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04/11/2021 | FRANCE | N°19/004566

France | France, Cour d'appel de Dijon, 03, 04 novembre 2021, 19/004566


MAT/CH

[B] [X]

C/

SAS KSB Venant aux droits de la société KSB SERVICE CENTRE EST suite à la transmission universelle de patrimoine intervenue au profit de la SAS KSB, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés de droit au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00456 - No Portalis DBVF-V-B7D-FI7N


Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section ENCADREME...

MAT/CH

[B] [X]

C/

SAS KSB Venant aux droits de la société KSB SERVICE CENTRE EST suite à la transmission universelle de patrimoine intervenue au profit de la SAS KSB, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés de droit au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021

MINUTE No

No RG 19/00456 - No Portalis DBVF-V-B7D-FI7N

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section ENCADREMENT, décision attaquée en date du 03 Juin 2019, enregistrée sous le no 17/00167

APPELANT :

[B] [X]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représenté par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

SAS KSB venant aux droits de la société KSB SERVICE CENTRE EST suite à la transmission universelle de patrimoine intervenue au profit de la SAS KSB, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés de droit au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Cécile RENEVEY - LAISSUS de la SELARL ANDRE DUCREUX RENEVEY BERNARDOT, avocat au barreau de DIJON, et Me Véronique HENDI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Gérard LAUNOY, Conseiller,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Safia BENSOT,

GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] a été engagé à compter du 15 mars 1999, par la société Artru Moteurs Chalonnais, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'adjoint au responsable de site.

L'activité de la société, comportant plusieurs établissements, portait sur la réparation et la vente de moteurs électriques, la maintenance et la modernisation des machines tournantes dans les domaines de la motorisation, du pompage, de l'air comprimé et du levage.

En septembre 1999, la société a été vendue au groupe Metis. A la suite de difficultés économiques rencontrées entre 2003 et 2006, il a été procédé à la fermeture du site de [Localité 11] et au transfert de l'activité sur le site de [Localité 8]. Trois entités régionales ont été créées le 1er janvier 2007, Artru Services Bourgogne, Artru Services Auvergne et Artru Services Rhône-Alpes. M. [X] a alors été promu responsable régional, avec un statut de cadre dirigeant. La responsabilité de trois sites ([Localité 8], [Localité 9] et [Localité 10]) lui a été confiée, plaçant 48 collaborateurs sous son autorité.

En mai 2007, le groupe Metis a été racheté par la société KSB. Une fusion des trois entités régionales s'est opérée en 2012, la société employeur devenant alors la SAS KSB Service Centre-Est.

M. [X] a exercé, au sein de cette société, les fonctions de directeur, responsable d'activités. Il était en charge de deux des cinq ateliers relevant de la société, à savoir des ateliers de [Localité 7] et de [Localité 9].

M. [X] a été placé en arrêt maladie non professionnelle :
- du 5 au 31 mai 2016 (fracture d'un orteil),
- du 20 juin au 19 décembre 2016, de manière continue.

Par lettre du 5 décembre 2016, la SAS KSB Service Centre Est a convoqué M. [X] à un entretien préalable à « une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement », lequel était fixé au 14 décembre 2016.

Par lettre du 19 décembre 2016, la SAS KSB Service Centre Est a notifié à M. [X] son licenciement pour nécessité de pourvoir au remplacement effectif et définitif de son poste.

L'employeur lui a transmis les documents de fin de contrat et lui a réglé une indemnité de congédiement de six mois en application des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 7 juillet 2017, contestant la légitimité de son licenciement, M. [X] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer :
- 95 966,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 25 591 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions du 9 novembre 2017, M. [X] a formé des demandes nouvelles. Il a sollicité :
- l'annulation de l'avertissement qui lui avait été notifié le 30 octobre 2015,
- 500 euros de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,
- la condamnation de l'employeur à lui remettre une attestation pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par jugement du 3 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, en sa section Encadrement, a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, considérant que le licenciement reposait sur une cause réelle sérieuse, qu'il ne communiquait en effet aucune pièce susceptible de prouver la surcharge de travail alléguée, alors au surplus qu'il n'avait pas effectué de démarches permettant qu'une enquête soit diligentée en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle, et enfin que l'avertissement qui lui avait été infligé le 30 octobre 2015 était justifié.

Le salarié a été condamné à payer à la société une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [X] a régulièrement formé appel de cette décision le 25 juin 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises au greffe le 26 août 2021, M. [X] demande à la cour, infirmant en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,
À titre principal :
- de juger nul le licenciement prononcé à son encontre,
- de condamner la SAS KSB Service Centre Est à lui payer la somme de 95 966,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
À titre subsidiaire :
- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de lui allouer la même somme,
En tout état de cause :
- de dire que la société KSB Service Centre-Est a manqué à son obligation de sécurité,
- de condamner l'employeur à lui payer à ce titre des dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 25 591 euros,
- d'annuler l'avertissement du 30 octobre 2015,
- de condamner l'employeur à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 500 euros en réparation de son préjudice,
- de condamner la société à lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte de 50 euros par jour à compter du huitième jour suivant la décision à intervenir,
- de condamner la société à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés ainsi qu'aux dépens.

Par ses écritures transmises par le RPVA le 27 juillet 2021, la SAS KSB Service Centre Est avait conclu à la confirmation, en toutes ses dispositions, du jugement entrepris et au débouté de M. [X] de l'intégralité de ses demandes.

L'employeur avait cependant demandé à la cour de juger irrecevable la demande présentée par M. [X] au titre de l'obligation de sécurité.

Une indemnité de 2 000 euros est, par ailleurs, réclamée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 30 octobre 2015

Il a été reproché à M. [X] :
- d'avoir sollicité, au profit de ses collaborateurs, des demandes de remboursement de frais pour compenser des heures supplémentaires réellement travaillées,
- d'avoir formé des demandes de paiement d'heures supplémentaires au profit de collaborateurs qui ne les avaient pas accomplies.

Le salarié a contesté l'avertissement prononcé par l'employeur pour sanctionner une attitude de tontine dont il ne conteste pas la réalité, mais dont il soutient qu'elle correspondait à une pratique courante au sein de l'entreprise, ce que la société aurait admis.

Dans sa lettre de contestation du 28 novembre 2015, par laquelle il demandait à l'employeur de « revoir la sanction » ainsi prononcée, et par ailleurs, de « faire le nécessaire pour que la situation de harcèlement qu'il éprouvait cesse », M. [X] a précisé qu'il disposait des éléments « prouvant que cette opération de frais compensant des heures de voyage avait été utilisées par KSB Astru Service Bourgogne et KSB Artru Service Rhône Alpes de 2007 à 2012 » et que cette méthode s'était « arrêtée naturellement puisqu'avec la crise économique, les travaux d'été ne justifiaient plus que les collaborateurs réalisent beaucoup d'heures supplémentaires ». Il a ajouté que « un grand donneur d'ordre dans la société sous-traitante, appartenant au groupe Vinci, pratique toujours cette méthode, les collaborateurs étant défrayés en primes de déplacement et les heures passées dans leur véhicule pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail n'étant pas comptabilisées ».

L'employeur conteste cette pratique et soutient que, lors de l'entretien préalable du 13 octobre 2015, le salarié avait reconnu qu'il aurait dû faire appel à sa hiérarchie directe et « trouver conseil pour récompenser les collaborateurs de manière légale ».

Devant la cour, les pièces produites par le salarié ne permettent pas d'établir la réalité de la tolérance de l'employeur à une pratique illégale postérieurement au mois de décembre 2010.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a validé la légitimité de l'avertissement prononcé à l'encontre de M. [X].

Sur le licenciement de M. [X]

M. [X] sollicite le prononcé de la nullité de son licenciement, et, subsidiairement, la reconnaissance de son caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [X] fait valoir qu'il a été privé des règles protectrices dont doivent bénéficier les victimes de maladies professionnelles, alors que l'employeur savait, depuis le 28 novembre 2015, qu'il imputait ses lésions psychologiques à ces conditions de travail, que, par ailleurs, il avait connaissance de ce qu'il avait sollicité la reconnaissance de sa maladie au titre de la législation professionnelle, dès lors que deux mois plus tôt, le 15 septembre 2016, il avait contesté la déclaration de maladie professionnelle en cause. Au surplus, dans le cadre de l'instruction de la demande en cours devant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la société avait été interrogée à trois reprises, les 2, 5 et 12 décembre 2016 par l'agent enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie.

La SAS KSB Service Centre Est aurait ainsi violé les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, en vertu desquelles au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

L'employeur conteste toute violation de texte, faisant valoir que l'intégralité des arrêts de travail de M. [X] sont des arrêts pour maladie non professionnelle, que la caisse primaire d'assurance-maladie avait refusé la qualification de maladie professionnelle et que la société ignorait l'existence d'un recours, la maladie professionnelle n'ayant été reconnue que le 18 avril 2017.

* Les conditions d'application des règles protectrices des victimes de maladie professionnelle

Les règles protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle lors du licenciement.

