COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/02930 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILMO
N° de minute : 306/24
ORDONNANCE
Nous, Catherine DAYRE, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;
Dans l'affaire concernant :
M. X se disant [K] [B]
né le 12 Juillet 1996 à [Localité 2] (ALGERIE)
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 3 avril 2023 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN faisant obligation à M. X se disant [K] [B] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 24 juillet 2024 par LE PREFET DU HAUT-RHIN à l'encontre de M. X se disant [K] [B], notifiée à l'intéressé le même jour à 18h00 ;
VU l'ordonnance rendue le 30 juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prolongeant la rétention administrative de M. X se disant [K] [B] pour une durée de vingt-six jours à compter du 28 juillet 2024, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 31 juillet 2024 ;
VU la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN datée du 23 août 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h16 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de trente jours de M. X se disant [K] [B] ;
VU l'ordonnance rendue le 24 Août 2024 à 10h40 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [K] [B] au centre de rétention de [Localité 1], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 23 août 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [K] [B] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 26 Août 2024 à 09h18 ;
VU la proposition de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN par voie électronique reçue le 26 août 2024 afin que l'audience se tienne par visioconférence,
VU les avis d'audience délivrés le 26 août 2024 à l'intéressé, à Maître Karima MIMOUNI, avocat de permanence, à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 26 août 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 26 août 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. X se disant [K] [B] en ses déclarations par visioconférence, Maître Karima MIMOUNI, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, par ordonnance du24 août 2024, dont appel, a ordonné, sur requête de la préfecture du Haut Rhin une deuxième prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [K] [B].
Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que l'éloignement n'avait pu être exécuté en raison l'absence de délivrance des documents de voyage, due à la dissimulation, par la personne retenue, de son identité; que l'administration avait effectué les diligences utiles en saisissant succesivement les autorités marocaines, algériennes et tunisiennes ; qu'aucun élément ne permettait de douter de la délivrance de ces documents dans un délai compatible avec l'organisation matérielle du départ d'ici la fin de la période maximale de rétention administrative .
A l'appui de son appel, Monsieur X se disant [K] [B], qui sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée, faisant valoir que les nouveaux moyens soulevés étaient recevables en application des articles 563 et 564 du code de procédure civile, a soulevé l'irrégularité de la requête en prolongation de sa rétention administrative, rappelant que le juge doit vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation mais également qu'il est effectivement fait mention des éventuels empêchements des délégataires de signature.
Il a également argué du défaut de diligence de l'administration, soutenant que d'une part une demande d'admission aurait dû etre adressée à la Suisse puisqu'il avait fait l'objet d'un 'Hit ' positif pour la Suisse à la borne Eurodac et que, d'autre part ses empreintes ont été transmises à la Tunisie le 20 août 2024 soit 19 jours après la demande formulée par ce pays.
A l'audience, Monsieur X se disant [K] [B] a exposé qu'il était algérien mais que son pays ne le reconnaissait pas. Il a expliqué n'avoir aucun papier d'identité ou acte de naissance.
Son conseil, a repris oralement les moyens développés dans la déclaration d'appel.
Le préfet du Haut Rhin, non comparant, a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée.
Il a fait valoir que la requête de saisine a été signée par une personne compétente pour ce faire en vertu d'une délégation de signature régulièrement publiée. Le signataire Monsieur [L] [P] (Bureau d'Asile et de l'Eloignement, arrêté du 8 mars 2024 portant délégation de signature à Monsieur [F] [T], p. 5/7) bénéficie d'une délégation régulière pour signer les requêtes au juge judiciaire à l'effet d'obtenir la prolongation du maintien en rétention des étrangers en instance d'éloignement; que les délégations de signature sont versées au dossier soumis à la Cour de céans; que la signature du délégataire emporte preuve d'indisponibilité des signataires de premier rang.
Le préfet a souligné que le retenu ne disposait pas d'un passeport en cours de validité qui permettait son éloignement et a menti à plusieurs reprises sur les éléments de son identité et déclaré trois nationalités différentes dans le but de faire échec son identificationque dès lors, l'Administration a été obligée de se substituer à l'intéressé et a ainsi formulé des demandes de reconnaissance et de délivrance de laissez-passer consulaire auprès des autorités marocaines, algériennes et tunisiennes; que les procédures d'identification sont en cours.
Il a souligné que si l'intéressé se plaint d'une insuffisance de diligences, il se prévaut du résultat de son propre comportement ;
Concernant l'éloignement vers un pays européen au titre de la procédure Dublin, la préfecture a fait valoir que, d'une part l'intéressé ne saurait choisir le pays de destination qui relève de l'appréciation de l'Administration sous le contrôle du juge administratif et d'autre part, les autorités suisses ont déjà refusé de reprendre l'intéressé en charge lors d'une procédure en 2023.
Elle a observé que les démarches utiles ont été effectuées, qu'elle est dans l'attente légitime de la délivrance d'un laissez-passer pour éloigner celui-ci vers le pays de destination fixé par l'Administration sous le contrôle du juge administratif;que le maintien de l'intéressé en rétention pour une 2e période est donc justifiée.
Sur quoi
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de Monsieur X se disant [K] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le24 août 2024 à 10h45par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, interjeté le 26 août 2024 à 9h18, est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu a l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative
Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice et, en vertu de l'article 118 du même code, elle peut être proposée en tout état de cause, y compris à hauteur d'appel.
En application de l'article R743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge a l'obligation de vérifier la compétence du signataire de la requête.
En l'espèce, il ressort de l'arrêté préfectoral portant délégation produit par l'intimé, que le signataire de la requête en prolongation de la rétention administrative, Madame [U] [E] est régulièrement déléguée.
La preuve, par le préfet, de l'indisponibilité des signataires de premier rang n'est pas exigée par le texte et la signature du délégataire emporte preuve de leur empêchement.
Il s'ensuit que l'irrégularité soulevée n'est pas fondée.
Sur le bien fondé de la deuxième prolongation de la rétention administrative
Aux termes de l'article L. 742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand un délai de vingt-huit jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de-quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1 et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exercer la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi. Selon le même texte, le juge peut également être saisi lorsque la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement.
Aux termes de l'article L741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Il ressort des pièces produites par l'administration que celle-ci a sollicité d'abord les autorités algériennes, en 2023, lesquelles ont refusé de reconnaitre l'intéréssé comme l'un de leurs ressortissants, puis les consulat de Tunisie le 24 juillet 2024.
Le consulat de Tunisie a répondu à la préfecture, le 1er août 2024 que le dossier était en cours d'instruction et lui a demandé de produire des empreintes digitales exploitables (à encre) de l'intéressé, ce qui a été fait le 20 août 2024 soit 19 jours après.
A l'audience X se disant [K] [B] a réaffirmé être de nationalité algérienne. Il ne peut donc se prévaloir d'aucun grief du fait que ses empreintes n'auraient été transmises au consulat de Tunisie que 19 jours après la demande de cette représentation consulaire.
En effet, l'appelant ne peut invoquer en défense, les aléas qui résultent du fait qu'il dissimule son identité et sa nationalité, obligeant l'administration à des saisines successives d'autorités étrangères, ce qui rallonge inévitablement son temps de rétention.
Il sera observé par ailleurs que l'administration justifie du fait que Monsieur [B] n'est pas réadmissible en Suisse.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel de M. X se disant [K] [B] recevable en la forme ;
au fond, le REJETONS ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 24 Août 2024 ;
RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :
- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,
- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
DISONS avoir informé M. X se disant [K] [B] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 26 Août 2024 à 14h53, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence
- Maître Karima MIMOUNI, conseil de M. X se disant [K] [B]
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 26 Août 2024 à 14h53
l'avocat de l'intéressé
Maître Karima MIMOUNI
comparante
l'intéressé
M. X se disant [K] [B]
comparant par visio-conférence
l'avocat de la préfecture
LA SELARL CENTAURE
non-représentée
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 1] pour notification à M. X se disant [K] [B]
- à Maître Karima MIMOUNI
- à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. X se disant [K] [B] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé