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04/11/2021 | FRANCE | N°19/005726

France | France, Cour d'appel de Dijon, 03, 04 novembre 2021, 19/005726


MAT/CH

[L] [N]

C/

Société ELIOR SERVICE PROPRETÉ ET SANTÉ prise en la personne de son représentant en exercice domicilié en cette qualité au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00572 - No Portalis DBVF-V-B7D-FJ75

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d

e CHALON SUR SAONE, section COMMERCE, décision attaquée en date du 27 Mai 2019, enregistrée sous le no F 17/00443

APPELANTE :

[L] [N]
[Adresse 1]
...

MAT/CH

[L] [N]

C/

Société ELIOR SERVICE PROPRETÉ ET SANTÉ prise en la personne de son représentant en exercice domicilié en cette qualité au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00572 - No Portalis DBVF-V-B7D-FJ75

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section COMMERCE, décision attaquée en date du 27 Mai 2019, enregistrée sous le no F 17/00443

APPELANTE :

[L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Julien DUQUENNOY de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substitué par Me Véronique PARENTY-BAUT, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

Société ELIOR SERVICE PROPRETÉ ET SANTÉ prise en la personne de son représentant en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, et Me Lolita HERNANDEZ DENIEL, avocat au barreau de LYON substituées par Me Clémence BAIA, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Gérard LAUNOY, Conseiller,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Safia BENSOT,

GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [L] [N] a été engagée par la société Elior Services Propreté et Santé à compter du 24 mai 2013 en qualité d'agent de service, dans le cadre de divers contrats de travail à durée déterminée. Un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (109,96 heures mensuelles pour une rémunération mensuelle brute de 1 072,09 euros) a été conclu entre les parties à compter du 1er février 2014.

Par avenant du 1er février 2015, la rémunération horaire de Mme [N] a été portée à 10,01 euros pour un niveau conventionnel AS1B.

La salariée a été victime d'un accident du travail le 26 mai 2017. Elle se serait blessée le poignet en manipulant le charriot des plateaux repas. Elle n'a pas repris le travail depuis cette date.

Le 14 décembre 2017, Mme [N] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 27 mai 2019, la section commerce du conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, présidée par le juge départiteur, a débouté Mme [N] de l'intégralité de ses prétentions et rejeté la demande présentée par l'employeur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [N] a été condamnée aux dépens.

Cette décision a été frappée d'appel par la salariée qui demande à la cour de :
- juger qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral et de discrimination en lien avec ses origines,
- juger recevable et bien fondée l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
- juger que la rupture du contrat de travail s'analysera en un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner, en conséquence, la société Elior Services Propreté et Santé à lui payer :
. 11 171,90 euros (soit 10 mois de salaire brut) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
. 2 134,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),
. 213,43 euros de congés payés afférents,
. 1 675,78 euros d'indemnité de licenciement (6 x 1 117,19 euros x Œ),
. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination,
. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Elior Services Propreté et Santé conclut, au principal, à la confirmation du jugement entrepris, invitant la cour à :
- juger qu'il n'y a pas lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires,

- la condamner à lui payer une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés.

A titre subsidiaire, l'employeur demande à la cour de constater que Mme [N] ne rapporte pas la preuve de l'existence ni de l'étendue des préjudices allégués et de réduire en conséquence à de plus justes proportions les montants des condamnations mises à sa charge.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, la cour entend se référer à leurs conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats.

SUR QUOI, LA COUR,

Mme [N] invoque, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, des faits de harcèlement moral et de discrimination.

C'est à partir de ces faits qu'elle impute à l'employeur qu'elle réclame tout à la fois :
- des dommages et intérêts pour licenciement nul, le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur devant produire les effets d'un licenciement nul,
- des dommages et intérêts « pour harcèlement moral et discrimination ».

En application de l'article 1184, devenu l'article 1224 du code civil, le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat.

Mme [N] fait état de propos racistes et d'une attitude de discrimination imputables à sa supérieure hiérarchique, Mme [M].

