COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/02973 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILO2
N° de minute : 311/24
ORDONNANCE
Nous, Peggy HEINRICH, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;
Dans l'affaire concernant :
M. [V] [D]
né le 08 Janvier 1990 à [Localité 4] (ITALIE)
de nationalité Serbe
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU le jugement rendu le 10 mars 2022 par la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d'EVRY-COURCOURONNES prononçant à l'encontre de M. [V] [D] une interdiction du territoire français pour une durée de 3 ans à titre de peine complémentaire ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 21 août 2024 par LE PREFET DU TERRITOIRE DE BELFORT à l'encontre de M. [V] [D], notifiée à l'intéressé le même jour à 20h00 ;
VU le recours de M. [V] [D] daté du 24 août 2024, reçu et enregistré le même jour à 13h31 au greffe du tribunal, par lequel il demande l'annulation de la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;
VU la requête de M. LE PREFET DU TERRITOIRE DE BELFORT datée du 25 août 2024, reçue et enregistrée le même jour à 16h00 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. [V] [D] ;
VU l'ordonnance rendue le 27 Août 2024 à 11h36 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, rejetant le recours de M. [V] [D], déclarant la requête de LE PREFET DU TERRITOIRE DE BELFORT recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [V] [D] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 25 août 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. [V] [D] par voie électronique reçu au greffe de la Cour le 27 Août 2024 à 16h32 ;
VU les avis d'audience délivrés le 28 août 2024 à l'intéressé, à Maître Karima MIMOUNI, avocat de permanence, à LE PREFET DU TERRITOIRE DE BELFORT et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de M. LE PREFET DU TERRITOIRE DE BELFORT, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 28 août 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 28 août 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. [V] [D] en ses déclarations par visioconférence, Maître Karima MIMOUNI, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel interjeté par Monsieur [V] [D] le 27 août 2024 (à 16h31), par déclaration écrite et motivée, à l'encontre de l'ordonnance rendue le même jour (à 11h36) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l'article R. 743-10 du CESEDA est recevable.
Sur l'appel
Monsieur [V] [D] interjette appel de l'ordonnance du 27 août 2024 du juge des libertés et de la détention de Strasbourg ordonnant une première prolongation de sa rétention pour une durée de 26 jours.
Sur l'incompétence de l'auteur de l'acte et sur l'irrégularité de la requête
En application des dispositions de l'article R.742-1, 'le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention d'une simple requête par l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de 4 jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7".
Le conseil de l'intéressé fait valoir que le juge judiciaire doit vérifier la compétence du signataire de la requête et l'existence des mentions des empêchements éventuels des délégataires de signature.
Il résulte des pièces de procédure que l'arrêté portant placement en rétention de M. [D] a été signé le 21 août 2024 par M. [N] [C], sous-préfet du territoire de Belfort. En vertu de l'arrêté portant délégation de signature du 31 mai 2023, M. [N] [C] dispose d'une compétence générale pour signer l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'Etat, incluant les décisions de placement en rétention administrative des étrangers.
Le moyen est donc infondé.
Sur l'insuffisance de motivation des faits
Aux termes des dispositions combinées des articles L.211-15 du code des relations entre le public et l'administration et L.741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prise par le préfet doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
Aux termes des articles L.741-1 et L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite peut être placé en rétention pour une durée de quatre jours, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap.
M. [V] [D] soulève le fait que l'autorité administrative n'a pas fait état de sa situation personnelle en France, celui-ci indiquant vivre avec sa concubine et sa fille de 5 ans, toutes deux de nationalité française. Il ajoute avoir remis son passeport ainsi que sa carte d'identité et avoir déclaré une adresse sise [Adresse 1] à [Localité 3]. Il précise avoir trois enfants de nationalité roumaine habitant en France, pour lesquels il participe à leur entretien. Enfin, il considère ne plus présenter une menace réelle et actuelle pour l'ordre public, ayant exécuté l'ensemble de ses condamnations.
En l'espèce, l'arrêté contesté de placement en rétention administrative du 21 août 2024 retient le fait que l'intéressé a refusé de se soumettre à sa prise d'empreinte au FAED et au système biométrique national de l'application de gestion des ressortissants étrangers et qu'il a contesté avoir fait l'objet d'une précédente procédure forcée d'éloignement vers son pays d'origine en 2018. L'autorité administrative retient encore que l'intéressé est connu de la justice française sous de nombreux alias et qu'il a déjà été condamné à plusieurs reprises, caractérisant une menace pour l'ordre public. L'arrêté précise enfin que la personne ne justifie d'aucune situation de vulnérabilité ou de handicap.
Au vu de ces éléments, la préfecture, qui n'est pas tenue d'énoncer les raisons pour lesquelles elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté, mais seulement à expliciter les raisons pour lesquelles elle a placé la personne en rétention au regard des éléments qui avaient été portés à sa connaissance, a suffisamment motivé sa décision au regard du risque important de fuite qui ne saurait être contenu par les garanties de représentation invoquées par M. [V] [D].
