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22/12/2000 | FRANCE | N°00/00182

France | France, Cour d'appel de Douai, 22 décembre 2000, 00/00182


COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre Sociale - X...s - RG 00/00182 APPELANT :

ASSOCIATION A.P.E.I.

81 avenue Anatole France

59410 ANZIN

Représentée par Maître LEBLAN (Avocat au Barreau de LILLE) INTIMEE :

Mme Francine B. épouse P.

...


59230 CHATEAU L ABBAYE

Comparante en personne

Assistée de Maître BIGHINATTI (Avocat au Barreau de VALENCIENNES) DEBATS : à l'audience publique du 12 Octobre 2000

Tenue par D. DELON, magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou l

eurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré. GREFFIER : A. GATNER...

COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre Sociale - X...s - RG 00/00182 APPELANT :

ASSOCIATION A.P.E.I.

81 avenue Anatole France

59410 ANZIN

Représentée par Maître LEBLAN (Avocat au Barreau de LILLE) INTIMEE :

Mme Francine B. épouse P.

...

59230 CHATEAU L ABBAYE

Comparante en personne

Assistée de Maître BIGHINATTI (Avocat au Barreau de VALENCIENNES) DEBATS : à l'audience publique du 12 Octobre 2000

Tenue par D. DELON, magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré. GREFFIER : A. GATNER COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : M. TREDEZ PRESIDENT DE CHAMBRE H. GUELBERT

CONSEILLER D. DELON CONSEILLER ARRET :Contradictoire sur le rapport de D. DELON, prononcé à l'audience publique du 22 Décembre 2000 par M. TREDEZ, Président, lequel a signé la minute avec le greffier A. GATNER. Par jugement en date du 5 novembre 1999, le Conseil des Prud'hommes, en formation de départage, a : - condamné l'Association A.P.E.I. à payer à Madame Y... épouse X... les sommes de : * 47.383,98 francs au titre d'heures de nuit manquantes * 11. 846,00 francs au titre de la majoration pour heures supplémentaires * 7.679,52 francs au titre de la majoration pour heures de dimanches * 11.846,00 francs à titre d'indemnité pour le repos compensateur * 6.691,00 francs au titre de l'indemnité de congés payés ces sommes emportant intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1997 -

déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire sur l'année 1998 - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile les dépens étant mis à la charge de l'Association, Le 23 novembre 1999, l'Association A.P.E.I. a interjeté appel de cette décision ; Par un arrêt avant dire droit en date du 3 0 juin 2000, la Cour a ordonné la réouverture des débats, enjoint les parties de conclure sur la conformité de l'article 29 de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000 à l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ordonné la communication au Parquet Général pour ses réquisitions et renvoyé l'affaire à l'audience du 12 octobre 2000. L'Association A.P.E.I. demande à la Cour de : - déclarer l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 conforme à l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; - déclarer, en conséquence, applicable au présent litige l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et faisant application de ce texte : "valider les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, comportant des temps d'inaction, effectué sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel, en application de l'article 113 de l'année 10 de la convention collective du 15 mars 1996, agréé en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales" ; - en conséquence réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ; - condamner cette dernière à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens. Elle expose que Madame B. épouse P. est salariée de l'Association des P. B. du V. et affectée à un établissement accueillant des adultes handicapés fonctionnant sous le régime de l'intemat ; Qu'elle peut

être ainsi appelée à assumer en chambre de veille une surveillance de nuit ; Qu'elle a fait, dans ce cas, application de l'article 13 de l'annexe 10 de la Convention Collective du 15 mars 1996 prévoyant une compensation et les modalités de celle-ci laquelle a été agréée par le Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi en application de l'article 16 de la loi n° 75/535 du 30 juin 1975 ; Elle indique que le contentieux soulevé du fait de ces heures de surveillance nocturne étant d'une ampleur nationale et mettant enjeu des sommes particulièrement importantes qui auraient été mise à la charge des collectivités territoriales et notamment des différents conseils généraux qui financent les établissements gérés par elle, l'article 29 de la loi Aubry II a validé "les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction, effectué sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel, en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail agréé en vertu de l'article 16 de la loi n°75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses" ; Elle soutient que l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 répond aux conditions posées par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour être déclarée compatible avec l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme selon laquelle le principe est que le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive des droits découlant de lois en vigueur et ce d'autant plus lorsqu'il intervient pour d'impérieux motifs d'intérêt général; Qu'en l'espèce, le législateur qui n'est pas lié en matière civile par le principe de non rétroactivité, a exclu du champ d'application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 les situations ayant

fait l'objet d'une décision de justice devenue définitive ce qui n'est pas le cas, le jugement ayant donné satisfaction à la salarié étant frappé d'appel ; Elle ajoute qu'il existe un rapport de proportionnalité entre le but visé et les moyens utilisés par le législateur ; Qu'en effet celui-ci en adoptant l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 a eu pour but : - de mettre fin aux divergences jurisprudentielles et éviter le développement d'un contentieux d'une ampleur considérable dès lors qu'en raison d'un revirement de la Cour de Cassation le 29 juin 1999 les juges du fond se partagent sur la licéité du régime d'équivalence institué par l'article 13 de l'annexe 10 de la Convention Collective du 15 mars 1966 ; - de donner un cadre légal aux dispositions de l'article 13 de l'annexe 10 de la Convention Collective du 15 mars 1966 en ne faisant que confirmer l'intention initiale des partenaires sociaux exprimée dans la convention collective laquelle a été, en outre, agréée par le Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi et qui se trouve remise en cause par une jurisprudence récente ; - d'éviter de mettre en péril l'équilibre financier des régimes des associations en cause en raison du montant des condamnations susceptibles d'être encourues pouvant être estimé au minimum entre 347 et 743 millions de francs ce qui constitue un motif impérieux d'intérêt général ; Elle précise quelle est une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public et que c'est dans le but de sauvegarder la continuité du service assuré que le législateur est intervenu, l'autorité publique n'étant concerne par le présent litige que de façon indirecte. Elle fait valoir que la loi Aubry II ne constitue pas une ingérence dans le droit d'accès à un Tribunal garanti pas les dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales qui, si cela n'était pas, se concilierait, néanmoins avec celles-ci dès lors que l'intervention

législative tend à un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Elle conclut qu'il convient donc de faire application des dispositions de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et de débouter la salariée de toutes ses demandes, les dispositions de l'annexe 10 de la Convention Collective du 15 mars 1966 dès lors qu'elles sont validées, sont conformes à l'exigence de l'article L.212-2 du Code du Travail. Madame B. épouse P. demande à la Cour de : - déclarer l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 non conforme à l'article 6 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; - le déclarer, en conséquence, inapplicable au présent litige ; - confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ; - y ajoutant condamner l'Association A.P.E.I. à lui payer la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; les entiers dépens d'instance et d'appel devant être laissés à la charge de cette dernière ; Elle fait valoir que l'article 11 de la Convention Collective "Surveillance de nuit" prévoyant que les neufs premières heures de surveillance nocturne seraient assimilées à trois heures de travail effectif dès lors quelle n'est pas étendue, est contraire aux dispositions de l'article L.212-4 du Code du Travail selon lequel il y a travail effectif lorsque le salarié reste en permanence à la disposition de l'employeur; Que ce dernier est donc redevable de 6 heures par nuit travaillée lesquelles venant en supplément de celles effectuées, doivent être rémunérées en heures supplémentaires et donner droit au repos compensateur, outre les nuits effectuées du samedi au dimanche. Elle expose que la loi du 19 janvier 2000 n'ayant été promulguée que postérieurement au jugement du 5 novembre 1999 est nécessairement intervenue en cours de procès judiciaire et a modifié les données juridiques d'un litige toujours en cours puisqu'elle

conférait aux dispositions qu'elle mettait en vigueur un caractère rétroactif Qu'ainsi le législateur a manifestement cherché à influer sur le dénouement des nombreux procès relatifs au paiement des heures supplémentaires accomplies par le salarié pendant les périodes de permanence de nuit encore en cours et s'est ingéré dans les pouvoirs du juge pour régler les litiges en cours ; Que la salariée ne bénéficie donc plus d'un procès équitable ; Le dossier a été transmis pour avis au Parquet Général lequel n'a pas fait valoir d'observation. SUR CE : Attendu que Madame B. épouse P. qui a été embauchée le 01 Juillet 1977 en tant qu'aide médico-psychologique par l'A.P.E.I. selon un contrat à durée indéterminée, est amenée à travailler certaines nuits ; Attendu que l'article 13 de l'annexe 10 de la Convention Collective du 15 mars 1966 prévoit que dans le cas où le personnel d'animation est appelé à assurer en chambre de "veille" la responsabilité de surveillance nocturne, ce service s'étend du coucher au lever des pensionnaires sans que sa durée puisse excéder 12 heures et que ce service fait l'objet d'une compensation dans les conditions suivantes : les 9 premières heures sont assimilées à 3 heures de travail et entre 9 et 12 heures chaque heure est assimilée à une demi-heures de travail ; Que l'article 11 de cette convention relatif au personnel éducatif est rédigé en des termes identiques ; Qu'il est constant que cette convention collective a été agréée par le Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi par l'article 16 de la loi n° 75/53 5 du 3 0 juin 1975 mais n'est pas étendue au sens de l'article L. 13 3-1 du Code du Travail. Attendu qu'un horaire d'équivalence ne peut résulter, en dehors du cas où à est prévu par un décret conformément aux dispositions de l'article L212-4 du Code du Travail, que d'une convention ou d'un accord dérogatoire conclu en application de l'article L.212-2 du même code lesquels ne peuvent être qu'une convention de branche ou un

accord professionnel ou interprofessionnel étendu d'une part ou un convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L. 132-26 du Code du Travail. Attendu que l'article 29 de la loi du 19 juillet 2000 ( loi Aubry II ) dispose que "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, comportant des temps d'inaction, effectués sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel, en application des clauses des Conventions Collectives Nationales et accords collectifs nationaux de travail agréés en vertu de l'article 16 de la loi n' 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses". ; Que par ce texte le législateur en limitant la validation des versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturnes dans le seul cas où leur montant serait contesté sur le fondement de l'absence de validité de la clause de la convention collective relative à l'horaire d'équivalence a validé celle-ci et le système des heures d'équivalence par elle prévu et rendu impossible tout recours fondé sur l'absence de validité de ladite clause. Attendu que l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera notamment des contestations sur ses droits et obligations à caractère civil ; Que ce droit implique celui de saisir un tribunal, de bénéficier d'un procès équitable ; Qu'ainsi le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable s'ils n'empêchent pas le pouvoir législatif de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des

droits découlant de lois en vigueur, en revanche s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige. Attendu que cet article 29 inclus dans une loi relative à la réduction négociée du temps de travail, est issu d'un amendement présenté après que la Cour de Cassation a, dans un arrêt en date du 29 juin 1999, déclaré illicite le régime d'équivalence institué par l'article 11 de la convention collective ; Qu'il résulte des travaux préparatoires que cet article avait pour finalité de faire échec aux conséquences de cet arrêt et tout particulièrement financières en ce qui concerne essentiellement les institutions médico-sociale dont le financement est assuré soit par l'Etat soit par les Départements ; Qu'en l'espèce l'Association A.P.E.I. est chargée d'une mission de service public et est financée par le Conseil Général ; Qu'ainsi le législateur en validant les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, dans l'article 29 de la Loi du 19 Janvier 2000, après que la Cour de Cassation a déclaré illicite le régime d'équivalence prévu par la Convention Collective Nationale des établissements et services pour personnes inadaptées, dans le but de faire échec aux conséquences financières consécutives à cette jurisprudence, dont la charge devra être assumée par l'Etat et les Départements ce qui ne peut constituer un motif impérieux d'intérêt général, s'est ingéré dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le déroulement judiciaire du litige ; Que l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 dès lors qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 6 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, ne sera pas, en l'espèce, appliquée ; Qu'en conséquence, la Convention Collective nationale des établissements et services pour personnes

inadaptées du 15 mars 1966 dès lors que n'ayant fait l'objet que d'un agrément du Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi, elle n'était pas étendue au sens de l'article L. 13 3 -1 du Code du Travail, ne pouvait valablement édicter un horaire d'équivalence. Attendu que les heures de présence la nuit dans une chambre spécialement mise à la disposition de la salariée sur le lieu de travail afin de répondre à tout moment à toute sollicitation émanant des pensionnaires constituent un temps effectif de travail qui doit être rémunéré comme des heures normales de travail en tenant compte le cas échéant des majorations pour heures supplémentaires sans que puisse lui être opposé un régime conventionnel d'heures d'équivalence moins favorable. Attendu que les chefs du dispositif de la décision déférée ayant fixé les rappels de salaire relatifs aux heures de nuit, aux heures supplémentaires, au majorations pour heures de dimanche et à l'indemnité de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1997 seront confirmées dès lors que l'appelante n'en critique pas les montants et que l'intimée demande la confirmation ; Qu'il en sera de même du chef du dispositif déclarant irrecevable la demande de rappel pour l'année 1998 dès lors que l'intimée en demandant la confirmation ne le critique pas. Sur les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile formulées par les parties : Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; Qu'il convient de les débouter de leur demande respective formulée pour l'ensemble de la procédure au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS : Dit que l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 n'est pas conforme à l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; Dit que cet article 29 de la loi du 19 janvier 2000 n'est pas

applicable en l'espèce ; Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne la partie appelante aux dépens d'appel, LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 00/00182
Date de la décision : 22/12/2000
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2000-12-22;00.00182 ?
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