COUR D'APPEL DE DOUAI
SEPTIEME CHAMBRE
ARRET DU 18/01/2001
DEFERE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT du 27/04/2000 2000/2847 DEMANDEUR Monsieur P. X..., né le 05 Octobre 1949 à AUCHY LES MINES , demeurant à WAZIERS (59119), Représenté par Mes MASUREL-THERY, Avoués Assisté de Maître IVANOVITCH, avocat au barreau de Douai DEFENDERESSE Madame W. Y..., née le 13 Juin 1951 à GLIWICE (POLOGNE) , demeurant à SIN LE NOBLE (59450), Représentée par Mes COCHEME-KRAUT-REISENTHEL, Avoués Assistée de Maître REISENTHEL, avocat au barreau de Douai COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Madame HANNECART, président de chambre Messieurs Z...
etamp; DU ROSTU, conseillers --------------------------- Mme CHIROLA, greffier présent lors des débats DEBATS à l'audience en chambre du conseil du NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE ARRET CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE UN, après prorogation du délibéré du 11 janvier 2001. Madame HANNECART, président, a signé la minute avec Madame CHIROLA, greffier présent à l'audience lors du prononcé de l'arrêt. ORDONNANCE DE CLOTURE en date du 18/10/2000
Gérard P. et Y... W. se sont mariés le 3 octobre 1970 à Waziers (Nord) sans contrat préalable.
Deux enfants aujourd'hui majeurs sont issus de cette union.
Suite à une requête en séparation de corps pour faute déposée par la femme le 10 septembre 1998, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Douai a rendu le 12 novembre 1998, jour de la tentative de conciliation, une ordonnance par laquelle il a autorisé les époux à résider séparément, à assigner dans les délais impartis par l'article 1113 du Nouveau Code de Procédure Civile et, statuant sur les mesures provisoires, a alloué à l'épouse une pension alimentaire mensuelle de 1 500 F après avoir constaté que le mari percevait un revenu mensuel de 8 600 F et assumait des charges fixes de 2 831 F et donné acte à l'épouse de ce qu'elle devrait "toucher la moitié du SMIC".
Y... W. ayant assigné son mari en séparation de corps, par acte en date du 22 décembre 1998, par lequel elle sollicitait outre le prononcé de la séparation de corps, le service d'une pension
alimentaire de 1 500 F, ou à titre subsidiaire qu'il soit fait application des dispositions de l'article 258 du Code Civil pour fixer la résidence de la famille et la contribution aux charges du mariage, par jugement rendu le 8 juillet 1999 le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Douai a :
- prononcé la séparation de corps des époux à leurs torts partagés sans énonciation des motifs, par application des dispositions de l'article 248-1 du Code Civil,
- condamné le mari à payer à la femme une pension alimentaire mensuelle de 1 000 F avec indexation,
- ordonné l'exécution provisoire de la disposition relative à la pension alimentaire.
X... P. a interjeté appel de cette décision le 21 septembre 1999 en limitant expressément son recours à la disposition relative à la pension alimentaire.
Par conclusions d'incident signifiées le 4 novembre 1999 il a demandé au Conseiller de la mise en état de constater le caractère définitif de la séparation de corps, la disposition du jugement s'y rapportant n'étant remise en cause par aucune des parties.
Par conclusions en réponse signifiées le 10 décembre 1999 Y... W. a conclu à l'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt à agir en invoquant l'accord des parties sur le montant de la pension alimentaire homologuée par le premier Juge.
Le Conseiller de la mise en état ayant, suivant ordonnance rendue le 27 avril 2000, déclaré l'appel irrecevable, X... P. a déféré à la Cour cette décision en demandant d'écarter l'exception d'irrecevabilité soulevée par Y... W..
Par conclusions signifiées le 12 mai 2000 il demande de mettre à néant l'ordonnance du Conseiller de la mise en état et de renvoyer
les parties pour l'examen du dossier au fond et de condamner Y... W. aux dépens de l'incident.
Il fait valoir que l'accord sur lequel s'est fondé le jugement dont appel, s'agissant de la pension alimentaire allouée à Y... W., l'a été sur la base d'informations incomplètes et inexactes de sorte que la décision du premier Juge a été obtenue en fraude des droits du mari.
Invoquant l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout" il soutient que l'appel est parfaitement recevable à l'encontre du jugement rendu par une juridiction qui a été inexactement renseignée par la femme.
Il évoque ainsi les faits suivants :
- Y... W. communique une correspondance d'une Association Floralies Service faisant état de son embauche pour un horaire susceptible d'évoluer,
- Une fiche de salaire de novembre 1998 est produite mais l'épouse s'abstient de verser des éléments plus déterminants sur sa situation financière au titre de l'année 1998 et de l'année 1999,
- Le Conseiller de la mise en état a omis de prendre en considération le fait qu'Aline W. vit en concubinage avec un sieur A..., circonstance modifiant les données financières.
