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27/08/2020 | FRANCE | N°18/00500

France | France, Cour d'appel de Dijon, 27 août 2020, 18/00500


GL/FG












E... I...




C/




SARL BOULANGERIE PATISSERIE CAILLET -
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social




















































































RÉPUBLIQUE

FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE DIJON


CHAMBRE SOCIALE


ARRÊT DU 27 AOUT 2020


MINUTE No


No RG 18/00500 - No Portalis DBVF-V-B7C-FBDG


Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section EN, décision attaquée en date du 14 Mai 2018, enregistrée sous le no 17/0094




APPELANT :
...

GL/FG

E... I...

C/

SARL BOULANGERIE PATISSERIE CAILLET -
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AOUT 2020

MINUTE No

No RG 18/00500 - No Portalis DBVF-V-B7C-FBDG

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section EN, décision attaquée en date du 14 Mai 2018, enregistrée sous le no 17/0094

APPELANT :

E... I...
[...]
[...]

représenté par Me Eric AMIET, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me Philippe WITTNER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE :

SARL BOULANGERIE PATISSERIE CAILLET - prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés [...]
[...]

représentée par Me Mohamed EL MAHI de la SCP CHAUMONT-CHATTELEYN- ALLAM-EL MAHI, avocat au barreau de DIJON, substitué par Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 juin 2020 en audience publique devant la Cour composée de :

Philippe HOYET, Président de Chambre, Président,
Gérard LAUNOY, Conseiller,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise GAGNARD,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Philippe HOYET, Président de Chambre, et par Françoise GAGNARD, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 1er novembre 2016, M. E... I... a été embauché par la SARL Boulangerie Pâtisserie Caillet, en qualité de chef pâtissier, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective de la boulangerie pâtisserie entreprises artisanales.

Par lettre du 17 février 2017, l'employeur a notifié au salarié sa décision de mettre fin à la période d'essai de quatre mois stipulée au contrat.

Invoquant la nullité de la rupture du contrat de travail et contestant une convention de forfait en jours, M. I... a saisi, le 17 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Chaumont.

Par jugement du 14 mai 2018, cette juridiction a retenu que l'employeur n'avait pas connaissance d'une rechute d'accident de travail au moment de la rupture, que la convention de forfait en jours était opérante et que la période d'arrêt consécutive à un accident du travail ne s'était étendue que du 9 janvier au 7 février 2017. En conséquence, elle a :
- dit que la rupture du contrat de travail était conforme à la loi et reposait sur une cause réelle et sérieuse,
- dit que la convention de forfait jours était valide et s'appliquait à la relation contractuelle,
- condamné l'employeur à payer au salarié :
* 1.573,60 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de maintien de la rémunération durant le congé maladie,
* 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le salarié du surplus de ses demandes,
- débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'employeur aux dépens.

Par déclaration au greffe postée le 15 juin 2017, le conseil de M. I... a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 16 mai précédent.

Par ses dernières conclusions signifiées le 12 septembre 2018, M. E... I... demande à la cour, avec l'infirmation du jugement, de :
Avant dire droit,
- ordonner la production par la partie adverse de l'intégralité des fiches d'heures des pâtissiers J... W... et P... C...,
Au fond,
- déclarer sa demande recevable et bien fondée,
- dire que la rupture du contrat de travail notifiée unilatéralement par son adversaire durant le congé maladie du salarié consécutif à un accident du travail est nulle,
- dire que cette rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en produit les effets,
- dire que la convention de forfait annuel en jours stipulée dans le contrat de travail est privée d'effet,
- en conséquence, condamner son adversaire à lui payer :
* à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, 6.107,10 euros,
* à titre de rappel de salaire pour heures travaillées de nuit, 798 euros,
* à titre de rappel de salaire pour heures travaillées les dimanches, 397,50 euros,
* au titre des congés payés afférents à ces rappels, 730 euros,
* à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 4.020 euros outre 402 euros pour les congés payés afférents,
* à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, 25.000 euros,
* à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de maintien de la rémunération durant le congé maladie, 10.744,48 euros,
* à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail, 1.000 euros,
* par application de l'article 700 du code de procédure civile, 2.500 euros pour la première instance, 3.500 euros pour l'instance d'appel,
- dire que l'ensemble de ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de notification par le greffe de la demande de première instance,
- rejeter l'appel incident de la société Boulangerie Pâtisserie Caillet,
- charger cette société des entiers frais et dépens.

Par ses plus récentes conclusions signifiées le 7 novembre 2018, la SARL Boulangerie Pâtisserie Caillet prie la cour de :
- confirmer le jugement dans la mesure utile,
- débouter M. I... de toutes ses prétentions,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser à M. I... la somme de 1.573,60 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie,
- condamner l'appelant à la somme de 6.250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 28 mai 2020, l'affaire étant fixée à l'audience de plaidoiries du 30 juin 2020, date à laquelle l'arrêt a été mis en délibéré à ce jour.

SUR QUOI

Sur les heures supplémentaires

Le contrat de travail signé par le salarié (pièce no 6 de son dossier) stipule qu'en sa qualité de cadre 1, et conformément à la convention collective applicable, la durée du travail de M. I... fait l'objet d'un décompte annuel en jours de travail effectif, de sorte qu'il ne sera pas soumis aux dispositions légales à la durée hebdomadaire du temps de travail, aux durées quotidiennes et hebdomadaires du temps de travail.

La convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 comporte une annexe relative au statut du personnel d'encadrement.et la convention collective. L'article 2 de cette annexe stipule que les salariés ayant la qualification de cadre 1 entrent dans la catégorie des cadres autonomes qui ne sont pas soumis à l'horaire collectif, compte tenu de la nature de leurs fonctions, de leurs responsabilités et de leur degré d'autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et ne sont donc pas tenus de respecter un encadrement ou une organisation précise de ses horaires de travail.

Leur temps de travail fait l'objet d'un décompte annuel en jours de travail effectif de sorte qu'ils ne sont pas soumis aux dispositions légales relatives à la durée hebdomadaire de temps de travail, aux durées quotidiennes et hebdomadaires du temps de travail conformément à l'article L. 3121-48 du code du travail. Le décompte des jours travaillés se fait dans le cadre de l'année civile.

L'article 2. 1 de l'annexe précise que :
- les salariés cadres concernés par cette modalité d'aménagement du temps de travail doivent organiser leur temps de travail à l'intérieur de ce forfait annuel, en respectant une amplitude maximum quotidienne de 13 heures
- ils bénéficient donc d'un temps de repos hebdomadaire minimal de 24 heures, auquel s'ajoute le repos quotidien de 11 heures entre la fin d'une journée de travail et le commencement d'une autre journée de travail.

Selon l'article 2. 4 de l'annexe, relatif au décompte des journées et demi-journées de repos sur l'année, le temps de travail des salariés cadres est décompté en jours ou demi-journées et, dans le but d'éviter les dépassements du nombre de jours travaillés, ou la prise de jours de repos dans les toutes dernières semaines de l'année, il est convenu qu'un mécanisme d'organisation de l'activité est mis en œuvre associant le salarié concerné et la direction.
Les dates de prise des jours (ou demi-journées) de repos sont proposées par le salarié sept jours ouvrés au moins avant la date envisagée avec la possibilité de prévoir un planning prévisionnel sur une période donnée (trimestre, semestre...).

Le contrat de travail reproduit ces règles.

M. I... rappelle que le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis à un tel régime prive d'effet la convention de forfait et soutient que :
- il n'a pas bénéficié d'un temps de repos hebdomadaire minimal de 24 heures et du repos quotidien de 11 heures entre la fin d'une journée de travail et le commencement d'une autre journée,
- il a travaillé plus de 13 heures par jour à de nombreuses reprises,
- la clause insérée dans le contrat de travail initial ne prévoit aucun mécanisme d'organisation de l'activité, et aucun des mécanismes d'organisation de l'activité ultérieurement prévus n'a fait l'objet d'une application effective,
- il ne pouvait pas librement déterminer ses horaires de travail et ses congés hebdomadaires.

Selon l'attestation de K... R..., M. I... était, au sein de la société Boulangerie Pâtisserie Caillet, un professionnel sachant gérer son équipe, organiser dans son ensemble un laboratoire de boulangerie-pâtisserie et gérer les commandes. Cette appréciation tend à établir que M. I... était bien chargé d'une mission d'encadrement exercée de façon autonome. Aucune pièce du dossier ne vient établir que l'employeur lui imposait ses horaires de travail. La cour n'est pas en mesure de présumer qu'il était tenu d'être présent pendant toute la durée du travail des salariés qu'il avait à encadrer. Il serait donc sans utilité d'ordonner la production aux débats des fiches d'heures des pâtissiers W... et C....

Un mécanisme d'organisation de l'activité a bien été prévu dans le contrat de travail. Cependant, aucune pièce ne vient démontrer que l'employeur et le salarié ont, à un quelconque moment, conjointement mis en place un tel mécanisme qui s'imposait pourtant dès le début de l'exécution du contrat de travail. Il en résulte que la convention de forfait doit être privée d'effet.

Aux termes de l'articleL.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'articleL.3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2016-1088 du 8août2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'articleL.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le relevé présenté par M. I... relate les heures de début et de fin du travail pour chaque jour selon lui travaillé, ce qui met son employeur en mesure de présenter ses propres observations.

Le contrat de travail ne précise pas les missions attachées à l'emploi de chef pâtissier. L'avenant no 97 du 20 juillet 2010 à la convention collective précitée, relatif aux classifications, définit le cadre 1 comme l'assistant du chef d'entreprise qui organise les achats, la fabrication et la vente et coordonne le travail de l'ensemble du personnel et à ce titre jouit d'une réelle autonomie dans l'organisation de son travail. L'attestation précitée de M. R... montre que M. I... était bien chargé de ces tâches en gérant une équipe, en organisant dans son ensemble le laboratoire de boulangerie-pâtisserie et en gérant les commandes. Le pâtissier P... C... a confirmé le rôle de gestion de l'équipe en indiquant que M. I... l'avait joint pour lui demander de travailler le 15 février 2017.

M. I... prétend avoir effectué 445,75 heures supplémentaires durant la période couvrant novembre et décembre 2016 et les semaines des 4 au 8 janvier et 8 au 12 février 2017. Il était en arrêt de travail durant les autres périodes.

Selon le contrat de travail, M. I... disposait d'un logement de deux pièces dans l'immeuble même où était exploitée la boulangerie-pâtisserie de son employeur. Les relevés horaires des deux autres salariés pour les mois de novembre et décembre 2016 montrent que :
- ils ont généralement travaillé aux mêmes moments, commençant à 5 heures et terminant le plus souvent en début d'après-midi, parfois plus tôt ;
- ils ont déclaré entre 34 et 48 heures de travail hebdomadaires en novembre, entre 31,5 heures et 70,5 heures en décembre.

La vendeuse H... M... a attesté que lorsque la gérante lui demandait les mercredis, jeudis, vendredis, en venant à 16 heures 30, si le chef était déjà passé, elle répondait que oui. Celles de P... C... et D... O..., relatives à de mauvaises fabrications imputées à M. I..., révèlent que ce dernier ne se bornait pas à donner des ordres, mais participait matériellement à la cuisson de certaines pâtisseries.
La cour tire de ces éléments la conviction que M. I... a bien effectué des heures supplémentaires en novembre et décembre 2016, surtout en décembre à l'occasion de l'importante augmentation saisonnière manifestée par les horaires des deux pâtissiers. En revanche, rien ne permet de s'assurer qu'il en a été de même en 2017. La cour estime également que contrairement à ce qu'indiquent ses relevés, M. I... a pu bénéficier de pauses dans la journée et n'a pas systématiquement travaillé jusqu'à 18 heures et au-delà.

La cour retient en conséquence l'existence de 70 heures dont 40 à majorer de 25 % et 30 à majorer de 50 %.
M. I... ne sollicite que les sommes correspondant aux majorations applicables, soit 6,63 euros pour la majoration de 25 % et 13,315 euros pour la majoration de 50 %. Sur la base d'un taux de base horaire de 26,52 euros, M. I... a donc droit à un rappel de (6.63 € x 40) + (13,315 x 30) 664,55 euros, outre les congés payés afférents.
Les intérêts au taux légal sur cette somme courront à compter de la notification à l'employeur de la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation, cette convocation valant mise en demeure dès lors qu'elle indiquait la demande du salarié.

Sur les heures de nuit

Selon l'article 23 (1) de la convention collective précitée, tout salarié, quel que soit son horaire habituel de travail et qu'il soit qualifié de travailleur de nuit ou non, bénéficie d'une majoration de 25 % du salaire de base par heure de travail effectif effectuée entre 20 heures et 6 heures.

Compte tenu des horaires des salariés encadrés et des autres éléments ci-dessus relatés, la cour acquiert la conviction que M. I... a, en prenant son travail dès 5 heures, effectué 43 heures de nuit.
Il a donc droit à la somme de 285,09 euros au titre de la majoration de nuit afférente, outre l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Sur le travail le dimanche

L'article 28 de la convention collective précitée stipule qu'à titre de prime du travail du dimanche, le salaire de tout salarié employé le dimanche sera majoré de 20 %, cette majoration devant être calculée sur le produit de son salaire horaire de base par le nombre d'heures de travail effectuées le dimanche.

Les relevés d'heures des deux salariés encadrés par M. I... montrent qu'ils travaillaient bien certains dimanches à partir de 5 heures. Sur la base de l'ensemble des éléments déjà exposés ci-dessus, la cour acquiert la conviction que M. I... a travaillé 60 heures le dimanche.
Sa demande ne portant que sur le montant de la majoration, il a droit (5,30 € x 60) 318 euros, outre les congés payés afférents.

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail

M. I... reproche à son employeur de lui avoir fait effectuer des heures supplémentaires au-delà du maximum légal quotidien et réglementaire et soutient que les horaires abusifs sans repos compensateur et la rupture du contrat de travail en découlant ont détérioré sa santé et nuit à sa vie privée et familiale.

Il ne résulte pas du dossier que des heures supplémentaires aient été effectuées au-delà du maximum légal quotidien et réglementaire. Les certificats d'arrêt de travail communiqués n'établissent pas que les heures supplémentaires et l'absence de repos ont entraîné une détérioration de l'état de santé de salarié.

Cet arrêt étant consécutif, selon M. I... à une chute sur une plaque de verglas subie le 7 janvier 2017 en arrivant dans la cour de l'entreprise, rien ne permet d'établir un lien entre cet accident et les horaires de travail.

En revanche, la cour tire des faits précités qu'au cours du mois de décembre à deux fois, M. I... a été privé de tout repos hebdomadaire en enchaînant deux semaines de travail sans interruption. Ce fait l'a bien privé de tout loisir. Mais en l'absence de toute justification sur la situation familiale de M. I..., la cour ne peut pas présumer qu'il y aurait eu atteinte à sa vie familiale.

Dans la limite du préjudice ainsi caractérisé, l'indemnité propre à le réparer sera fixée à 300 euros, ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la rupture de la période d'essai

M. I... prétend qu'à la date du 17 février 2017, il se trouvait en congé maladie par suite d'un accident du travail. Il revendique en conséquence la protection prévue par les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail.

Il est exact qu'aux termes de l'article L. 1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.
L'article L. 1226-9 du même code dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Il en résulte que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne s'appliquent que lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et lorsque l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment de la rupture.

M. I... a été placé en arrêt de travail à partir du 9 janvier 2017 en raison de l'accident du travail ci-dessus décrit. Le médecin traitant a prévu la reprise du travail le 8 février 2017. Les relevés d'heures de M. I... montrent qu'il est effectivement revenu travailler durant une semaine.

Son médecin a établi, le mardi 14 février 2017, un certificat de rechute en prescrivant un nouvel arrêt de travail. Alors que la société Boulangerie Pâtisserie Caillet conteste avoir eu connaissance de ce certificat avant la notification de la rupture de la période d'essai, M. I... n'apporte pas la preuve qu'il avait effectivement porté ce document à la connaissance de son employeur au plus tard le 17 février 2017. Le fait que le bulletin de paie de février 2017 tienne compte du nouvel arrêt n'est pas probant sur ce point puisque ce bulletin n'a été établi qu'à la fin du mois en cause. Au contraire, l'attestation de P... C... tend à montrer que M. I... n'avait pas cessé de travailler ce jour-là puisqu'il a téléphoné à M. C... pour lui demander s'il travaillait le mercredi 15.

M. I... ne bénéficiait donc pas de la protection légale invoquée à la date de l'envoi de la lettre de rupture de la période d'essai. Il doit donc être débouté de sa demande tendant à ce que cette rupture soit déclarée nulle, ainsi que que ses demandes financières correspondantes.

Sur le maintien de la rémunération pendant les arrêts de travail

Aux termes de ses conclusions, M. I... demande en réalité, pour la période allant du 9 janvier au 23 mai 2017, une somme correspondant à la différence entre son salaire brut mensuel et les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale.

L'article 37.1 de la convention collective applicable instaure une garantie «maintien de salaire» en cas d'arrêt de travail consécutif à une maladie ou à un accident, professionnel ou non, pris en charge par la sécurité sociale. Cette garantie ne bénéficie en principe qu'aux salariés de la profession comptant une ancienneté minimale d'un an dans la profession ; par exception, aucune condition d'ancienneté n'est requise des salariés victimes d'un accident du travail ou de trajet ou d'une maladie professionnelle.

Ce texte précise que l'employeur doit, pour bénéficier du remboursement des indemnités versées à son salarié, payer une cotisation qui est intégralement à sa charge et dont le taux est de 0,73 % du salaire brut limité au plafond mensuel de la sécurité sociale. Il en résulte que contrairement à ce que soutient la société Boulangerie Pâtisserie Caillet, le paiement au salarié de ces indemnités lui incombe.

La rechute invoquée par M. I... n'a pas été prise en charge par la sécurité sociale puisque la CPAM du Bas-Rhin a notifié le 24 mars 2017 à l'employeur que la lésion décrite sur le certificat de rechute n'était pas imputable à l'accident du travail du 6 janvier 2017. L'accident du travail a donc entraîné une période d'arrêt du 6 janvier 2017 au 8 février 2017, date de reprise du travail fixée par son médecin traitant. Il ne peut donc prétendre au maintien de salaire que pour cette période.

M. I... a de nouveau été arrêté du 14 février, soit avant la rupture de la période d'essai, au 23 avril 2017 selon les certificats communiqués. Cependant, dès lors que ce nouvel arrêt n'est pas rattachable à l'accident du travail, son ancienneté était insuffisante pour lui ouvrir droit au maintien de salaire en raison d'un accident de la vie privée au sens de la convention collective.

En cas d'accident du travail, accident de trajet, maladie professionnelle, les indemnités sont dues, selon la convention collective, à partir du premier jour d'indemnisation par la sécurité sociale et pendant 180 jours. L'indemnisation est égale à 90 % du salaire brut moyen des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail à l'exclusion des primes présentant un caractère exceptionnel et des gratifications, et sous déduction des indemnités journalières brutes versées par la sécurité sociale.

Le montant des prestations ne doit pas dépasser 100 % du salaire net que le salarié aurait perçu s'il avait continué à travailler.

M. I... n'avait travaillé que durant deux mois pleins à la date de l'accident du travail. Le salaire brut moyen à retenir est de 4.019,87 euros (arrondi à 4.020 par le salarié). L'indemnisation correspondant à 90 % de ce salaire, la garantie de maintien de salaire a ouvert droit :
- pour janvier 2017 à (4.019,87 € x 90 % x 26/31) 3.034,35 euros,
- pour février 2017 à (4.019,87 x 90 % x 7/28) 904,47 euros,
soit un total de 3.938,82 euros.

D'après l'attestation de paiement de la CPAM, il a reçu pour la période d'arrêt, à titre d'indemnités journalières, la somme brute de 2.363,76 euros. Il a donc droit à la différence de 1.575,06 euros.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens doivent incomber à la société Boulangerie Pâtisserie Caillet.

Il y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. I....

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 14 mai 2018 par le conseil de prud'hommes de Chaumont,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner la production par l'employeur de l'intégralité des fiches d'heures des pâtissiers J... W... et P... C...,

Dit que la convention de forfait annuel en jours stipulée dans le contrat de travail est privée d'effet,

Dit que l'employeur a valablement mis fin à la période d'essai,

Condamne la SARL Boulangerie Pâtisserie Caillet à payer à M. E... I... :
- à titre de rappel de majoration de salaire pour heures supplémentaire, 664,55 euros, outre 66,45 pour les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2017,
- à titre de rappel de majoration d'heures de nuit, 285,09 euros, outre 28,51 euros pour les congés payés afférents, avec intérêts à compter du 29 juillet 2017,
- à titre de rappel de majoration de salaire pour heures travaillées le dimanche, 318 euros, outre 31,80 euros pour les congés payés afférents, avec intérêts à compter du 29 juillet 2017,
- à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail, la somme, nette de CSG et de CRDS, de 300 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- au titre du maintien de la rémunération pendant la période d'arrêt de travail du 9 janvier au 7 février 2017, 1.575,06 euros, avec intérêts à compter du 29 juillet 2017,
- par application de l'article 700 du code de procédure civile, 1.500 euros,

Déboute M. E... I... du surplus de ses demandes,

Déboute la SARL Boulangerie Pâtisserie Caillet de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne cette société à payer les dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président

Françoise GAGNARD Philippe HOYET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Numéro d'arrêt : 18/00500
Date de la décision : 27/08/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-08-27;18.00500 ?
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