COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/02964 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILOM
N° de minute : 310/24
ORDONNANCE
Nous, Catherine DAYRE, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;
Dans l'affaire concernant :
M. X se disant [Y] [W]
né le 27 Avril 1997 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 23 juillet 2024 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN faisant obligation à M. X se disant [Y] [W] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 21 août 2024 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN à l'encontre de M. X se disant [Y] [W], notifiée à l'intéressé le même jour à 08h15 ;
VU le recours de M. X se disant [Y] [W] daté du 21 août 2024, reçu et enregistré le même jour à 18h02 au greffe du tribunal, par lequel il demande l'annulation de la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;
VU la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN datée du 24 août 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h13 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt-six jours de M. X se disant [Y] [W] ;
VU l'ordonnance rendue le 26 août 2024 à 12h30 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant le recours de M. Xe se disant [Y] [W], le rejetant, déclarant la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [Y] [W] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-six jours à compter du 25 août 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [Y] [W] par voie électronique reçu au greffe de la Cour le 27 août 2024 à 11h10 ;
VU la demande d'observation délivrée le 27 août 2024 au greffe du centre de rétention, à l'ASSFAM, à Maître Karima MIMOUNI, avocat de permanence, à la SELARL CENTAURE AVOCATS et à M. Le Procureur Général ;
Vu les observations de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN réceptionnées au greffe de la Cour le 27 août 2024 à 13h56 ;
Vu les observations de Maître Sophie SCHWEITZER, avocat choisi réceptionnées au greffe de la Cour le 28 août 2024 à 10h35 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'association Assfam, Monsieur X se disant [Y] [W], son conseil, le préfet du Bas Rhin et son conseil ont été informés chacun le 27 août 2024, de la possibilité de faire valoir leurs observations sur le caractère manifestement irrecevable de l'appel, en application des dispositions de l'article R 743-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que lorsque le premier président de la cour d'appel ou son délégué envisage de rejeter une déclaration d'appel comme manifestement irrecevable, il recueille par tout moyen les observations des parties sur cette irrecevabilité.
Le conseil de Monsieur X se disant [Y] [W], par courriel reçu au greffe le 28 août 2024 à 10h35, a observé que l'appel interjeté présentait de nombreux moyens notamment l'erreur de fait et de droit entachant le jugement dont appel; qu'en effet le jugement violait les dispositions des articles L 741-1 et L 742-2 du CESEDA.
Le conseil de la préfecture, par courriel reçu le 27 août 2024 à 13h56 a souligné que appelant demande au juge judicaire de vérifier la compétence du signataire et s'il est fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature ou de critiquer la motivation du JLD sans précision alors que cette demande ne constitue pas une motivation d'appel au sens de l'article précité, à défaut de caractériser par les éléments de l'espèce dûment circonstanciés, l'irrégularité alléguée.
Il a ajouté que les allégations de l'intéressé concernant les diligences réalisées en vue de son éloignement manquent également de motivation car formulées de manière lacunaire et imprécise.
Sur ce
L'article L 743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que le premier président de la cour d'appel ou son délégué peut, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties, rejeter les déclarations d'appel manifestement irrecevables.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l'étranger n'a pas assisté à l'audience, de la notification de la décision qui lui a été faite, ainsi que le prévoit l'article R. 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Aux termes de l'article R743-11 du code précité, à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.
L'article 542 du code de procédure civile énonce que 'l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel'.
Il résulte de l'application combinée de ces deux textes, que la déclaration d'appel des décisions du juge des libertés et de la détention, en matière de rétention administrative , ne peut consister en une motivation stéréotypée mais doit présenter une argumentation de fait et/ou de droit, destinée à convaincre la cour que le premier juge a fait une appréciation erronée des faits de l'espèce, ou une application erronée de la règle de droit.
En l'espèce, aux termes de sa déclaration d'appel rédigée par l'association Assfam, Monsieur X se disant [Y] [W] qui sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté, argue qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu'il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature et que si le signataire de la requête n'est pas compétent il appartient au le juge des libertés et de la détention d'en tirer les conséquences.
Il ajoute qu'en considérant que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet 'n'a pu être mise à exécution dans le délai de 48 heures qui s'est écoulé depuis le placement en rétention administrative ' le juge a commis une 'erreur de droit' puisque les textes applicables prévoient que le placement initial en rétention administrative est de quatre jours.
***
Une demande, consistant seulement, ainsi que décrit ci-dessus, à demander au juge d'appel, de procéder à la vérification de la compétence du signataire de la requête en prolongation, ne peut s'analyser en un moyen d'appel, dès lors qu'elle ne porte pas critique de la décision déférée, que l'appelant n'énonce pas que le premier juge a commis une erreur d'appréciation en déclarant la requête en prolongation régulière et que l'appelant ne précise pas à la cour les éléments de fait de son dossier, permettant de caractériser une irrégularité de la requête, alors même que, tant la requête que les délégations de signature étant produites en première instance, l'appelant peut facilement se convaincre du fait que la personne ayant signé la requête est, ou pas, titulaire d'une délégation de signature.
En l'espèce le moyen d'appel est dénué d'élément de contestation à l'égard de l'ordonnance querellée et en outre, n'est pas qualifié en fait.
S'agissant des 'erreur de droit' ou 'erreur de fait' reprochées au le juge des libertés et de la détention par le rédacteur de l'acte d'appel ou le conseil de Monsieur X se disant [Y] [W], il sera rappelé qu'il s'agit là de notions juridiques relevant du droit administratif, qui ne peuvent être transposables à une décision rendue par une juridiction judiciaire civile et encore moins constituer le fondement d'une critique de la décision de première instance; que si l'objectif de ce 'moyen' était de critiquer la motivation de la décision de première instance, il convenait alors de solliciter l'annulation de cette décision, ledit 'moyen' était inopérant en l'absence d'une telle demande.
L'article L743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , qui consacre le droit d'appel des ordonnances du juge des libertés et de la détention, n'a pas instauré un double contrôle des décisions de l'administration, mais seulement le droit, pour le justiciable, de voir la décision du premier juge réformée ou annulée en cas d'erreur d'appréciation, de fait ou de droit, du premier juge.
Rien n'empêche, au demeurant, l'appelant de se contenter d'une simple motivation de fait.
Par conséquent, il convient de constater que l'acte d'appel ne contient aucune motivation en fait ou en droit, valant critique de la décision déférée et que la cour n'est saisie d'aucune demande qui soit recevable, l'appel devant dès lors être déclaré irrecevable.
PAR CES MOTIFS
Statuant sans audience,
DÉCLARONS irrecevable l'appel de Monsieur X se disant [Y] [W] à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, rendue le 26 août 2024, ayant statué sur la prolongation de la mesure de rétention administrative.
DISONS n'y avoir lieu à dépens.
Prononcé à Colmar, le 28 août 2024 à 15h40.
Le greffier, Le président,
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. X se disant [Y] [W]
- à Maître Sophie SCHWEITZER
- à Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. X se disant [Y] [W] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé