COUR D'APPEL DE DOUAI
SEPTIEME CHAMBRE
ARRET DU 18/01/2001 RG : 1999/03735 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE du 29/04/1999 APPELANT Monsieur X... Y..., né le xxxxxxxxxxxxxx WATTRELOS , demeurant à WASQUEHAL (59) Représenté par Mes LE MARC'HADOUR, POUILLE-GROULEZ Avoués Assisté de Maître RICHARD, avocat au barreau de Lille INTIMEE Madame T. Z..., née le xxxxxxxxxxxx à WATTRELOS , demeurant à LEERS (59115), Représentée par Mes LEVASSEUR-CASTILLE-LAMBERT, Avoués Assistée de Maître SEGARD-DELEPLAQUE, avocat au barreau de Lille COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE Madame HANNECART, président de chambre Madame A... etamp; Monsieur LIONET, conseillers ----------------------------- Mme CHIROLA, greffier lors des débats DEBATS à l'audience en chambre du conseil du SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE Madame HANNECART, magistrat chargé du rapport, a entendu les conseils des parties. Ceux-ci ne s'y étant pas opposés, il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (Article 786 du NCPC) ARRET
CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE UN, date indiquée à l'issue des débats. Madame HANNECART, président, a signé la minute avec Madame CHIROLA, greffier présent à l'audience lors du prononcé de l'arrêt. ORDONNANCE DE CLOTURE en date du 18/10/2000
[*
Y... X... et Z... T. se sont mariés le 27 juillet 1962 à Wattrelos après contrat reçu le 18 juillet 1962 par Maître DUCHANGE, Notaire à Roubaix, par lequel ils ont adopté le régime de la communauté réduite aux acquêts.
De cette union sont issus trois enfants, tous majeurs.
Statuant sur une demande principale en divorce introduite par le mari suivant assignation en date du 24 novembre 1997 et dont la femme a sollicité le débouté pur et simple sans former de demande reconventionnelle, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Lille, par jugement rendu le 29 avril 1999, a :
- débouté le mari de sa demande,
*] et faisant application des dispositions de l'article 258 du Code Civil, il a :
- fixé la résidence familiale au domicile conjugal où demeure l'épouse,
- fixé la contribution aux charges du mariage à la somme de 8 000 F, avec indexation,
Le mari a interjeté appel de cette décision le 21 mai 1999 et demande à la Cour, aux termes de ses conclusions signifiées le 5 août 1999 :
- de prononcer le divorce des époux aux torts de la femme,
- d'ordonner la transcription de l'arrêt de divorce à intervenir en marge des actes de l'état civil,
- de commettre Notaire et Juge commissaire pour la liquidation des droits des parties,
- de condamner Z... T. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La femme a formé appel incident et demande à la Cour de :
- fixer la contribution aux charges du mariage à 12 000 F, avec indexation,
- maintenir l'attribution et la jouissance gratuite de l'immeuble où est situé le domicile conjugal,
- condamner le mari à lui payer :
* la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- de condamner Y... X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS
I) Sur la demande en divorce:
Attendu que dans sa requête en divorce déposée le 18 juillet 1997, Y... X... invoquait les relations adultères entretenues par sa femme, le désintérêt de cette dernière pour son conjoint, les critiques incessantes dont il était l'objet et l'agressivité accompagnant ce comportement ;
Attendu qu'après avoir été débouté de sa demande en divorce en première instance et réitérant les mêmes griefs devant la Cour, Y... X..., à qui son épouse oppose à la fois l'absence de preuve formelle ou suffisante des relations adultères ou à tout le moins la réconciliation entre époux ayant suivi cet écart, souligne que la
liaison de sa femme avec M. B... a duré environ dix ans ; que cette liaison était suffisamment discrète pour qu'il en ait la révélation au décès de l'amant, décédé dans les bras de sa maîtresse, celle-ci ayant ensuite souffert d'une dépression nerveuse ;
Attendu qu'il ajoute que s'il a différé son action en divorce c'est non parce qu'une réconciliation entre époux aurait suivi cette révélation mais en raison de la dépression nerveuse de son épouse et du fait que les enfants n'étaient pas tous devenus indépendants, qu'il a attendu pour ce faire le mariage du plus jeune en 1996 ;
Attendu que Z... T., tout en minimisant la force probante des témoignages versés aux débats par son mari et déniant catégoriquement que la liaison alléguée a duré 10 ans, indique que ce qu'elle qualifie elle-même d'"écart" est intervenu dans un contexte particulier où son mari n'hésitait pas à tromper depuis longue date son épouse, celle-ci se sentant triste, malheureuse et abandonnée ;
qu'elle invoque essentiellement la réconciliation entre les conjoints attestée par le fait que les enfants étaient tous devenus indépendant dès avant 1994, à une époque où elle n'avait pas de liaison, et par le propre témoignage de Jeanne B., produit par le mari lui-même, laquelle indique dans un courrier adressé à l'épouse :"il souffrait de ton infidélité mais il t'aimait assez pour passer l'éponge";
Attendu qu'elle soutient qu'en réalité son mari veut recouvrer sa liberté pour poursuivre la liaison qu'il entretient avec une dame C...; Attendu cependant d'une part que l'adultère de la femme est reconnu par cette dernière, même si son aveu est prudent et mesuré; que d'ailleurs l'épouse ne peut se contenter d'alléguer que Jeanne B. aurait été à un moment donné la maîtresse de son mari pour contester le témoignage de cette dernière qui le 28 janvier 1998 atteste de ce qu'il y a 13 ou 14 ans Mme Z... X... a tenu à (lui) présenter son
amant M. Pierre B..., précisant que "cette liaison a duré jusqu'à la mort de celui-ci survenue il y a 2 ans et demi";
Attendu par ailleurs que dans un courrier que lui avait adressé Jeanne B. le 25 janvier 1998 où celle-ci évoquait la liaison de Z... T. "avec Pierre", et qui devait lui être retourné par son destinataire, cette dernière devait de façon très imprudente y porter de nombreux commentaires manuscrits, notamment celui en bas de lettre où elle écrivait :"je crois que malgré mon écart mes enfants sont équilibrés et que pour eux tout s'est déroulé normalement";
Attendu que le fait d'invoquer une réconciliation qui serait survenue entre les époux après ce que la femme qualifie elle-même d'"écart" conforte d'ailleurs l'ensemble de ces éléments dont la réunion établit à suffisance l'existence d'une liaison adultère de la femme ; Attendu que Z... T. ne peut prétendre que son comportement serait excusable par la propre infidélité de son mari, ni que la réconciliation alléguée aurait effacé l'outrage attaché à la violation du devoir de fidélité ;
Attendu en effet d'une part que la seule poursuite de la vie commune ne suffit pas à caractériser la réconciliation entre époux laquelle suppose la volonté non équivoque chez l'époux offensé de pardonner en pleine connaissance de cause le comportement de son conjoint ;
Attendu à cet égard que le seul fait que la mari ait introduit sa demande en divorce deux ans et demi après le décès de l'amant de l'épouse survenu en février 1995 selon les indications contenues dans le courrier de Jeanne B. du 14 novembre 1998, ne suffit pas à rendre compte de la prétendue réconciliation ;
qu'en effet Z... T. elle-même souligne que son mari entretenait également des relations adultères avec Andrée C..., sa maîtresse avec laquelle il vit encore, et ce depuis longtemps, et au moins depuis
1994 précise t-elle dans ses écritures ;
que ceci est d'ailleurs corroboré par les pièces du dossier révélant que le mari a réglé en avril 1996 sur le compte joint des époux la facture de réparation d'une porte brisée au domicile de Mme C..., celle-ci soupçonnant Z... T. d'être l'auteur des dégradations, comme d'autres survenues en 1998 ;
Attendu que la liaison du mari d'ailleurs non contestée par celui-ci et encore établie par le constat d'adultère en date du 11 décembre 1998 fait obstacle à ce que soit invoquée par la femme la réconciliation survenue entre les époux laquelle est toujours le fruit d'un pardon non équivoque d'un époux reçu par l'autre sans partage ;
qu'il apparaît au contraire que les conjoints avaient l'un comme l'autre maintenu les apparences d'une vie commune en s'accommodant plus ou moins des ambigu'tés d'une double vie de part et d'autre que l'on ne saurait assimiler à une vie de mariage, même si le décès de l'amant de la femme a mis un terme involontaire à cette situation ;
Attendu que l'objection ou moyen de défense de Z... T. sera donc écarté ;
Attendu au contraire que tant l'infidélité de l'épouse que la liaison adultère du mari constituent une violation grave des devoirs et obligations de la vie commune et autorisent de faire application des dispositions de l'article 245-3 du Code Civil ;
Attendu par suite que par réformation de la décision déférée et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien fondé des autres griefs invoqués par le mari, ceux-ci apparaissant surabondants, la Cour devra prononcer le divorce aux torts partagés des conjoints ;
Attendu cependant que Z... T. n'a présenté qu'une demande de contribution aux charges du mariage à l'exclusion, ne fût-ce qu'à titre subsidiaire d'une prestation compensatoire ;
Attendu par suite qu'il convient par application des dispositions de l'article 1076-1 du Nouveau Code de Procédure Civile d'ordonner la réouverture des débats à l'effet de permettre aux parties de s'expliquer sur le versement d'une prestation compensatoire ;
II) Sur les autres demandes:
Attendu qu'il sera statué sur les autres demandes après qu'il aura été conclu par les parties sur la prestation compensatoire susceptible d'être demandée par l'épouse ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'article 245-3 du Code Civil et l'article 1076-1 du du Nouveau Code de Procédure Civile,
Avant dire droit sur l'ensemble des demandes des parties,
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 18 octobre 2000,
Ordonne la réouverture des débats et invite les parties à s'expliquer sur le versement éventuel d'une prestation compensatoire suite au divorce que la Cour entend prononcer sur foi des explications données,
Renvoie la cause et les parties à l'audience du jeudi 28 mars à 9 h 00,
Réserve les dépens en fin de cause .