COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/03067 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILT6
N° de minute : 323/24
ORDONNANCE
Nous, Franck WALGENWITZ, Président de chambre à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assisté de GAMB Manon, greffier ;
Dans l'affaire concernant :
M. [M] [O]
de nationalité russe
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1,R743-12 et suivantts R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 04 juillet 2024 par le préfet du Bas-Rhin faisant obligation à M. [M] [O] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 04 juillet 2024 par le préfet du Bas-Rhin à l'encontre de M. [M] [O], notifiée à l'intéressé le même jour à 14h50 ;
VU la requête de M le Prefet du Bas-Rhin datée du 02 septembre 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h16 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours de M. [M] [O] ;
VU l'ordonnance rendue le 03 Septembre 2024 à 11h25 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière, déboutant Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN de sa demande en prolongation de la mesure de rétention, ordonnant la remise en liberté de Monsieur [M] [O] à l'issue des formalités administratives au centre de rétention administrative de [Localité 1] permettant à l'intéressé de récupérer ses affaires personnelles ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 03 Septembre 2024 à 14h36 et la demande aux fins de déclarer cet appel suspensif conformément à l'article L743-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)
VU l'ordonnance rendue le 03 septembre 2024 à 17h20 rejetant la demande de monsieur le Procureur de la République de [Localité 2] aux fins de voir déclarer son appel suspensif ;
VU l'appel de cette ordonnance par LAPREFETE DU BAS-RHIN DE [Localité 2] par voie electronique le 03 septembre 2024 à 23h31
VU l'avis d'audience délivré le 03 septembre 2024 à [D] [N], interprète en langue assermenté,
Le représentant de LA PREFECTURE DU BAS-RHIN, appelant, dûment informé de l'heure de l'audience, n'a pas comparu.
Après avoir entendu Maître Michel ROHRBACHER, avocat au barreau de COLMAR, commis d'office, en ses observations pour le retenu.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel interjeté par Madame la Préfète du Bas-Rhin et Madame la Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de STRASBOURG le 3 septembre 2024 par déclarations écrites et motivées, à l'encontre de l'ordonnance rendue le 3 septembre 2024 à 11h25 par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l'article R. 743-10 du CESEDA sont recevables.
Madame la Préfète du Bas-Rhin et Madame la Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de STRASBOURG interjettent appel de l'ordonnance du 3 septembre 2024 du juge des libertés et de la détention de Strasbourg qui a refusé une troisième prolongation de la rétention de Monsieur [M] [O] pour une durée de 15 jours.
Comme l'a rappelé le juge des liberté et de la détention dans la décision objet des présents appels, en application de l'article L. 742-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024), à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
En l'espèce l'administration sollicite une troisième prolongation de la rétention administrative de Monsieur [M] [O] en se fondant sur la menace à l'ordre public qu'il constitue, au regard aux multiples condamnations prononcées à son encontre, outre le fait qu'il est 'très défavorablement connu des services de police et de justice', ce qui est manifestement le cas, comme le démontre la lecture du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé qui mentionne 5 condamnations depuis 2020 pour des faits d'atteinte aux personnes ou des faits mettant en danger la santé des personnes, de la fiche pénale attestant d'une incarcération entre le 8 juillet 2021 et le 10 février 2023 et du jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 18 mars 2024 et de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 6 août 2024 établissant que l'intéressé ' bien que bénéficiant d'une mesure de libération conditionnelle - a été interpellé le 4 juillet 2024 en possession de substances illicites ou nécessitant une autorisation, étant précisé qu'il a également été interpellé pour des faits d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature commis en mars 2024, faits faisant l'objet d'une enquête.
Le comportement de l'intéressé peut être considéré comme constituant une menace à l'ordre public, l'intéressé ne cessant d'adopter des comportements délictueux, les condamnations prononcées à son encontre ne semblant avoir aucun effet dissuasif.
Mais c'est à juste titre que le juge des liberté et de la détention a mis en perspective cette menace, avec le cadre normatif général, en tenant compte du contexte diplomatique actuel très particulier, en :
rappelant que quand bien même cette menace à l'ordre public est caractérisée, il n'en demeure pas moins que rien dans la loi ne permet de considérer que l'article L. 742-5 serait exclusif de l'article L. 741-3 qui dispose expressément qu'un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet;
soulignant que dans le cas particulier de Monsieur [M] [O], ressortissant russe, les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement ' qui peuvent justifier une prolongation 'exceptionnelle' de la rétention au-delà de soixante jours, comme l'impose l'alinéa 1°' de l'article sus rappelé - sont actuellement inexistantes, puisque la Russie ne répond à aucune des sollicitations de l'administration française, et ce en dépit des relances qui lui ont été adressées les 31 juillet et 31 août 2024.
Dans ces conditions, la cour ne voit pas de raison de s'éloigner du raisonnement du juge de première instance qui a refusé d'admettre que le critère de la menace à l'ordre public serait un critère autonome, qui devrait s'apprécier en dehors des perspectives d'éloignement.
Comme ce dernier l'a précisé, adopter le raisonnement de l'administration et du parquet, serait faire abstraction de la finalité de la rétention administrative, laquelle doit servir à permettre de préparer l'éloignement des étrangers, et non pas servir d'outil de privation de liberté au seul motif de la menace à l'ordre public qu'ils sont susceptibles de causer.
La décision refusant de faire droit à la demande d'une troisième prolongation de l'administration, sera confirmée.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS les appels de Madame la Préfète du Bas-Rhin et Madame la Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de STRASBOURG recevables en la forme ;
au fond, les REJETONS ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 3 septembre 2024 ;
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 04 Septembre 2024 à 13h53, en présence de
- Maître Michel ROHRBACHER, conseil de M. [M] [O]
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 04 Septembre 2024 à 13h53
l'avocat de l'intéressé
Maître Michel ROHRBACHER
l'intéressé
M. [O]
non-comparant
l'interprète
absent au prononcé
l'avocat de la préfecture
non comparant
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- pour notification à M. [M] [O]
- à Me ROHRBACHER
- à M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE [Localité 2]
- à la préfecture
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. [M] [O] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé