MINUTE N° 359/24
Copie exécutoire à
- Me Guillaume HARTER
- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA
Le 17.07.2024
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 17 Juillet 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 23/03598 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IFD3
Décision déférée à la Cour : 21 Juillet 2023 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de COLMAR - Chambre commerciale
APPELANTE :
S.A.S. LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE, venant aux droits de la SAS LIEBHERR MALAXAGE et TECHNIQUES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me VOLKENNER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.R.L. TRANS EK
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Selon devis en date du 22 décembre 2015, la SARL TRANS EK a acquis auprès de la SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES, une bétonnière portée de type HTM 1004 L/NOCK montée sur un châssis de marque LOUAULT, moyennant le prix de 96.620 euros hors taxes.
La société acquéreur, se plaignant de défauts de conception, résidant notamment dans le fait que l'ensemble présentait une hauteur inappropriée de plus de 4 m, obtenait l'intervention de la société SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES dès le mois de juillet 2016, qui procédait à une découpe de la trémie de chargement et à un ajout d'un barreau à l'échelle, qui s'était avérée trop courte, et en 2017 au réglage de la hauteur de la suspension, par le rajout d'une télécommande extérieure.
Estimant que ces interventions étaient insuffisantes, la SARL TRANS EK a assigné la SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES devant le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar, aux fins d'expertise. Par ordonnance de référé en date du 11 décembre 2017, une mesure d'expertise a été ordonnée et confiée à Monsieur [U], qui a déposé son rapport le 31 décembre 2018.
Par acte d'huissier en date du 31 août 2022, la SARL TRANS EK a fait assigner la SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES devant le tribunal judiciaire de Colmar, aux fins de la voir condamner, outre aux dépens, à lui payer les sommes de 12.637 euros au titre du préjudice d'usage et d'exploitation et 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par requête, la SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir prononcer l'irrecevabilité de la demande, en raison de la forclusion de l'action, estimant que les faits de la cause ne pouvaient être appréhendés que sous le prisme de la responsabilité pour vice caché, qui aurait dû être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, ce qui n'a pas été le cas.
Dans son ordonnance en date du 21 juillet 2023, le juge de la mise en état de la chambre commerciale du Tribunal Judiciaire de Colmar a :
- REJETE la fin de non-recevoir de la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES France.
- DECLARE la SARL TRANS EK recevable en sa demande, n'étant pas forclose en son action.
- RENVOYE l'affaire à l'audience de mise en état du MARDI 3 octobre 2023, pour laquelle la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE est invitée à conclure au fond.
- RESERVE les droits des parties.
- RESERVE les dépens, y compris ceux de l'incident qui suivront le sort de ceux de la procédure au fond.
- DEBOUTE la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par une déclaration faite au greffe en date du 5 octobre 2023, la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE a interjeté appel de cette ordonnance.
La SARL TRANS EK s'est constituée partie intimée par une déclaration faite au greffe en date du 12 octobre 2023.
Par ses dernières conclusions en date du 12 février 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE demande à la Cour de :
DECLARER l'appel recevable et bien fondé
Y faire droit et en conséquence :
INFIRMER l'ordonnance de mise en état du 21 juillet 2023 rendue par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Colmar, en ce qu'elle rejette la fin de non-recevoir de la société LIEBHERR-DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE ; et déclare en conséquence la demande de la société TRANS EK recevable, n'étant pas prescrite en son action.
Statuant à nouveau :
JUGER la SARL TRANS EK irrecevable en sa demande en raison de la prescription de son action.
CONDAMNER la SARL TRANS EK au versement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE considère que la bétonnière livrée serait conforme à la commande, répondant aux stipulations contractuelles et à la réglementation et aux usages de la profession.
Le défaut allégué n'étant pas apparent, le seul fondement possible de l'action serait celui de la recherche d'un vice caché, au sens de l'article 1603 du code civil. Cette action en recherche de responsabilité pour vice caché aurait dû être initiée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, ce qui n'a pas été le cas, puisque la SARL TRANS EK - qui aurait connu ce vice au plus tard au moment du dépôt du rapport de l'expert le 31 décembre 2018 - n'a assigné la SAS LIEBHERR MALAXAGE ET TECHNIQUES que le 31 août 2022, de sorte que celle-ci serait forclose.
Par ses dernières conclusions en date du 12 mars 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SARL TRANS EK demande à la Cour de :
DECLARER la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE irrecevable en son appel, en tout cas l'y DIRE mal fondée.
En conséquence,
Le REJETER.
DEBOUTER la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
CONFIRMER la décision entreprise.
En tout cas,
CONDAMNER la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE à verser à la SARL TRANS EK une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
L'intimée reprend le raisonnement du premier juge, insiste sur le défaut de conception de la bétonnière qui lui a été livrée, et soutient que l'obligation de délivrance conforme n'aurait pas été respectée par la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE, étant précisé qu'à son sens le litige ne concernerait pas des vices cachés, dès lors que la bétonnière était affectée, dès sa livraison, de vices bien apparents, à savoir un problème de hauteur hors-tout, qui aurait été immédiatement dénoncé à la société vendeuse.
La non-conformité dénoncée résiderait dans le non-respect des stipulations de la commande et l'ignorance de certaines normes et de la réglementation française en vigueur.
L'affaire a été retenue à l'audience de plaidoirie du 10 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il sera fait renvoi à leurs conclusions respectives.
SUR CE :
L'article 4 du code de procédure civile dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, l'article 5 de ce même code précisant que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Une partie peut librement choisir le fondement juridique de son action, qu'elle soumet aux débats et à l'appréciation de la juridiction.
En l'espèce, la SARL TRANS EK estime que son adversaire engagerait sa responsabilité pour avoir livré une chose non conforme, selon le régime de responsabilité découlant de l'article 1604 du code civil.
La SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE ne saurait soutenir, devant le juge de la mise en état, une fin de non-recevoir fondée sur la prescription biennale de l'action pour vice caché, prévue par les articles 1641 et 1648 du code civil, au motif que le régime de la responsabilité invoqué par la SARL TRANS EK serait inapproprié et que les faits ne pourraient être envisagés que sous le prisme de la responsabilité de la chose affectée d'un vice caché ; en effet, cette question de la qualification de l'action relève de la seule compétence du juge du fond et non de celle du juge de la mise en état.
Dans ces conditions, le juge de la mise en état - qui n'était pas obligé d'étudier le bien-fondé de l'argumentation développée par la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE - a décidé légitimement de rejeter la requête en fin de non-recevoir qu'elle soutenait.
Il convient, dès lors, de confirmer en toutes ses dispositions le dispositif de l'ordonnance déférée, qui a rejeté la demande de la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE.
C'est au seul tribunal qu'il appartiendra d'apprécier le bien-fondé de la demande, introduite sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme.
L'ordonnance déférée étant confirmée en ses dispositions principales, elle le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par les parties, à l'occasion de la première instance.
Pour les mêmes motifs, sa demande étant rejetée, l'appelante assumera la totalité des dépens de l'appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.
Sa demande présentée à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sera écartée. En revanche, elle devra verser à la SARL TRANS EK la somme de 1 500 euros au même titre et sur le même fondement.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar, en date du 21 juillet 2023,
Et y ajoutant,
Condamne la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE aux dépens de l'appel,
Déboute la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS LIEBHERR DISTRIBUTION ET SERVICES FRANCE à payer à la SARL TRANS EK une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière : le Président :