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19/06/2024 | FRANCE | N°22/04120

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 19 juin 2024, 22/04120


MINUTE N° 309/24

























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Noémie BRUNNER





Le 19.06.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 19 Juin 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/04120 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6OI



Décision dÃ

©férée à la Cour : 16 Septembre 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial



APPELANTES - INTIMEES INCIDEMMENT :



Société 360PLUS CONSULT GMBH

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4] (ALLEMAGNE)...

MINUTE N° 309/24

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Noémie BRUNNER

Le 19.06.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 19 Juin 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/04120 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6OI

Décision déférée à la Cour : 16 Septembre 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial

APPELANTES - INTIMEES INCIDEMMENT :

Société 360PLUS CONSULT GMBH

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4] (ALLEMAGNE)

S.A.R.L. ENDURA GEOTHERMIE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentées par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me BRAULT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A. ELECTRICITE DE STRASBOURG

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me LIESENFELD, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 31 octobre 2017, par laquelle la société de droit allemand 360Plus Consult GmbH, ci-après également dénommée '360Plus', et la SARL Endura Géothermie France (EGF) ont fait citer la SA Électricité de Strasbourg (ÉS) devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le renvoi de l'affaire devant la chambre commerciale de la même juridiction,

Vu le jugement rendu le 16 septembre 2022, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg, à compétence commerciale, a statué comme suit :

'DEBOUTE la société ELECTRICITE de STRASBOURG de ses demandes tendant à voir à prononcer la caducité de la convention de cession de l'autorisation de recherches, voire sa nullité et la caducité de l'accord cadre de mission et en conséquence de sa demande de restitution de la somme de 420.000 €.

DEBOUTE la société ELECTRICITE de STRASBOURG de ses demandes tendant à voir constater la mauvaise foi des demanderesses et à invoquer la force majeure.

CONSTATE que l'article 6 de l'accord-cadre s'analyse en une clause pénale manifestement excessive, dont le montant sera abaissé à la somme de 30 000 € (trente mille euros).

CONDAMNE la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la SARL de droit allemand 360PLUS CONSULT GMBH la somme de 30 000 € (trente mille euros) au titre de la clause pénale stipulée dans l'accord-cadre, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

CONDAMNE la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG aux dépens.

CONDAMNE la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la SARL ENDURA GEOTHERMIE FRANCE et la SARL de droit allemand 360PLUS CONSULT GMBH la somme globale de 5 000 € (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes.

ORDONNE l'exécution provisoire de ce jugement.'

Vu la déclaration d'appel formée par la société de droit allemand 360Plus Consult GmbH et la SARL Endura Géothermie France contre ce jugement et déposée le 8 novembre 2022,

Vu la constitution d'intimée de la SA Électricité de Strasbourg en date du 1er décembre 2022,

Vu les dernières conclusions en date du 28 juillet 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la société de droit allemand 360Plus Consult GmbH et la SARL Endura Géothermie France demandent à la cour de :

'Vu la CONVENTION DE CESSION DU PROJET DE GÉOTHERMIE PROFONDE [Localité 3] entre EGF et ÉS du 19 mars 2014,

Vu l'ACCORD-CADRE DE MISSIONS POUR DES PROJETS DE GÉOTHERMIE PROFONDE entre ÉS et 360plus du 19 mars 2014,

Vu l'article 1103 du Code civil (ancien article 1134),

Sur l'appel principal de la société ENDURA GEOTHERMIE France et de 360PLUS CONSULT GMBH :

INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'article 6 de l'Accord-Cadre s'analysait en une clause pénale manifestement excessive et réduit la créance de 360plus de 290.482,04 € à 30.000 €.

A titre principal, JUGER que compte tenu des circonstances de l'espèce, l'article 6 de l'Accord-Cadre ne s'analyse pas en une clause pénale et qu'elle n'est dès lors pas susceptible de modération.

A titre subsidiaire, si la Cour d'Appel devait considérer que l'article 6 de l'Accord-Cadre s'analyse en une clause pénale, JUGER que la créance de 360plus en résultant n'est pas 'manifestement excessive' et qu'il n'y a pas lieu d'en modérer le montant.

Sur l'appel incident de la société ELECTRICITE DE STRASBOURG :

La DEBOUTER de l'intégralité de ses demandes ;

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a dit que 360plus était bien fondée à demander à ELECTRICITE DE STRASBOURG l'application de l'article 6 de l'Accord-Cadre.

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté ELECTRICITE DE STRASBOURG de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause,

CONDAMNER la société ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la société 360plus Consult GmbH la somme de 290.482,04 €

CONDAMNER la société ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la société 360plus Consult GmbH les intérêts courus sur ladite somme de 290.482,04 €, à compter de la facture de 360plus à ÉS du 4 mai 2017

- à titre principal au taux prévu par L. 441-10, II du Code de Commerce, à savoir le taux appliqué à ses opérations de refinancement par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points, cela, avec capitalisation

- à titre subsidiaire, au taux légal, avec capitalisation

- mais dans tous les cas seulement ceux qui ne sont pas atteints par la prescription de 5 ans de l'article 2224 du Code Civil.