Par conclusions signifiées le 31 mai 2000, Y... W. dénie l'existence d'une fraude quelconque en soulignant que tant devant le Magistrat Conciliateur que devant le Tribunal elle a déclaré percevoir une rémunération de l'ordre de la moitié du SMIC et vivre seule, aucune preuve contraire n'étant rapportée par X... P. et celui-ci n'étant pas recevable à revenir sur son accord au moyen de l'appel interjeté. Elle fournit en outre un certain nombre d'éléments établissant que ses ressources n'excèdent aucunement le montant dont elle a fait état
en cours de procédure.
Elle demande en conséquence à la Cour de déclarer l'appel du mari irrecevable et de condamner X... P. au paiement de la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, outre les entiers dépens.
MOTIFS
Aux termes de l'article 122 du Nouveau Code de Procédure Civile constitue une fin de non recevoir le moyen qui tend à faire déclarer la partie adverse irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment pour défaut d'intérêt à agir.
Devant le premier Juge, les parties se sont accordées sur le principe et sur le montant de la pension alimentaire allouée à l'épouse.
Ainsi, par conclusions signifiées le 10 mars 1999 Y... W. a non seulement passé l'aveu du grief invoqué reconventionnellement par le mari et admis le prononcé de la séparation de corps aux torts partagés, mais encore a accepté de réduire à la somme de 1 000 F par mois la pension alimentaire que devra lui verser son conjoint, selon accord déjà convenu entre les époux auquel l'épouse se référait expressément.
De même suivant conclusions dites récapitulatives signifiées le 28 mai 1999, X... P. a fait l'aveu des griefs invoqués par son épouse, sollicitant le prononcé de la séparation de corps aux torts partagés sans énonciation des motifs par application des dispositions de l'article 248-1 du Code Civil et indiquant qu'il y avait lieu de condamner le mari à verser une pension alimentaire mensuelle de 1 000 F à son épouse, avec indexation, référence étant faite expressément à l'accord intervenu entre les conjoints sur ce point.
De la sorte, le Juge aux affaires familiales de Douai ayant seulement homologué l'accord des parties, il appartient à X... P., dès lors qu'il invoque une fraude à ses droits, de démontrer la tromperie dont
se serait rendue coupable son épouse pour surprendre son consentement quant au principe et au montant de la pension alimentaire à servir à cette dernière.
Force est de constater qu'il ne le fait pas , se limitant à remettre en cause la décision déférée en se fondant sur des éléments qui n'apparaissent pas avoir été soumis à l'appréciation du premier Juge. Ainsi aucun élément de ressources ne figurent dans les écritures respectives des parties échangées en première instance et X... P. n'établit pas que les pièces qui ont pu être communiquées à l'époque par l'épouse étaient fausses ou incomplètes, que celle-ci aurait dissimulé une partie de ses ressources ou sa situation personnelle pour parvenir à un accord du mari reposant sur une erreur provoquée par Y... W..
Ainsi les bases de la discussion qui a pu s'instaurer entre les parties pour parvenir au jugement entrepris échappent en réalité à toute investigation, sauf à reconnaître la pertinence de l'argumentation de la femme lorsque, se référant aux éléments contenus dans l'ordonnance de non conciliation, elle établit par les pièces versées aux débats devant la Cour que ses ressources au cours de la période considérée ont toujours évolué autour de la moitié du SMIC, ainsi qu'elle l'avait par prévision déclaré devant le Juge aux affaires familiales à une époque où elle venait d'être embauchée mais n'avait encore perçu aucun salaire, la preuve ainsi rapportée par la femme mettant a néant les allégations mêmes du mari.
Par suite, faute par ce dernier de démontrer l'existence d'un vice ayant pu affecter son accord donné devant le premier Juge sur le principe et le montant de la pension alimentaire qu'il s'engageait à verser à son épouse, et le jugement déféré ayant homologué cet accord, X... P. doit être déclaré irrecevable pour défaut
d'intérêt à agir, l'ordonnance du Conseiller de la mise état en date du 27 avril 2000 étant ainsi confirmée.
Y... W. ne démontre pas que l'appel formé par X... P. l'a été dans une intention de nuire, par légèreté ou de manière abusive.
Il n'y a donc pas lieu d'accueillir sa demande de dommage et intérêts.
Les dépens de l'incident et d'appel seront mis à la charge de X... P. qui succombe en ses prétentions.
PAR CES MOTIFS
Vu l'article 914 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Vu l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 27 avril 2000,
Déclare irrecevable l'appel formé par X... P. du jugement rendu le 8 juillet 1999 par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Douai,
Déboute Y... W. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne X... P. aux entiers dépens d'appel en ce compris les dépens de l'incident,
Autorise l'avoué adverse à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens avancés sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.