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17/04/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006937047

France | France, Cour d'appel de Dijon, 17 avril 2001, JURITEXT000006937047


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MACON

RÉPUBLIOUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS CHAMBRE CIVILE N°du ROLE 99/01168 JUGEMENT DU: 17 AVRIL 2001

ENTRE:

L'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE DE MAMMALOGIQUE DE SAONE ET LOIRE

AOMSL, Association de la loi du ler juillet 1901, dont le siège social est sis à

CHAZAUT - 71240 SAINT CYR

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL

Représentée par Maître SAGNES, avocat au barreau

la SCP SAINT-AVIT BUSSILLET, avocats au barreau

ET:

Monsieur Pierre X...

né le 13 décembre 1928, demeura

nt Le Bourg - 71440 LESSARD EN BRESSE

DEFENDEUR AU PRINCIPAL

Représenté par la SCP LAMY DUMONT GRAS-COMTET,

avocats a...

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MACON

RÉPUBLIOUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS CHAMBRE CIVILE N°du ROLE 99/01168 JUGEMENT DU: 17 AVRIL 2001

ENTRE:

L'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE DE MAMMALOGIQUE DE SAONE ET LOIRE

AOMSL, Association de la loi du ler juillet 1901, dont le siège social est sis à

CHAZAUT - 71240 SAINT CYR

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL

Représentée par Maître SAGNES, avocat au barreau

la SCP SAINT-AVIT BUSSILLET, avocats au barreau

ET:

Monsieur Pierre X...

né le 13 décembre 1928, demeurant Le Bourg - 71440 LESSARD EN BRESSE

DEFENDEUR AU PRINCIPAL

Représenté par la SCP LAMY DUMONT GRAS-COMTET,

avocats au barreau de LYON COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE: Monsieur GAUCHER, Président, Madame DAUNIS, Juge. Madame LE BRAS-CHOIZIT, Juge. GREFFIER lors des débats et du prononcé:

Mademoiselle Y..., Agent Administratif faisant fonctions de Greffier, DEBATS: A l'audience publique du 19 Février 2001. JUGEMENT prononcé à l'audience publique du tribunal de grande instance de Mâcon le 17 Avril 2001 par Monsieur GAUCHER, Président, qui a signé le jugement avec le greffier. Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties Par exploit en date du 6 octobre 1999, l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire (AOMSL) a fait assigner devant le Tribunal de grande 'instance de Mâcon, Monsieur Pierre X... aux fins d'entendre: 1)

constater que Monsieur Pierre X..., ès-qualités de Président de l'UNFDC, a le 15 février 1999 à VINDECY, par ses propos comme par son action, incité les chasseurs français à braconner en février là où la chasse aux oiseaux migrateurs avait été fermée au 31 janvier, 2)

déclarer recevable et bien fondée l'action engagée par l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire AOMSL, et ce par application de l'article L 252-4 du code rural, 3)

dire que l'appel national au braconnage lancé par Monsieur X...

en février 'l 999 a causé un préjudice à l'AOMSL dont elle est bien fondée à demander réparation, 4)

en conséquence, condamner Monsieur Pierre X... ès-qualités à lui payer les sommes de : - 100. 000 francs à titre de dommages et intérêts pour réparation de leur préjudice - 20.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à titre de participation aux frais et honoraires non compris dans les dépens 5)

ordonner la publication du jugement dans LE FIGARO, aux frais du défendeur sans que ceux-ci dépassent la somme de 100. 000 francs, 6)

ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant opposition ou appel sans caution, 7)

condamner Monsieur Pierre X... aux entiers dépens de l'instance et de ses suites. À l'appui de ses prétentions, l'association AOMSL a fait valoir les moyens de droit et de fait suivants : Un jugement en date du 22janvier 1999 du tribunal administratif de Dijon a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de prendre un arrêté fixant au 31 janvier 1999 la date de la fermeture de la chasse à l'ensemble des espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage. Par arrêté du 27 janvier 1999, le préfet de Saône-et-Loire a exécuté ce jugement en fixant la fermeture de la chasse au 31 janvier 1999. Monsieur Pierre X..., président de l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs UNFDC) et de la fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire, a incité les chasseurs français à passer outre à cette interdiction. Un article du journal " Sud Ouest" du 4 février 1999 rapportait sans être démenti Les présidents ont donc suivi le président de l'union des fédérations, Pierre X..., qui dès hier déclarait: la meilleure façon de manifester et d'aller chasser". Monsieur Pierre X... a, en présence de journalistes et de photographes de presse, dirigé à Vindecy une partie de chasse le 15

février 1999, soit 15 jours après la fermeture. Les images prises et les propos tenus à cette occasion ont eu un important retentissement médiatique. Monsieur Pierre X... a notamment déclaré : " Suite à cette décision (le jugement du tribunal administratif de DIJON), le Préfet de Saône et Loire a été contraint de prendre un arrêté de fermeture le 31 janvier. Nous, Chasseurs, considérons que cet arrêté est illégal" (déclaration publique dans le journal de Saône et Loire du mardi 16 février 1999)". Il est reproché à Monsieur X... d'avoir par son action et par ses propos du 15 février 1999 incité les chasseurs à braconner les oiseaux migrateurs en février. L'association AOMSL a fait état de son agrément au titre des articles L 252-1 et suivants du code rural. Elle a reproché à Monsieur X... d'avoir appelé des chasseurs à manifester en allant à la chasse en février 1999 alors que celle-ci avait été fermée le 31 janvier 1999. De plus, Monsieur X... avait fait croire aux chasseurs qu'ils avaient le droit pour eux (cf. ses déclarations à la presse relatées le 16 février 1999). Enfin en braconnant publiquement le 15 février 1999 à Vindecy, le président de la fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loite a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 13 82 du Code civil. Le préjudice est important en raison de la notoriété de Monsieur X... et du caractère public de son acte. Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 21 novembre 2000, Monsieur Pierre X... a demandé au tribunal in limine litis de 1) déclarer irrecevables les demandes de l'association AOMSL, 2) surseoir à statuer jusqu'à la résolution du litige éventuel par le juge pénal, 3) dire en toute hypothèse que la qualification d'un acte de chasse en acte de braconnage constitue une question préjudicielle relevant de la compétence exclusive du juge pénal et en conséquence surseoir à statuer jusqu'à cette interrogation préalable soit tranchée par les

juridictions répressives, 4) constater l'absence d'un préjudice subi par l'association AOMSL, 5) condamner l'association AOMSL au paiement de la somme de 5.000francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Maître LAMY. À l'appui de sa défense, Monsieur Pierre X... a fait valoir les moyens de droit et de fait suivants L'association AOMSL ne produit pas les pièces justifiant son statut d'association agréée au titre de l'article L 252-4 du code rural.- Cette qualité ne lui conférerait pas la possibilité d'agir devant le juge civil, mais seulement devant la juridiction administrative. - Au visa d'un arrêt de la cour de justice des Communautés Européennes du 19 janvier 1994 et malgré la loi du 3 juillet 1998, le tribunal administratif de Dijon a, le 22 janvier 1999, enjoint au préfet de Saône et-Loire de prendre un arrêté de fermeture de la chasse de l'ensemble des gibiers d'eau et d'oiseaux de passage. - L'arrêté du préfet de Saône-et-Loire intervenu le 27 janvier 1999 a fermé la chasse à compter du 31 janvier 1999. Le préfet a agi dans le cadre de l'article R 224-3 du code rural. Or cet article prévoit que l'arrêté du préfet ne peut entrer en vigueur que vingt jours après sa publication. Cette interprétation est admise par les tribunaux administratifs et le juge pénal de police. - L'acte de chasser du 15 février 1999 s'inscrit dans le délai de vingt jours avant que l'arrêté du préfet ne soit applicable. - L'incitation au braconnage n'a pas de consistance légale. Il n'y a pas eu de prise de position personnelle de Monsieur X... poussant à chasser en temps prohibé.

- Il n'y a pas de faute civile puisqu'il n'y a pas acte de chasse illégal.

- L'AOMSL ne peut justifier d'un réel préjudice. Par conclusions déposé es et notifiées le 4 janvier 2001, l'AOMSL a maintenu ses prétentions initiales.

Elle a fait valoir que : - elle était recevable à agir même en l'absence de disposition expresse de ses statuts. - elle n'a pas agi en qualité d'association agréée réclamant la réparation d'un préjudice collectif mais en qualité d'association demandant la réparation du préjudice qu'elle avait personnellement subi. - le sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale n'est pas justifié, les faits d'incitations au braconnage n'ayant pas de coloration pénale. - la question préjudicielle n'avait pas à être posée. - l'incitation au braconnage est établie par les déclarations de Monsieur X... et par s'on action de chasse le 15 février 1999. le préjudice causé à l'association AOMSL est conséquent.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2001

Par note en délibéré reçue le 8 mars 2001, l'association AOMSL a précisé que l'arrêté du préfet du 29 janvier 1999 n'avait pas pour fondement l'application de l'article R224-3 du code rural mais celui de l'injonction du juge administratif L'arrêté du préfet était d'application immédiate. Par note en délibéré reçue le 19 mars 2001, Monsieur Pierre X... a réaffirmé que l'arrêté du préfet du 29 janvier 1999 devait respecter les dispositions de l'article R 224-3 du code rural. L'AOMSL n'est pas recevable à saisir le juge civil d'un préjudice dont elle n'a pas souffert personnellement. DISCUSSION ET MOTIFS 1 - Sur les exceptions et fins de non recevoir à l'action Z... qu'avant toute défense au fond, Monsieur Pierre X..., défendeur, a invoqué plusieurs fins de non-recevoir à l'action engagée par l'association ornithologique et mammalogique de Saône et

Loire ; Z... en premier lieu, que Monsieur Pierre X... a soutenu le défaut de qualité pour agir de l'association qui ne justifierait pas de remplir les conditions exigées par l'article R 252-19 du code rural et ne pourrait de ce fait justifier de la qualité d'association agréée au titre de l'article L 252-4 du code rural ; Z... cependant que l'association demanderesse n'a pas entendu invoquer les prérogatives des associations agréées pour la protection de l'environnement et réclame seulement réparation du préjudice qui lui a été personnellement causé par l'action de Monsieur Pierre X...; Z... que ce moyen d'irrecevabilité est inopérant, l'association omithologique et mammalogique de Saône et Loire, association déclarée au titre de la foi du 1 er juillet 1901, ayant pleine capacité pour ester en justice en vue de la défense de ses intérêts personnels ; Z... en deuxième lieu, que Monsieur Pierre X... a sollicité un sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement jugé sur l'action publique ; Z... que si l'article 4 du code de procédure pénale impose au juge civil de surseoir à statuer sur l'action civile exercer devant lui tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, l'application de cette disposition suppose que celle-ci ait été mise en mouvement ; Qu'en l'espèce il n'en est rien puisque le procès-verbal de délit de chasse en temps prohibé dressé à l'égard de Monsieur Pierre X... a fait l'objet d'un classement sans suite du Procureur de la République compétent ; Qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer ; Z... en troisième lieu, que Monsieur Pierre X... a soulevé l'existence d'une question préjudicielle relevant de la compétence de la juridiction administrative , Qu'il a fait valoir qu'elle seule pourrait déterminer si l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 27 janvier 1999 était exécutoire dès sa publication au contraire vingt jours après sa publication en application de

l'article R 224-3 du code rural ; Z... que le juge de l'action est juge de l'exception ; Z... que les tribunaux judiciaires sont compétents pour préciser le sens des actes administratifs réglementaires qu'ils sont chargés d'appliquer ; Que c'est seulement dans le cas où la légalité d'un acte administratif serait contestée qu'ils doivent surseoir à statuer que dans l'attente de la réponse de la juridiction administrative à une question préjudicielle ; Z... que la légalité de l'arrêté préfectoral du 27 janvier 1999 n'a pas été contestée, que seulement est en cause la date à laquelle cet arrêté pouvait recevoir application ; Z... que dans ces conditions, il n'y a pas lieu non plus de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse à une question préjudicielle relevant de la juridiction administrative ; II - Sur les faits à l'origine de l'action en responsabilité délictuelle Z... qu'il est constant que par jugement exécutoire en date du 22janvierl999, le tribunal administratif de Dijon a enjoint au préfet du département de Saône-et-Loire de prendre, avant la fin du mois de janvier l999 et sous astreinte de 5.000 F par jour de retard à partir du 3l janvier 1999, un arrêté fixant au 31 janvier 1999 la date de la fermeture de la chasse de l'ensemble des espèces des gibiers d'eau et d'oiseaux de passage, Z... que par arrêté en date du 27 janvier 1999, le préfet de Saône-et-Loire, au visa de l'article L. 224-2 du code rural, de l'arrêté préfectoral du 30 juillet 1998 relatif à l'ouverture et à la clôture de la chasse de la campagne 1998 et 1999 dans le département de Saône-et-Loire, et du jugement du tribunal administratif précité, a fixé la date de fermeture de la chasse de l'ensemble des espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage au 31 janvier 1999 ; Z... que cette décision de justice et cette norme réglementaire sont intervenues à la Z... que cette décision de justice et cette norme réglementaire sont intervenues à la suite d'un contentieux

administratif par lequel une association de protection de l'environnement contestait la compatibilité avec les engagements communautaires de la France de la loi du 3 juillet 1998 qui fixait dans la rédaction de l'article L. 224-2 du code rural les périodes d'ouverture de la chasse pour les espèces des gibiers d'eau et d'oiseaux de passage entre le 1 0 février et le dernier jour du mois de février ; Qu'à la suite de la prise de position de plusieurs juridictions administratives, et en particulier celle du tribunal administratif de Dijon, l'union nationale des fédérations départementales des chasseurs et la fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire se sont opposées à la modification des dates de chasse fixées par les arrêtés préfectoraux et la loi du 3 juillet 1998 ; Z... que Monsieur Pierre X..., président de l'union nationale des fédérations départementale des chasseurs, et de la fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire aurait aux dires de l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire d'une part invité des chasseurs à ne pas respecter l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire en date du 27 janvier 1999 et d'autre part aurait luimême participé à une partie de chasse le 15 février 1999, quinze jours après la date limite fixée par l'arrêté précité ; Z... que pour démontrer ces faits l'association demanderesse a produit des articles de presse : - journal Sud-Ouest (4 février 1999) Les présidents ont donc suivi le président de l'union des fédérations, Pierre X..., dès hier déclarait : la meilleure façon de manifester et d'aller à la chasse". -journal la Renaissance (4 février 1999): " je suis personnellement pour avoir longtemps fréquenté la justice et pour être un président de fédération responsable, très respectueux de la loi. Je m'arrêterai donc de chasser les oiseaux migrateurs le 17, 18 ou 19 février, suivant la date à laquelle l'arrêté sera publié par la commune où je chasse." -

Journal l'indépendant (2 février 1999) : "le président X... communique : ... en vertu du code rural et du code des tribunaux administratifs, le tribunal pouvait ordonner la fermeture avant le 31 janvier, mais ne pouvait ordonner au préfet de violer ce code rural. Il est néanmoins un élément qui ne peut être transgressé : c'est la nécessité de publier, au moins 20 jours avant la date de sa prise des faits, l'arrêté fixant la période de chasse. La date de publication d'un arrêté est le lendemain de la parution du dit arrêté, soit au bulletin officiel, soit par affichage en mairie : au mieux le 28, 29 ou le 30 janvier, il ne sera donc applicable que 20 jours plus tard, c'est-à-dire le 17,18 ou le 19 février." - le journal de Saône-et-Loire (16 février 1999) hier matin des chasseurs avec leur président national à leur tête ont défié les autorités en organisant une chasse symbolique pour demander l'annulation d'une décision de justice qu'ils considèrent illégale... " avec une photographie de Monsieur Pierre X... en tenue de chasse porteur d'un fusil et parlant avec les gendarmes, photographie prise dans les champs sur le territoire de la commune de Vindecy (Saône-et-Loire). -journal l'indépendant (1 8 février 1999) sous le titre "défi des chasseurs: Pierre X... verbalisé en action de chasse, la nature et la loi nous permettaient de chasser ce matin" a déclaré Monsieur Pierre X... à Vindecy (Saône-et-Loire). - journal hebdomadaire LE POINT (20 février 1999) Les actes de braconnage, dans les départements où la chasse aux oiseaux migrateurs est désormais clause, sont évidents. Lundi matin, Pierre X..., le président de l'union des fédérations des chasseurs de France, a d'ailleurs donné lui-même l'exemple en allant se faire prendre à Vindecy (Saône et-Loire) en flagrant délit de braconnage. Il avait, bien sûr, auparavant prévenu les renseignements généraux et la presse locale de sa venue. Z... que Monsieur Pierre X... a lui-même produit des pièces dont il peut

être extrait les éléments suivants : - lettre au préfet de Saône-et-Loire (26 janvier 1999) il n'en restera pas moins que votre arrêté, qui n'est pas un arrêté modificatif, puisque vous n'avez jusqu'à ce jour pris aucune décision quant à la chasse du gibier migrateur, ne pourra prendre effet quelque soit la date fixée que 20 jours après sa publication". - communiqué de presse (non daté) je suis personnellement pour avoir longtemps fréquenté la justice et pour être un président de fédération responsable, très respectueux de la loi. Je m'arrêterai donc de chasser les oiseaux migrateurs le 17, 18 ou 19 février, suivant la date à laquelle l'arrêté sera publié par la commune où je chasse Pierre X...". - lettre aux présidents de fédérations départementales (9 février 1999) " Si j'ai personnellement publiquement pris position, même par télévision interposée, c'est parce que j'estime qu'à tout le moins le respect de l'article 224-3 s'impose et que les arrêtés de fermeture des préfets qui visent ces dispositions ne sont applicables que 20j ours après la publication. Par exemple, l'arrêté de mon préfet étant publié en mairie le ler février, il ne s'appliquera que le 21 février et j'irai à la chasse jusqu'à cette date en prenant mes responsabilités. Il appartient aux dirigeants de prendre les leurs et de ne pas laisser leurs troupes dans l'incertitude. Il ne s'agit pas de dire à vos chasseurs d'aller à la chasse mais il faut avoir le courage de ses opinions et, même si un risque existe face à des tribunaux totalement divisés dans leur décision, il convient pour vous d'avoir une attitude ferme et responsable.... Le président, Pierre X...". - circulaire aux adhérents de la fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire (10 février 1999) : "je me suis exprimé devant les caméras de télévision et dans la presse pour expliquer que le jugement du tribunal était critiquable, que l'arrêté du préfet était donc entaché d'illégalité et qu'en tout état de cause il ne

pouvait pas s'appliquer avant le délai de 20 jours prévu par le code rural et que je mets ce délai à profit pour aller à la chasse.... C'est dans ces conditions que les membres du conseil d'administration, et par solidarité des représentants des associations spécialisées ont décidé d'aller à la chasse. Nous allons convier la presse à notre partie de chasse et vous pourrez donc être informé de la détermination à soutenir la chasse. Les gardes ayant reçu des consignes de fermeté de la part du ministère, nous ne pouvons vous encourager à aller à la chasse. Néanmoins nous vous demandons de rester attentif aux événements. Je vous remercie de tenir vos chasseurs informés de la situation et de les appeler au calme, mais ils doivent rester mobilisés.... Le président, Pierre X..." ; Z... qu'il résulte clairement de la lecture des pièces produites par les deux parties et en particulier des extraits précités que, sur l'analyse juridique retenant que l'arrêté préfectoral du 27janvier 1999 ne serait applicable que 20 jours après sa publication, Monsieur Pierre X... a fait connaître de la façon la plus nette aux chasseurs de Saône-et-Loire qu'ils étaient en droit de chasser pendant ledit délai et a lui-même donné l'exemple en participant le 15 février 1999 à Vindecy (Saône-et-Loire) à une partie de chasse fortement médiatisée au cours de laquelle il a été verbalisé pour chasse en temps prohibé par les gendarmes présents ; III - Sur l'action en responsabilité délictuelle Z... que l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire a invoqué une faute délictuelle commise par Monsieur Pierre X... à l'origine d'un préjudice causé aux intérêts de la personne morale dont elle est dotée ; A - Sur la faute de Monsieur Pierre X... Z... que l'association omithologique et mammalogique de Saône et Loire a caractérisé la faute délictuelle de Monsieur Pierre X... en ce qu'il aurait incité des chasseurs de Saône-et-Loire a continué

