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27/08/2020 | FRANCE | N°20/000736

France | France, Cour d'appel de Dijon, 03, 27 août 2020, 20/000736


GL/FG

D... B...

C/

S.A.S.U. BOURBON AUTOMOTIVE PLASTICS CHALEZEULE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

RENVOI COUR DE CASSATION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AOUT 2020

MINUTE No

No RG 20/00073 - No Portalis DBVF-V-B7E-FNMP

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON, décision attaquée en date
du 20 Mars 2017, enregistrée sous le no F 16/00146
Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de BESANCON, décision

attaquée
en date du 03 Juillet 2018, enregistrée sous le no 17/886
Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaq...

GL/FG

D... B...

C/

S.A.S.U. BOURBON AUTOMOTIVE PLASTICS CHALEZEULE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

RENVOI COUR DE CASSATION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AOUT 2020

MINUTE No

No RG 20/00073 - No Portalis DBVF-V-B7E-FNMP

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON, décision attaquée en date
du 20 Mars 2017, enregistrée sous le no F 16/00146
Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de BESANCON, décision attaquée
en date du 03 Juillet 2018, enregistrée sous le no 17/886
Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée
en date du 08 Janvier 2020, enregistrée sous le no V18-22.055

APPELANTE :

D... B...
[...]
[...]

représentée par Me Jean-philippe SCHMITT, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S.U. BOURBON AUTOMOTIVE PLASTICS CHALEZEULE
[...]
[...]

représentée par Me Marlène BRUCHE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2020 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Gérard LAUNOY, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Philippe HOYET, Président de Chambre,
Gérard LAUNOY, Conseiller,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise GAGNARD, Greffier,
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été transmise au Ministère Public en la personne de Philippe CHASSAIGNE, avocat général, et qui a fait connaître son avis,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Philippe HOYET, Président de Chambre, et par Françoise GAGNARD, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 26 octobre 2001, Mme D... N... (nom d'usage marital B...) a été embauchée par la SA CREADEC, pour une durée de neuf mois, en qualité d'opératrice. Un avenant a renouvelé cette embauche pour une durée de cinq mois. La relation de travail s'est ensuite poursuivie sans nouveau contrat.

En dernier lieu, Mme B... était agent de production, son employeur étant devenu la SASU Bourbon Automotive Plastics Chalezeule. Le 20 mars 2014, elle a été élue membre titulaire de la délégation unique du personnel.

Le 27 juin 2014, son employeur l'a sanctionnée d'un avertissement fondé sur le fait qu'elle avait, au cours d'une réunion, quitté sans explication le bureau en pleine discussion, acte analysé comme un abandon de poste.

Le 11 décembre 2014, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tous les postes de l'entreprise.

Par décision du 3 avril 2015, l'inspecteur du travail compétent a refusé dans un premier temps à l'employeur l'autorisation de la licencier. Cette autorisation a finalement été donnée le 5 février 2016 sur la constatation que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement et qu'il n'y avait pas de lien entre la demande d'autorisation et les mandats détenus par la salariée dès lors qu'elle ne les avait plus exercés depuis sa déclaration d'inaptitude.

Par lettre recommandée du 10 février 2016, son employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et prétendant à des dommages-intérêts pour préjudice moral et sanction injustifiée, Mme B... a saisi, le 24 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Besançon. Par jugement du 20 mars 2017, cette juridiction a :
- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes,
- débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la salariée aux entiers dépens.

Sur l'appel interjeté par Mme B..., la chambre sociale de la cour d'appel de Besançon, statuant le 3 juillet 2018, a :
- débouté l'appelante de sa demande d'annulation du jugement,
- infirmé ce jugement en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande d'annulation de l'avertissement et de sa demande de dommages-intérêts subséquente,
- annulé l'avertissement et condamné l'employeur à payer la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée,
- confirmé le jugement en ses autres dispositions,
- débouté l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Mme B... a formé un pourvoi en cassation. Par arrêt du 8 janvier 2020, la chambre sociale de la cour de cassation a :
- cassé et annulé l'arrêt précité sauf en ce qu'il déboute la salariée de sa demande d'annulation du jugement du conseil de prud'hommes de Besançon du 20 mars 2017, annule l'avertissement du 27 juin 2014 et condamne la société Bourbon Automotive Plastics Chalezeule à payer à la salariée la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon,
- remis, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.