C'est au jour de la notification du licenciement que s'apprécie la connaissance ou non par l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie dont le salarié est victime.

Il résulte des éléments du dossier :
- que le médecin traitant de M. [X] a invité le médecin du travail de l'entreprise, par lettre non datée, à solliciter pour ce patient « la mise en maladie professionnelle suite à un syndrome anxio dépressif réactionnel : maladie hors liste »,
- que la SAS KSB Service Centre Est a reçu de la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire, le 21 juillet 2016, la copie de la déclaration de maladie professionnelle établie par le salarié.

Toutefois, l'employeur a contesté cette déclaration de maladie professionnelle par lettre du 15 septembre 2016, soulignant que le salarié lui avait seulement fait part, en avril 2016, de difficultés personnelles qu'il rencontrait, liées à l'état de santé de son plus jeune enfant qui avait dû subir une intervention neurochirurgicale.

Ce n'est que le 18 avril 2017, soit quatre après le licenciement du salarié qui n'a par ailleurs jamais été déclaré inapte au travail, que l'organisme social a notifié à M. [X] une décision portant avis favorable à la prise en charge de sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Les avis d'arrêt de travail prescrits à M. [X] étaient tous des arrêts de maladie non professionnelle, en dépit du fait que son médecin visait explicitement un « état dépressif réactionnel à un problème de travail », « burn out ».

L'employeur ne peut, dans ces conditions, se voir reprocher une violation des règles protectrices des victimes de maladie professionnelle. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement, ce d'autant que le salarié indique, de manière expresse, dans ses écritures qu'il « n'invoque pas de harcèlement moral à l'appui de ses prétentions ».

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité

Le salarié réclame une somme de 25 591 euros - dont il précise qu'elle représente « quatre mois de salaire » - à titre de dommages et intérêts pour manquement à « l'obligation de sécurité de résultat », omettant de considérer qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité qui n'est plus une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l'employeur pouvant s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

L'employeur soutient que cette demande relève de la compétence de la juridiction de la sécurité sociale si la violation de l'obligation de sécurité est à l'origine d'une maladie professionnelle et qu'elle est mal fondée dans l'hypothèse inverse. L'exception d'incompétence avait déjà été soulevée devant les premiers juges qui n'y avaient pas répondu, rejetant ce chef de demande au motif que le salarié ne justifiait pas d'une surcharge de travail qu'au surplus, il n'avait pas écrit à son employeur, ni davantage saisi les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Cette exception est recevable en application des dispositions de l'article 75 du code de procédure civile.

Il résulte de la combinaison des articles L. 1411-1 du code du travail et L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale que l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est elle-même seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En la présente espèce, le salarié soutient que ses absences ont été causées par les agissements de l'employeur, « en tout état de cause, par le manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur qui n'a pris aucune mesure de prévention pour éviter le burn-out du salarié ».

M. [X] n'a pas été licencié pour inaptitude suite à une maladie professionnelle. Il sollicite par ailleurs le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que les dommages et intérêts qu'il réclame visent à réparer non pas la rupture de la relation de travail, mais le manquement de l'employeur à son obligation de prévention, lequel aurait entraîné une surcharge de travail à l'origine du burn out reconnu, postérieurement au licenciement.

La cour observe que la demande présentée à ce titre n'est pas justifiée par les pièces produites. La surcharge prétendue n'a été invoquée qu'après la réception d'un avertissement le 30 octobre 2015 et à une époque à laquelle son jeune fils a dû subir une importante opération neurologique. Le salarié dit avoir été contraint de travailler davantage en raison de l'absence de nombreux salariés et de l'absence de recrutement. Les effectifs des deux ateliers gérés par M. [X] n'ont cependant subi aucune réduction de personnel.

Quant à l'épuisement invoqué, le salarié ne conteste pas avoir refusé de prendre ses congés en juin 2016, alors qu'à la date de son arrêt maladie, il lui restait 41 jours de congés non pris et que l'employeur lui avait, à plusieurs reprises, demandé - en vain cependant - de prendre lesdits congés.

Par ailleurs, le salarié persistait à prendre attache par voie électronique tant à l'égard de ses collègues qu'à l'égard des clients durant ses arrêts maladie. L'employeur lui avait demandé, le 10 mai 2016, de cesser toute activité durant son arrêt maladie. L'appelant avait pourtant continué à se connecter à sa messagerie professionnelle et à adresser des messages. Lorsque ses accès informatiques ont été coupés, ce dont le salarié a été informé par lettre recommandée du 5 août 2016, il a pris attache avec les clients de la société KSB à partir de sa messagerie personnelle.

Sur le licenciement pour nécessité de remplacement définitif

La nécessité de remplacement définitif d'un salarié malade implique que l'entreprise ne soit pas en mesure de remplacer aisément ou provisoirement le salarié absent soit en interne par une mutation provisoire, soit en externe par le recrutement d'un intérimaire ou d'un salarié sous contrat à durée déterminée ; la nature de l'emploi occupé et la taille de l'entreprise doivent notamment rendre le remplacement définitif indispensable.

Il appartient à l'employeur d'établir à la fois la perturbation dans le fonctionnement normal de l'entreprise engendrée par le prolongement de l'absence du salarié et la nécessité du remplacement définitif de ce salarié, dans un délai raisonnable après le licenciement. Seul peut constituer un remplacement définitif un remplacement entraînant l'embauche d'un autre salarié.

En cas de licenciement motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié consécutive à son état de santé, l'employeur doit se prévaloir, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, d'une part, de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise, et, d'autre part, de la nécessité du remplacement du salarié, dont le juge doit vérifier qu'il est définitif.

En l'espèce, il convient de relever que, si l'employeur justifie bien avoir procédé au remplacement de M. [X] par la mutation interne de ses collègues, il ne démontre pas clairement que ces mouvements internes se seraient accompagnés d'un recrutement extérieur.

Le salarié soutient qu'il n'a pas été remplacé, ni par recrutement externe, ni par mutation interne. Ses fonctions auraient été réparties entre M. [J] (arrivé le 3 août 2017, soit plus de sept mois après son départ) pour reprendre la responsabilité de l'atelier de [Localité 7], et par M. [I], qui a repris la responsabilité du site de [Localité 9].

Le salarié conteste le recrutement de M. [K] en remplacement de M. [J]. Le curriculum vitae publié par M. [K] sur le site internet Linkedin démontrerait que le contrat n'aurait en réalité jamais été exécuté : M. [K] indique avoir travaillé d'août 2015 à septembre 2017 pour EDF, d'octobre 2017 à décembre 2017 pour ORSYS. Il travaille pour KONE depuis le mois d'avril 2018. Il ne déclare pas avoir travaillé pour KSB.

L'employeur répond que M. [K] a bien été salarié de la société KSB et qu'il a quitté les effectifs de la société le 16 octobre 2017. Seul est produit un certificat de travail visant un emploi de technico-commercial sédentaire qu'aurait tenu M. [K] du 18 septembre au 16 octobre 2017. M. [K] aurait été lui-même remplacé par M. [O] [S] le 11 décembre 2017 (engagé comme « technico-commercial sédentaire Offres »).

Il résulte des pièces produites que le licenciement du salarié a été notifié le 19 décembre 2016 et que l'employeur ne justifie du recrutement d'un salarié extérieur qu'à compter du 18 septembre 2017. Le remplacement n'a donc pas été effectif dans un délai raisonnable après le licenciement, l'employeur ne justifiant ni de spécificités de l'entreprise susceptibles d'expliquer ce retard, ni davantage de démarches réalisées en vue d'un recrutement plus rapide.

Dans ces conditions, la cour juge le licenciement de M. [X] privé de cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation du préjudice

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit, en l'espèce : 39 384 euros.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié à la date du licenciement (plus de dix-sept années), des circonstances de la rupture, de son âge (53 ans au moment du licenciement), du montant de sa rémunération (en fonction d'un revenu moyen mensuel de 6 564 euros), des conséquences du licenciement telles qu'elles résultent des pièces produites - le salarié ayant retrouvé un emploi à compter du 3 avril 2017, moyennant une rémunération brute de base de 4 333 euros (13ème mois inclus) -, il y a lieu de lui allouer la somme de 72 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit que le moyen de défense relatif à l'incompétence est recevable mais mal fondé ;

Infirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [B] [X] fondé sur une cause réelle et sérieuse, rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article L. 1235-3 du code du travail et condamné le salarié au paiement d'une indemnité à l'employeur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que le licenciement de M. [X] est privé de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS KSB Service Centre-Est à payer à M. [B] [X] une somme de 72 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS KSB Service Centre-Est à payer à M. [B] [X] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure prud'homale ;

Déboute la SAS KSB Service Centre-Est de sa demande présentée sur le même fondement ;

Ajoutant,

Condamne la SAS KSB Service Centre-Est aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 19/004566
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 03 juin 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2021-11-04;19.004566 ?
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