à chasser les gibiers d'eau et les oiseaux migrateurs postérieurement au 31 janvier 1999 et jusqu'au 18, 19 ou 20 février et aurait chassé lui-même le 15 février en temps prohibé ; Z... que comme il a été dit plus haut, Monsieur Pierre X... a fait connaître aux chasseurs du département de Saône-et Loire qu'ils étaient en droit de chasser postérieurement au 31 janvier 1999 et pendant le délai de 20 jours suivant la publication de l'arrêté préfectoral ; Qu'il n'est pas non plus contestable, ni d'ailleurs contesté, que Monsieur Pierre X... a participé le 15 février 1999 à Vindecy (Saône-et-Loire) à une partie de chasse fortement médiatisée ; Z... qu'il convient de rechercher d'une part si l'arrêté du 27 janvier 1999 du préfet de Saône-et-Loire est entré en vigueur dès sa publication et d'autre part, dans l'affirmative si le comportement de Monsieur Pierre X... est constitutif d'une faute délictuelle civile, Z... que pour soutenir que l'arrêté n'était exécutoire que 20 jours après sa publication, Monsieur Pierre X... invoque l'article R 224-3 du code rural ; Z... cependant que cette disposition visait avant l'intervention de la loi du 3 juillet 1998 à faire connaître dans chaque département les dates d'ouverture de la chasse à tir et de la chasse au vol, sur proposition de directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, ainsi que de la fédération des chasseurs , Z... que l'arrêté préfectoral du 27 janvier 1999 ne fixe pas de manière générale les périodes d'ouverture de la chasse et a pour unique objet de répondre à l'injonction exécutoire du tribunal administratif de Dijon de fixer au 31 janvier 1999 la date de fermeture de la chasse de l'ensemble des espèces de gibiers d'eau et d'oiseaux de passage ; Qu'en cette matière, le préfet répondant à une injonction judiciaire assortie d'une astreinte de 5.000 F par jour de retard à partir du 31 janvier 1999 a réduit une période de chasse

fixée par les dispositions d'une loi déclarées incompatibles avec les engagements communautaires de la France ; Que les dispositions de l'article R 224-3 du code rural ne sont donc pas applicables à l'entrée en vigueur de cet arrêté ; Que l'effet utile de l'acte administratif destiné à traduire dans la réglementation la constatation juridique de la non-conformité au droit communautaire de la disposition légale fixant à une date postérieure au 31 janvier 1999 la fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et ou d'oiseaux de passage suppose que son entrée en vigueur soit soumise au droit commun, c'est-à-dire dès la publication de l'arrêté , Z... en conséquence que l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 27 janvier 1999 a pris effet dès sa signature et était opposable après sa publication sur les panneaux des communes du département , Z... que Monsieur Pierre X...,juriste de profession, président de l'union nationale des fédérations départementales des chasseurs et président de la fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire est mal fondé à invoquer une éventuelle erreur de droit; Que sa qualité et ses responsabilités aurait dû le conduire à un comportement plus prudent et à faire respecter les dispositions de l'arrêté préfectoral plutôt qu'à chercher par des moyens contestables à porter atteinte à son application ; Que si son attitude a pu être en partie causée par la passion qu'a suscité et que suscite encore la détermination des périodes de chasse aux oiseaux migrateurs, l'état de droit dans un pays démocratique suppose que les citoyens respectent les décisions de justice et les actes administratifs de l'Etat ; Que s'il doit être retenu le caractère symbolique de l'action de Monsieur Pierre X..., celui-ci n'en est que plus révélateur du conflit qui oppose ceux qui entendent maintenir des traditions aux règles de l'état de droit ; Z... que Monsieur Pierre X... a commis une faute pouvant engager sa responsabilité

