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22/08/2024 | FRANCE | N°24/02898

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 6 (etrangers), 22 août 2024, 24/02898


COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)





N° RG 24/02898 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILKY

N° de minute : 303/24





ORDONNANCE





Nous, Catherine DAYRE, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;





Dans l'affaire concernant :



M. [P] [C]



né le 01 janvier 1998 à [Localité 2] (GUINEE)

de nationalité guinéenne



Actuellement retenu au centre de

rétention de [Localité 1]





VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754...

COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 24/02898 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILKY

N° de minute : 303/24

ORDONNANCE

Nous, Catherine DAYRE, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;

Dans l'affaire concernant :

M. [P] [C]

né le 01 janvier 1998 à [Localité 2] (GUINEE)

de nationalité guinéenne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;

VU l'arrêté pris le 22 février 2024 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN faisant obligation à [P] [C] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 21 juillet 2024 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN à l'encontre de [P] [C], notifiée à l'intéressé le même jour à 16h55 ;

Vu l'ordonnance rendue le 26 juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prolongeant la rétention administrative de M. [P] [C] pour une durée de 26 jours à compter du 25 juillet 2024, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 27 juillet 2024 ;

VU la requête de Mme la PREFETE DU BAS-RHIN datée du 20 août 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h31 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 30 jours de [P] [C] ;

VU l'ordonnance rendue le 21 Août 2024 à 11h04 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière, la déboutant de sa demand en prolongation de la mesure de rétention et ordonnant la remise en liberté de M. [P] [C] ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 22 Août 2024 à 07h11 ;

VU les avis d'audience délivrés le 22 août 2024 à [P] [C], à Maître MESSAGEOT, avocat de permanence, à la SELARL CENTAURE AVOCATS, conseil de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN, et à M. Le Procureur Général ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par le procureur de la République de Strasbourg par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 22 Août 2024 à 11h11 et la demande aux fins de déclarer cet appel suspensif conformément à l'article L743-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'ordonnance rendue le 22 août 2024 par le délégué du premier président de la cour d'appel faisant droit à l'appel suspensif du procureur de la république ;

Le représentant de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN, appelant, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 22 août 2024, n'a pas comparu.

Après avoir entendu M. [P] [C] en ses déclarations par visioconférence, Maître MESSAGEOT Mathilde, commise d'office en ses observations pour le retenu et à nouveau l'intimé qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le 22 février 2024, Monsieur [P] [C] a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français , pris par le préfet du Bas Rhin.

Il a fait l'objet le même jour d'une assignation à résidence.

Ayant été destinataire, le 11 juillet 2024, d'un procès-verbal du service interdépartemental de police aux frontières , relatant que Monsieur [P] [C] ne respectait pas l'obligation de pointage, ordonnée dans le cadre de l'assignation à résidence, le préfet du Bas Rhin a ordonné son placement en rétention administrative , le 21 juillet 2024.

Cette rétention administrative a été prolongée, pour vingt-huit jours, par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg du 26 juillet 2024, confirmée le 27 juillet 2024 par le premier président de la cour d'appel de céans.

Par requête du 20 août 2024, le préfet du Bas Rhin a sollicité une deuxième prolongation, pour vingt-huit jours, de la rétention administrative de Monsieur [P] [C].

Par ordonnance du 21 août 2024, rendue à 11h04, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a rejeté cette demande et ordonné la remise en liberté de l'intéressé.

Pour statuer ainsi, le juge des libertés et de la détention a considéré que la saisine d'une unité du ministère de l'intérieur, en vue d'obtenir des autorités guinéennes le laissez-passer consulaire, ne constituait pas une saisine valable desdites autorités; qu'au surplus en l'absence de réponse de cette unité, il n'était pas établi que les autorités étrangères instruisent réellement le dossier de l'étranger.

Par acte, reçu au greffe de la cour, le 22 août 2024 à 7h11, le préfet du Bas Rhin a interjeté appel de cette décision.

Par acte, reçu le 22 août 2024 à 11h11, le procureur de la république du tribunal judiciaire de Strasbourg a interjeté appel de cette décision, en demandant au premier président de la cour d'appel de bien vouloir déclarer son appel suspensif.

Par ordonnance du 22 août 2024, le premier président de la cour d'appel a conféré effet suspensif à l'appel interjeté par le procureur de la république du tribunal judiciaire de Strasbourg.

A l'appui de son appel, le préfet du Bas Rhin a fait valoir que , la saisine des autorités guinéenne s'effectue par le moyen de l'unité centrale d'identification (« l'UCI ») de manière unifiée en exécution de la circulaire n° 44247 du 9 janvier 2019 pour éviter les demandes isolées d'obtention de laissez-passer consulaires par les préfectures auprès des pays disposant d'un réseau consulaire limité sur le territoire national; que l'efficacité de ce procédé a été attestée à plusieurs reprises par délivrances de laissez-passer consulaires.

Il a souligné que l'unité de soutien du ministère de l'Intérieur visée dans l'arrêt de la Cour du 13 juin 2019, 18-16.802 ne concerne pas l'UCI qui est une entité à part, créée postérieurement à cette jurisprudence dans le but de lutter contre l'inefficacité expérimentée en la matière auparavant; que de plus la cour de céans a déjà jugé que la saisine des autorités étrangères par le biais des unités administratives qui traitement directement avec l'autorité étrangères devait être considérée comme une diligence utile accomplie par la préfecture en vue de l'éloignement de l'étranger en direction de la Guinée en l'occurrence, au soutien de sa demande de 2e prolongation (voir en ce sens CA Colmar 6 août 2024, n° 24/02768); que, dès lors la deuxième prolongation de la rétention administrative est justifiée.

A l'appui de son appel, le procureur de la république du tribunal judiciaire de Strasbourg a fait valoir le fait que Monsieur [P] [C] ne disposait pas de garanties de représentation et représentait une menace grave pour l'ordre public en ce que, en dépit d'un casier judiciaire vierge, il est mis en cause pour de multiples faits commis depuis le début de l'année 2024 : vol avec violences commis le 10 juillet 2024, vol avec destruction ou dégradation commis le 25 mars 2024, dégradation de bien destiné à l'utilité publique commis le 21 février 2024 ; qu'il a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 21 juillet 2024 pour des faits de dégradation de bien ; que trois convocations par officier de police judiciaire lui ont été remises aux fins d'être jugé devant le Tribunal correctionnel de Strasbourg lors des audiences du 10 octobre 2024 et du 27 février 2025 ; que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 1er juillet 2022 à laquelle il n'a pas déféré; qu'il a fait l'objet d'un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai ,en date du 22 février 2024 ;que son maintien en rétention est nécessaire compte tenu de la grave menace à l'ordre public qu'il représente du fait, notamment de la multiplication des atteintes aux biens et aux personnes commises sur une période de temps très courte.

Le procureur de la république a ajouté que l'intéressé, au surplus, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes sur le territoire français eu égard au risque de soustraction à la mesure d'éloignement, et ce d'autant qu'il ne respecte pas l'obligation de pointage à laquelle il était astreint ; qu'il ne justifie ni d'un emploi, ni de ressources.

Il a observé que la préfecture justifiait avoir effectué les diligences utiles en vue de l'éloignement de Monsieur [P] [C].

A l'audience, le préfet du Bas Rhin n'a pas comparu.

A l'audience, le procureur de la république du tribunal judiciaire de Strasbourg n'a pas comparu.

Monsieur [P] [C] a comparu et exposé qu'il n'avait pas respecté l'obligation de pointage car il avait eu un accident. Il a précisé être hébergé par le 115.

Son conseil, a fait valoir qu'il n'était pas établi que l'ambassade de Guinée ait été saisi, il s'en est rapporté s'agissant de la lettre adressée au consulat contenue au dossier.

Sur quoi

Sur la recevabilité des appels

Le préfet du Bas Rhin a formé appel de l'ordonnance entreprise, rendue le rendue le 21 août 2024, à 11h04 par déclaration motivée reçue le 22 août 2024 à 7h11.

