COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/02933 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILMT
N° de minute : 307/2024
ORDONNANCE
Nous, Catherine DAYRE, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;
Dans l'affaire concernant :
M. X se disant [D] [U]
né le 23 Janvier 2005 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 26 octobre 2023 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN faisant obligation à M. X se disant [D] [U] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 10 juin 2024 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN à l'encontre de M. X se disant [D] [U], notifiée à l'intéressé le même jour à 11h55 ;
VU l'ordonnance rendue le 13 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prolongeant la rétention administrative de M. X se disant [D] [U] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 12 juin 2024, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 14 juin 2024 ;
VU l'ordonnance rendue le 10 juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prolongeant la rétention administrative de M. X se disant [D] [U] pour une durée de trente jours à compter du 10 juillet 2024, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 11 juillet 2024 ;
VU la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN datée du 23 août 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h09 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. X se disant [D] [U] ;
VU l'ordonnance rendue le 24 Août 2024 à 10h45 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, rejetant le recours de M. X se disant [D] [U], déclarant la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [D] [U] au centre de rétention de [Localité 2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 24 août 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [D] [U] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 26 Août 2024 à 09h54 ;
VU les avis d'audience délivrés le 26 août 2024 à l'intéressé, à Maître Karima MIMOUNI, avocat de permanence, à Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN, à M. [R] [J], interprète en langue arabe assermenté et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 26 août 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 26 août 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. X se disant [D] [U] en ses déclarations par visioconférence par l'intermédiaire de M. [R] [J], interprète en langue arabe assermenté, Maître Karima MIMOUNI, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, par ordonnance du 24 août 2024, dont appel, a ordonné, à la demande du préfet du Bas Rhin, une quatrième prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [D] [U].
Pour ordonner la prolongation de la rétention, le premier juge a considéré que l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résultait de l'obstruction volontaire de l'intéressé à son éloignement lors des quinze derniers jours de la période de rétention, en ce que l'intéressé avait indiqué une identité différente de celle sous laquelle il était connu aux Pays Bas; qu'un embarquement vers les Pays Bas serait par ailleurs possible le 25 août.
A l'appui de son appel, Monsieur X se disant [D] [U] qui sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté, faisant valoir que les nouveaux moyens soulevés étaient recevables en application des articles 563 et 564 du code de procédure civile, a soulevé l'irrégularité de la requête en prolongation de sa rétention administrative, rappelant que le juge doit vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation mais également qu'il est effectivement fait mention des éventuels empêchements des délégataires de signature.
Il a également contesté avoir fait obstruction à son éloignement dans les quinze derniers jours, notamment en dissimulant son identité, précisant qu'il avait toujours été connu sous la même identité.
Il a ajouté que l'administration n'avait effectué aucune diligence nouvelle envers l'Algérie depuis la saisine des autorités de ce pays le 22 juillet 2024.
A l'audience, assisté de son conseil, il a indiqué être en rétention depuis 78 jours et se voir promettre à chaque audience un départ prochain. Il a précisé ne pas avoir vu sa fille, née le 29 juillet et être prêt à quitter la France dès qu'il l'aura vu.
Son conseil a repris oralement les moyens développés dans la déclaration d'appel et
a souligné que lors de l'audience du 24 août 2024 il avait été indiqué à Monsieur [U] qu'il devait partir le lendemain.
Le préfet du Bas Rhin, non comparant, a sollicité, la confirmation de l'ordonnance déférée et a repris ses écritures transmise ce jour.
Il a rappelé que par décision n°15-28795 du 13 juillet 2016, la Cour de cassation a pu constater que la présentation des parties est facultative et que le préfet peut utilement faire valoir son argumentation par un jeu d'écritures.
Il a fait valoir que les nouveaux moyens ne peuvent être soulevés que dans le délai d'appel et que les exceptions de procédure ne sont recevables qu'en tant qu'elles ont été soulevées in limine litis devant le premier juge.
Sur l'irrégularité, tirée de l'incompétence du signataire de la requête, il a indiqué que ce moyen n'a pas été soulevé devant le premier juge; qu'en application des articles 74 et 117 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, aucune exception de nullité de fond (pouvoir du signataire) ne peut être soulevée après toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; que le moyen est donc irrecevable en appel ; qu'au surplus la délégation de signature était produite et permettait d'établir que le signataire avait compétence pour saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention; que la question de l'empêchement du Préfet et des personnes placées sous son autorité était inopérante ; que la signature du délégataire emporte preuve d'indisponibilité des signataires de premier rang.
Sur le fond , il a rappelé que le juge des libertés et de la détention peut également être saisi en vue d' ordonner une 4e prolongation de la rétention administrative , en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
Il a précisé que l'intéressé allait être reconduit vers les Pays-Bas qui ont accepté de prendre l'intéressé en charge et que son éloignement se réaliserait par le plan de vol obtenu ce jour pour le 6 septembre prochain, dans le délai de la dernière prolongation.
Il a ajouté que l'intéressé était très défavorablement connu des services de police et de la justice, condamné récemment pour des faits de violences ; que la menace à l'ordre public était également caractérisée, une 4e prolongation étant également justifiée pour ce motif.
Sur quoi
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de Monsieur X se disant se disant [D] [U], à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 août 2024 à 10h45 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, interjeté le 26 août 2024 à 9h54, est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu a l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative
Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice et, en vertu de l'article 118 du même code, elle peut être proposée en tout état de cause, y compris à hauteur d'appel.
En application de l'article R743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge a l'obligation de vérifier la compétence du signataire de la requête.
En l'espèce, il ressort de l'arrêté préfectoral portant délégation produit par l'intimé, que le signataire de la requête en prolongation de la rétention administrative , Madame [Y], est régulièrement déléguée par le préfet.
La preuve, par le préfet, de l'indisponibilité des signataires de premier rang n'est pas exigée par le texte et la signature du délégataire emporte preuve de leur empêchement.
Il s'ensuit que l'irrégularité soulevée n'est pas fondée.
Sur le bien fondé de la quatrième prolongation de la rétention administrative
Aux termes de l'article L. 742-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version modifiée par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
(...)
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre vingt-dix jours.
Aux termes de l'article L741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
***
Il convient d'observer, préalablement, que la requête en quatrième prolongation de la rétention administrative , si elle évoque le passé judiciaire de Monsieur X se disant se disant [D] [U], ne précise pas le fondement de la demande.
Il ressort des pièces du dossier administratif que l'administration n'a pas été défaillante dans ses diligences envers l'Algérie, pays dont l'intéressé se déclare ressortissant, mais qu'en l'absence de réponse de ce pays, elle s'est résolue à l'éloigner plutôt vers les Pays Bas, dans le cadre d'une réadmission.
Une première demande de routing vers ce pays a été rejetée le 20 août 2024 et l'administration justifie de l'obtention d'un nouveau routing pour le 6 septembre 2024.
La cour ne peut toutefois que constater que l'imminence du départ ou l'absence de moyen de transport dans la période écoulée des quinze derniers jours, ne fait pas partie des critères légaux permettant d'ordonner une quatrième prolongation de la rétention administrative.
Il sera par ailleurs observé que les Pays Bas ont donné leur accord pour une réadmission le 12 juin 2024 et que , ce jour, le 26 août 2024, l'intéressé est toujours retenu, alors même que les vols vers les Pays Bas sont multiquotidiens et que cet état se trouve à moins de 1000 kilomètres du lieu de rétention.
Par ailleurs contrairement à ce qu'indique le premier juge, il n'est établi aucune obstruction par Monsieur X se disant [D] [U] à son éloignement dans les quinze derniers jours, l'intéressé n'ayant nullement fait état d'une nouvelle identité ou d'une nouvelle nationalité pendant cette période.
Enfin, si le conseil de la préfecture, invoque, pour solliciter la quatrième prolongation de la rétention administrative, la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé, élément jamais invoqué jusque là, force est de constater qu'en dehors des extraits du fichier automatisé de traitement des antécédents judiciaires, lesquels ne peuvent à eux seuls, constituer une preuve de culpabilité de faits délictuels ou criminels, il n'est produit aucune pièce à l'appui de ce moyen, que ce soit les jugements de condamnation pénale dont l'intéressé aurait été l'objet ou un extrait de son casier judiciaire.
S'il est produit une fiche pénale mettant à exécution une peine d'emprisonnement avec sursis, prononcée en 2021, il n'est fourni aucun détail sur la peine ayant permis cette révocation et qui aurait pu caractériser une menace à l'ordre public grave et actuelle, une telle caractérisation faisant dès lors défaut.
La cour ne peut alors que constater qu'aucun des critères légaux autorisant une quatrième prolongation de la rétention administrative ne se trouve constitué dans le dossier de Monsieur X se disant [D] [U], de sorte que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a fait droit à la requête du Préfet du Bas Rhin, l'intéressé étant dès lors remis en liberté.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS l'appel de Monsieur X se disant [D] [U], recevable en la forme,
Y faisant droit,
INFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 24 août 2024,
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête en quatrième prolongation de la rétention administrative formulée par Madame la préfète du Bas Rhin,
ORDONNONS la remis en liberté de Monsieur X se disant [D] [U] ;
PERMETTONS à l'interessé de récupérer ses affaires personnnelles ;
RAPPELONS à l'interessé qu'il a l'obligation de quitter le territoire dans les plus brefs délais.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 26 Août 2024 à 15h30, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence
- Maître Karima MIMOUNI, conseil de M. X se disant [D] [U]
- de l'interprète, lequel a traduit la présente décision à l'intéressé lors de son prononcé.
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 26 Août 2024 à 15h30
l'avocat de l'intéressé
Maître Karima MIMOUNI
comparante
l'intéressé
M. X se disant [D] [U]
comparant par visio-conférence
l'interprète
M. [J]
comparant par visio-conférence
l'avocat de la préfecture
LA SELARL CENTAURE
non-représentée
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. X se disant [D] [U]
- à Maître Karima MIMOUNI
- à Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. X se disant [D] [U] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé