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28/06/2001 | FRANCE | N°1999/01731

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 juin 2001, 1999/01731


COUR D'APPEL DE DOUAI

DEUXIEME CHAMBRE

ARRET DU 28/06/2001 FAILLITE PERSONNELLE (prononce une mesure d'interdiction de gérer (totale) pour une durée de 10 ans (33), comblement du passif (32) APPELANT Monsieur X..., Représenté par Me NORMAND Avoué Assisté de Maître J.DURAND (Barreau de LILLE) INTIME MAITRE L. ES QUALITES DE LA SARL Y..., Représenté par la SCP LE MARC'HADOUR POUILLE-GROULEZ Avoués COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Madame Geerssen, président de chambre Madame Z... et Monsieur Michel, conseillers ---------------------------- Madame A.

.., greff'er présent lors des débats DEBATS À l'audience publique du D...

COUR D'APPEL DE DOUAI

DEUXIEME CHAMBRE

ARRET DU 28/06/2001 FAILLITE PERSONNELLE (prononce une mesure d'interdiction de gérer (totale) pour une durée de 10 ans (33), comblement du passif (32) APPELANT Monsieur X..., Représenté par Me NORMAND Avoué Assisté de Maître J.DURAND (Barreau de LILLE) INTIME MAITRE L. ES QUALITES DE LA SARL Y..., Représenté par la SCP LE MARC'HADOUR POUILLE-GROULEZ Avoués COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Madame Geerssen, président de chambre Madame Z... et Monsieur Michel, conseillers ---------------------------- Madame A..., greff'er présent lors des débats DEBATS À l'audience publique du DIX SEPT MAI DEUX MILLE UN ARRET CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE UN, date indiquée à l'issue des débats.Isabelle GEERSSEN, président de chambre, a signé la minute avec Janine A..., greffier, présents à l'audience lors du prononcé de l'arrêt. ORDONNANCE DE CLOTURE en date du 07/12/2000 Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de VALENCIENNES le 20 novembre 1995 ; Vu la déclaration d'appel faite le 29 novembre 1995 par Monsieur X...; Vu ses conclusions récapitulatives déposées le 16 juin 2000; Vu les conclusions déposées le 6 octobre 1999 par

Maître L. en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Y...; Vu l'ordonnance de clôture du 7 décembre 2000 ; Vu les conclusions du Ministère Public en date du 17 mai 2001 ; EXPOSE DU LITIGE La SARL Y..., créée le 28 décembre 1978, avait pour activité toutes prestations de second oeuvre du bâtiment, ainsi que le négoce de tous matériels informatiques de bureau et de machines industrielles. Elle employait 35 salariés. M. P. X... en est devenu associé et gérant en avril 1991 ; il fut secondé par M. X... X... (en tant que "cadre responsable administratif à compter du 1er mars 1992. Ces deux derniers ont constitué en juin 1991 la SCI S., ayant pour objet la gestion de valeurs immobilières. Le 13 juin 1991 furent créées entre M. B... et la SARL Y... les SCI des H. et Y..., lesquelles ont acheté le jour -même un ensemble immobilier pour un prix de 700.000 F. Le 1er juillet 1991 la SCI S., la SARL Y..., Mme X... X..., MM.P. X... et X... X... ont créé la SA A., ayant comme activité la pose d'éléments métalliques en aluminium et en verre, ayant comme Président du Conseil d'administration P. X..., comme Directeur Général Adjoint B..., comme administrateur la SCI S. (elle-même représentée par X... X...). La SA A. a été placée en redressement judiciaire le 10 mai 1993, puis en liquidation judiciaire le 20 septembre 1993. Le 23 février 1994, P. X... a déposé le bilan de la société Y... Son redressement judiciaire (immédiatement converti en liquidation) a été prononcé le 7 mars 1994. Aux termes d'un jugement rendu le 12 septembre 1996 par le tribunal correctionnel de VALENCIENNES et d'un arrêt rendu le 25 mars 1997 par la Cour d'appel de DOUAI M. X... a été condamné à une peine d'emprisonnement de 18 mois avec sursis et à une amende de 100.000 F, pour corruption active, et a été relaxé pour les faits d'abus de biens sociaux et pour d'autres faits de corruption active. Par le jugement déféré le tribunal de commerce a reporté au 15 octobre 1993 la date de cessation des paiements de la SARL Y..., a condamné P. X... à

payer à Me L. ès-qualités la somme de quatre millions de francs au titre du comblement partiel du passif de cette société, a prononcé la faillite personnelle de P. X..., pour une durée de dix années. Philippe X... demande à la Cour - d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, - de condamner Me L. à lui payer 15.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. C... conteste au préalable l'évaluation de l'insuffisance d'actif faite par le liquidateur, l'exclusion par lui de l'actif disponible de la créance de la société sur les SCI Y..., fait valoir que la comptable Mme X... s'est, pendant plusieurs années, livrée à d'importants détournements, souligne que durant l'année 1993 la société a résorbé une partie de son passif exigible, que la baisse importante du chiffre d'affaires pour cet exercice correspond à la perte d'un client -l'hôtel FORMULE UN-, qu'en tout état de cause la perte de 1. 176.276 F n'a pu être constatée que lors de l'établissement de la déclaration fiscale, en février-mars 1994 ; en déduit qu'il a déposé le bilan dès qu'est apparu l'état de cessation des paiements. Sur les prétendues fautes de gestion, il expose que ces activités étaient compatibles et ne l'empêchaient pas de s'occuper correctement de la SARL Y..., que le rôle important tenu par Mme D... était antérieur à sa propre arrivée dans l'entreprise, qu'on ne peut lui reprocher les falsifications queue a commises, que son erreur d'appréciation sur les capacités de B... n'est pas une faute de gestion. il réfute également un par un tous les griefs du liquidateur quant à d'éventuels abus de biens sociaux, en faisant observer que ses tâches étaient multiples et permettaient à la société de réaliser un chiffre d'affaires considérable, que la rémunération qu'il percevait de la société A. était bien inférieure à celle retenue par Me L., que ses frais de déplacement étaient réels et remboursés sur justificatifs, que des faits qui lui sont reprochés ont été commis avant son arrivée, que

les quelques erreurs qu'il a pu commettre l'ont été dans l'intérêt de la société et non dans le sien, que les avances faites aux deux SCI ne sont pas irrécouvrables puisqu'elles sont toujours propriétaires de leurs immeubles, qu'il a été relaxé par le tribunal correctionnel puis par la Cour d'appel du chef d'abus de biens sociaux. Me L. sollicite de la Cour queue déclare irrecevable ou mal fondé l'appel, queue confirme le jugement et, y ajoutant, qu'elle condamne P. X... à lui payer 10.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. C... soutient qu'au bilan au 31 décembre 1992 apparaît déjà une insuffisance d'actif de 513 KF, qu'à celui du 31 décembre 1993 elle est montée à 1.286 KF, que la société ne survivait qu'avec des expédients et particulièrement l'accumulation d'impayés ; que l'étude des factures à compter du troisième trimestre 1993 est significative ; que l'impôt sur les sociétés et l'impôt forfaitaire n'ont pas été payés pour les années 1990 à 1993. C... reproche à P. X... des carences dans la gestion générale, une activité essentiellement tournée vers la SA A. qui exploitait une entreprise importante et connaissait de graves difficultés l'abandon d'une partie de ses prérogatives à des collaborateurs ( ce dont a profité Mme X... pour opérer des manipulations comptables et des détournements très importants, pour plus de 1.307.000 F au total), l'embauche non nécessaire de B... à un salaire conséquent (alors que celui-ci avait déjà entraîné les sociétés S. et S. T. M. à la faillite et devait contribuer à celle de la SA A.). C... maintient qu'il a profité abusivement des biens de la société dans son intérêt, à l'avantage des autres sociétés déjà nommées ou à celui de personnes "non désignées" :

rémunérations personnelles exorbitantes, avantages en nature, prélèvements en espèces sans contrepartie ni justification, facturation et paiement à S. T. M. de fûts qui ne furent ni livrés ni réclamés, emploi fictif de Monique Y..., avance aux deux SCI des fonds

nécessaires aux acquisitions immobilières jamais remboursés), distribution de commissions occultes votées par l'Assemblée Générale Ordinaire des associés des 30 juin 1992 et 30 juin 1993. C... souligne que les faits pour lesquels il a été relaxé ne sont pas les mêmes. C... ajoute que l'insuffisance d'actif est établie pour 5.786.297,52 F, que les condamnations prononcées doivent être confirmées en vertu des articles 180, 188, 189, 182-l',182-30, 182-40 et 189-5' de la loi du 25 janvier 1985. MOTIFS DE LA COUR 1-