Les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail sont pourtant distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

Le fait que la salariée n'ait pas opéré de distinction entre le préjudice résultant du harcèlement moral qu'elle invoque et la discrimination dont elle aurait été victime ne fera pas obstacle à un examen de la cour qui portera distinctement sur la caractérisation d'un éventuel harcèlement moral, et sur l'existence de l'attitude discriminatoire alléguée de la part de l'employeur à son égard.

Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement .

La salariée invoque le fait que sa responsable hiérarchique a tenu des propos inadmissibles à son égard, en lien avec ses origines.

Elle fait également état d'un défaut de maintien de son salaire pendant son arrêt maladie.

Pour étayer ses affirmations, la salariée produit plusieurs attestations de ses collègues qui déclarent avoir entendu Mme [M] dire : « elle commence à nous faire chier avec son putain de ramadan », la supérieure hiérarchique lui ayant par ailleurs demandé « d'ouvrir son sac pour vérifier s'il y avait une bombe dedans ».

Par ailleurs, sont versées au débat les deux déclarations de main courante déposées par la salariée les 26 juin et 24 novembre 2017 ainsi que deux contre-visites par un médecin contrôleur, lequel a conclu à un arrêt de travail médicalement justifié.

La salariée établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur conteste toute atteinte susceptible d'avoir été portée à la dignité et à la santé de la salariée du fait de l'attitude de Mme [M].

Il produit de nombreuses attestations et fournit des éléments d'appréciation temporelle des faits allégués par la salariée.

Les attestations établies par la salariée elle-même et par son conjoint, dans des termes au demeurant quasi identiques et rédigés de la même écriture, doivent être écartées des débats.

Les attestations établies par Mme [C], licenciée pour faute grave le 19 mai 2016, et par Mme [V], également licenciée pour faute grave le 10 octobre 2017, présentent quant à elles une valeur probante toute relative, comme l'a relevé avec pertinence le juge départiteur.

Mme [J], aide-soignante, a déclaré, le 26 janvier 2018 :
« J'ai travaillé plusieurs années avec [L], j'ai constaté que les derniers mois elle était en souffrance, sa charge de travail et quelques remontrances par sa supérieure.
Par ailleurs, j'étais en poste lors de l'accident de travail de Madame [L], elle est venue nous voir dans l'office pour attester sa blessure au poignet. Elle nous a demandé de l'aider pour contacter sa supérieure afin de lui signaler son accident du travail. Depuis le téléphone de ma collègue, j'ai entendu leur conversation, [L] était en souffrance car sa supérieure était en train de lui dire "je suis en repos dans un parc avec ma fille, j'en ai marre à chaque fois il y a des problèmes, tu te débrouilles en téléphonant à une collègue pour te remplacer ce soir et téléphone à Madame X pour t'emmener aux urgences". [L] pleurait d'angoisse à l'idée de gérer ce problème.
J'ai surpris sa supérieure un matin en période attentats où elle disait à [L] "tu vois, ce sont des personnes comme toi qui nous foutent dessus". Cela m'a choqué et [L] n'a rien répondu. J'ai répondu à sa supérieure "tu n'as pas le droit de parler comme ça, des méchants, des gens déjantés il y en a partout" ».

La seule référence temporelle donnée par les collègues de travail de la salariée dans le témoignage est recevable vise l'attentat de [O] [K] (perpétré en janvier 2015) et celui de [Localité 9] du 14 juillet 2016.

La première « plainte » de la salariée n'a pourtant été concrétisée par une déclaration de main courante que le 26 juin 2017, alors que Mme [N] était en arrêt d'accident du travail depuis un mois. Mme [N] a alors fait état de la « pression psychologique » que lui imposait sa supérieure hiérarchique qui déclarait ouvertement « qu'elle n'aimait pas les arabes ». La salariée faisait état de pressions et de suppressions de jours de congés. Elle ajoutait alors : « Mme [M] ne m'insulte pas, mais je pense qu'elle n'accepte pas le fait que je ne sois pas d'origine française ».

Mme [N] a déposé une seconde main courante le 24 novembre 2017, trois semaines avant de saisir le conseil de prud'hommes, pour indiquer qu'elle éprouvait « un véritable sentiment de discrimination et qu'elle en souffrait de manière aiguë », ajoutant : « J'ai été en arrêt et je prends des médicaments car je vais au travail avec "la boule au ventre" ». Mme [N] a indiqué aux services de police qu'elle était employée à la clinique de [Localité 4] « depuis le mois de mai », en mutation, car elle travaillait auparavant à [Localité 10].

Son appréciation des relations avec ses collègues manque, dans ces conditions, de crédibilité, puisque ses déclarations sont intervenues six mois après son accident du travail, qu'elle a subi alors qu'elle travaillait à la clinique de [Localité 4] depuis moins de trois semaines. Les attestations communiquées par la salariée ont été établies par des collègues qui travaillaient avec elle à [Localité 10].

L'employeur verse, pour sa part, au débat une attestation établie par Mme [X], agent d'entretien, laquelle passe aveu de ce que c'est elle qui est allée chercher un matin, à son domicile, Mme [N], pour remplacer une collègue malade qui ne s'était pas présentée à son poste de travail.

Le témoin précise cependant : « Mme [N] avait demandé à Mme [M] de lui trouver plus d'heures à effectuer car elle se trouvait dans une situation de grande précarité et cumulait plusieurs emplois ». La collègue de l'appelante a, par ailleurs, indiqué que c'était à tort que Mme [N] reprochait à Mme [M] une discrimination raciale, alors que c'est elle-même qui, sur le ton de l'ironie, l'avait « titillée ». Mme [X] ajoute qu'étant elle-même portugaise, elle ne pouvait être suspectée de racisme et qu'en outre, deux autres salariées étaient « de la même origine » que Mme [N].

Si à l'occasion des deux contre-visites auxquelles a fait procéder l'employeur, le médecin contrôleur, lequel a conclu à un arrêt de travail médicalement justifié, la salariée s'est gardée de produire au débat la déclaration d'accident du travail, comme le moindre document médical permettant d'établir la nature des lésions subies le 26 mai 2017 ni davantage de justifier plus de quatre années d'arrêt de travail. Il n'est pas contesté que Mme [N], employée à temps partiel au sein de la clinique, cumulait plusieurs emplois. Elle ne produit devant la cour aucun élément permettant d'apprécier sa situation depuis son arrêt de travail en mai 2017.

Quant aux plannings de travail produits par l'employeur, ils permettent de constater une égalité dans le travail distribué aux salariés effectuant les mêmes tâches que Mme [N]. Le fait qu'elle ait travaillé les après-midi de deux jours fériés, dont elle ne précise d'ailleurs pas la date, ne permet pas de retenir une inégalité entre salariés, alors qu'il est établi et non contesté que l'intéressée avait formulé le souhait de pouvoir réaliser des heures complémentaires.

Il importe également de considérer que la salariée n'avait jamais formulé la moindre plainte relative à ses conditions de travail avant de saisir la juridiction prud'homale le 14 décembre 2017. Dès qu'il a pris connaissance des revendications de Mme [N], l'employeur a diligenté, dès le mois de janvier 2018, une enquête auprès des salariés affectés sur le site. Aucun d'eux n'a confirmé les déclarations de la salariée. Plusieurs d'entre eux se sont au contraire étonné des accusations qu'elle portait à l'encontre de Mme [M], alors qu'elle entretenait de bonnes relations avec elle, s'offrant réciproquement des cadeaux au retour de vacances. Par ailleurs, il est établi que Mme [M] était elle-même intervenue auprès de la direction de la société Elior Services Propreté et Santé pour que le mari de Mme [N] soit engagé, en dépit de la politique de l'entreprise consistant à refuser l'emploi de conjoints, en veillant à ce que l'époux travaille de nuit pour ne pas se trouver dans la même équipe que l'appelante. Mme [X] précise, dans son attestation, que le comportement de sa collègue a changé à partir du moment où son époux, qui, à la faveur de la disponibilité d'un poste, avait été engagé pour une durée indéterminée, avait rejoint le groupe.

