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14/06/1999 | FRANCE | N°JURITEXT000006935844

France | France, Cour d'appel de Douai, 14 juin 1999, JURITEXT000006935844


COUR D'APPEL DE DOUAI PREMIÈRE CHAMBRE ARRET DU 14 JUIN 1999 * * * No RG : 99/01035 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE LILLE du 01/10/1998 DEMANDE D'ADOPTION PLÉNIÈRE Réf : BM/JL APPELANTS : Monsieur Adnane X... Y..., né le 27/11/1963 à ROUBAIX, ayant la double nationalité française/marocaine, directeur de société et Madame Zakia Y... épouse X... Y..., née le 5/7/1971 à AGADIR (MAROC) , ayant la double nationalité française/marocaine, adjointe administrative, demeurant ensemble 3 rue Henri Murger, Val Fleuri à CASABLANCA (MAROC) Régulièrement convoqués par lettre recommandée avec

avis de réception Représentés par la SCP COCHEME-KRAUT Avoués assoc...

COUR D'APPEL DE DOUAI PREMIÈRE CHAMBRE ARRET DU 14 JUIN 1999 * * * No RG : 99/01035 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE LILLE du 01/10/1998 DEMANDE D'ADOPTION PLÉNIÈRE Réf : BM/JL APPELANTS : Monsieur Adnane X... Y..., né le 27/11/1963 à ROUBAIX, ayant la double nationalité française/marocaine, directeur de société et Madame Zakia Y... épouse X... Y..., née le 5/7/1971 à AGADIR (MAROC) , ayant la double nationalité française/marocaine, adjointe administrative, demeurant ensemble 3 rue Henri Murger, Val Fleuri à CASABLANCA (MAROC) Régulièrement convoqués par lettre recommandée avec avis de réception Représentés par la SCP COCHEME-KRAUT Avoués associés Assistés de Me BRACQ, avocat à LILLE EN PRÉSENCE DU :

MINISTÈRE PUBLIC représenté par M. CABAT, avocat général, en ses réquisitions COMPOSITION DE LA COUR LORS DES Z... ET DU DÉLIBÉRÉ M. LE CORROLLER, président Mme A... et M. MERICQ, conseillers. B... présent lors des débats : Mme HERMANT Z... à l'audience en chambre du conseil du TRENTE ET UN MAI MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF ARRET CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du QUATORZE JUIN MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF, date indiquée à l'issue des débats, par M. LE CORROLLER, Président, qui a signé la minute avec Mme HERMANT B... ****************** LA COUR, FAITS ET PROCEDURE : La cour d'appel de Douai est saisie du cas de l'enfant :

Younes (sans nom de famille)

né de parents inconnus le l" juillet 1995

à Casablanca (Royaume du Maroc)

de nationalité marocaine.

Le 4 juin 1998, les époux Adnane X...- Zakia Y...(ayant tous deux la double nationalité française et marocaine - mariés et domiciliés au Maroc) ont saisi le tribunal de grande instance de Lille d'une requête aux fins d'adoption plénière de l'enfant Younes.

Par jugement rendu le l" octobre 1998, le tribunal de grande instance

de Lille a rejeté cette requête.

Les époux X... en ont relevé appel le 26 octobre 1998. Un jugement de non-rétractation a été pris le 3 décembre 1998. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de leurs conclusions tendant à l'infirmation, les époux X..., qui invoquent l'ordre public international français et la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, font valoir divers arguments (essentiellement l'intérêt de l'enfant Younes, notamment à bénéficier d'un statut social et familial) aux fins de voir prononcer l'adoption plénière, avec toutes conséquences de droit. Le ministère public a pris des conclusions à fins de confirmation. DISCUSSION : 1. L'enfant Younes a été officiellement remis aux époux X... selon un acte adoulaire du 19 décembre 1995 (judiciairement transcrit le 27 mars 1996), visant l'institution de la "kafala". Il a ultérieurement, selon jugement du 31 décembre 1998 du tribunal de première instance de Casablanca Anfa, été déclaré abandonné. 2. La question à trancher a trait à la possibilité de l'adoption revendiquée eu égard au conflit de lois entre la loi marocaine (loi personnelle de l'enfant) et la loi française (que les époux X..., tous deux français, peuvent revendiquer). 11 faut examiner cette question du point de vue tant de la loi marocaine que de la loi française. 3 La loi marocaine prohibe l'adoption. Elle fait ainsi obstacle à l'adoption d'un enfant marocain - spécialement par des personnes qui ont elles-mêmes la nationalité marocaine et qui vivent au Maroc. Le droit marocain en tant qu'il prohibe l'adoption est conforme à l'ordre public international français. En effet, 1a Convention internationale des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 fait seulement obligation aux Etats d'assurer, conformément à leur législation nationale, la protection de leurs ressortissants mineurs privés de milieu familial : de ce

point de vue, la "kafala" en ce qu'elle organise la remise d'enfants a une famille autre que les parents par le sang, répond à cet objectif de protection (dit autrement - la "kafala", en ce qu'elle assure à l'enfant privé de son milieu familial une protection de remplacement qui prend en compte l'ensemble de ses intérêts, répond à l'article 20 de la Convention sus-visée). En outre, l'application du droit international privé français, respectueux des législations étrangères, s'oppose à la constitution de rapports juridiques non susceptibles d'être reconnus dans le pays d'origine des intéressés -c'est d'autant plus vrai en l'espèce que tant les époux X... (qui sont aussi de nationalité marocaine) que l'enfant Younes (de nationalité marocaine) vivent et sont destinés à vivre au Maroc. 4. La loi française, applicable quant aux conditions de fond et effets de l'adoption, requiert un consentement à l'adoption (articles 347 et suiv. du Code civil). Même à admettre que, pour le recueil du consentement, il y aurait lieu à application de la loi personnelle de l'adopté (c'est à dire la loi marocaine), force est de constater qu'en l'espèce aucun consentement n'a été donné, par quelque autorité que ce soit. Compte tenu de la prohibition de l'adoption (voir supra par. 3), la loi marocaine ne comporte aucune désignation des personnes habilitées à consentir ni des formes selon lesquelles le consentement devrait être recueilli. La remise ("kafala" - qui se limite à confier la prise en charge et l'éducation de l'enfant à la personne qui le recueille, selon des modalités proches de la délégation parentale du droit français) du 19 décembre 1995 n'en tient pas lieu.. Par ailleurs, il n'est pas possible de faire produire à la décision judiciaire d'abandon prononcée au Maroc le 31 décembre 1998 l'effet de dispense de consentement à l'adoption qui se déduit de l'article 347-3O du Code civil en présence d'une déclaration judiciaire d'abandon prononcée en France en application

de l'article 350. 5. En l'état des considérations ci-dessus développées, la demande formée par les époux X... ne peut aboutir. * * * PAR CES MOTIFS :

confirme en toutes dispositions le jugement rendu le l" octobre 1998 par le tribunal de grande instance de Lille ;

- laisse aux époux X... la charge des dépens. Le greffier

le président, N. HERMANT

LE CORROLLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935844
Date de la décision : 14/06/1999

Analyses

AUTORITE PARENTALE

N'est pas contraire à l'ordre public international français et à la conception moderne des droits de l'enfant la loi étrangère qui prohibe l'adoption . Il n'y a pas lieu d'écarter l'application de la loi marocaine qui institue la "kafala" en ce qu'elle organise la remise d'un enfant à une famille autre que les parents par le sang. La "kafala" ne tient pas lieu de consentement.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;1999-06-14;juritext000006935844 ?
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