délictuelle à l'égard de ceux auxquels il a occasionné un préjudice ; B - Sur le 12réjudice de l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire Z... que l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire a pour objet, selon ses statuts déposés le 1 er février 1989 à la sous-préfecture de Chalon sur Saône, de regrouper les personnes intéressées par les sciences naturelles et d'oeuvrer pour la protection des espèces et de leur milieu ; Qu'elle justifie d'une activité certaine pour la poursuite de ses objectifs par les pièces produites dans l'instance ; Z... que l'encouragement donné par Monsieur Pierre X... à la chasse en temps prohibé a nui incontestablement à l'efficacité de l'action de l'association et la crédibilité de celle-ci ; Z... que l'association demanderesse a sollicité la condamnation de Monsieur Pierre X... à lui payer la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice; Z... qu'il peut être fait une juste appréciation du préjudice qu'il a été causé en lui allouant une indemnité de 20.000 F à la charge de Monsieur Pierre X...; Z... qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la publication du présent jugement dans le journal LE FIGARO comme l'a réclamé l'association demanderesse, le préjudice subi par l'association elle-même étant entièrement réparé par l'allocation de dommages et intérêts ; IV - Sur l'exécution provisoire et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile Z... qu'il n'est pas compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ; Que celle-ci ne sera donc pas ordonnée ; Z... qu'il parait inéquitable de laisser à la charge de l'association demanderesse les frais irrépétibles exposés pour son action en justice Que Monsieur Pierre X... sera condamné à payer à la Ligue pour la protection des oiseaux la somme de 5.000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de

procédure civile ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Déboute Monsieur Pierre X... des fins de non-recevoir qu'il a présentées ; Dit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer ; Dit que Monsieur Pierre X... a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire en faisant connaître aux chasseurs de Saône-et-Loire qu'ils avaient le droit de chasser après le 31 janvier 1999 et en participant lui-même le 15 février 1999 à Vindecy (Saône-et-Loire) à une partie de chasse fortement médiatisée en temps prohibé ; Condamne Monsieur Pierre X... à payer à l'association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 F) (à titre informatif, contre valeur en euros :

3 048,98 Euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi ; Dit qu'il n'y a pas lieu à mesure de publicité pour réparer le préjudice propre de la partie demanderesse ; Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ; Condamne Monsieur Pierre X... à payer à l'association' ornithologique et mammalogique de Saône et Loire la somme de CINQ MILLE FRANCS (5.000 F) (à titre informatif, contre valeur en euros :

762,25 Euros) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne Monsieur Pierre X... aux dépens dont distraction au profit de Maître SAGNES, avocat, sur son affirmation au droit. En suite de quoi, le Président a signe ainsi que le Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006937047
Date de la décision : 17/04/2001

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Chasse - Associations communales et intercommunales de chasse agréées - Règlement intérieur - Fermeture de la chasse - /JDF

Engage sa responsabilité délictuelle à l'encontre d'une association , le Président de l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs, en faisant connaître aux chasseurs qu'ils avaient le droit de chasser le 31 janvier 1999 et en participant lui même le 15 février 1999 à une partie de chasse fortement médiatisée en temps prohibé, et ce en contravention de l'arrêté préfectoral du 27 janvier 1999 ayant pour objet de répondre à l'injonction exécutoire du Tribunal Administratif de Dijon de fixer au 31 janvier 1999 la date de fermeture de la chasse de l'ensemble des espèces de gibiers d'eau et d'oiseaux de passage.


Références :

Arrêté préfectoral du 27 janvier 1999 fixant au 31 janvier 1999

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2001-04-17;juritext000006937047 ?
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