GL/FG
S.A.S. BOURGOGNE REPRO
C/
G... L...
Pôle Emploi Bourgogne Service contentieux
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 AOUT 2020
MINUTE No
No RG 18/00723 - No Portalis DBVF-V-B7C-FDCA
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section EN, décision attaquée en date
du 27 Août 2018, enregistrée sous le no 17/00421
APPELANTE :
S.A.S. BOURGOGNE REPRO
[...]
[...]
représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉS :
G... L...
[...]
[...]
représenté par Me Fabien KOVAC de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, substituée par Me Sophie LENEUF, avocat au barreau de DIJON
Pôle Emploi Bourgogne Service contentieux
[...]
[...]
[...]
représenté par Me Pierrick BECHE de la SCP DU PARC - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, substitué par Me Florence DESCOURS, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2020 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Gérard LAUNOY, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Philippe HOYET, Président de Chambre,
Gérard LAUNOY, Conseiller,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise GAGNARD, Greffier,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Philippe HOYET, Président de Chambre, et par Françoise GAGNARD, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 18 juillet 2011, M. G... L... a été embauché par la société Bourgogne Repro, en qualité d'attaché commercial (cadre, niveau VI échelon 360), dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1998.
Le 8 septembre 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 21 septembre suivant, en même temps qu'il était mis à pied à titre conservatoire. Par lettre recommandée du 4 octobre 2016, son employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement et sa mise à pied, M. L... a saisi, le 20 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Dijon.
Par jugement du 27 août 2018, cette juridiction a :
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné l'employeur à payer au salarié :
* 2.526,94 euros bruts, outre les congés payés afférents, soit 252,69 euros, en remboursement de la somme prélevée sur le salaire de septembre 2016 du chef de la mise à pied conservatoire,
* 547,50 euros bruts, outre les congés payés afférents, soit 54,75 euros en remboursement de la somme prélevée sur le salaire d'octobre 2016 du chef de la mise à pied conservatoire,
* 17.525,49 euros bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis de trois mois, outre 1.752,55 euros pour les congés payés afférents,
* 5.939,19 euros à titre d'indemnités de licenciement,
* 37.000 euros nets de CSG et de CRDS, soit huit mois de salaire nets sur la base de la moyenne des trois derniers mois évalués à hauteur de 4.567.72 euros nets, au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la non-prise en charge de sa consommation de carburant pour les trajets aussi bien professionnels que privés,
- débouté M. L... de sa demande d'astreinte et de sa demande d'exécution provisoire des condamnations non assorties de l'exécution provisoire de plein droit,
- dit que les condamnations prononcées seraient assorties des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête,
- ordonné à l'employeur de rendre au salarié les documents de fin de contrat, y compris l'attestation pour Pôle Emploi modifiée pour tenir compte des dispositions du jugement,
- ordonné en application de l'article L. 1235-4 du Code du Travail, le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois d'indemnité,
- débouté l'employeur de toutes ses autres demandes financières,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par déclaration au greffe du 21 septembre 2018, le conseil de la société Bourgogne Repro a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 28 août précédent.
Par ses dernières conclusions signifiées le28 mai 2019, la société appelante demande à la cour de :
- dire son appel recevable et bien fondé, dire mal fondé l'appel incident de M. L...,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu d'une cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur à payer les sommes précitées, à rembourser les indemnités de chômage et rendre les documents légaux rectifiés, débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
- débouter Pôle Emploi de l'intégralité de ses demandes.
- condamner M. L... à verser 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses plus récentes conclusions signifiées le 6 mars 2019, M. L... prie la cour de :
- dire la société Bourgogne Repro mal fondée en son appel,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes,
- le dire recevable et fondé en son appel incident,
- réformer le jugement entrepris,
- condamner la société Bourgogne Repro à lui payer :
* 70.101,96 euros nets de CSG et de CRDS, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse,
* 2.805 euros nets de CSG et de CRDS, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-prise en charge par l'Entreprise de sa consommation de carburant aussi bien pour ses trajets professionnels que privés,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Y ajoutant,
- condamner la société Bourgogne Repro à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Selon ses uniques conclusions signifiées le 10 décembre 2018, l'institution Pôle Emploi demande à la cour de :
- lui donner acte de son intervention,
- statuer ce que de droit sur le mérite de l'appel formé par l'employeur,
Et, dans le cas où la cour confirmerait le jugement entrepris sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :
- ordonner à la SAS Bourgogne Repro de lui rembourser la somme de 20.697,07 euros avec intérêts au taux légal de la date du jugement jusqu'au parfait paiement,
- condamner cette société à lui payer 450 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tant que de besoin aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 28 mai 2020, l'affaire étant fixée à l'audience de plaidoiries du 24 juin 2020, date à laquelle l'arrêt a été mis en délibéré à ce jour.