Sur le report de la date de cessation des paiements Pour l'application des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 (article L 621-1 et L 621-7 du code de commerce) ne s'agit pas de caractériser une insuffisance d'actif à un moment donné, au vu d'un bilan arrêté parfois plus de six mois après, mais d'apprécier l'impossibilité pour la société en cause, à un moment donné, de faire face à son passif exigible (et non sérieusement contesté) avec son actif alors (immédiatement) disponible. Les pièces produites par Me L. concernent des factures venant à échéance essentiellement après le 1er janvier 1994. De nombreuses impositions visées par lui faisaient alors l'objet de redressements d'office, de contestations, toujours en cours fin 1993. Au vu des déclarations de créance communiquées, et en l'absence d'autres éléments probants, peuvent être utilement retenues au titre d'un tel passif les sommes de 73.780 F (taxe professionnelle), 528.436 F (I.S.89), 185.064 F (I.S.91), 267.080 F et 40.635 F (I.S.90)149.336 F (taxe professionnelle 92), exigibles à compter des 31 octobre 1993, 30 novembre 1993, 31 décembre 1993, ayant fait l'objet de majorations de retard à compter des 15 décembre 1993, 31 décembre 1993, 15 janvier 1994, 15 février 1994. A cette somme globale d'environ 1.243.831 F, exigée de la société Y... de manière certaine et non contestée par elle au 1er janvier 1994, s'ajoute celle de 159.289 F, pour les cotisations ASSEDIC de

l'exercice 1992. C'est également à compter de cette date qu'ont commencé à s'accumuler les factures impayées sans motif valable et les traites non honorées. Or, aucune des pièces fournies par M. X... ne prouve qu'à cette date et jusqu'à celle du dépôt de bilan la société Y... disposait d'un actif immédiatement disponible suffisant pour assurer leur paiement. C... importe en effet de rappeler que les créances détenues par elle à l'encontre des SCI et de Mme X... étaient alors soit non disponibles soit non certaines. Quant aux moratoires allégués, il n'en a pas été justifié. Dès lors le report de la date de cessation des paiements se fera au 1er janvier 1994. 2-

Sur les faits non imputables à la gérance de M. X... C... convient d'abord d'exclure ceux qui sont antérieurs au début de sa prise de fonction, laquelle a, selon les parties, débuté en avril 1991 : la prise de participation dans le capital de la S. en avril 1990, la facturation dite de complaisance faite à X... X... pour les fûts de peinture en juin 1990, le prélèvement personnel (prêt de 150 KF) en mars 1990. C... convient aussi d'écarter le remboursement des fonds avancés par M. X... pendant l'incarcération de son époux (en mars 1993) pour permettre le fonctionnement quotidien de l'entreprise. Quant à sa prétendue carence vis-à-vis de Mme X..., elle ne relève ni de l'article 180 de la loi ni des articles 182-1,3,4 : celle-ci était en poste depuis le 1er mai 1983, ses malversations n'ont été ' découvertes qu'à la faveur d'une vérification de la comptabilité par un cabinet de professionnels et d'une procédure de redressement fiscal, il a procédé à son licenciement dès qu'il a eu connaissance de l'étendue et de la nature de ses détournements, en juin 1992. 3-

Sur l'article 182-4 de la loi du 25 janvier 1985 Le grief d'une poursuite abusive d'une activité déficitaire (ne pouvant ... ) dans un intérêt personnel n'est pas établi, Me L. se contentant de déduire de l'importance de l'insuffisance d'actif révélée par le bilan de

l'exercice 1993 (nécessairement connu après le 1er janvier 1994!) et de l'apparition de cette insuffisance dans le bilan 1992 le caractère déficitaire de l'activité et le caractère abusif de sa poursuite. En tout état de cause, s'il est exact que le chiffre d'affaires a baissé de 20 % en 1993, qu'il y eut une perte de 1. 176 KF pour cet exercice, ces éléments ne purent être connus dans leur ampleur par M. X... avant qu'il dépose le bilan, fin février 1994 : la poursuite abusive en ce cas n'est pas prouvée. 4-

