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30/04/2003 | FRANCE | N°01/06335

France | France, Cour d'appel de Douai, 30 avril 2003, 01/06335


COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 7 SECTION 1 ARRÊT DU 30/04/2003

[*

*] [* N° RG : 01/06335 Tribunal de Grande Instance LILLE du 31 Août 2000 APPELANTE : Madame Naziha X... représentée par Me COCHEME-KRAUT-REISENTHEL, avoué à la Cour assistée de Maître MAACHI, avocat au barreau de LILLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 5917800201007556 du 09/11/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI) INTIMÉ :

Monsieur Mohamed X... représenté par la SCP MASUREL-THERY, avoués à la Cour assisté de Maître Eric DELFLY, avocat au bar

reau de LILLE COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme HANNECART, Président de c...

COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 7 SECTION 1 ARRÊT DU 30/04/2003

[*

*] [* N° RG : 01/06335 Tribunal de Grande Instance LILLE du 31 Août 2000 APPELANTE : Madame Naziha X... représentée par Me COCHEME-KRAUT-REISENTHEL, avoué à la Cour assistée de Maître MAACHI, avocat au barreau de LILLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 5917800201007556 du 09/11/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI) INTIMÉ :

Monsieur Mohamed X... représenté par la SCP MASUREL-THERY, avoués à la Cour assisté de Maître Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme HANNECART, Président de chambre M. HENRY, Conseiller M. BOUGON, Conseiller --------------------- GREFFIER LORS DES Y... : Melle Z...
A...
Y... à l'audience en chambre du Conseil du 07 février 2003, M. BOUGON, magistrat chargé du rapport, a entendu les conseils des parties. Ceux-ci ne s'y étant pas opposés, ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (Article 786 du NCPC). ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 30 avril 2003, après prorogation du délibéré du 27 mars 2003, date indiquée à l'issue des débats, par Mme HANNECART, Président, qui a signé la minute avec Melle Z...
A..., Greffier, présent à l'audience lors du prononcé de l'arrêt. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 04/12/02 *][**][**] FAITS ET PROCEDURE Monsieur Mohamed X..., de nationalité

marocaine et Madame Naziha X..., de nationalité marocaine se sont mariés le 17 août 1995 devant deux notaires (adouls) de la ville de Abrakane au Maroc. Aucun enfant n'est issu de cette union. Madame Naziha X... a présenté une requête en divorce pour faute devant le Tribunal de Grande Instance de Lille le 13 avril 1999 et par ordonnance de non-conciliation du 17 juin 1999 : * les époux ont été autorisés à résider séparément, * Monsieur Mohamed X... est condamné à payer à Madame Naziha X... la somme de 1.500 francs de pension alimentaire (la nafaga) en application de la loi marocaine. Par acte d'huissier du 17 juillet 1999 Madame Naziha X... a assigné son époux en divorce pour préjudice (article 56-1 du code du statut personnel marocain) et suivant jugement du 31 août 2000 le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Lille : * rejette la demande de sursis à statuer présentée par le mari jusqu'à justification par l'épouse de l'ensemble des textes et certificats de coutume relatifs à la procédure de divorce et ses conséquences en droit marocain, * prononce le divorce aux torts exclusifs du mari en application de la loi marocaine, * après avoir écarté la loi marocaine comme contraire à l'ordre public français en ce qu'elle ne prévoit pas de dommages intérêts consécutifs au divorce, applique la loi française en rejetant la demande de dommages intérêts présentée par l'épouse aux motifs qu'elle "n'a pas indiqué le ou les fondements de sa demande", * après avoir écarté la loi marocaine comme contraire à l'ordre public français en ce qu'elle ne prévoit pas de prestation compensatoire destinée à compenser la disparité entre époux consécutivement au divorce, applique la loi française en rejetant la demande de prestation compensatoire présentée par l'épouse, * condamne le mari aux dépens. Madame Naziha X... a interjeté appel de cette décision le 2 février 2001.

Suivant ordonnance du 10 octobre 2001 le Conseiller de la mise en

état de la septième Chambre de la Cour d'Appel de Douai ordonne d'office la radiation de l'affaire en application des articles 381, 383 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'avoué de la partie appelante s'étant abstenu d'accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis (absence d'assignation de l'intimé). Après réinscription au rôle Madame Naziha X... demande à la Cour, suivant dernières conclusions (valant conclusions récapitulatives) signifiées le 8 octobre 2002, de réformer le jugement déféré en condamnant Monsieur Mohamed X... à lui payer les sommes de : 1) 3.811,23 euros à titre de dommages intérêts en application de l'article 266 du code civil, 2) 1.524,49 euros à titre de dommages intérêts en application de l'article 1382 du code civil, 3) 6.860,21 euros à titre de prestation compensatoire, 4) 762,25 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Mohamed X..., suivant dernières conclusions (valant conclusions récapitulatives) signifiées le 22 mai 2002, demande à la Cour: [* à titre principal d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de sursis à statuer et de surseoir jusqu'à justification par l'épouse de l'ensemble des textes et certificats de coutume relatifs à la procédure de divorce et ses conséquences en droit marocain, *] à titre subsidiaire d'infirmer le jugement déféré en prononçant le divorce aux torts exclusifs de l'épouse et en la condamnant, outre aux entiers dépens, à lui payer la somme de 6.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIFS DE LA DECISION Sur la demande de sursis à statuer : En l'absence d'éléments contraires à ceux soumis au premier juge, la Cour, estimant qu'il a été procédé à une exacte analyse des faits de la cause et des droits des parties, se trouve fondée, en adoptant les motifs pertinents retenus par la décision déférée, notamment le fait que la preuve de loi étrangère peut être

faite par tout moyen et que les éléments versés aux débats par l'épouse, à savoir une traduction par expert assermenté de l'article 56 du code du statut personnel en annexe du livre "les actes judiciaires selon le code de l'état des personnes" et dont la première page porte le titre "Royaume du Maroc-Ministère de la Justice-code de l'état civil", constituaient un élément de preuve suffisant de la loi marocaine applicable, de confirmer sur ce point le jugement entrepris. Sur la juridiction compétente et la loi applicable aux demandes de divorce : La juridiction française, la première saisie par l'épouse, est compétente pour connaître des demandes présentées par les époux Mohamed A.-Naziha X... et ce en application de l'article 11 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 (publiée par décret du 27 mai 1983, entrée en vigueur le 13 mai 1983) comme juridiction "de celui des deux états sur le territoire duquel les époux ont ou avaient leur domicile commun" (en l'espèce à Villeneuve d'Ascq). Les actions en divorce relevant de droits indisponibles et les époux étant de nationalité marocaine à la date de présentation de la demande de divorce, les règles conventionnelles franco-marocaines contenues à l'article 9 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 désignent exclusivement la loi marocaine en tant que loi nationale des deux époux pour régir la dissolution du mariage, loi marocaine qui ne peut être écartée au profit de la loi française qu'en cas "d'incompatibilité manifeste" avec l'ordre public selon la formule de l'article 4 de la dite convention. Sur la demande principale en divorce présentée par l'épouse : L'épouse réclame le divorce en raison des violences et sévices commis par l'époux à son égard en application de l'article 56-1° de la Moudawana, code de la famille marocain, époux qui entretient une relation adultère et qui l'a chassée du domicile conjugal pour recevoir sa maîtresse et l'a laissée plusieurs mois

sans aucunes ressources ni secours. Les faits de violence du 28 août 1998 constatés par certificat médical du 31 août 1998 sont reconnus par le mari lors de son audition par les services de police le 8 septembre 1998. Les attestations concordantes et précises versées aux débats, émanant du père, de la mère et de la soeur du mari, établissent également que Monsieur Mohamed X... a délaissé son épouse en la chassant du domicile conjugal pour entretenir une relation adultère, relation dont la caractérisation ne passe pas nécessairement par la production aux débats d'un constat d'adultère. Au vu de ces éléments et ceux non contraires du premier juge il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré que ce comportement constitue un préjudice rendant impossible le maintien de la vie commune. Dès lors la demande de divorce de l'épouse doit être accueillie. Sur la demande reconventionnelle en divorce présentée par l'époux : L'époux réclame le divorce en raison de l'attitude agressive et injurieuse de son épouse, "faits constituant une violation grave ou renouvelée des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune" par référence aux dispositions de l'article 242 du code civil français. Ainsi que ci-dessus rappelé, seule la loi marocaine est applicable à la demande en divorce. Pourtant et dans la mesure où la loi marocaine ne permet pas au mari de demander le divorce pour faute de l'épouse mais lui ouvre uniquement la voie de la répudiation alors que l'épouse peut solliciter le divorce dans de nombreuses hypothèses en application des articles 53 à 58 de la moudawana (dahir du 28 novembre 1957), il convient d'appliquer la loi française à la demande de dissolution du mariage présentée par le mari en écartant la loi marocaine en ce qu'elle ne respecte pas le principe d'égalité des époux dans la dissolution du lien matrimonial, incompatibilité manifeste avec l'ordre public à raison d'une inégalité de droits par

distinction opérée suivant le sexe des époux, discrimination contraire à l'ordre public français. La seule attestation affirmative et non circonstanciée de Monsieur Farid Z..., qui ne fait d'ailleurs pas directement référence aux griefs énoncés par le mari et qui est contredite par les attestations ci-dessus évoquées sur les conditions du départ de l'épouse du domicile conjugal, ne permet pas d'établir la réalité de ces griefs. L'attestation de Madame B... est circonscrite aux relations entre elle et l'épouse et ne fait nullement allusion à quelque comportement que ce soit de cette dernière à l'égard de Monsieur Mohamed X...
C... toutes les autres attestations en ce qu'elles évoquent les qualités personnelles du mari n'ont aucun effet probatoire à l'égard d'un comportement violent ou injurieux de l'épouse. Au vu de ces éléments et en l'absence de caractérisation d'un fait de l'épouse constituant une violation grave ou renouvelée des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, la demande de divorce de l'époux doit être rejetée. Sur la demande de dommages et intérêts formée par la femme sur le fondement de l'article 266 du code civil : Au vu des éléments analysés précédemment et notamment de l'âge des époux et de la durée de la vie commune, il n'est nullement démontré que la dissolution du mariage cause un préjudice matériel ou moral. La demande de dommages-intérêts formulée au titre de l'article 266 du Code Civil n'est donc pas fondée et sera rejetée. Sur la demande de dommages et intérêts formée par la femme sur le fondement de l'article 1382 du code civil : Au vu des éléments analysés ci-dessus la Cour estime que Madame Naziha X... subit bien un préjudice distinct de celui résultant de la seule rupture du lien conjugal qu'il convient de réparer sur le fondement de l'article 1382 du code civil par le versement de dommages-intérêts dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision. Sur la demande de prestation compensatoire : Aux termes des

dispositions des articles 270,271 et 272 du code civil, la prestation que l'un des époux peut-être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Les parties ont fourni la déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie, document prévu par les dispositions de l'article 271 du code civil. L'épouse déclare "recevoir un salaire pour intérim" et justifie d'une rémunération de 535 francs du 3 au 7 septembre 2001, de 1.004 francs du 10 au 14 septembre 2001 et de 608 euros pour le mois d'août 2001. L'époux déclare être employé en tant qu'ingénieur développement et ne précise pas le montant de sa rémunération, aucune pièce n'ayant été régulièrement communiquée à ce sujet. Lors de son audition devant les services de police en septembre 1998 il se qualifie comme "cadre dans l'industrie". Les charges du mari ne sont ni précisées ni justifiées. Au vu des éléments analysés ci-dessus, la Cour estime que, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, la rupture du mariage crée bien au détriment de la femme une disparité dans les conditions de vie respectives des époux. Il convient donc, en réformant la décision sur ce point, d'allouer à celle-ci une prestation compensatoire sous la forme d'un capital dont les modalités seront précisées au dispositif du présent arrêt. Sur les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile formées par les parties : Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il convient de les débouter de leur demande respective formulée au titre de l'article 700 du Nouveau

Code de Procédure Civile. Sur les dépens : La nature de la décision conduit à mettre à la charge de Monsieur Mohamed X... les dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS Et ceux non contraires du premier juge, Confirme la décision déférée en ses dispositions relatives au rejet de la demande de sursis à statuer présentée par le mari, au prononcé du divorce aux torts exclusifs du mari en application de la loi marocaine et aux dépens, Statuant sur la demande reconventionnelle de divorce présentée pour la première fois en cause d'appel par le mari, Ecarte les dispositions de la loi marocaine interdisant au mari de réclamer le divorce en ce qu'elles sont manifestement incompatibles avec l'ordre public français puisque l'inégalité de droits créée dans la dissolution du lien matrimonial procède d'une distinction opérée à seul raison du sexe des époux, Par application de la loi française rejette comme non fondée la demande en divorce présentée par Monsieur Mohamed X..., Réforme la décision déférée en ses dispositions relatives aux dommages intérêts et à la prestation compensatoire, Statuant à nouveau et par application de la loi française dans les conditions ci-dessus énoncées : Condamne Monsieur Mohamed X... à payer à Madame Naziha X... les sommes de : [* 1.500 euros à titre de dommages intérêts en application de l'article 1382 du code civil, *] 6.800 euros à titre de capital de prestation compensatoire, Dit n'y avoir lieu à dommages intérêts en application de l'article 266 du code civil et rejette la demande présentée en ce sens par Madame Naziha X..., Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et rejette les demandes présentées en ce sens par les parties, Laisse les dépens d'appel à la charge de Monsieur Mohamed X... ; Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'Aide Juridictionnelle. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT Z...
A...

Z... HANNECART


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 01/06335
Date de la décision : 30/04/2003
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2003-04-30;01.06335 ?
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