Le juge des libertés et de la détention a donc opportunément écarté ce moyen.
Sur l'erreur de fait
M. [V] [D] considère que l'autorité administrative a commis une erreur de fait en prenant pas en compte sa situation personnelle dans l'appréciation des ses garanties de représentations effectives.
Comme l'a justement rappelé le juge des libertés et de la détention, cette omission sur sa situation personnelle ne constitue pas pour autant une erreur, qui suppose l'allégation de faits inexacts, et ne peut donc porter atteinte à la validité de l'arrêté.
Ce moyen ne peut donc davantage aboutir.
Sur l'erreur manifeste d'appréciation quant aux garanties de représentation
M. [V] [D] soulève l'inopportunité de son placement en rétention aux motifs qu'il a remis son passeport et sa carte d'identité aux autorités, qu'il a déclaré une adresse et qu'il ne s'oppose nullement à son éloignement ainsi qu'au respect de son interdiction judiciaire du territoire français.
Il ressort néanmoins des éléments du dossier que M. [V] [D] se trouverait sur le territoire français depuis près de 15 années. Il n'a jamais cherché à régulariser sa situation administrative depuis cette période et ce, même après la naissance de ses enfants nés en France.
Il a en outre usé de nombreux alias dans les procédures judiciaires aux termes desquelles il a été condamné.
Il a refusé de se soumettre à sa prise d'empreinte au FAED et au système biométrique national de l'application de gestion des ressortissants étrangers, ce qui constitue, aux termes des dispositions de l'article L.612-3 du CESEDA, une circonstance particulière propre à caractériser le risque de fuite.
Contrairement à ses allégations, il est établi par la préfecture que l'intéressé a déjà fait l'objet d'une précédente procédure forcée d'éloignement au cours de l'année 2018.
Par ailleurs, l'intéressé, qui invoque sa situation de père de trois enfants mineurs sur le territoire français, n'a produit en sus des actes de naissance aucun document de nature à établir la présence toujours actuelle de ces enfants en France.
Enfin, M. [D] a été pénalement condamné sous l'identité [U] [M] à 7 reprises, essentiellement pour des faits de vol aggravé. La dernière condamnation, prononcée le 10 mars 2022 par le tribunal correctionnel d'Evry, est récente et porte sur une peine significative de 13 mois d'emprisonnement. A l'occasion de cette dernière condamnation, le tribunal correctionnel a également fixé une interdiction judiciaire du territoire français durant trois années, peine qui n'a nullement été respectée par l'intéressé qui s'est maintenu sur le territoire national à l'issue de l'exécution de sa peine privative de liberté intervenue le 22 septembre 2022.
Dans ces conditions et ainsi que l'a justement relevé le juge des libertés et de la détention, l'autorité administrative a effectué une exacte appréciation de l'insuffisance des garanties de représentation de M. [V] [D].
Sur le moyen nouveau tiré de la violation des articles L.741-1 et L.742-2 du CESEDA
M. [V] [D] fait grief à l'ordonnance de prolongation de la rétention administrative rendue par le juge des libertés et de la détention d'avoir indiqué que la mesure d'éloignement n'avait pu être mise à exécution dans un délai de 48 heures alors que les articles L.741-1 et L.742-2 du CESEDA prévoient depuis le 15 juillet 2024 que le placement initial en rétention administrative est désormais de 4 jours.
Cet élément constitue néanmoins une erreur matérielle qui ne fait aucunement grief à la personne retenue, en ce qu'elle n'est pas le soutien de motifs décisoires, et ne saurait ainsi constituer un motif d'annulation de l'ordonnance entreprise.
Sur la demande de prolongation de la rétention
[V] [D] a été placé en rétention administrative le 21 août 2024 en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire national pour une durée de trois ans, décidée par le tribunal correctionnel d'Evry le 10 mars 2022.
L'administration a sollicité dès le 22 août 2024 une demande de routing à destination de la Serbie.
L'administration a ainsi effectué les diligences nécessaires à la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement qui n'a pas pu être mise à exécution dans le délai de 4 jours qui s'est écoulé depuis le placement en rétention.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [V] [D].
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel de M. [V] [D] recevable en la forme ;
au fond, le REJETONS ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 27 Août 2024 ;
RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :
- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,
- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
DISONS avoir informé M. [V] [D] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 28 Août 2024 à 15h24, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence
- Maître Karima MIMOUNI, conseil de M. [V] [D]
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 28 Août 2024 à 15h24
l'avocat de l'intéressé
Maître Karima MIMOUNI
comparante
l'intéressé
M. [V] [D]
comparant par visio-conférence
l'avocat de la préfecture
LA SELARL CENTAURE
non-représentée
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. [V] [D]
- à Maître Karima MIMOUNI
- à M. LE PREFET DU TERRITOIRE DE BELFORT
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. [V] [D] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé