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19/06/2024 | FRANCE | N°24/02186

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 6 (etrangers), 19 juin 2024, 24/02186


COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)





N° RG 24/02186 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IKFU

N° de minute : 222/2024





ORDONNANCE





Nous, Catherine DAYRE, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;





Dans l'affaire concernant :



M. X se disant [E] [L]



né le 15 Janvier 1992 à TUNIS (TUNISIE)

de nationalité tunisienne



Actuellement retenu au cent

re de rétention de [Localité 2]





VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9...

COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 24/02186 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IKFU

N° de minute : 222/2024

ORDONNANCE

Nous, Catherine DAYRE, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;

Dans l'affaire concernant :

M. X se disant [E] [L]

né le 15 Janvier 1992 à TUNIS (TUNISIE)

de nationalité tunisienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;

VU l'arrêté pris le 13 janvier 2024 par M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE faisant obligation à M. X se disant [E] [L] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 15 juin 2024 par M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE à l'encontre de M. X se disant [E] [L], notifiée à l'intéressé le même jour à 12h00 ;

VU la requête de M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE datée du 16 juin 2024, reçue et enregistrée le même jour à 14h08 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. X se disant [E] [L] ;

VU l'ordonnance rendue le 18 Juin 2024 à 10h35 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [E] [L] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 17 juin 2024 ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [E] [L] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 18 Juin 2024 à 14h08 ;

VU les avis d'audience délivrés le 18 juin 2024 à l'intéressé, à Maître Mathilde SEILLE, avocat de permanence, à [E] [K], interprète en langue arabe assermenté, à LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE et à M. Le Procureur Général ;

Le représentant de M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 18 juin 2024, a comparu.

Après avoir entendu M. X se disant [E] [L] en ses déclarations par visioconférence et par l'intermédiaire de [E] [K], interprète en langue arabe assermenté, Maître Mathilde SEILLE, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu, puis Maître MOREL, avocat au barreau de Paris, en ses observations pour la SELARL Yves CLAISSE & associés, conseil de M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE, et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, par ordonnance du 18 juin 2024, dont appel, a ordonné, à la demande du préfet de la Meurthe et Moselle, la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [E] [L].

Pour statuer ainsi, le premier juge a rejeté les moyens d'irrégularité soulevés par Monsieur X se disant [E] [L], constaté que l'éloignement n'avait pu être mis en oeuvre dans les 48 heures , qu'aucune critique n'était formulée à l'encontre des diligences de l'administration et que l'intéressé ne remplissait pas les conditions d'une assignation à résidence.

A l'appui de son appel, visant à l'infirmation de l'ordonnance, Monsieur X se disant [E] [L] a indiqué reprendre les moyens d'irrégularité soulevés en première instance et a rappelé qu'il appartenait au juge de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation de rétention administrative.

Il a également soutenu que le juge des libertés et de la détention n'avait pas pris en compte ses garanties de représentation et sa vie familiale en France.

A l'audience, Monsieur X se disant [E] [L] assisté de son conseil a indiqué vouloir retrouver sa famille. Il s'est dit prêt à partir en Allemagne ou en Suisse. Il aprécisé que son passeport se trouvait chez sa compagne à [Localité 1].

Son conseil a repris oralement les moyens développés dans la déclaration d'appel. Il a ajouté soulever le moyen de nullité tiré du droit à un recours effectif, précisant que son client n'avait pu bénéficier de l'assistance de l'ASSFAM à son arrivée au centre de rétention. Il ajoutait que Monsieur X se disant [E] [L] n'avait pas le profil d'un délinquant.

Le préfet de la Meurthe et Moselle, représenté, a conclu, à la confirmation de l'ordonnance déférée. Il a souligné que Monsieur [L] avait eu la possibilité d'exercer un recours jusqu'au lundi à midi et qu'il pouvait aussi contacter un avocat. Il a ajouté que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une assignation à résidence.

Il a rappelé que par décision n°15-28795 du 13 juillet 2016, la Cour de cassation a pu constater que la présentation des parties est facultative et que le préfet peut utilement faire valoir son argumentation par un jeu d'écritures.

Il a fait valoir que les nouveaux moyens ne peuvent être soulevés que dans le délai d'appel et que les exceptions de procédure ne sont recevables qu'en tant qu'elles ont été soulevées in limine litis devant le premier juge.

Sur l'irrégularité, tirée de l'incompétence du signataire de la requête, il a indiqué que ce moyen n'a pas été soulevé devant le premier juge; qu'en application des articles 74 et 117 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, aucune exception de nullité de fond (pouvoir du signataire) ne peut être soulevée après toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; que le moyen est donc irrecevable en appel ; qu'au surplus la délégation de signature était produite et permettait d'établir que le signataire avait compétence pour saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention ; que la question de l'empêchement du Préfet et des personnes placées sous son autorité était inopérante ; que la signature du délégataire emporte preuve d'indisponibilité des signataires de premier rang.

Sur quoi

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de Monsieur X se disant [E] [L], à l'encontre de l'ordonnance rendue le 18 juin 2024 à 10h35 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, interjeté le 18 juin 2024 à 14h08, par déclaration motivée, est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu à l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le premier moyen

Il sera rappelé que, selon une jurisprudence constante, l'appelant ne peut motiver son appel par référence aux moyens soulevés en première instance, ceux-ci devant être expressément énoncés à l'acte d'appel. Si à l'audience, le conseil de l'appelant a énoncé explicitement le moyen de nullité soulevé, la cour ne peut que constater que ce moyen a été soulevé après l'expiration du délai d'appel et est donc irrecevable.

Par conséquent la cour n'est saisie d'aucun moyen d'irrégularité affectant la procédure antérieure au placement en rétention administrative.

Sur le second moyen

L'article 542 du code de procédure civile énonce que 'l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel'.

Il résulte de ce texte, qu'un moyen d'appel, pour être opérant, doit présenter une argumentation de fait et/ou de droit, destinée à convaincre la cour que le premier juge a fait une appréciation erronée des faits de l'espèce, ou une application erronée de la règle de droit.

En l'espèce, une demande, consistant seulement, ainsi que décrit ci-dessus, à demander au juge d'appel, de procéder à la vérification de la compétence du signataire de la requête en prolongation, ne peut s'analyser en un moyen d'appel, dès lors qu'elle ne porte pas critique de la décision déférée, que l'appelant n'énonce pas que le premier juge a commis une erreur d'appréciation en déclarant la requête en prolongation régulière et que l'appelant ne précise pas à la cour les éléments de fait de son dossier, permettant de caractériser une irrégularité de la requête.

L'article L743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , qui consacre le droit d'appel des ordonnances du juge des libertés et de la détention, n'a pas instauré un double contrôle des décisions de l'administration, mais seulement le droit, pour le justiciable, de voir la décision du premier juge réformée ou annulée en cas d'erreur d'appréciation, de fait ou de droit, du premier juge.

Le moyen sera donc déclaré non recevable et ne sera pas examiné.

Sur le bien fondé de la prolongation

Aux termes de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, pour une durée de vingt-huit jours par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.

Le texte n'impose aucune condition à cette prolongation, si ce n'est que, conformément à l'article L. 741-3 du code susvisé, l'administration effectue toutes les diligences nécessaires à l'éloignement de l'intéressé, en temps utile, la rétention administrative de l'étranger devant être limitée au temps strictement nécessaire à l'organisation de son départ.

S'agissant des moyens invoqués par l'intéressé à l'encontre de la décision de prolongation de sa rétention administrative , la cour ne peut que constater que l'appelant, s'il invoque ses garanties de représentation et sa vie familiale ne caractérise pas ce moyen en fait dans sa déclaration d'appel, en explicitant sa situation, de sorte qu'en réalité la cour n'a été saisie d'aucun moyen sérieux avant l'expiration du délai d'appel.

Enfin il résulte de l'examen attentif du dossier qu'aucun défaut de diligence ne peut être reproché à l'administration, celle-ci ayant notamment saisi le consul de Tunisie, en vue d'une reconnaissance consulaire de l'intéressé, le 16 juin 2024.

Il n'apparaît donc pas que Monsieur X se disant [E] [L] soit retenu pour une durée excessive, la prolongation de la rétention administrative ayant pour objet de le maintenir à disposition pour s'assurer de sa personne, le temps strictement nécessaire à l'organisation de son éloignement.

Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents, qu'il convient d'adopter, que le premier juge a considéré que Monsieur X se disant [E] [L] ne remplissait pas les conditions d'une assignation à résidence, l'intéressé, s'il justifie de la possession d'une pièce d'identité lui permettant de voyager, ne l'ayant pas remis aux autorités.

C'est donc à bon droit, que le premier juge a prolongé sa rétention administrative.

Pour le surplus, il ne ressort de l'examen rigoureux du dossier aucune méconnaissance, par l'administration, d'une condition de légalité découlant du droit de l'Union et devant être dès lors, soulevée d'office, par le juge chargé de contrôler la mesure de rétention administrative.

L'ordonnance déférée sera par conséquent confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS l'appel de Monsieur X se disant [E] [L] recevable en la forme,

Le rejetant,

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 18 juin 2024.

RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :

- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,

- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;

DISONS avoir informé M. X se disant [E] [L] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 19 Juin 2024 à 16h27, en présence de

- l'intéressé par visio-conférence

- Maître Mathilde SEILLE, conseil de M. X se disant [E] [L]

- Maître MOREL pour la SELARL CENTAURE AVOCATS, conseil de M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE

- de l'interprète, lequel a traduit la présente décision à l'intéressé lors de son prononcé.

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 19 Juin 2024 à 16h27

l'avocat de l'intéressé

Maître Mathilde SEILLE

comparante

l'intéressé

M. X se disant [E] [L]

comparant par visio-conférence

l'interprète

M. [K]

comparant

l'avocat de la préfecture

Me MOREL

comparante

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,

- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,

- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,

- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

- ledit pourvoi n'est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. X se disant [E] [L]

- à Maître Mathilde SEILLE

- à M. LE PREFET DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE

- à la SELARL CENTAURE AVOCATS

- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. X se disant [E] [L] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 6 (etrangers)
Numéro d'arrêt : 24/02186
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.02186 ?
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