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04/11/2021 | FRANCE | N°19/005446

France | France, Cour d'appel de Dijon, 03, 04 novembre 2021, 19/005446


MAT/CH

[L] [M]

C/

SARL SANTÉ SERVICE 71 prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00544 - No Portalis DBVF-V-B7D-FJZD

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE

, section COMMERCE, décision attaquée en date du 27 Juin 2019, enregistrée sous le no F 17/00209

APPELANTE :

[L] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]

r...

MAT/CH

[L] [M]

C/

SARL SANTÉ SERVICE 71 prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00544 - No Portalis DBVF-V-B7D-FJZD

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section COMMERCE, décision attaquée en date du 27 Juin 2019, enregistrée sous le no F 17/00209

APPELANTE :

[L] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Maïté PELEIJA, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

SARL SANTÉ SERVICE 71 prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, et Me Martine PERRAYON, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,
Rodolphe UGEN-LAITHIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 juin 2012, Mme [L] [M] a été engagée par la SAS Santé Services 71 en qualité de prothésiste / orthésiste, responsable du département orthopédie, statut « maîtrise », niveau 3, position 3.1, coefficient 500 de la convention collective nationale du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques.

Sa durée hebdomadaire de travail était de 28 heures, soit 121,33 heures mensuelles, moyennant une rémunération brute de 2 087,00 euros.

Le contrat de travail a été conclu au jour de la cession à la SAS Santé Services 71, par Mme [M], de la branche d'activité de fourniture, vente et adaptation de petits et grands appareillages orthopédiques et produits orthopédiques généraux ainsi que de la vente et de la location de tous dispositifs médicaux.

Il importe de souligner que Mme [M] exploitait, depuis le 6 janvier 2004, un fonds artisanal d'orthopédiste-orthésiste à [Localité 6].

Après la cession partielle de son fonds, Mme [M] a conservé la branche d'activités de fourniture, vente, fabrication, adaptation de semelles orthopédiques et de posturologie.

Mme [M] a été placée en arrêt maladie du 31 janvier au 7 février 2013, du 4 au 11 juin 2013, puis du 15 mars au juin 2014.

Lors de la visite de pré-reprise du 16 juin 2014, un avis d'inaptitude a été envisagé par le médecin du travail qui, à l'occasion de la visite de reprise du 1er juillet 2014, a déclaré la salariée inapte à la reprise de son poste et à tout poste dans l'entreprise.

Le 5 septembre 2014, Mme [M] a refusé les trois postes que l'employeur lui avait proposés par courrier du 29 août 2014.

Après lui avoir notifié l'impossibilité de reclassement le 9 septembre 2014, l'employeur l'a convoquée, par lettre du 12 septembre 2014, à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 septembre suivant, auquel la salariée a déclaré ne pouvoir se rendre pour raison médicale.

Mme [M] a été licenciée le 29 septembre 2014 pour inaptitude d'origine non professionnelle.

Elle a reçu ses documents de fin de contrat le 14 octobre 2014.

Le 23 juin 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'heures complémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, et contestant la légitimité de son licenciement. Outre l'indemnité de préavis, elle réclamait des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 15 février 2017 devant le bureau de jugement. L'affaire a été réinscrite au rôle le 13 juillet 2017.

Par jugement du 27 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône a débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes, rejeté la demande présentée par la société Santé Services 71 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties garderait la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 23 juillet 2019, Mme [M] a régulièrement formé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 14 septembre 2021, la salariée demande à la cour, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau, de dire son licenciement privé de cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société Santé Services 71 à lui payer :
- 2 348,91 euros brut à titre de rappel d'heures complémentaires, outre 234,89 euros de congés payés afférents,
- 12 647,22 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 12 647,22 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement « à l'obligation de sécurité de résultat »,
- 10 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 4 215,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 421,57 euros de congés payés afférents,
- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés.

Par ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 15 janvier 2020, la société Santé Services 71 demande à la cour,
S'agissant des demandes à caractère salarial :
- de constater le caractère infondé et injustifié de la demande de rappels d'heures complémentaires,
et en conséquence :
- de confirmer le jugement entrepris,
- de débouter Mme [M] de sa demande de 2 348,91 euros brut à titre de rappels d'heures complémentaires, outre congés payés afférents,
- de débouter Mme [M] de sa demande de 12 647,22 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
S'agissant du licenciement :
- de juger que les demandes au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat sont infondées,
- de juger le licenciement de Mme [M] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
et, en conséquence de confirmer le jugement entrepris en déboutant la salariée de ses demandes indemnitaires.
A titre subsidiaire, s'agissant des demandes pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail, l'employeur prie la cour de constater que Mme [M] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui invoqué pour le licenciement, ni le préjudice subi à hauteur de sa demande pour manquement à l'obligation de sécurité et de constater que Mme [M] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui invoqué pour le licenciement, ni le préjudice subi à hauteur de sa demande pour exécution déloyale du contrat, et de la débouter de toutes ses demandes présentées à ce titre.

En tout état de cause,
l'employeur sollicite la condamnation de la salariée à lui payer une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le rejet de la demande formée par Mme [M] sur ce fondement.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige, aux conclusions des parties échangées par RPVA.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur le rappel d'heures complémentaires

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [M] fait valoir qu'elle a réalisé des heures complémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées. La salariée évoque une surcharge de travail. Elle étaie sa demande :
- par la production des fiches horaires de l'entreprise qu'elle prétend avoir remis chaque semaine en main propre à la responsable des ressources humaines, à compter de janvier 2013, de sorte que l'employeur en avait connaissance,
- par la production d'extraits de l'agenda informatique du service d'orthopédie.

S'agissant des fiches horaires de l'entreprise, la salariée soutient qu'il s'agit de modèles types fournis par l'employeur, et que, n'étant pas soumise à l'horaire collectif, l'employeur devait nécessairement tenir un décompte de son temps de travail, ce qu'il ne ferait pas.

Pour ce qui concerne le planning informatique, elle indique qu'il s'agissait d'un agenda professionnel auquel tous les salariés et l'employeur avaient accès. Elle souligne que cet agenda mentionnait les heures de récupération octroyées par l'employeur. Pour autant, ce planning informatique ne mentionnerait qu'une partie des heures réellement effectuées et ne tiendrait pas compte des interventions imprévues, réalisées dans l'urgence, cette situation expliquant les incohérences relevées par l'employeur avec les fiches horaires.

L'employeur fait valoir que Mme [M] travaillait pour son propre compte dans le cadre de son activité de fourniture, vente, fabrication et adaptation de semelles orthopédiques et de posturologie, activité qu'elle exerçait à titre gracieux dans les locaux de l'entreprise. Aucun élément ne permettrait de s'assurer que les prétendues heures complémentaires effectuées relèveraient de son activité au sein de l'entreprise.

En vertu de l'article 6 du contrat de travail liant les parties, Mme [M] exerçait son activité à temps partiel sur la base de 28 heures hebdomadaires de travail effectif. Pour justifier la réalisation d'heures complémentaires au-delà de ces 28 heures, la salariée produit des plannings informatiques insuffisamment précis, dès lors qu'ils comportent de nombreuses plages horaires vides, ne prenant en compte que les rendez-vous intéressant le secteur d'ostéopathie. En outre, de nombreux plannings sont peu lisibles.

La salariée ne produit aucune fiche horaire concernant l'année 2012. Dans ces conditions, en l'état du manque de précision du planning informatique, la demande de paiement d'heures complémentaires pour l'année 2012 n'est pas suffisamment étayée et doit être rejetée.

Sur les autres fiches horaires sont indiqués les jours de la semaine, l'heure de prise de poste et de sortie de poste, le matin et l'après-midi.

Pour autant, ces fiches horaires constituent des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

L'employeur se contente de soutenir qu'il n'a jamais donné son accord exprès ou implicite pour la réalisation d'heures complémentaires.

Or, selon l'article 6 du contrat de travail, « Madame [L] [M] pourra être amenée à effectuer des heures complémentaires à la demande expresse de la Direction de la société Santé Services 71 ou de toute personne que celle-ci aura entendue se substituer, dans la limite du tiers de l'horaire mentionné au contrat de travail conformément à la convention collective nationale applicable au sein de la société.
Toute heure complémentaire au-delà de 28 heures hebdomadaires visées ci-dessus ne pourra être effectuée et prise en compte qu'à la demande et/ou après accord de la Direction de la société Santé Services 71 ».

L'employeur insiste sur le fait qu'en application du contrat de travail de Mme [M], la réalisation d'heures complémentaires devait faire l'objet d'une demande expresse et d'un accord de la direction, la nécessité d'une autorisation étant également prévue par des notes de service. Il conteste avoir donné son accord pour la réalisation d'heures complémentaires et indique n'avoir jamais été destinataire des fiches horaires produites au débat, lesquelles ne sont signées ni par l'employeur, ni même par la salariée dont il ajoute qu'elle bénéficiait d'une certaine autonomie dans la gestion de son temps de travail.

Quant au planning informatique qu'elle produit au débat, il se serait agi d'un simple outil de suivi de prises de rendez-vous.

Enfin, l'employeur estime que la prise en compte d'heures de récupération pour la réalisation d'heures complémentaires occasionnelles, démontre bien que, lorsque Mme [M] réalisait des heures complémentaires et en informait la responsable des ressources humaines, les heures accomplies étaient bien rémunérées.

Aux yeux de la salariée, c'est bien parce que l'employeur avait connaissance de la réalisation d'heures complémentaires qu'il lui avait accordé des heures de récupération, cette prise en compte manifestant que son accord pouvait n'être qu'implicite.

Il est constant que Mme [M] ne produit aucune demande d'autorisation de réaliser des heures complémentaires. Pour autant, sur le bulletin de paie d'avril 2013, il apparaît que Mme [M] a bénéficié de 6,5 heures de rémunération d'heures complémentaires suite à la réalisation d'heures complémentaires. L'absence de demande de la salariée ou d'acceptation expresse de l'employeur permet de considérer que la réalisation d'heures complémentaires pouvait être réalisée par simple accord implicite de l'employeur.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures complémentaires accomplies, lorsqu'elles l'ont été avec l'accord au moins implicite de l'employeur, ou encore s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Pour justifier le quantum de ses demandes, Mme [M] invoque une surcharge de travail due à un sous-effectif, alors qu'elle aurait dû supporter seule la charge de travail concernant le gros appareillage.

L'employeur conteste la surcharge de travail alléguée, alors que Mme [M] n'avait jamais été seule sur l'activité d'orthopédie, d'autant que la partie fabrication et retouches relative au travail inhérent au gros appareillage était sous-traitée. Le volume de travail de Mme [M] n'aurait pas nécessité la réalisation d'heures complémentaires.

La cour constate que Mme [M] ne réclame que 33,50 heures complémentaires pour l'ensemble de l'année 2013 et 14,35 heures complémentaires pour l'année 2014, le faible volume des heures complémentaires réclamées interdisant à la salariée d'invoquer de manière crédible une surcharge de travail, alors surtout que la salariée n'a jamais alerté son employeur sur des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de son contrat de travail à temps partiel. La surcharge invoquée ne suffit pas à justifier, par elle-même, la réalisation d'heures supplémentaires.

Cependant, Mme [M] a étayé sa demande de manière suffisante, s'agissant des horaires effectués pour les années 2013 et 2014. L'employeur ne produisant aucun décompte pour ces années lui permettant de remettre en cause le décompte de la salariée, alors qu'il est par ailleurs établi qu'en dépit de la mention, dans le contrat de travail, de l'exigence d'une autorisation expresse de l'employeur pour la réalisation d'heures complémentaires, l'accord tacite de celui-ci a suffi à permettre l'exécution de quelques heures complémentaires – lesquelles ont été rémunérées ou récupérées lorsqu'elles ont été déclarées par la salariée –, la cour peut tirer les conséquences de sa carence, alors qu'il disposait d'éléments lui permettant de répondre utilement à la demande de la salariée.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, à partir des fiches horaires de la salariée, étant écartées celles qui ont été raturées et modifiées après coup, la cour fixe à 800 euros le rappel d'heures complémentaires dû à Mme [W]. Cette créance sera augmentée des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

S'il est fait partiellement droit aux demandes Mme [M], il est constant que la salariée n'a jamais effectué aucune revendication salariale avant la saisine du conseil de prud'hommes le 13 juillet 2017. La dissimulation d'emploi salarié ne peut se déduire uniquement du fait que l'employeur n'a pas réglé la totalité des heures complémentaires. Il n'est apporté aucune preuve de l'intention de la société Santé services 71 de travail dissimulé.

Faute pour la salariée de démontrer la volonté de l'employeur de se soustraire à ses obligations légales, la demande d'indemnité pour travail dissimulé est rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée ne remet en cause ni la régularité de la procédure de licenciement, ni sa légitimité, ne contestant ni son inaptitude, ni le respect, par l'employeur, de son obligation de reclassement. Tout au plus, le défaut de cause réelle et sérieuse pourrait résulter du manquement allégué de l'employeur à son obligation de sécurité, mais une indemnisation spécifique est sollicitée sur ce point.

Il y a donc lieu de rejeter ce chef de demande.

Sur le manquement allégué de l'employeur à l'obligation de sécurité

En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Il est constant que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse s'il est établi que l'inaptitude du salarié à occuper un emploi trouve sa cause véritable dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Mme [M] fait valoir que son employeur était parfaitement informé du cumul d'activités consécutif à la cession d'une branche d'activité à la SAS Santé Services 71, que, pour autant, il a considérablement augmenté sa charge de travail, la contraignant à la réalisation d'heures complémentaires, d'autant qu'elle ne disposait d'aucune aide pour la réalisation de ses tâches.

Cette surcharge aurait entraîné sur sa personne un syndrome anxiodépressif justifiant son placement en arrêt de travail et la prise d'un traitement antidépresseur. La salariée considère qu'elle démontre le lien existant entre les lésions psychologiques et ses conditions de travail par l'attestation de son médecin psychiatre.

L'employeur rappelle que le faible nombre d'heures complémentaires réclamées – dont il conteste au demeurant l'accomplissement par Mme [M] – ne peuvent constituer une surcharge de travail excessive. Quant au turn-over invoqué par la salariée, il s'expliquerait par des départs de salariés en vue d'une reconversion professionnelle et non par des conditions de travail difficiles imposées par l'employeur.

Il constate encore que le médecin du travail et le psychiatre n'établissent pas de manière incontestable un lien de causalité entre sa pathologie, un manquement de l'entreprise, et son inaptitude.

La cour observe que la salariée a été placée à trois reprises en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, d'une courte durée s'agissant de deux arrêts d'une semaine au cours de l'année 2013, et de trois mois s'agissant du dernier arrêt. Elle n'a cependant jamais alerté son employeur sur une éventuelle surcharge de travail, ni davantage sur des pressions suusceptibles d'avoir une incidence sur sa santé.

Il y a encore lieu de considérer que Mme [M] exerce, en plus de son activité salariée, une activité à titre indépendant. Bien que le chiffre d'affaires ainsi que le résultat net de son activité aient baissé lorsqu'elle était au service de la société Santé Services 71, il n'est pas démontré le lien de causalité entre l'inaptitude de Mme [M] et une surcharge de travail au sein de la société, celle-ci étant à temps partiel, le nombre d'heures complémentaires reconnues étant au demeurant dérisoire.

La mention, par le docteur [J], psychiatre, d'un « burn out professionnel évoluant depuis 2014 » ne suffit pas à établir l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors que Mme [M] cumulait deux activités, aucun élément ne permettant de vérifier que le stress qu'elle subissait était consécutif à une surcharge de travail liée à son emploi salarié plutôt qu'à la baisse du chiffre d'affaires résultant de son activité professionnelle indépendante à la suite de la cession d'une branche d'activité à la société Santé Services 71.

L'employeur insiste encore sur le fait que Mme [M] ne saurait attribuer à la réalisation d'heures complémentaires la baisse de son chiffre d'affaires au sein de son entreprise individuelle, laquelle trouverait plutôt sa cause dans l'arrivée d'un concurrent. La SAS Santé Services 71 indique avec pertinence que le faible nombre d'heures complémentaires invoquée n'aurait pu, en toute hypothèse, provoquer la baisse du chiffre d'affaires dans son activité non salariée.

En conséquence, il convient de débouter Mme [M] de sa demande de requalification de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et de la débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre.

La cour confirme le jugement déféré sur ces points.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Mme [M] invoque la mauvaise foi manifeste dont l'employeur aurait fait preuve dans l'exécution de son contrat de travail, en feignant d'ignorer la dégradation de ses conditions de travail.

Mme [M] n'a cependant pas démontré de manquement de l'employeur au respect de son obligation de sécurité, ni la réalité d'une dégradation de ses conditions de travail. Elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le jugement entrepris sera encore confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a rejeté en son intégralité la demande en paiement d'heures complémentaires présentée par la salariée ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Santé Services 71 à payer à Mme [L] [M] la somme de 800 euros à titre de de rappel d'heures complémentaires, outre 80 euros de congés payés afférents ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Santé Services 71 aux dépens.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 19/005446
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 27 juin 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2021-11-04;19.005446 ?
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