MINUTE N° 24/618
NOTIFICATION :
Copie aux parties
- DRASS
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 29 Août 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 23/00251 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7TY
Décision déférée à la Cour : 07 Décembre 2022 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.R.L. [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Michaël RUIMY, avocat au barreau de LYON, substitué par Me COLLEONY, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN
Service contentieux
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en la personne de Mme [Z] [K], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. LEVEQUE, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. LEVEQUE, Président de chambre
Mme GREWEY, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par M. LEVEQUE, Président de chambre,
- signé par M. LEVEQUE, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige
Sur contestation par la SARL [4] d'une décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin du 20 novembre 2020 qui fixe à 14 %, dont 2 % à titre professionnel, le taux de l'incapacité partielle permanente (IPP) subie par son salarié [O] [C] dans les suites d'une maladie professionnelle du 21 mai 2019, qualifiée « tendinite de la coiffe des rotateurs gauche » et consolidée le 9 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg, par jugement du 7 décembre 2022, a :
- déclaré le recours recevable ;
- fixé le taux à 14 % dans les rapports entre l'employeur et la caisse ;
- condamné la société à payer à la caisse la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les dépens hors les frais de consultation médicale.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, au visa du barème indicatif d'invalidité visé à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, au regard des constatations du médecin consultant désigné par le tribunal qui conclut par erreur à un taux de 8 % pour avoir omis que la maladie affecte le membre dominant et que dans ce cas le barème propose un taux de 10 à 15 %, que l'IPP devait être évaluée à 12 %, outre 2 % à titre professionnel en raison de l'inaptitude au poste de travail déclarée le 30 juin 2020 et du licenciement qui a suivi le 21 mai 2019.
La société a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 12 janvier 2023, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception expédié le même jour
L'appelante, par conclusions n° 2 enregistrées le 20 novembre 2023, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
à titre principal,
- réduire le taux à 5 % ;
à titre subsidiaire,
- ordonner une consultation médicale ;
- dire que les frais en seront supportés par la caisse primaire ;
- mettre les dépens à la charge de celle-ci ;
et tout état de cause ;
- réduire le taux professionnel à 0 %;
- débouter la caisse de sa demande pour frais irrépétibles et la condamner au même titre à lui payer la somme de 1 500 euros, ainsi qu'à payer les dépens.
L'appelante soutient que son propre médecin conseil critique l'avis du médecin conseil de la caisse, incomplet et imprécis à ses yeux, mais confirme l'analyse du médecin consultant du tribunal et, ne retenant que les douleurs, évalue le taux médical à 5 % ; que le médecin conseil de la caisse a déjà intégré à la composante professionnelle dans le taux de 12 % qu'il a fixé, de sorte que la caisse ne pouvait y ajouter un coefficient professionnel qui n'avait pas été décidé par son médecin conseil, seul compétent pour le faire, conformément à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; qu'en outre la caisse en rapporte pas la preuve du retentissement professionnel, qui ne résulte pas du seul licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, mais nécessite d'établir une diminution dans la capacité de l'intéressé à s'occuper et donc retrouver un emploi ; qu'enfin la caisse ne justifie pas des diligences qu'elle devait accomplir, notamment en interrogeant le salarié, pour établir le retentissement professionnel au titre du quel elle a accordé 2 % d'incapacité ; et enfin, subsidiairement, que la difficulté médicale justifie une nouvelle consultation.
La caisse, par conclusions en date du 27 juillet 2023, demande à la cour de :
- confirmer le jugement ;
- débouter la société de ses demandes ;
- et la condamner à lui payer 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.
L'intimée soutient que les évaluations du médecin conseil de l'employeur et du médecin consultant du tribunal sont erronées en ce qu'elles s'appliquent à un membre non-dominant, alors qu'en l'espèce le salarié était gaucher et que l'épaule atteinte est son épaule dominante ; que le coefficient professionnel n'aboutit pas à une double indemnisation lorsque, comme en l'espèce, la victime subit un préjudice spécifique distinct de l'IPP mais en lien direct et certain avec les séquelles à la date de consolidation ; et que tel est le cas du salarié qui a été déclaré inapte le 30 juin 2020 puis licencié le 12 août suivant pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; et que l'expertise demandée n'est pas justifiée, faute pour l'employeur d'apporter des éléments contraires à l'avis du médecin consultant du tribunal.
À l'audience du 16 mai 2024, les parties ont demandé le bénéfice de leurs écritures, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur le taux d'incapacité
L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Pour les maladies professionnelles, l'article R. 434-32 du même code renvoie au barème des maladies professionnelles qui constitue son annexe II, ou, lorsque ce barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, au barème en matière d'accident du travail qui constitue son annexe I.
Le barème mentionne, au titre des principes généraux, qu'il ne peut avoir qu'un caractère indicatif, que les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et que le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème, et doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.
Le salarié [O] [C] et atteint de trois pathologies, toutes constatées par certificats médicaux du 21 mai 2019 une tendinite de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, qui est la pathologie litigieuse, une épitrochléite gauche et une épicondylite droite.
Pour apprécier le taux d'IPP litigieux, la cour dispose des éléments suivants :
- L'avis du médecin conseil de la caisse du 14 octobre 2020, connu par le rapport du médecin consultant, qui avait relevé :
* patient gaucher
* une antépulsion à 100 °
* une abduction à 110 °
* un mouvement complexe main-nuque incomplet
* un mouvement main-épaule opposée réalisé
* une rotation externe quasi-complète
* une rotation interne complète
* une limitation de la force musculaire et une légère amyotrophie à gauche.
- L'avis du médecin conseil de l'employeur du 10 janvier 2021, qui d'abord critique l'avis du médecin conseil en lui reprochant diverses omissions et imprécisions, puis, au vu des constatations de celui-ci, estime que ne peuvent être retenus que des phénomènes douloureux séquellaires au niveau de l'épaule dominante, justifiant un taux d'IPP de 5 %, et qui enfin, estimant n'avoir pas à se prononcer sur le coefficient professionnel, rappelle tout de même l'existence des autres pathologies.
- L'avis du médecin consultant du tribunal du 24 août 2021, qui se borne à résumer les deux précédents certificats et à suggérer un taux de 8 %. au regard du barème qui propose selon lui un taux de 5 à 10 %. Cette proposition, qui correspond pour le barème à l'incapacité résultant de limitations légères de l'épaule non-dominante, révèle que le médecin consultant a omis de prendre en considération que l'épaule gauche du salarié est son épaule dominante, ce que nul ne conteste, pour laquelle que le barème propose en réalité un taux de 10 à 15 %
Il résulte de ces éléments que les seules constatations disponibles sont celles du médecin conseil, qui doivent être confrontées au barème indicatif d'évaluation.
Le barème propose les critères suivants pour apprécier les atteintes de l'épaule :
- Normalement, élévation latérale : 170° ; en l'espèce à 100°.
- Adduction : 20° ; en l'espèce à 110°.
- Antépulsion : 180° ; en l'espèce non précisée.
- Rétropulsion : 40° ; en l'espèce non précisée.
- Rotation interne : 80° ; en l'espèce complète.
- Rotation externe : 60° ; en l'espèce quasi complète.
- La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne ; en l'espèce mouvement main-nuque incomplet, mouvement main-dos non renseigné, mention d'un mouvement main-épaule opposée réalisé.
Ces données caractérisent non pas de simple douleurs mais, outre les douleurs, des atteintes légères de certains des mouvements de l'épaule, telles que relevées par le médecin consultant. De telles séquelles correspondant pour le barème à un taux proposé allant de 10 à 15 % pour l'épaule dominante, et non de 5 à 10 % comme l'a retenu par erreur le médecin consultant.
Il en résulte que le taux médian de 12 % est approprié et qu'il sera confirmé par la cour.
Le lien entre la pathologie de l'épaule et l'inaptitude à la profession de chauffeur poids-lourd est établi par l'avis d'inaptitude au travail du 30 juin 2020 qui contre-indique notamment les activités avec les bras levés au-dessus de la ligne des épaules, qui sont génératrices de la pathologie litigieuse, Il en résulte que, né le 23 mars 1958 et licencié pour inaptitude à l'âge de 62 ans, le salarié a subi une diminution de ses capacités professionnelles dont le retentissement, en compromettant définitivement ses chances d'emploi, excède la composante professionnelle déjà pris en compte au titre de l'ITT médicale. Le taux de 2 % fixé par la caisse puis le tribunal apparaît adapté et sera confirmé.
Sur la demande subsidiaire d'expertise
La cour s'étant trouvée suffisamment éclairée par les pièces produites, la demande de nouvelle consultation ou d'expertise sera rejetée.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;
Rejette la demande de mesure d'instruction ;
Confirme le jugement rendu entre les parties le 7 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;
Déboute la société [4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne au même titre à payer la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ;
La condamne aux dépens d'appel.
La greffière Le président de chambre