MINUTE N° 392/24
Copie exécutoire à
- Me Patricia CHEVALLIER- GASCHY
- Me Guillaume HARTER
Le 28.08.2024
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 28 Août 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/01641 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IJJF
Décision déférée à la Cour : 20 Février 2024 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.A.S.U. PEDRETTI DISTRIBUTION
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2024, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
En présence de : Mme [S] [V], élève avocate en stage
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu l'assignation délivrée le 23 mai 2023, par laquelle la SAS Société d'Exploitation des Transports Jung, ci-après également dénommée 'la société Jung', a fait citer la SASU Pedretti Distribution, ci-après également 'la société Pedretti' devant le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu l'ordonnance rendue le 20 février 2024, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse a statué comme suit :
'- Nous déclarons incompétent pour connaître du litige opposant la SAS société d'exploitation des transports Jung à la SAS Pedretti Distribution, au profit du Président du Tribunal de commerce de Chambéry,
- Ordonnons le renvoi de la procédure devant le président du Tribunal de commerce de Chambéry,
- Disons que le dossier de l'affaire sera transmis dès que le délai d'appel aura expiré, par le greffe du présent tribunal, avec une copie de la décision de renvoi à la juridiction ainsi désignée,
- Réservons à la juridiction compétente l'examen de l'entier dossier'
aux motifs notamment, que 'la SAS Société d'exploitation des Transports Jung n'allègue ni ne justifie que les palettes dont elle demande la restitution concernent une livraison de marchandises à des destinataires situés dans le ressort du tribunal judiciaire de Mulhouse.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Société d'Exploitation des Transports Jung contre cette ordonnance et déposée le 7 mai 2024,
Vu la constitution d'intimée de la SASU Pedretti Distribution en date du 24 mai 2024,
Vu les dernières conclusions en date du 14 juin 2024, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Société d'Exploitation des Transports Jung demande à la cour de :
'DECLARER l'appel de la Société d'exploitation DES TRANSPORTS JUNG SAS recevable et bien-fondé
Y faisant droit
INFIRMER l'ordonnance du 20 février 2024 statuant sur la compétence,
Statuant à nouveau,
REJETER l'exception d'incompétence de la SASU PEDRETTI DISTRIBUTION,
JUGER la juridiction de première instance compétente pour connaître de la demande,
DEBOUTER la société SASU PEDRETTI DISTRIBUTION de l'ensemble de ses fins et conclusions,
LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.'
et ce, en invoquant, notamment :
- une double obligation contractuelle, consécutive, de la société Pedretti Distribution, qui devait livrer les marchandises, puis collecter et restituer les palettes, ce qui ne constituerait pas une simple modalité d'exécution du contrat, l'objet de la présente procédure concernant la restitution des palettes, selon elle abusivement retenues par la partie adverse,
- un lieu d'exécution de la prestation et/ou de livraison de la marchandise, en l'espèce les palettes, situé à Wittelsheim, dans le ressort du tribunal judiciaire de Mulhouse.
Vu les dernières conclusions en date du 5 juin 2024, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SASU Pedretti Distribution demande à la cour de :
'Vu les articles 42 et 46 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
CONFIRMER en toutes ses dispositions l'Ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de MULHOUSE le 20 février 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant la SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG à la SASU PEDRETTI DISTRIBUTION, au profit du Président du Tribunal de commerce de CHAMBERY,
CONFIRMER en toutes ses dispositions l'Ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de MULHOUSE le 20 février 2024 en ce qu'il a ordonné le renvoi de la procédure devant le Président du Tribunal de commerce de CHAMBERY,
Y ajoutant,
CONDAMNER la SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG à verser à la SASU PEDRETTI DISTRIBUTION une indemnité complémentaire de 2.000 € pour la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG aux entiers dépens de l'appel,
En tout état de cause,
REJETER toutes les demandes de la SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG'
et ce, en invoquant, notamment :
- l'indépendance de la question du paiement des factures dues par la partie adverse et de la restitution à celle-ci des palettes,
- une demande de restitution ne devant être confondue, ni avec la notion de livraison au sens de l'article 46 du code de procédure civile, ni avec l'exécution d'une prestation de services, ce qui impliquerait l'application des dispositions de droit commun de l'article 42 du code de procédure civile,
- l'absence d'élément nouveau apporté par la partie adverse, de nature à remettre en cause le caractère accessoire de cette restitution.
Vu les débats à l'audience du 3 juillet 2024,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
1) Sur la question de la compétence :
Le juge des référés a jugé que 'pour l'exécution des contrats de transports conclus entre les parties, la Sas Pedretti Distribution, en sa qualité de voiturier, avait d'une part, pour obligation principale, la prise en charge, le déplacement et la livraison de la marchandise transportée à son destinataire et, d'autre part, pour obligation annexe de collecter les 'palettes Europe' auprès des destinataires des marchandises livrées et de les restituer. Il s'ensuit que l'action tendant à la restitution de palettes, utilisées pour l'exécution de transports et non restituées, dérive du contrat de transport, et en est un simple accessoire'.
La Cour ne voit pas de raison de s'écarter des motifs retenus par le premier juge, aucun nouvel élément de preuve n'ayant été produit à hauteur d'appel, et ce d'autant plus que les factures émises par la société Pedretti à destination de la société Jung ne distinguent pas les opérations, de livraison d'une part et de restitution des palettes d'autre part (annexe n°4 de l'intimée). Il s'agit bien d'une facturation globale et unique qui ne permet pas de retenir que l'obligation de restitution des palettes, dont la société Pedretti est débitrice, est autonome de son obligation de livraison.
De surcroît, la Cour observe la présence d'une clause attributive de compétence territoriale, à l'article 13 des conditions générales de transports de la société Pedretti, reprises sur toutes les factures transmises à la société Jung, qui précise que 'toutes contestations de quelque nature que ce soit, seront de la compétence exclusive des Tribunaux du siège social, même en cas d'appel en garantie, ou de pluralité de défendeurs et nonobstant toutes clauses attributives de juridiction contraires' (annexe n°4 de l'intimée).
La Cour rappelle également la teneur de l'article 1er desdites conditions générales, qui stipule que 'sauf convention dérogatoire écrite, toute prestation de service confiée au transporteur est régie par les présentes conditions générales. Toute commande confiée au transporteur et acceptée par lui, entraîne l'acceptation expresse de ces conditions générales, ceci quels que soient les titres et/ou les qualités juridiques auxquels le transporteur intervient (voiturier, commissionnaire de transport, dépositaire, mandataire, transitaire, entrepositaire, ou entrepreneur quelconque)'.
Or, lorsque plusieurs parties sont en relation d'affaires depuis plusieurs années, au cours desquelles l'une a émis au nom de l'autre de nombreuses factures, reproduisant au verso ses conditions générales de vente, qui stipulent une clause d'élection de for, il est considéré qu'une telle clause attributive de juridiction est opposable à la partie au nom de laquelle les factures ont été émises (Cass. Civ.1, 13 fév. 2019, n°18-11.609).
En l'espèce, les parties sont en relation d'affaires depuis 2022, des factures rappelant les conditions générales de vente ont été régulièrement émises par la société Pedretti, à destination de la société Jung, de sorte que ces conditions générales de transport de la société Pedretti sont opposables à la société Jung.
Le siège social de la société Pedretti se situant [Adresse 1], il est sur le ressort du Tribunal de commerce de Chambéry, seul territorialement compétent en la matière.
L'ordonnance rendue le 20 février 2024 par le premier juge doit alors être confirmée.
2) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par les parties à l'occasion de la première instance.
Pour les mêmes motifs, les demandes de la société Jung étant déclarées irrecevables ou rejetées en totalité, l'appelante assumera la totalité des dépens de l'appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. Sa demande présentée à ce titre, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, sera donc rejetée. En revanche, elle devra verser à la société Pedretti la somme de 2.000 € au même titre et sur le même fondement.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 20 février 2024 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE, statuant en référé,
Y ajoutant,
Condamne la société S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG aux dépens de l'appel,
Condamne la société S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG à payer à la société S.A.S.U. PEDRETTI DISTRIBUTION une somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette la demande de la société S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DES TRANSPORTS JUNG sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Greffière : le Président :