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10/07/2024 | FRANCE | N°22/01361

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 10 juillet 2024, 22/01361


MINUTE N° 349/24

























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Nadine HEICHELBECH





Le 10.07.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 10 Juillet 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01361 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ27



cision déférée à la Cour : 22 Mars 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



S.A. BANQUE CIC EST

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 28]

[Localité 32]



Représentée ...

MINUTE N° 349/24

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Nadine HEICHELBECH

Le 10.07.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 10 Juillet 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01361 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ27

Décision déférée à la Cour : 22 Mars 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A. BANQUE CIC EST

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 28]

[Localité 32]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

INTIMES - APPELANTS INCIDEMMENT :

Madame [J] [B]

[Adresse 31]

[Localité 34]

Monsieur [D] [B] intervenant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur et Madame [Z] [B]

[Adresse 31]

[Localité 34]

Madame [K] [O] épouse [B]

[Adresse 31]

[Localité 34]

Monsieur [U] [B]

[Adresse 31]

[Localité 34]

Monsieur [C] [M] [B] intervenant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur et Madame [Z] [B]

[Adresse 35]

[Localité 33]

Madame [L] [N] épouse [B]

[Adresse 35]

[Localité 33]

Représentés par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller faisant fonction de Président, et Mme RHODE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. ROUBLOT, Conseiller faisant fonction de Président

Mme DAYRE, Conseillère

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Philippe ROUBLOT, conseiller faisant fonction de président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SA BANQUE CIC EST, venant aux droits de la banque CIAL, a accordé divers concours bancaires à la SA [B], qui a été déclarée en redressement judiciaire le 15 décembre 2003, puis fait l'objet de deux plans de cession en 2004. Le CIC EST a déclaré au passif de la société une créance de 1 535 457 €.

Suite à la découverte de malversations, ses dirigeants MM. [Z] et [I] [B] ont fait l'objet d'une enquête pénale. A l'issue, M. [Z] [B], PDG, a été condamné le 03 mars 2007 pénalement, et devait indemniser le CIC EST, partie civile au principal, à hauteur d'une somme de 530 908,43 €.

D'un point de vue civil, MM. [I] et [Z] [B], en leur qualité de caution de la société [B], ont été condamnés par la juridiction commerciale à verser au profit de la requérante, des montants de 30 489,80 €, 76 224,51€ et 430 719,21 €.

Lorsque la banque a voulu inscrire une hypothèque provisoire sur les biens immobiliers appartenant aux cautions, elle a découvert que par acte du 04 novembre 2003, [Z] [B] et son épouse avaient réalisé une donation-partage de divers biens immobiliers au profit de leurs enfants [D] et [C] [M] [B].

La banque a attaqué la régularité de cette donation, et a obtenu une décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG le 10 janvier 2008, qui lui déclarait inopposable le transfert de la nue-propriété des biens immobiliers réalisé les 31 octobre et 04 novembre 2003 au profit de [C] [M] et [D] [B], comme étant entaché de fraude paulienne. Cette décision portait :

- d'une part sur des biens relevant de la communauté des époux [Z] [B], soit :

*la moitié indivise d'un immeuble sis à [Localité 33], cadastré section B n°[Cadastre 26]-[Localité 46] et inscrit au feuillet 863 du Livre Foncier de [Localité 33],

*un immeuble sis à [Localité 33], cadastré section A n°[Cadastre 29]-[Localité 41] et inscrit au feuillet 900 du Livre Foncier de [Localité 33],

*un immeuble sis à [Localité 38], cadastré section 3 n°[Cadastre 30]-[Localité 39] et inscrit au feuillet 2176 du Livre Foncier de [Localité 38]

- d'autre part sur des biens appartenant à [Z] [B] seul, soit :

*la moitié indivise d'un immeuble sis à [Localité 33], cadastré section B n°[Cadastre 36]/[Cadastre 25] et [Cadastre 37]/[Cadastre 25]-[Localité 46] n°43 et inscrit au feuillet 935 du Livre Foncier de [Localité 33],

*la moitié indivise d'un immeuble sis à [Localité 33], cadastré section C n°[Cadastre 27] - [Localité 42] et inscrit au feuillet 275 du Livre Foncier de [Localité 33].

Par acte d'huissier délivré le 29 janvier 2019, le CIC EST a fait citer M. [D] [B], Mme [K] [O], Mme [J] [B], M. [U] [B], M. [Z] [B], Mme [A] [E] épouse [B], M. [C] [M] [B] et Mme [L] [N] épouse [B] devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg, une partie des biens immobiliers litigieux ayant fait l'objet d'une nouvelle donation de la part de M. [D] [B] et de son épouse à leurs deux enfants selon acte du 18 octobre 2012.

Par jugement rendu le 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a ainsi statué :

DECLARE la demande formulée par le CIC EST recevable ;

DONNE acte à SA BANQUE CIC EST de l'appel en intervention forcée de MM. [C] [M] et [D] [B] en leur qualité de seuls et uniques héritiers de M. [Z] [B] et de Mme [A] [B],

REJETTE la demande formulée par la SA BANQUE CIC EST d'inopposabilité, de transfert de la nue-propriété - en application de l'acte de donation du 18/10/2012 concédé par [D] [B] et son épouse [K] [B] au profit de leurs enfants [J] [B] et [U] [B] - portant sur les biens localisés à

Commune de [Localité 38] S 3 n°[Cadastre 3]

S3 n°[Cadastre 7]/[Cadastre 2]

SAI n°[Cadastre 1]

SAI n°[Cadastre 4]

Commune de [Localité 40] S 31 n°[Cadastre 5]

Commune de [Localité 43] S 7 n°[Cadastre 6]

Commune de [Localité 33] S 4 n°[Cadastre 21]/[Cadastre 8]

SB n°[Cadastre 12]

SB n°[Cadastre 14]

SB n°[Cadastre 17]/[Cadastre 15]

SB n°[Cadastre 18]/[Cadastre 11]

SB n°[Cadastre 36]/[Cadastre 11]

SB n°[Cadastre 37]/[Cadastre 11]

SB n°[Cadastre 22]/[Cadastre 10]

SB n°[Cadastre 23]/[Cadastre 10]

SB n°[Cadastre 24]/[Cadastre 10]

SB n°[Cadastre 16]

REJETTE les demandes de dommages et intérêts fondées sur la résistance abusive ou l'abus de procédure,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au cas d'espèce ;

CONDAMNE la BANQUE CIC EST aux dépens ;

DIT que la présente décision est exécutoire par provision ;

REJETTE les autres demandes.

La SA BANQUE CIC EST a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 30 mars 2022.

Mme [J] [B], M. [D] [B], Mme [K] [O] épouse [B], M. [U] [B], M. [C] [M] [B] et Mme [L] [N] épouse [B] se sont constitués intimés le 19 mai 2022.

Dans ses dernières conclusions datées du 14 novembre 2023, transmises par voie électronique le 11 avril 2024, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SA BANQUE CIC EST demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

DIRE l'appel bien fondé,

Y faisant droit,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Rejeté la demande de la Banque CIC EST en inopposabilité du transfert de la nue-propriété, en application de l'acte de donation du 18 octobre 2012 concédé par [D] [B] et son épouse [K] [B] au profit de leurs enfants [J] et [U] [B] et portant sur les biens localisés à :

°Commune de [Localité 38] : S 3 n° [Cadastre 3], S 3 11° [Cadastre 7]/[Cadastre 2], S A1 n° [Cadastre 1], S A1 n° [Cadastre 4]

°Commune de [Localité 40] : S 31 n° [Cadastre 5]

°Commune de [Localité 43] : S 7 n° [Cadastre 6]

°Commune de [Localité 33] : S 4 n° [Cadastre 9]/[Cadastre 8], S B n° [Cadastre 12], S B n° [Cadastre 14], S B n° [Cadastre 17]/[Cadastre 15], S B n° [Cadastre 18]/[Cadastre 11], S B n° [Cadastre 19]/[Cadastre 11], S B n°[Cadastre 20]/[Cadastre 11], S B n° [Cadastre 22]/[Cadastre 10], S B n° [Cadastre 23]/[Cadastre 10], S B n° [Cadastre 24]/[Cadastre 10], SB n°[Cadastre 16],

- Rejeté la demande de la Banque CIC EST en dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Rejeté le surplus des demandes de la Banque CIC EST,

- Rejeté la demande de la Banque CIC EST sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- Condamné la Banque CIC EST aux dépens.

Et statuant à nouveau :

DECLARER inopposable à la SA BANQUE CIC EST le transfert par donation du 18 octobre 2012 de la nue-propriété des biens immobiliers désignés ci-après :

° Commune de [Localité 33] :

- un quart indivis de l'immeuble cadastré section C n° [Cadastre 27] lieudit '[Localité 42]', pour une contenance de 60 ares,

- une moitié indivise de l'immeuble à usage d'habitation situé à [Adresse 45], cadastré section A n° [Cadastre 29], lieudit '[Adresse 44]', nature 'terres, sol', pour une contenance de 44 ares 34 centiares,

° Commune de [Localité 38] :

- une moitié indivise de l'immeuble, cadastré section 3 n° [Cadastre 30] lieudit '[Localité 39]', pour une contenance de 24 ares 25 centiares,

DECLARER commun et opposable l'arrêt à intervenir aux parties en cause,

Les DEBOUTER de toutes conclusions contraires à l'appel ainsi que de l'ensemble de leurs fins, moyens, demandes et prétentions,

Les CONDAMNER solidairement à payer à la SA BANQUE CIC EST une indemnité de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que 6 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Les CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Sur l'appel en incident :

Le DIRE irrecevable sinon mal fondé,

En DEBOUTER les auteurs,

Les CONDAMNER aux frais de l'appel incident.

Dans ses dernières conclusions datées du 23 avril 2024, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, les consorts [B] demandent à la cour de :

DECLARER l'appel de la société CIC Est irrecevable pour cause de demandes nouvelles en appel ;

Sur l'appel incident de l'ensemble des intimés [D], [K], [J], [U], [C] et [L] [B] :

INFIRMER le jugement du 22 mars 2022 de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a donné acte à la société CIC Est de son appel en intervention forcée de Messieurs [C] et [D] [B] en leur qualité de seuls et uniques héritiers de Monsieur [Z] et de Madame [A] [B], déclaré la demande formulée par la société CIC recevable à leur encontre et rejeté leur demande de dommages et intérêts pour abus de procédure,

Et statuant à nouveau,

DECLARER la société CIC Est irrecevable en ses demandes comme étant prescrites, subsidiairement faute de qualité et d'intérêt à agir ;

La DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER la société CIC Est à payer à [D], [K], [J], [U], [C] et [L] [B] une indemnité de 20 000 € pour procédure abusive et frustratoire, pris in solidum ;

Sur l'appel principal de la société CIC Est,

CONFIRMER, à titre subsidiaire, sous réserve qu'il ne soit pas droit à l'appel incident des intimés, le jugement précité en ce qu'il :

- a rejeté la demande de la société CIC Est en inopposabilité du transfert par donation du 18 octobre 2012 de la nue-propriété des biens immobiliers ci-après désignés :

Commune de [Localité 38] S 3 n° [Cadastre 3]

S 3 n° [Cadastre 7]/[Cadastre 2]

S A1 n° [Cadastre 1]

S A1 n° [Cadastre 4]

Commune de [Localité 40] S 31 n° [Cadastre 5]

Commune de [Localité 43] S 7 n° [Cadastre 6]

Commune de [Localité 33] S 4 n° [Cadastre 9]/[Cadastre 8]

S B n° [Cadastre 12]

S B n° [Cadastre 14]

S B n° [Cadastre 17]/[Cadastre 15]

S B n° [Cadastre 18]/[Cadastre 13]

B n° [Cadastre 19]/[Cadastre 11]

S N n° [Cadastre 20]/[Cadastre 11]

S B n° [Cadastre 22]/[Cadastre 10]

S B n° [Cadastre 23]/[Cadastre 10]

S B n° [Cadastre 24]/[Cadastre 10]

S B n° [Cadastre 16]

- a rejeté la demande de la société CIC Est en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

DECLARER la société CIC Est irrecevable, subsidiairement, mal fondée en ses demandes ;

En toute hypothèse,

CONDAMNER la société CIC Est à payer à [D], [K], [J], [U], [C] et [L] [B], pris in solidum, une indemnité de procédure de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société CIC Est aux dépens,

REJETER toutes conclusions plus amples ou contraires.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 22 mai 2024 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 27 mai 2024.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, les consorts [B] soutiennent que l'appel est irrecevable en raison de demandes nouvelles.

Or, la présentation de demandes nouvelles en appel n'est pas une cause d'irrecevabilité de l'appel mais des prétentions nouvelles.

En conséquence, l'appel de la SA BANQUE CIC EST sera déclaré recevable.

Sur la recevabilité des demandes de la banque SA CIC EST :

- Sur les demandes nouvelles en appel :

L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, les demandes présentées par la SA BANQUE CIC EST tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance. En effet, la banque souhaite pouvoir exercer des voies d'exécution, aux fins d'obtenir le remboursement de sa créance sur les biens ayant appartenu à son débiteur, M. [Z] [B], cédés par ce dernier à ses enfants MM. [D] et [C] [M] [B], aux termes d'une donation désormais inopposable à la banque, puis, cédés une nouvelle fois pour partie par M. [D] [B] et son épouse à leurs propres enfants mineurs.

Dès lors, les demandes présentées par la SA BANQUE CIC EST ne peuvent être considérées comme des demandes nouvelles.

- Sur la prescription de l'action :

*sur le délai de prescription applicable :

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a, le 10 janvier 2008, déclaré le transfert de la nue-propriété des biens immobiliers réalisé les 31 octobre et 4 novembre 2003 par M. [Z] [B], au profit de MM. [C] [M] et [D] [B], inopposable à la SA BANQUE CIC EST, comme étant entaché de fraude paulienne.

Depuis lors, une partie des biens litigieux a fait l'objet d'une nouvelle donation de la part de M. [D] [B] et de son épouse au profit de leurs deux enfants, Mme [J] [B] et M. [U] [B], selon acte du 18 octobre 2012.

La décision rendue par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 10 janvier 2008, n'est pas opposable à Mme [J] [B] et à M. [U] [B].

Toutefois, dans une telle hypothèse, le créancier peut agir directement contre le sous-acquéreur pour saisir le bien entre ses mains. Il exerce dans une telle hypothèse l'action paulienne et est soumis au délai de prescription de droit commun, soit le délai de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil.

*sur la prescription de l'action :

L'action paulienne, qui tend à rendre inopposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits, constitue une action de nature personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil ; ce délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer cette action.

En présence d'un acte de donation-partage ayant été régulièrement porté à la connaissance des tiers, du fait de sa publication au service de la publicité foncière, ceux-ci sont réputés avoir connaissance de son existence dès cette date et l'action engagée plus de cinq ans après est prescrite (1ère Civ. 19 janvier 2022, n° 19-26.061). Ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action, que le point de départ en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits (Cass., 3ème Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.156).

En l'espèce, l'acte de donation litigieux a été régulièrement porté à la connaissance des tiers par l'effet de sa publication au livre foncier le 17 décembre 2012. Il en résulte que la SA BANQUE CIC EST était réputée avoir connaissance de l'existence de cet acte dès sa date de publication.

La SA BANQUE CIC EST a obtenu une décision rendue par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 10 janvier 2008, qui déclarait inopposable le transfert de la nue-propriété des biens immobiliers réalisé les 31 octobre et 4 novembre 2003 par M. [Z] [B], au profit de MM. [C] [M] et [D] [B], comme étant entaché de fraude paulienne.

Dès lors, elle disposait de tous moyens utiles, par le truchement de ses services juridiques et contentieux propres, pour vérifier l'évolution de la situation desdits biens immobiliers et ne pouvait ignorer que, l'acte de donation litigieux n'ayant pas été annulé, il lui appartenait de consulter le feuillet ouvert aux noms de MM. [C] [M] et [D] [B]. La SA BANQUE CIC EST n'allègue pas, ni a fortiori ne justifie, d'une irrégularité ou d'une fraude aux formalités de publicité.

Elle ne justifie pas non plus de manoeuvres ou de tout autre motif qui l'aurait empêchée d'exercer son action paulienne dans le délai de cinq ans à compter de cette date, alors même que sa créance résulte d'une ordonnance de référé du 5 juillet 2005 et d'un jugement du tribunal correctionnel du 3 mars 2007, confirmé par arrêt du 17 avril 2009, et qu'elle se trouvait depuis lors en situation de devoir assurer la sauvegarde de son droit de gage général.

Il en résulte que l'acte de donation litigieux ayant été publié le 17 décembre 2012, tandis que l'action paulienne a été engagée le 29 janvier 2019, soit plus de sept ans après la date de publication, cette action est irrecevable comme étant prescrite.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Au regard de l'issue de la procédure, la demande de dommages présentée par la banque ne peut aboutir, de sorte que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Par ailleurs, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par les consorts [B], d'une part parce qu'aucune faute de la banque n'est caractérisée, d'autre part en l'absence de préjudice évoqué et démontré par les intimés. Dès lors, le jugement déféré sera également confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Succombant, la SA BANQUE CIC EST sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement déféré seront confirmées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare la SA BANQUE CIC EST recevable en son appel,

Confirme le jugement rendu le 22 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, en ce qu'il a :

- Rejeté les demandes de dommages et intérêts fondées sur la résistance abusive et l'abus de procédure,

- Condamné la BANQUE CIC EST aux dépens,

- Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la SA BANQUE CIC EST irrecevable en ses prétentions,

Condamne la SA BANQUE CIC EST aux dépens de l'appel,

Déboute les parties de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles.

La Greffière : Le Conseiller :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/01361
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;22.01361 ?
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