Sur les autres fautes Certains griefs regroupés par Me L. sous les qualifications de l'article 182-l' et 3' de la loi du 25 janvier 1985, soit ne sont pas totalement caractérisés et relèvent plutôt du seul article 180, soit ne sont pas pro "l'avance des fonds" aux deux SCI Y... fut en apparence contraire à l'intérêt de la Y... puisqu'elle amputa sa trésorerie de presque 700.000 F mais il n'est pas démontré que cet usage fut fait dans l'intérêt personnel de M. X... ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il est intéressé, étant souligné que la Y... était une associée de ces SCI et détenait ainsi en contrepartie des droits sur cet immeuble, * le tribunal a justement relevé que le caractère théorique, inutile ou dispendieux de la collaboration de X... B.de mars 1992 à septembre 1993- n'a pas été établi, * l'augmentation constante des rémunérations et avantages divers versés à X... (cf. notamment les "primes exceptionnelles" votées en 1992 et 1993) alors qu'en même temps étaient découverts les détournements et malversations de Mme X... (provoquant un préjudice supérieur à 1 MF) ou menées les opérations du contrôle fiscal, constitue bien une faute de gestion, En revanche, plusieurs faits visés par Me L. au titre de l'article 182, l' et 3' de la loi sont établis et non contestés par M. P. X...: * la "rémunération fictive" de 45.000 F par mois du 17 juillet au 31 octobre 1991 versée à Mme Y... (épouse du propriétaire de l'immeuble vendu. aux SCI du Y...!) en

contrepartie, selon lui, d'un apport de clientèle ayant bénéficié au démarrage de la société A., * les commissions occultes versées à hauteur de 308 KF en 1992, qui ont réduit sa trésorerie (donc furent contraires à l'intérêt de la société), qui ont bénéficié à l'intéressé ou à ses proches, sans que l'intérêt à moyen ou long terme pour la société Y... n'ait été démontré, 5-

Sur l'article L 625-5-5' du nouveau Code de Commerce Le non-respect du délai légal de 15 jours est caractérisé, puisque l'état de cessation des paiements est patent depuis le 1er janvier 1994 et que la déclaration n'en fut faite que le 23 février 1994. 6-

Sur les sanctions Diverses fautes commises par P. X... ont ainsi été prouvées, relevant de l'article L 624-3 et /ou des articles L 624-5 et L 625-5 du nouveau Code de Commerce. Toutefois, pour l'appréciation des sanctions, doivent être prises en considération l'importance et les conséquences (pour l'insuffisance d'actif) des agissements de Mme X... ainsi que la durée des fonctions de M. X..., la nature et les conséquences directes de ses propres actes. En conséquence la Cour dispose des éléments suffisants pour réduire à 400.000 F sa condamnation au paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif et pour substituer à la faillite personnelle une mesure d'interdiction (totale) de gérer. 7-

Au regard des circonstances de la cause, de la situation actuelle de M. X..., il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de VALENCIENNES en date du 7 mars 1994, en ce qu'il a ordonné le report de la date de cessation des paiements de la SARL Y... mais le réforme quant à la date et fixe celle-ci au 1er janvier 1994 au lieu du 15 octobre 1993, REFORME la condamnation prononcée contre M. X... en application de l'article L 624-3 du nouveau code de commerce et réduit son montant à la somme de

400.000 F, INFIRME le jugement en ce qu' a prononcé la faillite personnelle de P. X... et, statuant à nouveau, prononce à son encontre la mesure d'interdiction de gérer (totale) prévue par l'article L 625-8 du Nouveau Code de Commerce pour une durée de 10 années; Y ajoutant, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE P. X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le Greffier

Le Président J.DORGUIN I.GEERSSEN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 1999/01731
Date de la décision : 28/06/2001

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Ouverture - Cas - Cessation des paiements - Impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible

Pour l'application des articles L.621-1 et L.621-7 du code de commerce, il ne s'agit pas de caractériser une insuffisance d'actif à un moment donné, au vu d'un bilan arrêté parfois plus de 6 mois après, mais d'apprécier l'impossibilité pour la société, à un moment donné, de faire face à son passif exigible avec son actif immédiatement disponible


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2001-06-28;1999.01731 ?
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