas eu pour visée la recherche de son éventuelle responsabilité pénale ; Etant seule concernée par le dommage, la société Agrofino justifie de son caractère spécial ; Mais en revanche, si à l'issue des investigations menées en exécution des deux décisions lui ayant fait grief en l'espèce ( décisions de commission d'expert des 12 août et 24 septembre 1996), seule a été recherchée la responsabilité pénale de son chauffeur, à l'exclusion de la sienne, elle n'établit pas pour autant le caractère anormal ou de gravité de son dommage, dans la mesure où ce dernier a découlé d'une immobilisation de son ensemble routier pendant seulement 102 jours, alors qu'en sa qualité de transporteur routier, elle doit assumer un risque majoré, par rapport à celui d'un simple particulier, de voir l'un de ses véhicules immobilisés dans le cadre d'une enquête de nature pénale consécutive à un accident de la circulation dans lequel il se trouve impliqué ; Le jugement doit être confirmé ;


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2004-09-09;juritext000006944795 ?
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