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04/11/2021 | FRANCE | N°19/004696

France | France, Cour d'appel de Dijon, 03, 04 novembre 2021, 19/004696


OM/CH

[E] [Z]

C/

Société SA OXXO EVOLUTION

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00469 - No Portalis DBVF-V-B7D-FJD2

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section ENCADREMENT, décision attaquée en date du 08 Février 2016, enregistrée sous le no F 15/00058


APPELANT :

[E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Mélodie GIROUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société SA OXXO EVOLUTION
[Adr...

OM/CH

[E] [Z]

C/

Société SA OXXO EVOLUTION

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00469 - No Portalis DBVF-V-B7D-FJD2

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section ENCADREMENT, décision attaquée en date du 08 Février 2016, enregistrée sous le no F 15/00058

APPELANT :

[E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Mélodie GIROUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société SA OXXO EVOLUTION
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Sophie TRINCEA de la SELARL TRINCÉA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Dorothée CLARY, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Gérard LAUNOY, Conseiller,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Safia BENSOT,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Safia BENSOT, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Z] (le salarié) a été engagé le 2 décembre 2013 par contrat à durée indéterminée en qualité de directeur administratif et financier, par la société Oxxo évolution (l'employeur).

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail puis a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 4 septembre 2015.
Par jugement du 8 février 2016, cette juridiction a rejeté toutes ses demandes et l'a condamné au paiement d'une somme au titre du préavis non exécuté.

Le salarié a interjeté appel le 8 mars 2016 puis l'affaire a été radiée du rôle par arrêt du 12 février 2018 et réinscrite après demande reçue le 24 juin 2019.

Le salarié demande, au regard, selon lui, d'une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement des sommes de :
- 1 800 € de rappel de prime sur objectif,
- 59 049,63 € de rappel d'heures supplémentaires,
- 5 904,96 € de congés payés afférents,
- 36 924 € d'indemnité pour travail dissimulé,
- 18 462 € d'indemnité de préavis,
- 1 846 € de congés payés afférents,
- 2 153,90 € d'indemnité de licenciement,
- 30 770 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les intérêts au taux légal.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé, pour un plus ample exposé, du litige aux conclusions des parties visées et remises à l'audience du 21 septembre 2021.

MOTIFS :

Sur la prise d'acte de rupture :

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Si les faits invoqués par le salarié justifient la rupture du contrat de travail, dans ce cas elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut, celui d'une démission.

Ici, le salarié reproche à l'employeur une modification unilatérale des éléments essentiels du contrat de travail à savoir la suppression de son emploi au sein du service système d'information et une exécution de mauvaise foi de ce contrat.
Sur le premier point, il indique que le service à la charge de la gestion du logiciel Diapason et que son emploi comportait l'encadrement de la direction du service administratif et financier et de la direction service système information comme le traduisent les organigrammes produits (pièces no 6 à 8).
Le service système information impliquait la gestion et l'amélioration de l'infrastructure informatique, le pilotage du déploiement des nouveaux modules du logiciel commercial et de production, les pilotage des améliorations des modules existants Diapason, le suivi et la "priorisation" des développements sur les modules commerciaux, les coordinations des équipes d'infogérances externes, la production du budget annuel, le point d'entrée et la coordination du groupe ayant racheté l'entreprise, sur l'ensemble des sujets liés à ce système, ce qui occupait 50 % de son temps de travail, l'autre moitié par le service administratif et financier.
A compter de juin 2014, le salarié soutient que l'employeur a voulu l'évincer de ses fonctions liées au service système information et que tous les projets mis en place ont été gelés, afin de rattacher la gestion de ce service directement à la direction générale du groupe en Algérie, et ce sans information donnée sur le projet final.
Par ailleurs, M. [N], subordonné du salarié, a été nommé au poste de manager du service information.

Sur le second point, il précise ne pas avoir été informé de ce changement par l'employeur lequel n'aurait pas respecté son arrêt de travail pour cause de maladie en lui envoyant entre le 19 janvier et le 17 février plusieurs mails par jour, l'empêchant de se couper de son environnement professionnel, en dépit des recommandations du médecin.

L'employeur rappelle que le groupe souhaitait harmoniser et standardiser les services au niveau du pôle industrie du groupe avec présentation dès février 2014 et mail du 30 juin 2014 de Mme [D].
M. [J], président de la société, a informé le personnel en janvier 2015 du rattachement du service système information à la direction générale.
Il ajoute que le retrait des tâches résulte d'une réorganisation de l'entreprise et n'a pas porté atteinte à ses responsabilités, à ses attributions ni à sa rémunération en tant que directeur administratif et financier.

Au regard des tâches confiées par le contrat de travail qui prévoit, notamment, que le salarié propose, valide la politique SI et pilote les projets associés, la réorganisation de ce service et son rattachement à la direction générale après rachat de l'entreprise, traduit une atteinte à ses attributions et à ses responsabilité puisqu'il perd une partie de son activité au profit d'autres salariés, peu important que cette part soit inférieure à la moitié de ses occupations.

Cette modification unilatérale du contrat de travail caractérise, à elle seule, un manquement grave de l'employeur fondant la prise d'acte de rupture qui aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié est fondé à obtenir le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis réclamée ainsi que les congés payés afférents.
Sur l'indemnité de licenciement, l'employeur souligne que le salarié a travaillé effectivement du 2 décembre 2013 au 18 janvier 2015 date à laquelle il a bénéficié d'un arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle, soit une indemnité de 1 372,81 € sur la base d'un salaire mensuel brut de 6 343,71 €.

En application des dispositions de l'article L. 1234-11 du code du travail, les périodes de suspension du contrat de travail non assimilées par la loi à du temps de travail effectif, sauf convention contraire, peuvent être déduites de l'ancienneté du salarié pour le calcul de l'indemnité de licenciement, tout en n'interrompant pas l'ancienneté de celui-ci.
Ici, la convention collective nationale des menuiseries, charpentes et constructions industrialisées et portes planes ne prévoit pas de stipulation contraire ou plus favorable, dans son article 50 alors applicable, de sorte que l'indemnité de licenciement sera limitée à 1 372,81 €.

Au regard d'une ancienneté de deux années, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 30 770 €.

Sur la convention de forfait jours :

1o) Le forfait annuel en jours doit être prévu par un accord collectif de branche ou d'entreprise lequel doit définir les catégories de cadres concernés, fixer le nombre de jours travaillés, préciser les modalités de décompte de ces jours, les conditions de contrôle de son application et prévoir les modalités de suivi de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.
Il en résulte qu'un dispositif de suivi régulier et de contrôle doit être mis en oeuvre.
A défaut pour l'employeur de respecter ces clauses, la convention individuelle de forfait annuel en jours est privée d'effet.

En l'espèce, l'employeur rappelle que le contrat de travail prévoit un forfait de 215 jours par an en se basant sur les accords d'entreprise du 28 juin 1999 et du 30 juin 2014.
Il ne démontre pas avoir mis en oeuvre un suivi régulier et de contrôle de cet aménagement du temps de travail, de sorte que cette convention est privée d'effet à l'égard du salarié qui peut demander un rappel éventuel d'heures supplémentaires.

2o) L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Ici, le salarié n'apporte aucun élément à part l'attestation de M. [I] (pièce no49) faisant état d'horaires quotidien de façon générale et se borne à affirmer avoir effectué des heures supplémentaires.
Sa demande sera donc rejetée.

3o) La demande relative au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé devient sans objet faute d'heures supplémentaires dues.
Au surplus, le salarié ne prouve pas d'élément intentionnel de la part de l'employeur de se soustraire à ses obligations.

Sur les autres demandes :

1o) Sur la prime d'objectif, le salarié n'apporte aucune explication ni justificatif de sa demande qui sera rejetée.

2o) Les sommes accordées au salarié produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.

3o) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 2 000 €.

L'employeur supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

Infirme le jugement du 8 février 2016 sauf en ce qu'il rejette les demandes de M. [E] [Z] en paiement de rappel de prime sur objectif ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Oxxo évolution à payer à M. [E] [Z] les sommes de :
- 18 462 € d'indemnité de préavis,
- 1 846 € de congés payés afférents,
- 1 372,81 € d'indemnité de licenciement,
- 30 770 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Oxxo évolution devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire ;

Rejette les autres demandes de la société Oxxo évolution ;

Y ajoutant :

Rejette les autres demandes de M. [E] [Z] ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Oxxo évolution et la condamne à payer à M. [E] [Z] la somme de 2 000 euros ;

Condamne la société Oxxo évolution aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Safia BENSOTOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 19/004696
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Mâcon, 08 février 2016


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2021-11-04;19.004696 ?
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