MINUTE N° 24/613
NOTIFICATION :
Copie aux parties
- DRASS
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 28 Août 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 22/02331 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3P4
Décision déférée à la Cour : 06 Avril 2022 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.S. [4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Cédric PUTANIER, avocat au barreau de LYON, substitué par Me REINS, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
DES BOUCHES DU RHONE
CPAM 13
[Localité 1]
Comparante en la personne de Mme [P], munie d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. LEVEQUE, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. LEVEQUE, Président de chambre
Mme GREWEY, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par M. LEVEQUE, Président de chambre,
- signé par M. LEVEQUE, Président de chambre, et Mme VELLAINE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige
Sur contestation par la SAS [4] d'une décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui a maintenu la décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les soins et arrêts de travail prescrits à son salarié [M] [B] à compter du 4 octobre 2017 et imputés par la caisse à un accident de travail survenu le 5 septembre 2017, constitué d'une altercation au cours de laquelle le cou et l'épaule du salarié ont été lacérés à l'arme blanche, le tribunal judiciaire de Strasbourg, par jugement du 6 avril 2022, a :
- déclaré le recours recevable ;
- déclaré opposable à la société [4] la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'au 31 août 2018 au titre de l'accident du travail du 5 septembre 2017 ;
- débouté la société de sa demande d'expertise médicale ;
- et condamné celle-ci aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, au visa des articles L. 411-1, L. 431-1 et L. 433-1 du code de la sécurité sociale relatifs à la présomption d'imputabilité des lésions initiales et notamment de leurs complications jusqu'à la guérison ou à la consolidation, qui peut être écartée par la preuve d'une cause totalement étrangère à l'accident du travail, que les certificats médicaux établis avec continuité jusqu'à la consolidation intervenue le 31 août 2018 caractérisent les conditions nécessaires au jeu de la présomption ; que l'employeur n'apporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère à l'accident, dès lors que l'avis de son médecin conseil selon lequel les arrêts de travail sont anormalement longs au regard des lésions physiques, ne permet pas de présumer que ces arrêts ne sont pas la conséquence de l'accident de travail ; que si trois des certificats de prolongation mentionnent expressément un état dépressif post-traumatique, pathologie non-reconnue comme imputable à l'accident du travail par le médecin conseil de la caisse dans le cadres d'une autre demande, un certificat rectificatif du 9 octobre 2017 prescrit un arrêt de travail jusqu'au 15 janvier 2018 en faisant également référence aux lésions physiques initialement constatées le jour de l'accident, de sort que ces lésions sont mentionnées sur tous les arrêts de travail jusqu'à la consolidation et le sont à titre exclusif à compter du 1er mars 2018
La société [4] a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 19 mai « 2021 » (en réalité 2022), par courrier recommandé avec demande d'avis de réception enregistré le lundi 20 juin 2022.
L'appelante, par conclusions enregistrées le 15 janvier 2024, demande à la cour de :
- infirmer le jugement ;
à titre principal ;
- prononcer l'inopposabilité de la prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits à M. [B] à compter du 4 octobre 2017 à la société [4] dans ses rapports avec la caisse ;
à titre subsidiaire,
- ordonner une expertise médicale pour dire si les soins et arrêts de travail litigieux sont en lien direct et exclusif, imputables aux faits déclarés, ou s'ils trouvent leur origine dans une cause étrangère au travail du salarié, ou encore dans un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
L'appelante soutient que les prolongations prescrites après le premier arrêt de travail, qui était de 13 jours, ont porté l'interruption de travail à une durée totale de 361 jours, excessive au regard des lésions initiale qui étaient bénignes ; qu'il est ainsi probable que les arrêts litigieux ont été prescrits pour une cause totalement étrangère au travail ; qu'au demeurant le salarié a déclaré être atteint d'une nouvelle lésion constatée le 9 octobre 2017 dont l'imputation à l'accident a été écartée par le médecin-conseil de la caisse ; qu'ainsi les arrêts litigieux ont en réalité été prescrits pour une affection dont la caisse a refusé la prise en charge à titre professionnel ; que par ailleurs le Dr [L], du Service Médical Employeur, a conclu que les lésions initiales devaient être considérées comme consolidées au plus tard le 4 octobre 2017 .
La caisse, par conclusions en date du 28 septembre 2023, demande à la cour de :
- confirmer le jugement ;
- rejeter la demande d'expertise judiciaire ;
- débouter l'appelante de toute autre demande.
L'intimée soutient d'abord que l'imputabilité à l'accident des arrêts litigieux est présumée au regard des certificats de prolongation qui mentionnent tous les lésions initiales, peu important que certains mentionnent aussi la nouvelle pathologie dont la caisse a par ailleurs refusé la prise en charge ; qu'une durée anormalement longue des arrêts de travail ne permet pas de présumer qu'ils ne sont pas la conséquence de l'accident du travail ; et que l'employeur n'apporte pas la preuve d'un état pathologique préexistant.
Pour s'opposer à l'expertise, la caisse fait ensuite valoir que l'article 146 du code de procédure civile prohibe l'expertise qui ne serait destinée qu'à palier la carence probatoire d'une partie, et que le seul avis du Dr [L] ne constitue par un commencement de preuve suffisant pour justifier l'expertise demandée.
À l'audience du 23 mai 2024, les parties ont demandé le bénéfice de leurs écritures, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Il résulte de la combinaison des articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, ainsi que l'a exactement rappelé le premier juge.
Adoptant les motifs pertinents par lesquels le premier juge a exactement retenu que les arrêts de travail litigieux prescrits avec continuité entre l'accident et la consolidation se rattachaient aux lésions causées par celui-ci, et que la présomption d'imputabilité qui en résultait n'était pas détruite par la preuve de leur imputabilité à une cause totalement étrangère, y ajoutant d'abord qu'il est indifférent que certains des certificats mentionnent en outre l'état anxiodépressif dont la caisse avait parallèlement rejeté la demande de prise en charge à titre professionnel, cette circonstance n'entamant pas le fait que les mêmes certificats mentionnent les lésions initiales et restent ainsi rattachables à l'accident, et y ajoutant enfin que les simples doutes émis par le médecin conseil de l'employeur, non confortés par le soupçon circonstancié d'une autre pathologie identifiée totalement étrangère aux suites de l'accident, ne suffisent pas à justifier l'expertise judiciaire, la cour rejettera la demande d'expertise et confirmera le jugement querellé.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;
Déboute la société [4] de sa demande d'expertise ;
Confirme le jugement rendu entre les parties le 6 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;
Condamne la société [4] aux dépens d'appel.
La greffière Le président de chambre