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09/07/2020 | FRANCE | N°17/00581

France | France, Cour d'appel de Dijon, 09 juillet 2020, 17/00581


DLP/FF












U... Y...
E.A.R.L. [...]




C/


E... D... veuve Y...
A... Y... épouse O...




















































































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE DIJON

>CHAMBRE SOCIALE


ARRÊT DU 09 JUILLET 2020


MINUTE No


No RG 17/00581 - No Portalis DBVF-V-B7B-EZ4F


Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de CHALON-SUR-SAÔNE, décision attaquée en date du
19 Juin 2017, enregistrée sous le no 51-16-0008






APPELANTS :


U... Y...
[...]
[...]


représenté par Maître Francoise VANDENBROUCQUE, avocat a...

DLP/FF

U... Y...
E.A.R.L. [...]

C/

E... D... veuve Y...
A... Y... épouse O...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 09 JUILLET 2020

MINUTE No

No RG 17/00581 - No Portalis DBVF-V-B7B-EZ4F

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de CHALON-SUR-SAÔNE, décision attaquée en date du
19 Juin 2017, enregistrée sous le no 51-16-0008

APPELANTS :

U... Y...
[...]
[...]

représenté par Maître Francoise VANDENBROUCQUE, avocat au barreau de DIJON

E.A.R.L. [...]
[...]
[...]

représentée par Maître Francoise VANDENBROUCQUE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉES :

E... D... veuve Y...
DCD

représentée par Me Vincent BARDET de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

A... Y... épouse O...
[...]
[...]

représentée par Me Vincent BARDET de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2020 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Philippe HOYET, Président de Chambre,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Philippe HOYET, Président de Chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Au décès de son mari, S... Y..., survenu le [...], Mme E... D... a confié l'exploitation de la propriété agricole familiale à son beau-frère, M. G... Y..., frère de son mari décédé.

Ce bail à ferme verbal portait sur les parcelles cadastrées situées sur les communes de :
- [...] section [...], [...] et [...],
- [...] section [...], [...] et [...], section [...] , section [...] , [...] et [...], section [...] ,
- [...] section [...] et [...].

Par arrêt définitif de la cour d'appel de Dijon en date du 15 septembre 2011, ledit bail verbal liant les parties a été confirmé, avec prise d'effet au 11 novembre 1983.

Le 15 mai 2014, Mme E... D... et Mme A... O... ont fait signifier à M. U... Y..., venant aux droits de M. G... Y..., ainsi qu'à l'EARL [...], par le ministère de Maître N..., huissier de justice à Chalon sur Saône, un congé leur refusant le renouvellement du bail sur le fondement des dispositions des articles L. 411-4, L. 411-6 , L.411-47, L. 411-58 et 59 du code rural, à effet au 10 novembre 2016.

La reprise projetée porte sur les parcelles suivantes :
- [...] section [...] et [...],
- [...] section [...] et [...], et section [...] ,
- [...] section [...] et [...].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 septembre 2014, M. U... Y... et l'EARL [...] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône afin qu'il prononce la nullité du dit congé.

Par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 7 décembre 2015, il a été sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Dijon à intervenir.

Par arrêt définitif de la cour d'appel de Dijon en date du 18 février 2016, le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 31 juillet 2014 a été confirmé en ce qu'il avait notamment précisé que seule la date de prise d'effet du bail au 11 novembre 1983 pouvait être retenue.

Par conclusions de reprise d'instance, M. U... Y... et l'EARL [...] ont sollicité le débouté de Mmes D... et O... de l'ensemble de leurs demandes, et l'annulation du congé pour exercice du droit de reprise au profit de cette dernière pour le 10 novembre 2016 et, à titre infiniment subsidiaire, l'organisation d'une expertise aux fins d'évaluer l'indemnité de sortie qui leur serait due. Ils ont également sollicité la condamnation de ces dernières à leur payer la somme de 5 000 € an titre des préjudices subis en raison de la multiplicité de congés nuls, outre celle de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mmes O... et D... se sont opposées à l'ensemble de ces prétentions et ont sollicité que soit déclaré valable le congé en reprise sexennale qu'elles avaient régulièrement fait délivrer, justifiant le refus de renouvellement du bail par la qualité, pour Mme O..., de fille de la bailleresse, et propriétaire bailleur actuel, pour qu'elle les exploite directement et personnellement, à compter du 11 novembre 2016.

Par jugement en date du 19 juin 2017, le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône a notamment :

- débouté M. Y... et l'EARL [...] de leur demande d'annulation du congé pour exercice du droit de reprise délivré par Mmes E... D... et A... O... par acte d'huissier en date du 15 mai 2014, à effet au 10 novembre 2016,
- les a déboutés de leur demande d'expertise aux fins d'évaluation de l'indemnité de sortie, et de leurs demandes de dommages et intérêts,
- validé le congé délivré le 15 mai 2014 pour le 10 novembre 2016 à 24 heures à M. U... Y... et à l'EARL [...] par Mmes E... D... et A... O..., portant sur les parcelles suivantes :
* commune de [...] en Cote d'Or : section [...] « [...]» pour 60a 68ca, section [...] « [...]» pour 1ha 8a 95ca, section [...] « [...] » pour 67a 28ca,
* commune de [...] en Saône et Loire : section [...] « [...]» pour 1 ha 54a 50ca, section [...] « [...] » pour 31a, section [...] « [...] pour 44a 60ca, section [...] « [...] » pour 79a 70ca,
* [...] : section [...] « [...]» pour 1 ha 20ca, secti0n [...] « [...]» pour 1 ha 60ca,
- dit que M. Y... et l'EARL [...] devraient restituer les lieux après avoir rempli toutes leurs obligations de preneurs sortants,
A défaut,
- ordonné leur expulsion, si besoin avec l'aide de la force publique,
- débouté M. U... Y... et l'EARL [...] de leur demande de dommages et intérêts, ainsi que celle formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. U... Y... et l'EARL [...] à payer à Mme E... D... et Mme A... O... la somme de 1 200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples ou contraires,
- condamné solidairement M. U... Y... et l'EARL [...] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclarations enregistrées respectivement au greffe de la cour d'appel de Dijon les 29 juin et 12 juillet 2017, l'EARL [...] et M. U... Y... d'une part, et Mmes A... O... et E... D... veuve Y... d'autre part, ont relevé appel de cette décision.

Mme E... D... est décédée le 14 août 2019.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 6 février 2020.

Dans le dernier état de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2020 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, M. U... Y... et l'EARL [...] demandent à la cour de :

Vu les articles L. 411-5, L. 411-58 et suivants du code rural et de la pêche maritime,

A titre principal,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône en date du 19 juin 2017 en toutes ses dispositions,

Y faisant droit et réformant,
- débouter Mmes E... Y... et A... O... de l'ensemble de leurs demandes ;
- annuler le congé pour exercice du droit de reprise au profit de Mme A... O... pour le 10 novembre 2016,

A titre infiniment subsidiaire,
- condamner Mme E... Y... au paiement d'une somme de 1 533 euros en remboursement de l'indemnité de sortie,
- à moins que la cour ne préfère ordonner une mesure d'expertise, confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner et aux frais avancés de qui il appartiendra, afin d'évaluer l'indemnité de sortie due à M. U... Y... en application des articles L. 411-69 et suivants du code rural,

Dans tous les cas,
- condamner Mmes E... Y... et A... O... à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des préjudices subis en raison de la multiplicité de congés nuls,
- condamner Mmes E... Y... et A... O... à leur payer à la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens

Par leurs dernières écritures déposées au greffe le 27 janvier 2020 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, Mme O... et Mme Q... née Y..., venant aux droits de E... D..., demandent à la cour de :

Rejetant toutes écritures contraires,
Vu les articles 325 et suivants du code de procédure civile,
- dire et juger régulière et recevable l'intervention volontaire de Mme W... Q..., héritière de Mme E... D... décédée en cours de procédure, en sa qualité de pleine propriétaire des parcelles cadastrées sur la commune de [...] en section [...] et [...] et en section [...] et sur la commune de [...] en section [...] et [...] et en section [...].

Vu les dispositions des articles L. 411-4 et L. 411-6 du code rural,
Vu les dispositions des articles L. 411-47, L. 411-58 et L. 411-59 du code rural,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise,
Statuant à nouveau et y ajoutant,

Vu l'article L. 411-62 du code rural,

- dire et juger que les appelants ne justifient aucunement de l'atteinte grave à l'équilibre économique de l'exploitation.
- débouter les appelants de leur demande de nullité du congé sur ce chef,

Vu l'article L. 411-69 du code rural,

- ordonner une expertise judiciaire, afin de dresser le compte de sortie entre les parties,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. U... Y... et l'EARL [...] à verser à Mme A... O... une somme de 3 000 euros,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
- condamner les appelants aux entiers frais et dépens de la présente instance.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du congé de reprise sexennale

Attendu qu'en vertu de l'article L. 411-6 du code rural et de la pêche maritime, par dérogation à l'article précédent, au moment du renouvellement du bail, le preneur ne peut refuser l'introduction d'une clause de reprise à la fin de la sixième année suivant ce renouvellement au profit du conjoint, du partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'un ou de plusieurs descendants majeurs ou mineurs émancipés, qui devront exploiter personnellement dans les conditions fixées à l'article L. 411-59 ; que lorsqu'une clause de reprise en cours de bail figure dans le bail initial ou le bail renouvelé, elle ne peut s'exercer que dans les conditions prévues à l'alinéa qui précède, sauf s'il s'agit d'un bail conclu ou renouvelé au nom du propriétaire ou d'un copropriétaire mineur, qui peut, à compter de sa majorité ou de son émancipation, exciper à son profit de la clause inscrite dans le bail à l'expiration de chaque période triennale en vue d'exploiter personnellement dans les conditions susmentionnées ; que le propriétaire qui entend exercer la reprise en cours de bail doit notifier congé au preneur deux ans au moins à l'avance dans les formes prescrites à l'article
L. 411-47 ; que la clause de reprise dont il est fait état au présent article ne peut s'exercer à l'encontre d'un preneur se trouvant dans l'une des situations prévues au deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du présent code ;

Attendu, en l'espèce, qu'il est acquis aux débats que le bail liant les parties a débuté le 11 novembre 1983 ; que depuis, les relations contractuelles se sont renouvelées, à savoir les 10 novembre 1992, 10 novembre 2001 et 10 novembre 2010 ;

que le congé pour exercice du droit reprise délivré par Mmes D... et O... le 15 mai 2014 a indiqué expressément qu'il était donné en application des articles L. 411-4 et L. 411-6 du code rural ; qu'il visait donc la reprise sexennale de sorte que le 4ème congé pour exercice du droit de reprise à la date du 10 novembre 2016 est valable ;

qu'il est établi que les relations contractuelles liant les parties sont purement verbales, le premier juge ayant à bon droit relevé que le document du 11 novembre 2003 n'avait pas été régularisé entre toutes les parties de sorte qu'il ne pouvait avoir la valeur d'un contrat de bail, ni même celle d'un avenant ; que la circonstance que le fermage ait été modifié entre les parties ou que ce document ait été régulièrement communiqué dans le cadre des précédentes instances, voire ait été exécuté, ne saurait lui conférer force obligatoire à défaut de conclusion d'un contrat définitif ;

que les parties sont donc liées par un contrat verbal aux conditions du contrat type départemental prévoyant notamment, en son article 3, la faculté pour le bailleur de reprendre les biens loués à la fin de la 6ème année du bail renouvelé et des baux suivants ;

qu'il s'ensuit que Mme O... est fondée à se prévaloir de la reprise sexennale mais qu'elle doit, à cet effet, réunir toutes les justifications requises, à savoir :

- la condition d'âge,
- la condition d'habitation,
- la capacité ou l'expérience professionnelle,
- la législation sur le contrôle des structures,
- la détention des cheptels, matériels d'exploitation et bâtiments d'exploitation ;

qu'or, l'EARL [...] et M. U... Y... soutiennent que Mme O..., née Y..., ne remplit pas la condition tenant à l'âge ainsi que la dernière condition précitée ;

Attendu qu'il ressort de l'article L. 411-64 du code rural que le droit de reprise tel qu'il est prévu aux articles L. 411-58 à L. 411-63, L. 411-66 et L. 411-67 ne peut être exercé au profit d'une personne ayant atteint, à la date prévue pour la reprise, l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, sauf s'il s'agit, pour le bénéficiaire du droit de reprise, de constituer une exploitation ayant une superficie au plus égale à la surface fixée en application de l'article L. 732-39 ;

qu'il est constant que le juge apprécie les conditions de fond de la reprise à la date d'effet du congé et non pas à la date effective de la reprise ou à la date du présent arrêt ;

qu'au cas présent, Mme O..., née le [...] , n'avait pas atteint l'âge de 62 ans (âge actuel de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles) au jour prévu pour la reprise, date à laquelle elle était toujours en activité ; que la condition relative à l'âge est donc remplie ;

Attendu, s'agissant de la seconde condition qui ferait défaut, qu'aux termes de l'article L. 411-59 du code rural, le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine ; qu'il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation ; qu'il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir ; que le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe ; que le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions ;

qu'en l'espèce, Mme O... prétend remplir ces conditions et produit à cet effet un constat qu'elle a fait diligenter par un huissier ;

que l'EURL [...] et M. Y... estiment pour leur part que l'intéressée ne démontre pas la viabilité de son projet, ni l'existence de moyens destinés à acquérir le matériel et le cheptel, à la date de la reprise, soit au 11 novembre 2016 ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que Mme O... remplit les conditions de reprise relatives à l'habitation, à l'expérience professionnelle et au contrôle des structures ; que le différend porte sur la condition relative au cheptel et au matériel nécessaires à l'exploitation du fond et à la faisabilité et viabilité du projet d'exploitation ;

qu'il convient de relever que Mme O... dirige une petite exploitation d'élevage carpin, avec transformation du lait en fromage et vente directe ; qu'elle est propriétaire, sur son site d'exploitation, de bâtiments agricoles en nombre manifestement suffisants pour le développement de son activité, ces bâtiments ayant fait l'objet d'un arrêté préfectoral de réaffectation du 18 juin 2012, non contesté devant le tribunal administratif ; qu'il ressort du rapport de constatation établi le
3 février 2014 par le cabinet Saône expertise qu'elle possède l'ensemble du matériel permettant d'effectuer les travaux de fenaison et de moisson (faucheuse, pirouette, andaineur, presse moyenne densité, remroque, tracteur Ford) ; que l'expert ajoute que les matériels, à savoir le tombereau et la vuce à eau servent également à l'élevage caprin ; que Mme O... justifie ainsi disposer, à la date d'effet du congé, du matériel nécessaire à la mise en valeur et à l'exploitation du fond repris, étant ajouté qu'il n'est pas avéré que les documents produits ne seraient plus d'actualité ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'elle aura besoin d'acquérir de nouveaux engins de sorte qu'elle n'a pas à justifier disposer de moyens financiers particuliers, de prêts ou d'aides spécifiques, étant en tout état de cause établi que Mme O... disposait, le 29 avril 2016, d'avoirs à hauteur de 33 000 euros, avec une capacité d'emprunt entre 30 000 et 50 000 euros, selon le responsable de l'agence Crédit agricole de Villard de Lans ;

que Mme O... justifie également, par un constat d'huissier de Maître N..., détenir un cheptel caprin (neuf chèvres et deux moutons) ;

qu'elle verse par ailleurs aux débats le projet économique et financier qu'elle avait élaboré lors de la création de son exploitation d'élevage caprin, ainsi qu'un dossier prévisionnel élaboré pour les exercices de janvier 2014 à décembre 2017 ; qu'elle justifie, de plus, exercer d'ores et déjà son activité agricole, en vendant sa production sur les marchés locaux depuis le 22 mars 2014, comme en a attesté, le 8 juillet 2016, le service de la police municipale et des régisseurs du marché hebdomadaire de la ville de [...] ; que si Mme O... exerce aussi une activité salariée, il apparaît qu'il s'agit d'une activité ponctuelle de vendanges dont il n'est pas établi qu'elle l'empêcherait de participer aux travaux agricoles, sur les fonds repris, de façon permanente et effective ; que l'activité salariée dont elle justifie s'exerce à Meursault, soit à quelques kilomètres de son domicile, étant ajouté que l'obligation d'exploiter personnellement n'exclut pas la possibilité de pratiquer une autre activité en l'absence d'incompatibilité ;

Attendu, enfin, que M. Y... prétend que la reprise des fonds par Mme O... lui causerait un préjudice grave tenant à une perte financière de 5 463 euros par an ; qu'il précise que cette reprise aurait pour effet de scinder des îlots dont les parcelles qui les composent ne sont pas délimitées, ni clôturées ; qu'elle provoquerait donc un démantèlement des îlots qui ne lui permettrait plus d'exploiter correctement ses autres parcelles dont certaines seraient enclavées ;

qu'il est constant que, pour se prononcer sur une demande de reprise partielle, il convient de considérer toute la superficie mise en valeur par le preneur ; qu'or, M. Y... ne justifie pas précisément de la superficie totale qu'il exploite alors qu'il est établi que la reprise partielle porte une superficie totale de 7ha 81a et 31ca qui n'apparaît pas de nature à compromettre l'équilibre économique d'une exploitation qui se trouve réduite de moins de 8ha ; qu'en outre, la gravité de l'atteinte alléguée à l'équilibre de l'exploitation de M. Y... n'est pas démontrée, l'attestation du cabinet d'expertise comptable [...] produite par ce dernier s'étant basée sur une surface perdue de 17.021ha, soit largement supérieure à la surface concernée par la reprise litigieuse ;

Attendu, en conséquence, que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que Mme O... remplissait les conditions légales imposées pour la reprise des fonds litigieux, en ce qu'il a débouté M. U... Y... et l'EARL [...] de leur demande en nullité du congé pour exercice du droit de reprise et validé le congé délivré le 15 mai 2014 pour le 10 novembre 2016 à
24 heures ; qu'il le sera également en ce qu'il a ordonné la restitution des lieux et, le cas échéant, l'expulsion, si besoin avec l'aide de la force publique, des preneurs sortants ;

Sur l'indemnité de sortie

Attendu qu'en vertu de l'article L. 411-69 du code rural, le preneur sortant a le droit d'être indemnisé des constructions et améliorations faites sur le fonds en cours de bail, quelle que soit la cause qui a mis fin bail ;

que ce régime d'indemnisation s'applique à tous les travaux ou investissements qui modifient matériellement le fonds et lui apportent une plus-value, notamment le drainage ;

Attendu, en l'espèce, que l'EURL [...] et M. Y... sollicitent, à hauteur de cour, une indemnité de 1 533 euros en remboursement de l'indemnité de sortie qui leur serait due en application des articles L. 411-69 précité, correspondant au coût du drainage des parcelles ;

qu'ils justifient à ce titre de frais de drainage des parcelles [...] et [...], travaux ayant fait l'objet des formalités prévues à l'article L. 411-73 du code rural ; qu'ils produisent le plan, la facture et l'autorisation obtenue du propriétaire pour ce faire ;

que cependant, ils n'établissent pas que ces travaux conservent une valeur effective d'utilisation, ainsi que le prévoit l'article L. 411-71 du code rural, ni qu'ils apportent une plus-value alors qu'ils ont été réalisés en 2003 et que l'évaluation du cabinet [...], qu'ils versent aux débats, date de septembre 2018 et ne repose que sur une évaluation sur pièces des travaux de drainage ; qu'ajoutant au jugement critiqué, M. U... Y... et l'EURL [...] seront donc déboutés de leur demande à ce titre, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise qui n'a pas vocation à pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ;

Sur la demande d'expertise

Attendu que Mme O... et Mme Q... sollicitent une mesure d'expertise afin de faire le compte entre les parties ; qu'elles prétendent en effet que le preneur en place a fait disparaître des clôtures entre les parcelles et que certaines parcelles ont l'objet de plantations en miscanthus, plante invasive dont il serait onéreux de se défaire ;

qu'or, elles ne justifient pas de leurs allégations à ce titre et doivent par suite, par confirmation du jugement querellé, être déboutées de leur demande d'expertise ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que M. Y... et l'EURL [...] sollicitent 5 000 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice subi (stress, tension permanente, pertes de temps conséquentes, frais de procédure) suite à la multiplication des congés nuls qui leur ont été adressés par Mme D... et Mme O... depuis 2008 ;

que c'est toutefois par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge les a déboutés de leur prétention à ce titre, la décision déférée étant confirmée sur ce point ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que la décision querellée sera également confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Attendu que M. U... Y... et l'EURL [...], qui succombent principalement, supporteront les entiers dépens d'appel ;

que l'équité ne commande pas, en revanche, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme Q..., en sa qualité d'héritière de E... D..., décédée,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. U... Y... et l'EURL [...] de leur demande en paiement de la somme de 1 533 euros au titre du drainage des parcelles [...] et [...],

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Condamne M. U... Y... et l'EURL [...] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Philippe HOYET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Numéro d'arrêt : 17/00581
Date de la décision : 09/07/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-09;17.00581 ?
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