SUR QUOI
Sur les frais de carburant
Selon l'article 10 du contrat de travail :
«Compte tenu du caractère itinérant des fonctions de Monsieur L..., la société met à sa disposition un véhicule de fonction.
Monsieur L... pourra utiliser ce véhicule à des fins privées.
A ce titre des frais d'avantages en nature seront appliqués.
Monsieur L... s'engage à apporter tout le soin et la diligence nécessaire pour permettre le maintien du véhicule en parfait état de fonctionnement, étant précisé que la société prend à sa charge les frais liés aux révisions, aux réglages du véhicule et aux grosses réparations ou de remise en état (
)».
M. L... soutient qu'alors qu'un avantage en nature voiture de 227 euros par mois apparaît sur ses bulletins de salaire, son employeur aurait dû couvrir la prise en charge de sa consommation de carburant aussi bien pour ses trajets professionnels que pour ses trajets privés. Il invoque un préjudice financier à hauteur de 55 euros par mois, soit 2.805 euros, correspondant à la période allant de juillet 2012 à octobre 2016.
Sur la prescription
Sous le couvert de dommages-intérêts, M. L... demande en réalité le paiement d'une créance née du contrat de travail. Les parties admettent l'application de la prescription triennale, mais s'opposent sur l'incidence des règles transitoires prévues par l'article 21-V de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 . Selon M. L..., la prescription de cinq ans était en cours au moment de l'entrée en vigueur de cette loi de sorte que sa demande, présentée le 20 juin 2017, ne serait pas atteinte par la prescription sur la période ayant débuté en juillet 2012.
Il résulte de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, et de l'article 21-V de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 que la prescription de trois ans issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 est applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de prescription ne puisse excéder cinq ans.
Au 16 juin 2013, la prescription de cinq ans n'était pas acquise pour la période ayant commencé à courir en juillet 2012. Le nouveau délai de prescription de trois ans a alors commencé à courir. M. L... n'ayant saisi le conseil de prud'hommes que le 20 juin 2017, la prescription est acquise pour cette période. Pour la période postérieure au 16 juin 2013, seule n'est pas atteinte par la prescription la période ayant couru à partir du 20 juin 2014.
Sur le fond
M. L... ne fournit aucun document justifiant de la teneur des déplacements privés qu'il invoque. La cour ne peut pas présumer que de tels déplacements auraient représenté chaque mois une part invariable de ses déplacements.
Le rejet de cette demande doit donc être confirmé.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement précitée du 4 octobre 2016 est ainsi rédigée :
« (
) J'ai reçu de la part de Monsieur H... Y... une lettre de démission. Monsieur H... Y... la motive sur la relation très difficile qu'il a eue avec vous.
Monsieur H... Y... explique qu'il était impossible de construire des actions commerciales avec son directeur commercial, à savoir vous-même.
Monsieur H... Y... précise votre incapacité à établir des critères de définition d'un grand compte et les termes que vous avez employé à son encontre, à savoir «Dans ce cas tu te soumets ou tu te démets».
Il est évident que cette démission est préjudiciable à la société et la lettre de Monsieur H... Y... a permis de reprendre toutes les fautes que vous avez pu commettre dans le cadre de votre fonction.
Ainsi, vous ne respectez pas vos horaires et il apparaît que votre stagiaire arrive à 8 heures et vous attend.
Vous tardez à valider les ventes réalisées, ce qui retarde d'autant plus la mise en service du matériel.
Il n'y a aucun suivi des commerciaux. Monsieur Y... ayant été accompagné deux fois en deux ans et Monsieur X..., arrivé le 23 juin 2016, n'a jamais été accompagné.
Il n'y a aucun déplacement régulier sur l'agence de [...], ce qui entraîne un sentiment d'isolement.
Il apparaît également que j'ai appris, à la fin du mois d'août dernier, que vous avez oublié d'inscrire la société BOURGOGNE REPRO au salon régional sur [...] (clôture des inscriptions le 4 juillet 2016).
D'autre part, la Mairie de Messigny-et-Vantoux a fait appel à la société et à vous-même pour connaître nos prestations dans le cadre d'une consultation concernant le renouvellement de leur parc. Or, je viens d'apprendre que vous n'avez jamais répondu à cette consultation, ce qui est inacceptable.
L'étude J... a passé une commande le 18 juillet 2016 et aucun contrat n'a été fait à la suite de celle-ci et selon le client c'est vous qui avez les pièces constitutives du dossier.
Votre façon de manager apparaît parfaitement inadmissible au vu des relations que vous avez eues avec Monsieur Y... (
).
En outre, vous avez utilisé la carte TOTAL de la société et ce, dans le cadre de vos congés (
)».
La faute grave est celle qui autorise un licenciement pour motif disciplinaire en raison d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
C'est à l'employeur qui s'est situé sur le terrain disciplinaire d'apporter la preuve des faits allégués et de ce qu'ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Selon son contrat de travail, M. L... était notamment chargé de :
- développer les ventes et le chiffre d'affaires, promouvoir les produits, mettre en œuvre la politique commerciale de la société, visiter et prospecter les clients potentiels
- prendre et suivre les commandes, veiller au règlement des factures, participer au règlement des litiges avec la clientèle,
- rendre compte de son activité au moyen de rapports écrits hebdomadaires faits à F... V..., président de la société.
Sa rémunération comportait une part fixe de 1.800 euros par mois et des commissions d'un montant brut égal sur le chiffre d'affaires hors taxes généré directement par son activité commerciale : 20 % sur les clients déjà existants, 22 % sur les nouveaux clients.
Il est cependant certain qu'il a été chargé de l'animation d'une équipe commerciale puisque, dans les messages informatiques communiqués, il a lui-même pris le titre de «directeur commercial» et était considéré comme son supérieur hiérarchique par l'agent commercial H... Y....
En ce qui concerne le salon Carrefour des maires et des élus locaux prévu à Besançon le 27 octobre 2016, les messages informatiques communiqués montrent que M. L... a engagé des démarches avec le prestataire Micropolis dès le 23 octobre 2015 pour demander l'inscription de la société à cette manifestation. Micropolis a repris contact le 22 juin 2016 en envoyant un dossier à compléter, le paiement d'un acompte devant valider l'option. M. L... a demandé dès le lendemain à F... V..., président de la société s'il validait le stand, en précisant qu'il allait consulter deux autres interlocuteurs au sujet d'un deuxième stand.
Le 23 août 2016, un représentant de l'entreprise Eukles a proposé une remise de 20 % sur de prochaines commandes relatives à deux salons, dont celui de Besançon, et a formulé une offre plus large de partenariat. Ce représentant a ensuite demandé au président un rendez-vous pour le 7 septembre 2016 en précisant qu'il s'était déjà entretenu avec M. L....
Il ressort de ces faits que M. L... a suivi le dossier en cause qui requérait l'aval de M. V... en ce qui concerne l'un et l'autre des prestataires contactés. La société Bourgogne Repro ne démontre pas que cet aval a été donné. Aucune pièce du dossier n'établit que M. L... aurait omis de finaliser une inscription validée au salon.
Au sujet de la commune de Messigny et Vantoux, il est certain que, le 17 mai 2016, son maire a consulté la société en vue du renouvellement de trois copieurs et de la location ou de l'acquisition d'un autre. Le lendemain, l'assistante commerciale Q... M... a transmis cette demande à la fois à M. V... et à M.L.... Cependant la société ne justifie par aucun document qu'aucune suite n'aurait été donnée à cette démarche.
La commande de l'[...] n'est évoquée que dans un message informatique du 23 août 2016 par lequel M. V..., après avoir indiqué que le copieur commandé avait été livré à ce client, a demandé à M. L... s'il convenait de facturer les encres ou si, au contraire, un contrat de maintenance devait être signé. M. L... a immédiatement répondu qu'à son retour dans son bureau, il allait signer un contrat de maintenance. La lettre de licenciement est donc inexacte lorsqu'elle affirme sans nuance qu'aucun contrat n'aurait été signé. Là encore la société ne communique ni réclamation du client ni aucune autre pièce susceptible de prouver que le contrat de maintenance n'a pas été établi et mis en œuvre.
Pour ce qui touche aux faits liés à l'agent commercial H... Y..., les différents messages informatiques échangés à ce sujet montrent que l'ambiance s'est dégradée au sein de l'équipe commerciale en raison de deux difficultés relatives à la répartition des clients entre les différents agents : les conditions de réattribution des clients rattachés à l'agence de Besançon, la réaffectation de clients après le départ de l'agent K... E... et l'arrivée de l'agent F... W... X..., la définition de critères de définition de grands comptes et la conciliation de ces grands comptes avec les secteurs géographiques.
Dès le 7 juin 2016, M. Y... a rappelé que la question des grands comptes était sensible et s'est plaint à la fois au président V..., à M. L... et à G... N..., par ailleurs délégué du personnel, d'un manque de direction et de cohésion d'équipe en estimant nécessaire de mettre en place des secteurs avec répartition des clients prospects, de définir ce qu'était un client «grands comptes» et d'établir une liste précise des comptes de l'ensemble des commerciaux sur leurs secteurs respectifs.
S'adressant collectivement à toute la chaîne hiérarchique de l'entreprise dans un message adressé le 1er juillet 2016 notamment à M. V... et à M. L..., B... N... s'est plaint de l'obstination de ses supérieurs à limiter le périmètre des grands comptes à une liste au lieu de définir des critères, a ajouté qu'il n'avait pas accepté le «découpage» notifié par M. L... et «acté» par le président et M. L... sans consultation collégiale malgré une demande de réunion. Il en a déduit une situation d'impasse empêchant une vision claire de l'évolution de la société et du rôle qu'il pourrait y jouer.
Le 4 juillet, dans un message adressé en copie à M. V..., M. L... a constaté que le système d'attribution des grands comptes, pourtant mis en place conformément aux souhaits des salariés, ne semblait plus convenir et a demandé à M. Y... des idées et propositions pour écrire une nouvelle règle afin qu'il puisse statuer une bonne fois pour toutes en évaluant l'impact pour les vendeurs géographiques. Le 13 juillet 2016, faisant le bilan du semestre, il a proposé à tous une réunion commerciale fin août suivant pour trouver une organisation «GCR client géographique» équitable.
Le 12 juillet, M. N... s'est encore adressé à M. V... et à M. L... pour insister sur la nécessité de revenir à des modes opératoires et à des relations saines et loyales, à initier notamment par les encadrants.
S'adressant tant à M. V... qu'à M. L..., M. Y... a également mis en cause les répartitions des clients en estimant qu'il était lésé par le fait qu'on lui faisait échanger des clients actifs contre des clients sans potentiel ou simplement à prospecter. Le 4 juillet 2016, M. L... lui a demandé d'arrêter les polémiques et de cesser de développer «le sentiment de se faire avoir» et a développé une explication tendant à démontrer qu'il avait compensé correctement la perte de 18 clients et 10 prospects tout en conservant l'équilibre de l'équipe.
M. Y... a finalement démissionné par lettre du 2 septembre 2016 en se plaignant de la répartition des comptes sur le secteur Doubs/Haute-Saône/Jura, du fait qu'il n'avait reçu en deux ans que deux visites du directeur commercial au lieu des visites quotidiennes annoncées, d'un défaut de concertation préalable sur l'affectation des comptes après le départ de K... E..., de l'incapacité du directeur à établir depuis plus de deux ans les critères de définition d'un grand compte, d'une répartition inéquitable des comptes à l'arrivée de F... W... X..., de la circonstance que le directeur lui avait dit «dans ce cas tu te soumets ou tu te démets», d'un management à deux vitesses et du défaut de prise en considération de ses alertes.
Toutefois la société Bourgogne Repro n'établit pas la réalité des griefs exprimés par M. Y.... Le tableau de répartition des clients inséré dans le mail établi le 13 juillet 2016 par M. L... ne suffit pas à démontrer que M. Y... aurait été désavantagé et placé dans l'impossibilité de réaliser des ventes d'un volume comparable à ses collègues. Le fait que le problème de la définition des grands comptes n'ait pas encore été résolu au moment de sa démission n'implique pas l'existence d'une négligence fautive de la part de M. L... alors qu'il était manifestement malaisé de trouver un consensus sur cette question et qu'une concertation était en cours pour la résoudre. En outre les décisions de répartition n'ont pas relevé de la seule initiative de M. L..., mais ont été approuvées, au moins tacitement, par le président de la société, systématiquement co-destinataire des messages ci-dessus analysés. La réalité de ces griefs n'est donc pas établie même si M. Y... s'est déclaré insatisfait au point de quitter l'entreprise. Le préjudice qui serait lié à sa démission n'est d'ailleurs pas précisé par l'employeur.
Aucun élément du dossier ne vient confirmer la réalité du propos invitant M. Y... à se soumettre ou à se démettre. Il en va de même du prétendu retard à valider les ventes réalisées.
Le suivi des commerciaux et la disponibilité de M. L... sont abordés dans :
- l'attestation d'U... A..., contrôleur de gestion, selon laquelle il arrivait tardivement le matin et partait tôt l'après-midi sans pour autant aller en rendez-vous commercial ou accompagner un commercial, il était difficile d'avoir son aide et des réponses en cas de problème avec un client ou pour rachat de copieur en leasing, il n'assurait pas de retour concret en cas d'impayé ou de litige,
- l'attestation de F... W... X..., attaché commercial, qui indique qu'il n'a bénéficié que d'une aide superficielle durant sa période d'essai sur l'utilisation de la base de données CRM, et que M. L... ne l'a pas accompagné en clientèle sur son secteur Nord Franche Comté,
- la lettre de démission de M. Y....
M. L... fait observer à juste titre qu'aucune fiche de poste n'est venue définir les contours de son emploi de directeur commercial alors qu'aucun avenant à son contrat de travail n'a été établi quand cette fonction lui a été confiée, cinq ans avant son licenciement selon lui. Il est également exact que ce contrat a stipulé que la durée du temps de travail de M. L... ne pouvait pas être prédéterminée en raison du caractère itinérant de ses fonctions et de l'autonomie dont il disposait dans l'organisation de son emploi du temps, seule la durée annuelle du temps de travail étant fixée à 1.607 heures. Ses bulletins de paie font état, encore en 2016, de commissions, ce qui établit qu'il a continué à exercer des fonctions d'agent commercial à côté de son activité de directeur commercial.
La prospection commerciale pouvant prendre d'autres formes que des déplacements chez le client, le fait qu'il ait réduit son temps de présence au bureau n'est pas révélateur d'une insuffisance de travail.
M. X... n'a été embauché que le 23 juin 2016 et il a bénéficié de congés payés du 8 au 20 août suivants tandis que M. L... est parti en congés du 13 juillet au 6 août. Alors qu'il n'est pas justifié de la durée de la période d'essai de M. X..., le grief de défaut de suivi de son activité apparaît pour le moins prématuré.
La lettre de démission de M. Y... ne peut pas être considérée comme probante d'un défaut d'assistance alors que l'existence d'une obligation de M. L... de se déplacer chaque jour de la région pour aller le voir dans son secteur Doubs/Haute-Saône/Jura n'est ni démontrée, ni réaliste, M. L... ayant à suivre d'autres agents et conservant lui-même une activité directe de vente.
Les factures de carburant correspondant à la carte de paiement fournie à M. L... par l'entreprise montrent que le kilométrage du véhicule utilisé est passé entre janvier et fin août 2016 de 115.900 à 135.200 kms. La distance ainsi parcourue n'est pas assez faible, même compte tenu de la période de congés, pour faire présumer une insuffisance de déplacements auprès des commerciaux. Le dossier de M. L... montre en outre d'autres formes de suivi : interrogations directes à M. Y... sur l'exploitation de certains clients en juin 2016, rappel le 13 juillet 2016 aux assistantes commerciales qu'elles devaient utiliser l'outil CRM, partagé entre tous, pour faire connaître les demandes manifestées par des clients.
S'agissant du grief d'utilisation abusive de la carte de carburant de la société, les relevés correspondants montrent seulement qu'alors qu'il a été en congés au soir du 13 juillet 2016 jusqu'au 6 août, il s'est fait servir du carburant pour son véhicule de fonction les 8 juillet, 13 juillet et 19 août 2016. Alors que le plein du 8 juillet avait représenté 60,47 euros, le paiement du 13 juillet a été limité à 27,90 euros.
Comme relevé plus haut, son contrat de travail l'autorisait à utiliser ce véhicule à des fins privées. Il demeure douteux que ce contrat lui ait interdit d'utiliser la carte de paiement de la société pendant ses congés, d'autant que les relevés signalent aussi que M. X... a utilisé une telle carte pour régler des droits de péage et un plein de carburant entre les 9 et 11 août 2016 pendant une période de congés payés.
En définitive, le seul fait démontré à l'égard de M. L... est l'insuffisante disponibilité ou capacité de réponse décrite par Mme A.... A supposer même qu'on puisse y ajouter un usage abusif de la carte de crédit pour 27,90 euros, il n'y a pas là de faits suffisamment graves, compte tenu de l'ancienneté du salarié et de l'absence de tout antécédent disciplinaire justifié, pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail.
Le conseil de prud'hommes a donc exactement apprécié la situation en déclarant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture
M. L... a droit à rappel de salaire pour la période durant laquelle il a été mis à pied à titre conservatoire dont le quantum a été justement fixé par le conseil de prud'hommes.
L'article 5.14 de la convention collective précitée ouvre droit à une indemnité de licenciement égale, jusqu'à dix ans d'ancienneté, à 1/5 de mois de salaire par année. La rémunération à retenir est la plus favorable entre la moyenne des douze derniers mois et la moyenne des trois derniers mois. Ces règles sont identiques à celles prévues à l'article R. 1234-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement de M. L....
Au vu des bulletins de paie et après réintégration du rappel de salaire, la cour trouve une moyenne de 5.410,03 euros sur les trois derniers mois, de 6.144,40 sur les douze derniers mois. La base de calcul proposée par M. L..., soit 5.841,83 euros, n'excède pas ses droits et doit donc être retenue.
Il avait bien acquis l'ancienneté de cinq ans et un mois qu'il revendique. Sur ces bases, il a droit à la somme de 5.939,19 euros demandée.
L'article 5.13 de la convention collective précitée stipule le droit à un préavis de trois mois pour les salariés ayant, comme M. L..., la qualité de membre du personnel d'encadrement. Sa demande à hauteur de 17.525,49 euros est bien fondée.
Selon l'attestation pour Pôle Emploi qu'elle a établie, la société Bourgogne Repro employait 23 salariés au 1er janvier 2015. M. L..., né le [...] , justifie être père de deux enfants, nés en 2000 et 2005, tandis que son épouse, reconnue adulte handicapée, a été admise le 15 mars 2016 dans un foyer d'accueil médicalisé.
Dès le 3 avril 2017, il a été embauché comme directeur d'exploitation par la société XEFI Dijon et son nouveau salaire brut s'est élevé à 4.000 euros jusqu'à février 2018, 4.500 euros en mars, 4.000 euros en avril, 3.500 euros en mai, 5.500 euros en juin 2018 (forfait jours 2.622,70 euros outre commissions et primes d'objectif). Il n'établit pas avoir été empêché de rembourser le prêt contracté en septembre 2006 pour la construction d'une maison individuelle, remboursable en 300 mensualités de 1.211,66 euros jusqu'à août 2032.
Compte tenu de son ancienneté, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la somme de 37.000 euros que lui a allouée le conseil de prud'hommes, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, constitue l'exacte réparation du préjudice que lui a causé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Le décompte de Pôle Emploi est conforme aux attestations de paiement fournies par M. L... et demeure dans cette limite de six mois. Il y a donc lieu de liquider à 20.697,07 euros la somme due à cette institution par la société Bourgogne Repro.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens doivent incomber à la société Bourgogne Repro, partie perdante.
Il y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. L... et de l'institution Pôle Emploi.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 août 2018 par le conseil de prud'hommes de Dijon,
Y ajoutant,
Liquide à 20.697,07 euros la somme due par la société Bourgogne Repro à l'institution Pôle Emploi en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
Condamne cette société à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile :
- à M. G... L..., en sus de la somme déjà allouée à ce titre en première instance, la somme de 1.500 euros,
- à l'institution Pôle Emploi, la somme de 450 euros,
Déboute la société Bourgogne Repro de sa demande fondée sur ce même article 700,
La condamne à payer les dépens d'appel.
Le greffier Le président
Françoise GAGNARD Philippe HOYET