La cassation partielle est ainsi motivée :
«Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des faits de harcèlement moral, l'arrêt retient que la salariée prétend avoir fait l'objet d'un harcèlement moral se matérialisant par l'avertissement injustifié du 27 juin 2014 et le retrait des fonctions, que ces éléments laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, que le retrait des fonctions est justifié par des éléments objectifs, que seule la notification d'un avertissement injustifié peut être reprochée à l'employeur, que ce fait, qui reste isolé, ne peut donc constituer un harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans examiner l'ensemble des éléments invoqués par la salariée au titre du harcèlement moral alors que la salariée faisait également valoir dans ses conclusions que le responsable projet avait mis en cause la véracité de son arrêt maladie, avait estimé qu'elle voulait ennuyer ses collègues, que l'organisation avait été modifiée de façon spécifique pour la soumettre à trois supérieurs hiérarchiques, que, de façon humiliante, ses tâches étaient inscrites au jour le jour sur un tableau accessible à tous, que, lorsqu'elle s'est présentée sur son lieu de travail le 18 novembre 2014, tout son matériel et notamment son ordinateur avait été retiré de son bureau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés».

Mme B... a saisi le 31 janvier 2020 la cour d'appel de Dijon, désignée comme cour de renvoi.

Par ses dernières conclusions signifiées le 21 mars 2020, Mme B... demande à la cour de :
- dire que son licenciement pour inaptitude trouve sa cause dans les faits de harcèlement moral, en conséquence, dire que son licenciement pour inaptitude est nul,
- condamner son adversaire à lui payer :
* 40.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement et de sa perte d'emploi
* 3.918 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 391.80 euros bruts pour les congés payés incidents,
* 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que la SASU Bourbon Automotive Plastics Chalezeule a manqué à son obligation de sécurité en termes de prévention de la santé psychique et physique de sa salariée,
- en conséquence, condamner cette société à lui payer également 10.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant des faits de harcèlement moral subis par elle qui ont dégradé son état de santé nécessitant la prise de psychotrope,
- condamner son adversaire aux entiers dépens.

Par ses plus récentes conclusions signifiées le 11 juin 2020, la SASU Bourbon Automotive Plastics Chalezeule prie la cour de :
- dire que l'employeur ne s'est livré à aucun comportement et n'a commis aucun acte susceptible de relever de la qualification de harcèlement moral,
En conséquence :
- dire que l'inaptitude ayant conduit au licenciement de Mme B... n'est pas imputable à l'employeur,
- confirmer le jugement dont appel et débouter Mme B... de ses demandes en annulation du licenciement et de ses différentes demandes indemnitaires, lesquelles sont injustifiées de surcroît dans leur quantum,
- débouter Mme B... de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
- condamner Mme B... au paiement de la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure lui ayant été communiquée, le ministère public, régulièrement avisé de la date de l'audience, n'a pas comparu.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties.

SUR QUOI

Sur le harcèlement moral

Il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige en la matière, il appartient au salarié d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Lorsque le salarié établit des faits précis et concordants, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Mme B... reproche à son employeur de :
- s'être livré de façon persistante à des agissements malveillants en raison de son activité comme élue du personnel et avoir ainsi provoqué son syndrome anxio-dépressif réactionnel et son inaptitude consécutive,
- l'avoir convoquée à une réunion du 26 juin 2014 où elle a été vivement critiquée,
- l'avoir injustement sanctionnée d'un avertissement alors qu'elle était partie pour se rendre chez son médecin traitant,
- à sa reprise du travail le 15 juillet 2014, avoir mis en cause la véracité de son arrêt de travail, l'avoir accusée d'ennuyer intentionnellement ses collègues, avoir, sans avenant, revu ses fonctions à la baisse pour l'isoler et la punir, avoir inscrit au jour le jour ses nouvelles tâches d'opératrice sur le tableau,
- avoir procédé à ce changement sans consultation des représentants du personnel, sans vérifier si les personnes concernées étaient aptes à passer en 2 X 8 et sans étude sur les risques psychosociaux,

- l'avoir placée de façon stressante sous l'autorité de trois chefs dont l'un a exercé sur elle une pression trop forte,
- malgré le signalement du médecin du travail sur des risques psychosociaux, n'avoir rien mis en place pour préserver sa santé, continué à lui faire des reproches injustifiés, l'avoir privée de toute autonomie, avoir donné des consignes, de façon humiliante, sur un tableau accessible à tous,
- malgré une mise en garde de l'inspecteur du travail, lui avoir imposé, à sa reprise du travail le 18 novembre 2014, une modification de son contrat de travail en modifiant ses horaires (intégration en équipe en 2 X 8 avec prise de poste à
5 heures),
- avoir alors retiré de son bureau tout son matériel (ordinateur, panières, crayons
),
- lui avoir fait connaître que le directeur de la société ne l'appréciait pas car elle était membre du comité d'entreprise.

Mme B... a été en arrêt de travail du 26 juin au 11 juillet 2014, avec reprise du travail le 15 juillet, puis à partir du 25 juillet au 17 novembre 2014.

Par des dispositions devenues définitives de son arrêt du 3 juillet 2018, la cour d'appel de Besançon a annulé l'avertissement du 27 juin 2014 au motif que la salariée avait signé un bon d'absence pour signaler qu'elle quittait les locaux de l'entreprise, qu'elle s'était rendue chez son médecin, que ce dernier lui avait prescrit un arrêt de travail pour troubles anxieux et du sommeil, qu'elle avait prévenu l'entreprise de son arrêt dès le lendemain à 8 heures et qu'un employeur ne peut pas reprocher à un salarié souffrant de se rendre chez son médecin.

Le contexte de la réunion du 26 juin 2014 est éclairé par une lettre de contestation de l'avertissement et par un message informatique du responsable de production V... M... daté du 3 juillet 2014. Il est constant que Mme B..., animatrice montage/démontage, était en vacances la semaine précédente.

Selon M. M..., il avait reçu le matin même les doléances du salarié Y... F... qui se plaignait de reproches exprimés contre lui par Mme B... devant sa collègue U... L.... M. F... souhaitait retourner à l'atelier ou même quitter l'entreprise. L'expert technique S... avait de même indiqué que les jeunes du service aviation «en avaient pris plein la gueule» par Mme B... et avaient envie de partir, ce qu'avait confirmé la chef d'équipe X... P.... Le même jour, à 10 heures 01, M. M... avait reçu un mail par lequel Mme B... indiquait que les pièces aviation étaient affectées de beaucoup de poussières en vernis, qu'il était contestable de demander du rendement dans ces conditions, qu'il fallait une deuxième personne pour le polish aviation et que trois porteurs de capot étaient tombés en les portant au polish, ce qui montrait qu'on perdait plus de temps qu'on voulait en gagner en faisant trop vite. M. M... a alors organisé un entretien entre lui, Mme B..., Mme P..., M. F... et Mme L... pour cibler, comprendre et résoudre les problèmes. Des failles ont été détectées au sujet des protocoles, des moyens pour travailler (matériel, documentaire
), de la transmission par le peintre titulaire (en congé cette semaine-là) du protocole de nettoyage de la cabine. Requise de faire remontrer ce type d'informations alors que la petitesse de l'équipe devrait éviter tout problème de communication, Mme B... a plusieurs fois couper la parole de son interlocuteur, puis est partie quand ce dernier lui a dit qu'il avait besoin de M. F... et de Mme L... dans l'atelier si cela n'allait pas au secteur aviation, qu'il les y mettrait de nouveau en production et que deux nouvelles personnes à former par l'entreprise seraient mises à la disposition de Mme B....

Les explications de Mme B... sont concordantes puisqu'elle confirme dans sa lettre du 2 juillet 2014 qu'on lui a reproché un manque de communication et une absence de consignes, qu'on lui a affirmé qu'elle savait qu'un intérimaire allait remplacer le peintre de l'aviation, lui-même en vacances, et qu'on lui a fait comprendre que si les deux intérimaires ne convenaient pas, on en avait besoin en production.

Le fait qu'elle ait considéré ne pas être responsable de problèmes survenus durant son absence ne permet pas de présumer que les observations faites à Mme B... sur l'organisation du service dont elle était animatrice étaient injustifiées. Il n'apparaît pas non plus, même si elle n'a pas admis ces observations, que M. M... ait adopté envers elle un ton irrespectueux ou se soit montré brutal.

Le 15 juillet 2014, lorsqu'elle a repris ses fonctions, l'employeur lui a notifié qu'il maintenait l'avertissement en considérant que, contrairement au règlement intérieur, le bon de sortie n'avait pas autorisé par le supérieur hiérarchique, que tout salarié devait maîtriser son comportement et que les mouvements d'humeur, non constructifs dans les relations de travail, perturbaient le fonctionnement de l'entreprise.

Parallèlement, l'employeur a décidé une réorganisation du secteur aviation à compter du 28 juillet 2014, ainsi présentée lors d'une réunion du comité d'entreprise tenue le 18 juillet 2014 et devant le CHSCT le 25 juillet 2014 :
- le caractère fluctuant des commandes du client Zodiac créait un besoin de souplesse,
- par alignement sur la production, le secteur allait travailler en 2 X 8 avec deux équipes travaillant respectivement de 5 à 13 heures et de 13 à 21 heures,
- chaque équipe comptait deux salariés,
- les commandes du client Zodiac devaient être complétées par des projets nécessitant une application manuelle,
- V... M... (ou son adjointe P...) était désigné responsable de production et responsable hiérarchique, J... A... responsable logistique et R... G... responsable du fonctionnement du secteur,
- Mme B... demeurait animatrice montage/démontage tandis qu'elle avait décliné pour la seconde fois la proposition de participer à la formation «peintre».

Le dossier ne permet pas d'établir un lien entre cette réorganisation et les faits ayant précédemment conduit à l'avertissement.

L'emploi d'animatrice montage/démontage comportait bien, comme l'affirme l'employeur, des fonctions de production associées à l'animation d'un service dès lors que, le 21 juillet 2014, Mme B... a été déclarée apte aux fonctions d'agent de production par le médecin du travail. Les organigrammes communiqués montrent que Mme B... était sous l'autorité d'un chef d'équipe et d'un responsable de production. Au comité d'entreprise, un élu a soulevé que Mme B... allait perdre l'organisation des commandes et des livraisons ; au CHSCT, il a été débattu du retrait du suivi des commandes des clients.

Interrogé par l'inspecteur du travail, l'employeur lui a fait connaître, par lettre du 30 juillet 2014, qu'il était pertinent de faire gérer la relation «logistique client» avec Zodiac par le chef de projet déjà en charge de la programmation de la fabrication pour ce client, que l'organisation en deux équipes ne permettait une vision globale de la production par Mme B... (l'autre équipe étant composée de salariés intérimaires) et que Mme B... n'échangeait précédemment qu'avec le client Zodiac.

En outre, il est démontré que, par deux messages informatiques du 3 juin 2014, Mme B... avait elle-même demandé que tous les appels de «Zodiac, D... T... etc» soient transférés à «Q...» (R... G...) car «ils commencent tous à me saouler».

En ce qui concerne la réorganisation hiérarchique, alors que le CHSCT, par pétition de principe, voyait un risque dans le fait d'«avoir trois chefs sur le dos», la décision de l'employeur n'a en réalité introduit dans la chaîne de commandement que J... A... en qualité de responsable logistique. Le passage en deux équipes impliquait un aménagement du service logistique et, à défaut d'autre explication sur l'organisation concrète du travail, aucun élément du dossier ne permet de confirmer la crainte d'un stress particulier lié aux attributions de Mme A....

Selon son premier contrat à durée déterminée, l'horaire de travail de l'entreprise était de 5 à 13 heures en équipe de matin (5 à 12 heures le vendredi), et de 13 à 21 heures en équipe d'après-midi (12 à 19 heures le vendredi). Mme B... s'était engagée à accepter tout changement d'équipe. Il n'est pas prétendu que cet horaire avait été sensiblement modifié en 2014. Aucune pièce du dossier ne permet à la cour de savoir à quelles heures travaillait Mme B... avant la réorganisation et selon quel horaire elle devait effectivement travailler ensuite en fonction du roulement des équipes.

Le médecin du travail et un inspecteur du travail ont respectivement, les 21 et 25 juillet 2014, mis en garde l'employeur au sujet de risques psychosociaux. Le médecin du travail s'est cependant borné, alors qu'il venait de déclarer Mme B... apte, à demander à l'employeur de faire «attention aux troubles psychosociaux encourus par cette salariée qui paraît exposée à des risques psychosociaux». Pour demander à l'employeur de faire connaître les mesures d'urgence prises pour préserver la santé mentale de sa salariée, l'inspecteur du travail s'est référé à cette appréciation du médecin du travail, à la baisse des fonctions de Mme B... et à la mise en cause, non retenue par la cour, de la véracité de l'arrêt de travail. Ces prises de position ne sont donc pas probantes en ce qui concerne la matérialité des griefs présentement débattus.

En réponse, l'employeur a contesté ces griefs, s'est expliqué sur sa réorganisation et a indiqué qu'un point était prévu avec le médecin du travail après la prise des congés payés. Cependant, Mme B... a été arrêtée dès le 25 juillet et jusqu'au 17 novembre 2014, ce qui a empêché l'employeur de prendre rapidement aucune mesure. Elle a alors été revue par le médecin du travail qui a prononcé son inaptitude.

Aucun élément ne vient établir que, le 15 juillet 2014, un supérieur de Mme B... ait contesté la véracité de son arrêt de travail ou l'ait accusé d'ennuyer ses collègues. Le fait qu'elle ne communique plus directement avec les clients résulte à l'origine de sa volonté, exprimée dès le mois de mai, que leurs appels soient dirigés vers M. G....

Il est exact que, selon les deux photographies communiquées, M. G... donnait des instructions à Mme B... au moyen de messages inscrits sur un tableau. Cependant ces messages n'ont comporté que des énumérations purement techniques («égrainage
démontage/contrôle.emballage bouchon Skiffy quand E... les aura vernis
C... ou X... seront disponibles pour formation. N'hésite pas à les appeler, elles seront au courant»), sans aucun commentaire ou observations susceptibles de leur conférer un caractère humiliant.

Un tract du syndicat CFDT, daté du 27 novembre 2014, fait état de la «mise en carton du matériel bureautique pendant l'absence». Cependant les termes de cette description ne permettent pas de s'assurer qu'elle est fondée sur les constatations objectives d'un membre du syndicat. L'inspecteur du travail, dans sa décision de refus du 3 avril 2005, énonce seulement que son enquête a permis d'établir qu'à son retour d'arrêt de travail le 18 novembre 2014, le poste de travail qu'elle occupait avait été «dépersonnalisé» et que les consignes inscrites au tableau relevaient des fonctions d'une simple opératrice. La cour observe que ces faits, survenant après une absence de quatre mois, ne sont pas précis en ce qui concerne l'agencement du bureau et n'impliquent pas, alors que l'intéressée reprenait le travail, une modification autre que ponctuelle de ses attributions.

Rien n'établit que de l'hostilité lui aurait alors été témoigné en raison de sa qualité d'élue au comité d'entreprise.

En définitive, les éléments dont la réalité matérielle a pu être vérifiée ne font pas ressortir une intention malveillante de la société Bourbon Automotive Plastics Chalezeule à l'égard de Mme B.... La réorganisation du secteur aviation a répondu à une situation objective créée par l'important client Zodiac.
La modification des fonctions de la salariée a été liée à la fois à cette réorganisation et à la volonté de Mme B... de ne plus répondre directement aux clients. Si l'entreprise, le comité d'entreprise et le CHSCT ont été désaccord sur la nécessité ou non de consulter préalablement ces institutions représentatives, elles ont pu débattre de la réorganisation et de ses conséquences sur l'emploi de Mme B... avant son entrée en vigueur.

A supposer que le passage en 2 X 8 ait constitué une modification des conditions de travail subordonnée à l'accord de la salariée,et même si l'avertissement a été annulé, le dossier, pris dans son ensemble, montrent que les décisions avérées de l'employeur ont été justifiées par des motivations objectives exclusives de tout harcèlement. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral.

Sur le licenciement

La cour n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral. Il y a donc lieu de rejeter la demande tendant à faire déclarer nul le licenciement.

Mme B... doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement et de sa perte d'emploi, ainsi que de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis.

Sur les demandes fondées sur une violation de l'obligation de sécurité

Invoquant les articles L. 4121-1 et L. 1152-1 du code du travail, Mme B... reproche à son employeur de n'avoir rien mis en place pour prévenir la dégradation de son état de santé, d'avoir au contraire tout mis en place pour la dégrader par des faits de harcèlement moral, ses conditions de travail étant à l'origine du syndrome anxio-dépressif réactionnel diagnostiqué.

Selon l'article L. 4121-1 précité, dans sa rédaction applicable pendant la période de travail en cause, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1o Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2o Des actions d'information et de formation ;
3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Le harcèlement moral invoqué n'est pas constitué et la cour n'a pas non plus reconnu l'existence d'une intention malveillante de l'employeur.

Mme B... ne fait pas état de difficulté en matière de sécurité avant l'entretien du 26 juin 2014. S'il est exact que l'employeur a été rappelé à ses obligations en matière de risques psychosociaux les 21 et 25 juillet 2014 par le médecin du travail et l'inspecteur du travail, Mme B... a été placée en arrêt de travail dès le 25 juillet 2014 et jusqu'au 17 novembre suivant.

En outre, le syndrome anxio-dépressif invoqué n'est nullement qualifié de réactionnel dans les avis d'arrêt de travail communiqués. Le médecin traitant fait seulement état, dans son certificat du 17 juillet 2014, de troubles anxieux et de troubles du sommeil.
C'est seulement dans un certificat du 10 décembre 2014 que ce praticien, à l'appui d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, diagnostique un «syndrome anxio-dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles».

Cependant, alors que rien n'établit qu'il ait personnellement pris connaissance des conditions de travail dans l'entreprise, cette appréciation n'a pu se fonder que sur les seuls dires de Mme B... et ne peut pas faire la preuve d'un lien entre l'état de santé et le travail.

De même, l'avis d'inaptitude est muet sur l'origine de l'inaptitude tandis que dans son examen de préreprise du 24 novembre 2014, le médecin du travail avait coché la case «maladie ou accident non professionnel». L'inaptitude à tous les postes de l'entreprise ne permet pas de présumer que le syndrome anxiodépressif a eu pour origine le travail.

Le rejet de cette prétention doit également être confirmée.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens doivent incomber à Mme B....

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate que sont devenues définitives les dispositions de l'arrêt du 3 juillet 2018 par lesquelles la chambre sociale de la cour d'appel de Besançon a débouté Mme B... de sa demande d'annulation du jugement, annulé l'avertissement du 27 juin 2014 et condamné la société Bourbon Automotive Plastics Chalezeule à payer à Mme B... la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée,

Pour le surplus,

Confirme le jugement rendu le 20 mars 2017 par le conseil de prud'hommes de Besançon,

Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme D... B... à payer les dépens d'appel.

Le greffier Le président

Françoise GAGNARD Philippe HOYET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 20/000736
Date de la décision : 27/08/2020
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2020-08-27;20.000736 ?
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