Le procureur de la république du tribunal judiciaire de Strasbourg a formé appel de l'ordonnance entreprise rendue le 21 août 2024, à 11h04, qui lui a été notifiée le même jour à 11h20, par déclaration motivée reçue le 22 août 2024 à 1h11.

Il sera donc considéré qu'il a été satisfait aux dispositions de l' article R. 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en ses modifications issues du décret n°2024-799 du 2 juillet 2024, et que les appels sont ainsi réguliers et recevables.

Sur le bien fondé de la deuxième prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l'article L. 742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand un délai de vingt-huit jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de-quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1 et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exercer la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi . Selon le même texte, le juge peut également être saisi lorsque la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement.

Aux termes de l'article L741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Il sera rappelé, en premier lieu, sur le motif retenu par le premier juge, que la question de la validité de la saisine des autorités étrangères, a été, en l'espèce, définitivement tranchée par la décision de la cour d'appel de céans , en date du 27 juillet 2024, confirmant la décision du juge des libertés et de la détention du 26 juillet 2024, ayant constaté que les diligences accomplies par l'administration étaient satisfaisantes.

Par ailleurs, de manière surabondante, il sera observé que, s'il est exact que la cour de cassation considère que l'autorité administrative qui demande la prolongation d'une rétention administrative, ne justifie pas avoir exercé les diligences suffisantes, du seul fait d'avoir demandé au service compétent du ministère de l'intérieur de saisir le consulat concerné d'une demande de laissez-passer consulaire (1ère chambre 13 juin 2019, 18-16802), c'est à tort que le premier juge a pu considérer qu'il existait en l'espèce une telle carence, le dossier administratif de Monsieur [P] [C] contenant une demande de laissez-passer consulaire adressée au consul général de Guinée le 24 juillet 2024.

S'agissant de l'absence de réponse de ce consul ou de l'Uci, saisie pour faciliter les échanges, la cour rappelle qu'en vertu d'une jurisprudence constante de la cour de cassation le préfet «ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires', de sorte que l'absence ou l'insuffisance de relance, de même que l'absence de réponse de l'autorité étrangère, ne peuvent lui être reproché ou être qualifiées de défaut de diligence ( 2ème chambre civile 30 janvier 2019, 18-11806 et 9 juin 2010, 09-12165).

Par conséquent cette critique à l'encontre des diligences de l'administration n'étant pas fondée, et aucun autre moyen n'étant soulevé à l'audience, la cour ne peut que constater qu'en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, la deuxième prolongation de sa rétention administrative est justifiée.

Enfin, il ne ressort de l'examen rigoureux du dossier aucune méconnaissance, par l'administration, d'une condition de légalité découlant du droit de l'Union et devant être dès lors, soulevée d'office, par le juge chargé de contrôler la mesure de rétention administrative.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée et cette prolongation ordonnée pour trente jours.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS les appels de Madame la préfète du Bas Rhin et de Monsieur le procureur de la république du tribunal judiciaire de Strasbourg recevables en la forme,

Y faisant droit,

INFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 21 août 2024,

Statuant à nouveau,

ORDONNONS une deuxième prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [C], pour trente jours, à compter du 20 août 2024.

RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :

- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,

- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;

DISONS avoir informé M. [P] [C] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 22 Août 2024 à 15h29 en présence de

- l'intéressé par visio-conférence

- Maître Mathilde MESSAGEOT, conseil de [P] [C]

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 22 Août 2024 à 15h29

l'avocat de l'intéressé

Me MESSAGEOT

comparante

l'intéressé

M. [P] [C]

comparant

l'avocat de la préfecture

LA SELARL CENTAURE

non représentée

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,

- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,

- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,

- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

- ledit pourvoi n'est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

- au CRA de [Localité 1] pour notification à M. [P] [C]

- à la SELARL CENTAURE AVOCATS

- à Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN

- à Maître Mathilde MESSAGEOT

- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. [P] [C] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 6 (etrangers)
Numéro d'arrêt : 24/02898
Date de la décision : 22/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-22;24.02898 ?
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