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09/07/2020 | FRANCE | N°17/005366

France | France, Cour d'appel de Dijon, 03, 09 juillet 2020, 17/005366


MAT/FF

Q... U...

C/

S.A.S. GADEST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 09 JUILLET 2020

MINUTE No

No RG 17/00536 - No Portalis DBVF-V-B7B-EZUN

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 23 Mai 2017, enregistrée sous le no 15/01072

APPELANTE :

Q... U...
[...]
[...]

représentée par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAY

E, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. GADEST
[...]
[...]

représentée...

MAT/FF

Q... U...

C/

S.A.S. GADEST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 09 JUILLET 2020

MINUTE No

No RG 17/00536 - No Portalis DBVF-V-B7B-EZUN

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 23 Mai 2017, enregistrée sous le no 15/01072

APPELANTE :

Q... U...
[...]
[...]

représentée par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. GADEST
[...]
[...]

représentée par Maître Claude GUILLOT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Juin 2020 en audience publique devant la Cour composée de :

Philippe HOYET, Président de Chambre, Président,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Philippe HOYET, Président de Chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Du 12 avril au 31 août 2007, Mme Q... U... a été embauchée par la société Gadest, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, en qualité d'employée administrative.

A compter du 1er septembre 2007, elle a été engagée à temps partiel, dans les mêmes fonctions, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de gros, secteur non alimentaire. Son ancienneté a été reprise à compter du 12 avril 2007.

Elle est successivement devenue :
- le 1er mai 2011, « assistante administration des ressources humaines » (catégorie employés, niveau V, échelon 1) à temps complet, son temps de travail étant partagé entre la zone BPNE et Relais H (50 %) et l'enseigne commerciale AD Poids lourdss EST VI,
- le 1er janvier 2014, « responsable administration du personnel de l'enseigne AD Poids lourds Est VI », sans changement d'échelon.

Du 4 janvier au 26 avril 2015, Mme U... a été placée en congé de maternité. Elle a ensuite pris un solde de congés payés jusqu'au 26 mai 2015.

Le 4 juin 2015, les parties ont conclu une convention de rupture amiable, homologuée le 23 juin suivant.

Demandant l'annulation de cette rupture conventionnelle, des indemnités consécutives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, Mme U... a saisi, le 9 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Dijon.

Par jugement du 23 mai 2017, cette juridiction, statuant en sa section Commerce, a estimé qu'il n'y avait eu ni exécution déloyale du contrat de travail, ni vice du consentement. En conséquence, elle a :
- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes,
- débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle en remboursement d'avance, ainsi que de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seraient supportés par chacune des parties.

Par déclaration au greffe du 20 juin 2017, le conseil de Mme U... a régulièrement formé appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 26 mai 2017.

Par ses dernières conclusions signifiées le 28 décembre 2017, Mme U... demande à la cour, avec l'infirmation du jugement, de :
- dire que la société Gadest n'a pas assuré une exécution loyale de ses obligations et qu'elle aurait été victime de discrimination fondée sur son état de grossesse et sa situation familiale,
- condamner cette société à lui payer les sommes suivantes :
. 188,05 euros à titre de rappel de salaire (à compter du 1er mai 2014 jusqu'au 14 décembre 2014), outre 18,80 euros pour les congés payés afférents,
. 11 000 euros nets à titre de dommages intérêts, toutes causes de préjudice confondues,
- dire nulle la rupture conventionnelle, et en conséquence que la rupture de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement nul, en application des dispositions de l'article L. 1132-4 du code du travail, le licenciement étant à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Gadest à lui payer :
. 5 359,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de délai congé,
. 535,91 euros de congés payés afférents,
. 25 000 euros nets à titre de dommages intérêts,
. 2 900 euros au titre des frais non répétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
- la condamner à lui remettre un bulletin de paie, une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, établis conformément aux dispositions légales et réglementaires, à celles du jugement à intervenir,
- débouter cette société de ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner aux dépens.

Par ses plus récentes conclusions signifiées le 7 novembre 2017,
la société GADEST prie la cour de :
A titre principal,
- débouter Mme U... de l'intégralité de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- condamner Mme U... à lui rembourser la somme de 250 euros à titre d'avance permanente et non retirée par l'employeur sur les bulletins de salaire,
En tout état de cause,
- condamner Mme U... à lui payer 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2018, l'affaire étant fixée à l'audience de plaidoiries du 7 janvier 2020, date à laquelle le renvoi a été sollicité, en raison de la grève des avocats. L'affaire a été plaidée à l'audience du
9 juin 2020, et mise en délibéré au 2 juillet 2020.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail alléguées par Mme U...

Attendu que Mme U... réclame un rappel de salaire ainsi que des dommages et intérêts à hauteur de 11 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail par son employeur ; qu'elle invoque :
- le non-respect d'un accord d'évolution de salaire convenu entre les parties au mois de juin 2014,
- le non-respect de l'article L. 6321-1 du code du travail qui prévoit le principe d'adaptation des salariés à leur poste de travail par l'employeur ;
- le non-respect de l'article L. 1225-25 du code du travail qui organise le retour de la salariée à l'issue de son congé maternité,
- le fait d'avoir tenue à l'écart de mesures de réorganisation concernant une partie de la société Gadest et de n'avoir pas été informée de l'évolution de sa situation qui en résultait, la plaçant ainsi dans une situation de dépendance à l'égard de la société Gadest, dont l'employeur aurait abusé pour lui soustraire son consentement dans le cadre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

* La demande de rappel de salaire

Attendu que Mme U... invoque un accord intervenu par échange de courriels des 13 et 16 juin 2014 pour réclamer un rappel de salaire de 188,05 euros brut pour la période du 1er mai au 15 juillet 2015 ;

que les parties étaient en effet convenues de l'évolution du salaire de base de la salariée dans les conditions suivantes :
- augmentation rétroactive du salaire de base pour un montant de 250 euros à compter du 1er mai 2014,
- augmentation du salaire de base pour être porté à hauteur de 2 550 euros brut à compter du 1er mai 2015 ;

Attendu qu'il résulte des documents produits au débat :
- que le salaire de base de Mme U... a été porté à hauteur de 2 353,39 euros au mois de juin 2014, soit 250 euros de plus que son salaire du mois de mai 2014,
- qu'un rappel de salaire d'un montant de 292,06 euros a également été porté sur le bulletin de paie du mois de juin 2014, lequel correspondait :
. au montant des 250 euros d'augmentation applicable dès le mois de mai,
. au montant de 42,06 euros relatif au différentiel entre le montant calculé au titre des heures supplémentaires payées en mai 2014 sur la base d'un salaire de
2 103,39 euros et le même calcul opéré sur la base d'un salaire de 2 353,39 euros ;
- que le salaire de base de la salariée n'a pas été modifié au cours de l'année 2014 et est resté conforme à l'accord intervenu,
- qu'il a été porté sur le bulletin de paie du mois de juin 2015 :
. un rappel de salaire d'un montant de 42,36 euros (soit : 14,12 euros x 3) brut, correspondant à une augmentation générale intervenue en mars 2015,
. le salaire de base d'un montant de 2 367,51 euros, soit une augmentation de 14,12 euros et correspondant à l'augmentation générale des salaires intervenue trois mois plus tôt,
- qu'il a été porté sur le bulletin de paie de juillet 2015 un rappel de salaire de 268,19 euros correspondant à l'engagement de revalorisation du salaire intervenu l'année précédente ;

Attendu que Mme U... soutient que le rappel de salaire de juillet ne suffit pas à avoir porté le salaire de juin à la somme de 2 550 euros ;

que pourtant, la salariée ne conteste pas le document établi par la directrice des relations humaines du groupe Auto distribution qui permet d'établir qu'en tenant compte des absences de congés payés et de l'indemnité de congés payés versés à Mme U..., celle-ci a bien perçu un salaire brut de 2 550 euros pour juin 2015 ; que les premiers juges avaient déjà pertinemment souligné que cette pièce no 38 n'était pas contestée, alors qu'elle permettait de vérifier que la salariée avait été remplie de ses droits au titre de l'augmentation de salaire négociée en 2014 ;

que le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire ; qu'en toute hypothèse, la revendication formulée par Mme U... à ce titre n'était pas de nature à étayer son allégation d'exécution déloyale, par la société Gadest, de son contrat de travail ;

* Le non-respect du principe de l'adaptation des salariés à leur poste de travail

Attendu que Mme U... soutient qu'elle a été contrainte de se former seule et qu'elle n'a pas bénéficié de l'adaptation et de la formation nécessaire, compte tenu de la complexité des fonctions et des responsabilités successivement assumées ; qu'elle n'aurait bénéficié que de trois formations externes, dont deux concernant la gestion des paies, alors que ses attributions étaient plus complexes et variées ; que le fait qu'elle ait dû assumer le « processus de formation pour le périmètre dont elle avait la charge » ne serait pas de nature à éluder le constat de la méconnaissance de l'obligation de formation ; qu'en effet, si le suivi de la formation professionnelle des salariés entrait dans le champ de ses attributions, ce n'était pas elle qui validait les demandes de formation qui étaient transmises au directeur général pour contrôle et au siège pour validation ;

Attendu que la cour observe que Mme U... n'établit nullement qu'elle aurait sollicité des formations qui lui auraient été refusées ; qu'il résulte, par ailleurs, de son entretien annuel d'appréciation au titre de l'année 2013 qu'elle n'a formulé aucune demande de formation ; qu'il résulte, en outre, des tâches qui lui étaient confiées, précisées dans l'avenant à son contrat de travail, que Mme U... était en charge de piloter le processus de formation, qu'elle devait maîtriser les différents dispositifs de formation ; qu'au surplus, elle avait pour interlocuteurs directs le directeur de l'enseigne et le responsable RH, de sorte qu'elle disposait de tous les moyens nécessaires pour faire aboutir ses demandes de formation s'il elle avait souhaité en obtenir de nouvelles ;

que Mme U... ne saurait reprocher à son employeur un manque d'adaptation ; qu'il importe de prendre en considération le fait que Mme U... a été embauchée au printemps de l'année 2007, comme employée administrative, l'intéressée ayant postulé à ce poste à la suite de l'annonce déposée par la société à l'ANPE ; que Mme U... débutait alors dans la vie active ; qu'elle a bénéficié d'une progression très importante puisqu'au dernier état de la relation, elle occupait le poste de responsable de l'administration du personnel, à temps complet, fonction pour laquelle elle donnait au demeurant toute satisfaction ; qu'elle avait, parallèlement, vu son salaire de base doubler, puisqu'en reconstituant, sur la base d'un temps plein, son salaire à l'embauche, celui-ci n'était que de 1 254,38 euros, alors qu'il était de 2 550 euros au moment de la rupture de son contrat ;

Attendu qu'en dépit des développements contenus dans ses écritures, Mme U... avait elle-même pris conscience des compétences acquises grâce à la formation reçue au sein de la société Gadest, dont l'employeur souligne qu'outre l'apprentissage reçu en interne avec des personnes qualifiées, la salariée avait bénéficié en externe des prestataires de formation ainsi que des partenaires tels la société PAIE RH, en charge du traitement de la paie pour le compte de la société, et plus largement du groupe Autodistribution ;

qu'il y a lieu de souligner que, trois mois après avoir signé, en janvier 2014, un avenant à son contrat qui la positionnait en qualité de responsable Administration du personnel pour l'enseigne poids lourds de la société Gadest, Mme U... avait rédigé, le 25 mars 2014, un curriculum vitae qu'elle avait joint à sa lettre de motivation pour postuler à un emploi de gestionnaire administratif au sein de la CARSAT de Bourgogne et Franche-Comté ;

que dans ce document, Mme U... mettait en évidence les nombreuses compétences – en matière de développement RH, juridico-social, relations sociales, contrôle de gestion sociale, administration du personnel, paie, formation, recrutement – acquises de 2007 à 2014 ; qu'elle indiquait la formation continue suivie : « paie, actualité du droit social, recrutement », ainsi que les logiciels qu'elle disait maîtriser avec aisance et dont fait partie PEGASE, le logiciel utilisé en lien avec le prestataire PAIE RH de la société Gadest ;

que Mme U... précisait, dans sa lettre de candidature à la Carsat Bourgogne Franche-Comté, en réponse à une offre d'emploi [...] :
« Vous êtes à la recherche d'un gestionnaire administratif ayant de l'expérience en ressources humaines et polyvalents. Je vous soumets donc ma candidature.
Je suis actuellement en poste dans la société autodistribution BPNE.
[
]
A la lecture de mon curriculum vitae, vous pourrez retrouver les compétences que vous avez mises en avant dans votre annonce et qui sont indispensables au poste proposé ».
Je souhaite continuer à évoluer au sein d'un service Ressources Humaines, toujours sur un poste polyvalent » ;

Attendu que, dans ces conditions, le reproche fait par Mme U... à la société Gadest de n'avoir pas satisfait à son obligation d'adaptation du salarié à son poste de travail est spécialement déplacé, la preuve du développement de son « employabilité » à l'occasion de son emploi au service de la société Gadest résultant de son propre aveu et de la promotion dont elle a justement bénéficié dans l'exercice de ses fonctions ;

que le défaut de loyauté est davantage perceptible dans l'attitude de la salariée qui postule auprès d'une autre structure quelques semaines après avoir bénéficié d'une promotion comme responsable de l'administration du personnel pour l'enseigne poids lourds de la société qui l'employait depuis sept ans ;

* L'ignorance dans laquelle aurait été tenue la salariée de sa situation à venir au retour de son congé de maternité et le non-respect allégué des dispositions de l'article L. 1225-25 du code du travail

Attendu que Mme U... reproche à la société Gadest de ne l'avoir pas tenue informée du projet, ni de la mise en œuvre de la restructuration d'ampleur évoquée lors d'une réunion du comité central d'entreprise le 28 octobre 2014, et de ne l'avoir pas appelée à participer aux opérations de transfert ; qu'elle n'aurait découvert qu'incidemment que le recrutement d'une personne pour assurer son remplacement durant son futur congé maternité visait un poste à Grenoble, et non pas à Dijon ;

Attendu qu'au regard des fonctions qu'elle exerçait, Mme U... ne peut sérieusement soutenir avoir été tenue à l'écart des travaux préalables aux opérations de restructuration de l'entreprise, alors qu'elle assurait la gestion administrative du personnel pour tous les sites rattachés à l'enseigne PL de la société Gadest ; qu'elle ne justifie en tout cas pas d'avoir, durant la suspension de son contrat de travail, à compter du 13 décembre 2014, interrogé son employeur sur l'évolution prévisible de sa situation, sans en avoir obtenu de réponse ;

Attendu que la société Gadest rapporte au contraire la preuve de ce que la salariée a été sollicitée pour choisir elle-même la personne chargée de la remplacer durant son congé maternité, comme cela résulte des courriels échangés entre le 28 octobre et le 4 novembre 2014, date à laquelle Mme U... a d'ailleurs renoncé à se déplacer pour participer, à Grenoble, à la journée consacrée aux opérations de sélection de son remplaçant, et ce « compte tenu de l'avancement de sa grossesse » ;

Attendu que Mme U... avait fait connaître à son employeur son état de grossesse par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2014, la date de début de son congé de maternité étant alors fixée au 4 janvier 2015 ; qu'elle avait précisé qu'elle prendrait ses congés payés à l'issue de son congé maternité, soit du 27 avril au 25 mai 2015, de sorte qu'elle reprendrait son emploi le 26 mai 2015 ;

que par un courriel du 14 décembre 2014, Mme U... a informé la société qu'elle était en arrêt de travail à compter de la veille et qu'elle serait de retour à son poste le 26 mai 2015 ; qu'elle demandait alors à recevoir les coordonnées de la personne qui reprendrait les salaires durant son absence, de manière à pouvoir communiquer avec elle ; qu'elle produit d'ailleurs les quelques courriels très courtois échangés avec les personnes ayant assumé ses fonctions en son absence ;

Attendu qu'il résulte encore des éléments du dossier que Mme U... a rencontré le responsable de la zone Est et président de la société Gadest le mercredi 22 avril 2015, afin de préparer son retour à son poste ;

que ce n'est que par un courrier du 3 août 2015 que Mme U... a mis en cause le fait qu'aucune proposition concrète ne lui aurait été faite relativement à son positionnement professionnel à son retour de congé de maternité, n'ayant reçu que la confirmation de la délocalisation de son poste et la proposition d'un poste qu'elle occupait six années auparavant ; que l'employeur conteste la légitimité de ce grief alors qu'il aurait été proposé à l'intéressée de réintégrer son poste d'assistante administration du personnel au sein de la société, pour continuer d'assurer la gestion des dossiers des salariés des sites Poids Lourds et d'autres sites VL en complément, permettant ainsi à la salariée de conserver ses attributions à l'identique et la même rémunération ;

que l'attestation établie par M. S..., responsable de la zone Est et président de la société, ne peut suffire à prouver la consistance de cette proposition, compte tenu de sa position de partie ;

Attendu que, cependant, la chronologie des faits suffit à justifier que Mme U... ne se soit pas vu proposer un entretien professionnel consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, tel que le prévoit l'article L. 6315-1 du code du travail, dans sa version applicable, en faveur de la salariée qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité ; qu'en effet, alors qu'elle devait reprendre son travail le
26 mai 2015, à l'issue de ses congés payés, elle avait, dès le 30 avril, adressé aux dirigeants de la société une lettre ainsi rédigée :
« Madame, Monsieur,
Salariée de votre entreprise au poste de responsable administration du personnel depuis le 12 avril 2007, je vous informe que je souhaite quitter les fonctions que j'exerce actuellement.
Afin de mettre fin à mon contrat de travail de façon amiable, je vous propose d'entamer la procédure de rupture conventionnelle prévue aux articles L. 1237-11 et suivants du code du travail.
Je me tiens à votre disposition pour convenir d'une date d'entretien afin que nous fixions ensemble les conditions de mon départ de l'entreprise.
Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, mes sincères salutations » ;

que ce courrier a été remis en main propre à l'employeur le 30 avril 2015 ;

Attendu que la société Gadest a répondu favorablement à sa demande ; qu'un entretien lui a été proposé le 20 mai 2015 en vue de discuter des modalités d'une éventuelle rupture conventionnelle ; que par le courrier du 13 mai 2015 remis en main propre à la salariée le lendemain, puis au cours de l'entretien, il a été notamment rappelé à Mme U... son droit de se faire assister et la possibilité de recueillir des informations et avis nécessaires à sa prise de décision et notamment de la possibilité de contacter le service public de l'emploi pour l'aider à prendre sa décision en pleine connaissance de ses droits ;

Attendu que Mme U... n'a pas manifesté le souhait d'être assistée à l'occasion du premier entretien, qui a eu effectivement lieu le 20 mai 2015, ni davantage lors du second entretien, fixé au 4 juin 2015 ; que la convention de rupture conventionnelle a été régulièrement signée par les deux parties le 4 juin 2015, Mme U... acceptant une indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 4 500 euros et la fixation au 15 juillet suivant de la date envisagée de la rupture du contrat de travail ;

Attendu qu'aucune des parties n'a usé de son droit de rétractation dont elle avait été informée ; que la société Gadest a transmis la demande d'homologation le 22 juin 2015 à l'autorité administrative compétente ; que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué ladite convention le 23 juin 2015 ;

Attendu que les documents de fin de contrat ont été remis à la salariée les 15 et 17 juillet 2015 ;

Attendu que, dans ces conditions, Mme U... n'établit pas la réalité d'un manquement de la société Gadest aux dispositions de l'article L. 1225-25 du code du travail, alors surtout qu'en sollicitant la rupture conventionnelle de son contrat de travail, la salariée - qui maîtrisait, en sa qualité de responsable de l'administration du personnel, tant les règles de la rupture du contrat de travail que celles du retour d'un congé maternité - ne s'est pas trouvée dans la situation de retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire ;

Attendu qu'ainsi, Mme U... succombe sous la charge de la preuve d'une exécution déloyale, par la société Gadest, de ses obligations à son égard ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ;

Sur la nullité alléguée de la rupture conventionnelle

Attendu qu'il a été précédemment démontré que la procédure de rupture conventionnelle, initiée par la salariée, avait été menée régulièrement à son terme, Mme U... présentant toutes qualités pour veiller elle-même à la régularité de la procédure ;

Attendu que Mme U... soutient que « son consentement ne peut être considéré comme ayant été libre et éclairé » ; qu'il aurait « été vicié par les manœuvres de l'employeur, caractéristiques d'un dol, la situation subie par la salariée pouvant encore être qualifiée d'abus de dépendance » ;

que Mme U... ne justifie d'aucune menace ou pression susceptible d'avoir vicié son consentement en la contraignant à choisir la voie de la rupture conventionnelle, alors que c'est elle qui a souhaité mettre un terme à la relation contractuelle ; que les pièces du dossier laissent d'ailleurs apparaître que son choix de changement d'emploi était intervenu depuis plus d'une année avant la reprise théorique de son emploi, à l'issue du congé de maternité et de ses congés payés ; que Mme U... avait révélé son souhait en mars 2014 dans sa lettre de motivation à un poste proposé par la Carsat ; que sa tentative tardive de justification de sollicitation de la rupture conventionnelle en raison d'une attitude déloyale de son employeur est vaine, alors qu'il apparaît que la société Gadest a toujours favorisé la promotion de la salariée qui avait entrepris sa carrière en son sein ;

Attendu que la diligence avec laquelle la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué une convention de rupture qui ne présentait aucune difficulté, ce d'autant que l'emploi de responsable de l'administration du personnel de la salariée apparaissait sur la convention, comme son ancienneté de huit ans et quatre mois et le montant substantiel de son salaire, tous éléments de nature à garantir la liberté du consentement de la salariée aux yeux de l'autorité administrative ;

Attendu que la cour rejette, comme les premiers juges, la demande d'annulation de la rupture conventionnelle, ainsi que les demandes subséquentes ;

Sur la demande de reconventionnelle présentée par la société Gadest

Attendu que la société Gadest sollicite la condamnation de Mme U... à lui restituer, en application du principe de répétition de l'indu, une avance permanente sur frais de déplacement d'un montant de 250 euros opérée sous forme d'un virement le
26 mars 2012 ;

Attendu qu'en l'absence d'éléments nouveaux, par des motifs adoptés des premiers juges, la cour confirme le rejet de cette demande, étant observé que la société Gadest avait dû vérifier ses écritures comptables avant d'établir, le 17 juillet 2015, le solde de tout compte remis à Mme U..., alors que les éléments produits ne permettent pas la vérification certaine de ce que l'avance permanente n'aurait pas été précédemment récupérée par la société, ni qu'elle n'aurait pas servi au paiement de frais de déplacement exposés par la salariée dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

y ajoutant,

Condamne Mme Q... U... à payer à la société Gadest une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Q... U... aux dépens.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Philippe HOYET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 17/005366
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2020-07-09;17.005366 ?
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