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30/06/2000 | FRANCE | N°98/00983

France | France, Cour d'appel de Dijon, 30 juin 2000, 98/00983


RÉPUBLIQUE FRANOEAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE DIJON 1ERE CHAMBRE - SECTION 2 ARRÊT DU 30 JUIN 2000 N°1068 RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 98/00983 APPELANT: Monsieur Marcel X... né le 15 décembre 1950 à VARANGE VILLE (54) demeurant 4 rue du Belier "LA BOUVERIE" 13 Lotissement Le Chêne Vert 83 520 ROQUEBRUNE SUR ARGENS représenté par la SCP ANDRE etamp; GILLIS, avoués à la Courassisté de Maître GRAS, avocat au Barreau de DRAGUIGNAN INTERVENANTS VOLONTAIRES: Madame Colette TURQUAND Y... veuve Z..., demeurant 27, boulevard Thiers 52000 CHAUMONT Maître Philippe Z... ..

. par la SCP FONTAINE-TRANCHAND etamp; SOULARD, avoués à la Cour ...

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE DIJON 1ERE CHAMBRE - SECTION 2 ARRÊT DU 30 JUIN 2000 N°1068 RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 98/00983 APPELANT: Monsieur Marcel X... né le 15 décembre 1950 à VARANGE VILLE (54) demeurant 4 rue du Belier "LA BOUVERIE" 13 Lotissement Le Chêne Vert 83 520 ROQUEBRUNE SUR ARGENS représenté par la SCP ANDRE etamp; GILLIS, avoués à la Courassisté de Maître GRAS, avocat au Barreau de DRAGUIGNAN INTERVENANTS VOLONTAIRES: Madame Colette TURQUAND Y... veuve Z..., demeurant 27, boulevard Thiers 52000 CHAUMONT Maître Philippe Z... ... par la SCP FONTAINE-TRANCHAND etamp; SOULARD, avoués à la Cour assistés de la SCP PICARD etamp; CHAUMARD, avocats au barreau de DIJON COMPOSITION DE LA COUR: Président : Monsieur BRAY, Président de Chambre Assesseurs -Madame MORE, Président de Chambre -Madame DUFRENNE, Conseiller lors des débats et du délibéré Ministère Public: Monsieur A..., substitut général, à qui le dossier a été communiqué. Greffier lors des débats Madame B..., Greffier en Chef Greffier lors du prononcé Madame GAUTHEROT C... :

audience publique du 26 Mai 2000 ARRÊT : rendu contradictoirement, Prononcé à l'audience publique de la Cour d'Appel de DIJON le 30 Juin 2000 par Madame MORE, Président de Chambre, magistrat ayant assisté aux débats et au délibéré, qui a signé l'arrêt avec le greffier, en l'absence du Président empêché. Exposé de l'affaire Le 13 juin 1983, un incendie a détruit les locaux dans lesquels Monsieur Marcel X... exploitait un fonds de boulangerie. A la demande de la compagnie UAP, assureur de l'intéressé, le Président du Tribunal de Grande Instance de Chaumont a, par ordonnance du 30 août 1994, ordonné le séquestre de la somme de 728.056 F représentant l'indemnité due en vertu du contrat d'assurance entre les mains de Ma7itre Marc Z..., Huissier de Justice, à charge pour celui-ci de régler les oppositions faites sur

la somme en vertu des articles 493 et 498 du Nouveau Code de Procédure Civile. Puis, par arrêt du 16 septembre 1988, cette Cour a condamné la compagnie UAP à payer en deniers ou quittances à Monsieur X..., entre les mains de Maître Z..., séquestre, la somme de 928 852 F majorée des intérêts au taux légal courus du 13 janvier 1984 au jour du paiement. Maître Z... a reçu de l'UAP 72 8 0 5 6 F le 3 0 octobre 1984 puis 292 687 F le 22 octobre 1988. Faisant valoir que Maître Z... avait commis une faute en ne plaçant pas les fonds qui lui avaient été confiés, Monsieur X... a, suivant acte d'huissier du 24 juin 1996, formé à son encontre une action en responsabilité et en réparation fondée sur les dispositions de l'article 1962 du Code Civil. Saisi de cette procédure, le Tribunal de Grande Instance de Chaumont a, par jugement du 5 février 1998 :

déclaré l'action de Monsieur X... recevable mais mal fondée, débouté Monsieur X... de ses demandes, débouté Maître Z... de sa demande en dommages-intérêts, et condamné Monsieur X... à verser à Maître Z... la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... a relevé appel de cette décision. Il prie la Cour de : déclarer son action recevable et bien fondée, dire que Maître Z... a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité dans l'exercice de sa mission de séquestre en ne se comportant pas en bon père de famille et en ne plaçant pas les sommes confiées, condamner Maître Z... à lui payer, avec intérêts au aux légal depuis le 9 janvier 1995, la somme correspondant au rendement que le capital aurait dû produire s'il avait été convenablement administré, soit une somme de 617.338,45 F selon compte arrêté au 9 janvier 1995, ordonner la capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1 1 54 du Code Civil, et condamner Maître Z... à lui payer une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure

Civile. Sur la recevabilité de son action, il soutient que son action est soumise à la prescription trentenaire et non à la prescription de l'article 2270-1 du Code Civil qui résulte d'une loi entrée en vigueur postérieurement à sa désignation en qualité de séquestre et à la date de réception des fonds. Il ajoute que le point de départ de la prescription doit être fixé àla date à laquelle la mission du séquestre a pris fin. Sur le bien fondé de son action, il fait tout d'abord valoir qu'en sa qualité de séquestre Judiciaire, Maître Z... était soumis aux dispositions des articles 1961, 1962 et 1963 du Code Civil et de l'article 2 5 de la loi du 3 juillet 1816 et qu'en omettant de placer les fonds séquestrés sur un compte rémunérateur d'intérêts, ce séquestre a méconnu tant l'obligation de conservation édictée par l'article 1962 du Code Civil que l'obligation de placement à la Caisse des Dépôts et Consignations imposée par la loi du 3 juillet 1816. Il soutient également qu'en ne répondant pas à la mise en demeure qu'il lui a adressée dès 1985 de placer les fonds, Maître Z... a commis une faute qui engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil. Il estime en conséquence que Maître Z... doit l'indemniser des différents préjudices qui résultent du défaut de placement des sommes qui, de plus, ont subi l'érosion monétaire. Il propose alors de calculer la perte d'intérêts subie suivant deux méthodes. Madame Colette Z... et Monsieur Philippe Z... qui interviennent volontairement à l'instance en leur qualité de conjoint survivant pour la première et d'unique héritier pour le second de Maître Marc Z... décédé le 1 0 septembre 1999 concluent pour leur part à l'irrecevabilité de l'action de Monsieur X... auxquels ils opposent la fin de non recevoir tirée de la prescription prévue par l'article 2270-1 du Code Civil. Ils font plus précisément valoir :

que le point de départ de la prescription se situe au jour de la manifestation du

prétendu dommage, c'est à dire au 25 avril 1985, date de la lettre aux termes de laquelle Maître Z... a informé Monsieur X... que le compte sur lequel avaient été placés les fonds n'était pas porteurs d'intérêts, que la prescription trentenaire était donc en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985 créant l'article 2270-1 du Code Civil, et qu'en application des dispositions de l'article 46 de cette loi, la prescription était acquise le ler janvier 1996. Ils estiment donc que l'action engagée le 24 juin 1996 doit être déclarée irrecevable. Ils sollicitent à titre subsidiaire la confirmation du jugement ainsi que le paiement d'une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles. Ils soutiennent tout d'abord qu'aucun reproche ne peut être formulé à l'encontre de Maître Z... sur le fondement des dispositions de l'article 1962 du Code Civil dès lors que ce texte ne prévoit qu'une obligation de conservation et non d'administration des effets saisis. Ils font ensuite valoir qu'il résulte des dispositions des articles 1963, 1956 et 1936 du Code Civil que le séquestre judiciaire ne doit en principe aucun intérêt des sommes séquestrées et qu'il ne peut en être tenu que lorsque la chose déposée est frugifère et lorsqu'il a été mis en demeure, condition qui n'est pas réalisée en l'espèce. Ils maintiennent en conséquence de Maître Z... a parfaitement respecté les termes de la loi quant aux obligations de principe du séquestre. Ils font enfin observer que dans la mesure où l'ordonnance ayant désigné Maître Z... en qualité de séquestre a limité l'emploi des capitaux touchés au règlement des oppositions faites, ce séquestre n'était pas tenu de verser les sommes en cause à la Caisse des Dépôts et Consignations. Dans le cas où la Cour estimerait qu'il y a lieu à versement d'intérêts, ils concluent très subsidiairement - à l'application d'un taux d'intérêt de 1 % sans anatocisme, - ainsi qu'au renvoi des parties à conclure sur le calcul des intérêts en

fonction des modalités arrêtées par la Cour. DISCUSSION Sur la recevabilité de l'action de Monsieur X... D... en droit que selon les dispositions de l'article 2270-1 du Code Civil invoquées par les intimés "les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation" ; D... en l'espèce que l'action en responsabilité introduite par Monsieur X... a pour objet d'obtenir réparation du dommage qui résulte du défaut de placement des fonds séquestrés Or attendu que si ce préjudice n'a pu naître qu'à compter du 30 octobre 1984, date à laquelle MîCitre Z... a reçu et omis de placer les premiers fonds séquestrés, il s'est nécessairement aggravé au cours des jours qui ont suivi ; qu'il s'en suit qu'au 24 juin 1996, date d'introduction de l'action en responsabilité, la prescription décennale n'était acquise que pour le dommage qui s'était manifesté jusqu'au 24 juin 1986 ; qu'il convient par conséquent de n'admettre la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par Monsieur X... qu'en ce qu'elle a pour objet la réparation du dommage subi à compter du 25 juin 1986 ; Sur le bien fondé de l'action de Monsieur X... D... en ce qui concerne les obligations de Maître Z... que s'il est justifié que les décisions qui ont ordonné la mise sous séquestre des fonds dus à Monsieur X... par la compagnie UAP ont seulement chargé Maître Z... de régler les créanciers opposants, il apparaît néanmoins qu'en sa qualité de séquestre judiciaire Maître Z... avait l'obligation de se conformer aux dispositions de l'article 2-5° de l'ordonnance du 5 juillet 1816 qui imposent le versement auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations des sommes dont les cours ou tribunaux ont ordonné le séquestre en cas de prétentions opposées que ce versement à la Caisse des Dépôts et Consignations ne constitue d'ailleurs qu'une mesure de précaution minimale utile à la

conservation de fonds qui sont séquestrés et qui subissent l'érosion monétaire ; Or attendu qu'il est établi et au demeurant non contesté que Maître Z... a versé les fonds séquestrés sur un compte bancaire non productif d'intérêts ;

qu'il a donc commis une faute qui engage sa responsabilité ; D..., en ce qui concerne le dommage à réparer, que le défaut de versement des fonds séquestrés à la Caisse des Dépôts et Consignations a privé Monsieur X... d'une rémunération égale aux intérêts qui sont servis par cette Caisse et qui, selon une lettre du service de la Caisse des Dépôts du département de la Côte d'Or du 20 janvier 1999, sont à calculer au taux de 1 % l'an ;

qu'il convient donc d'obliger les intimés, pris en leur qualité d'héritiers de M2Citre Z..., à réparer ce dommage en réglant à Monsieur X... une indemnité égale aux intérêts courus sur les sommes demeurées séquestrées du 25 juin 1986 au 9 mai 1995 (date de restitution du solde des fonds par chèque bancaire BNP numéro 4 005 684 - cf pièce 48 des intimés) et calculés au taux de 1 % l'an ; que dans fa mesure où le montant des sommes demeurées séquestrées au cours de la période indiquée ci-dessus figure sur le compte que Maître Z... a annexé à la lettre qu'il a adressée à Monsieur X... le 15 février 1995 (cf pièce 40 des intimés), il apparaît que

le calcul de cette indemnité sera aisé et qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les parties à conclure sur ce point ; qu'il convient enfin de prévoir qu'à titre de réparation complémentaire, cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 24 juin 1996, date de l'assignation introductive d'instance, et que ces intérêts porteront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1 1 54 du Code Civil Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile D... que l'équité commande d'allouer à Monsieur X... une somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; que les intimés, qui succombent, ne peuvent bénéficier des dispositions de ce texte PAR CES MOTIFS La Cour, Réforme pour partie le jugement du Tribunal de Grande Instance de Chaumont du 5 février 1998, Statuant à nouveau, Déclare l'action en responsabilité engagée par Monsieur X... recevable en ce qu'elle a pour objet la réparation du dommage subi à compter du 25 juin 1986, Condamne Madame Colette Z... et Monsieur Philippe Z... pris en leur qualité d'héritiers de Maître Z... à payer à Monsieur X...: ainsi qu'une somme de 5 000 F soit 762,25 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne Madame Colette Z... et Monsieur Philippe Z... ès qualités aux entiers dépens et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP ANDRE/GILLIS, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Numéro d'arrêt : 98/00983
Date de la décision : 30/06/2000

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Responsabilité - Faute

L'action en responsabilité dirigée contre un huissier de justice pour défaut de placement à la Caisse des dépôts et consignations de fonds dont les cours ou tribunaux ont ordonné le séquestre en cas de prétentions opposées, en application de l'article 2-5° de l'ordonnance du 5 juillet 1816, est soumise à la prescription décennale de l'article 2070-1 du Code civil. L'action en responsabilité exercée douze ans après la réception des fonds par l'huissier est recevable pour obtenir réparation du dommage qui s'est manifesté dans les dix années précédentes, le préjudice s'étant aggravé après le dépôt initial sur un compte bancaire sans intérêt. Le préjudice est constitué par la non perception de l'intérêt de 1%, tel que fixé par une lettre du service de la Caisse des dépôts du département concerné, la somme portant intérêt légal à compter de l'assignation, et les intérêts se capitalisant conformément à l'article 1154 du Code civil


Références :

Code civil, articles 1154, 2070-1 Ordonnance du 5 juillet 1816, article 2-5°

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2000-06-30;98.00983 ?
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