La salariée a elle-même déclaré, lors du dépôt de sa première main courante, alors qu'elle se trouvait déjà en arrêt de travail et qu'elle n'allait jamais reprendre son service : « Mme [M] ne m'insulte pas, mais je pense qu'elle n'accepte pas le fait que je ne sois pas d'origine française ».

Une telle supposition n'est pas objectivement avérée, pas plus que la déclaration faite, le 27 novembre 2017, selon laquelle elle « allait au travail avec "la boule au ventre", alors qu'elle était en arrêt depuis plus de six mois, à la suite de l'accident du travail qui avait consisté en une blessure du poignet à l'occasion de la manipulation du chariot des plateaux, sans que la moindre situation de dépression n'ait jamais été alléguée. Au contraire, il résulte des attestations produites par l'employeur que l'intéressée avait « toujours clamé à tout le personnel de la clinique, Elior y compris, que c'était une joie et un bonheur de venir travailler et que ce n'était qu'au travail qu'elle s'épanouissait totalement ».

S'agissant du défaut de maintien de salaire pendant son arrêt de travail, pour lequel la salariée avait réclamé un complément de salaire de 336,75 euros en saisissant le conseil de prud'hommes, il ne peut être de nature à s'analyser en un manquement de l'employeur, alors que cette somme a été réglée dès que la salariée a transmis à l'employeur la justification du montant des indemnités journalières perçues de la sécurité sociale, pour lui permettre de procéder au complément de salaire, la rémunération de l'intéressée ayant été assurée à hauteur de 90 % les 30 premiers jours d'arrêt, puis à hauteur des deux tiers les 30 jours suivants.

L'employeur démontre ainsi que, pris dans leur ensemble, les quelques faits matériellement établis par Mme [N] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, de sorte que les demandes relatives au harcèlement doivent être rejetées.

La salariée allègue encore une discrimination de la part de l'employeur. Précisément, elle invoque le fait que sa responsable hiérarchique avait tenu des propos inadmissibles à son encontre, en lien avec ses origines – origine qu'elle ne précise au demeurant pas, les déclarations dénoncées paraissant mettre davantage en cause ses convictions religieuses.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m?urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,
- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Hormis des attestations dont la valeur probante est incertaine, il n'apparaît pas possible de retenir une discrimination liée à l'origine de la salariée.

Seuls sont avérés les propos anciens tenus, à l'époque des attentats terroristes de 2015 ou 2016, par l'une de ses collègues agent d'entretien hospitalier qui reconnaît en avoir été l'auteur, tout en précisant qu'ils ont été prononcés sur le ton de la plaisanterie.

Une attitude discriminatoire de la part de l'employeur à l'égard de l'appelante n'aurait pu être retenue que dans l'hypothèse où « ses origines » auraient entraîné un désavantage particulier pour l'intéressée par rapport à ses collègues de travail, ou une incidence sur sa rémunération, sa formation, son affectation ou sa qualification.

Or, la salariée, hormis l'allusion à l'obligation qui lui aurait été imposée de travailler les après-midi de deux jours fériés, ne fournit aucune indication sur les conséquences qu'auraient pu avoir ses origines sur ses conditions de travail, ni moins encore sur son contrat de travail. Au contraire, il est établi que, portant attention à la situation de précarité de sa famille, l'employeur avait, sur l'insistance de la personne même qu'elle accuse, sans en apporter la preuve, d'avoir tenu des propos racistes, privilégié sa famille en procédant à l'embauche de son époux.

En l'état des explications et des pièces fournies, la cour, comme les premiers juges, estime que la matérialité d'éléments de fait précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l'existence d'une discrimination à son égard, n'est pas démontrée.

Aucun manquement grave n'étant susceptible d'être retenu à l'encontre de l'employeur, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est également rejetée.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [L] [N] aux dépens.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 19/005726
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 27 mai 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2021-11-04;19.005726 ?
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