CONDAMNER la société ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la société à la société 360plus Consult GmbH et à la société ENDURA GEOTHERMIE France la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la société ELECTRICITE DE STRASBOURG aux entiers dépens'

et ce, en invoquant, notamment :

- une créance de la société 360Plus bien fondée, dans son principe et son montant, comme correspondant, conformément à l'article 6 de l'accord cadre, à 20 % de la différence entre le 'Montant Garanti des Missions' et le montant de ces commandes, l'argumentaire de la partie adverse en contestation de cette créance étant réfuté, tant quant à la caducité de la convention de cession, qui, ayant été exécutée de manière parfaite, n'aurait pas perdu son objet essentiel, ni sa cause, la société ÉS ayant obtenu la cession d'un projet alors parfaitement valable, que quant à la caducité de l'accord-cadre, formant un ensemble contractuel avec la convention de cession elle-même non caduque, sans incidence du devenir du projet de [Localité 3], auquel l'accord-cadre n'aurait pas été limité, et dans lequel la société EGF ne restait pas engagée à la suite de la cession, la nullité de la convention et de l'accord-cadre étant également contestée, à défaut d'erreur, relative à la prolongation de l'autorisation, qui pourrait présenter un caractère excusable, alors qu'est en cause un expert du secteur, en présence de textes qualifiés de parfaitement clairs, toute erreur commune aux parties, et même à l'administration, contre les décisions de laquelle aucun recours n'a été intenté, étant discutée, rendant l'erreur adverse peu vraisemblable, l'erreur alléguée étant, en outre, dépourvue de caractère déterminant, ce dernier s'appréciant à la date de conclusion de la convention,

- l'absence, également, à ce titre de mauvaise foi des concluantes dans l'invocation de l'application de l'article 6 de l'accord-cadre, laquelle ne serait pas démontrée, pas plus que la survenance d'un événement de force majeure exonérant la société ÉS d'exécuter ses engagements, ce que ne serait pas la péremption de l'autorisation de recherches, qui était prévisible, de même que l'absence d'obtention préalable d'une DOTEX, le choix, par l'intimée, de déposer une nouvelle demande à ce titre huit mois avant l'expiration de l'autorisation ayant, en outre, activement contribué à la situation dans laquelle elle s'est retrouvée,

- l'absence de caractère de clause pénale de l'article 6 de l'accord cadre, comme relevant d'une clause de dédit, correspondant à la faculté de se libérer unilatéralement de ses engagements, et ce alors que dans la commune intention des parties, la signature de l'accord-cadre et donc le montant garanti des missions auraient été l'une des contreparties de la cession du projet, l'article 6 étant, en outre, complété par un article 8.1 sur la résiliation sans faute, laissant la possibilité à la société ÉS, moyennant la même indemnisation, de ne pas commander le Montant Garanti des Missions, que ce soit en résiliant avant terme (article 8.2.), ou en laissant passer la durée contractuelle (article 6), outre que la société 360Plus n'aurait jamais exigé la passation de commandes de la part de la société ÉS,

- à titre subsidiaire, l'absence de montant 'manifestement excessif' de cette clause, point non explicité par le tribunal, alors que le montant réclamé par 360Plus correspondrait aux marges non réalisées,

- les conséquences pour la société 360Plus du non-respect de ses obligations par la société ÉS, notamment en termes d'emploi,

- le bien-fondé de la société 360Plus à demander des intérêts au taux prévu par L. 441-10, II du Code de Commerce, à savoir le taux appliqué à ses opérations de refinancement par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points, cela à compter de la facture de 360plus à la société ÉS du 4 mai 2017, avec capitalisation, cette demande constituant le complément de la demande principale et étant donc recevable à hauteur de cour, les conditions d'application de la disposition précitée étant, en outre, réunies.

Vu les dernières conclusions en date du 8 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Électricité de Strasbourg demande à la cour de :

'Vu les dispositions des anciens articles 1101 et suivants du Code civil, interprétés à la lumière de la réforme du droit des contrats du 1er février 2016, et notamment les articles 1109, 1110, 1131, 1134, 1147, 1148, 1152 et 1226.

SUR APPEL PRINCIPAL

DECLARER l'appel mal fondé,

Le REJETER,

CONFIRMER le Jugement entrepris dans la limite de l'appel incident,

SUR APPEL INCIDENT

DECLARER l'appel incident recevable,

DECLARER l'appel incident bien fondé,

INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société ÉS de ses demandes tendant à voir :

'prononcer la caducité de la convention de cession de l'autorisation de recherches, voire sa nullité et la caducité de l'accord cadre de mission et en conséquence de sa demande subséquente de restitution de la somme de 420.000 €,

'constater l'inapplicabilité de l'article 6 de l'accord-cadre de mission compte tenu de la mauvaise foi des appelantes et de la force majeure à laquelle a été confrontée la concluante,

- seulement modéré le montant de la clause pénale à hauteur de 30.000 euros et condamné la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la SARL de droit allemand 360PLUS CONSULT GMBH la somme de 30.000 euros au titre de la clause pénale stipulée dans l'accord-cadre, avec intérêt au taux légal à compter du Jugement,

- condamné la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG à payer à la SARL ENDURA GEOTHERMIE France et la SARL de droit allemand 360PLUS CONSULT GMBH la somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SA ELECTRICITE DE STRASBOURG aux dépens,

Et Statuant à nouveau dans cette limite,

A titre principal,

DECLARER la convention de cession de l'autorisation de recherches caduque à compter du 28 juillet 2015, avec effet rétroactif,

DECLARER l'accord-cadre de mission caduc à compter de la même date,

CONDAMNER la société ENDURA GEOTHERMIE FRANCE SARL à payer à la société ELECTRICITE DE STRASBOURG une somme de 420.000 € TTC (350.000 € HT) en remboursement du prix de cession versé,

DEBOUTER les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE de toutes leurs demandes,

A titre subsidiaire,

DECLARER que le consentement de la société ELECTRICITE DE STRASBOURG lors de la signature de la convention de cession de l'autorisation de recherches a été vicié par une erreur,

PRONONCER sa nullité et DECLARER en conséquence la caducité de l'accord-cadre de mission,

CONDAMNER la société ENDURA GEOTHERMIE FRANCE SARL à payer à la société ELECTRICITE DE STRASBOURG une somme de 420.000 € TTC (350.000 € HT) en remboursement du prix de cession versé,

DEBOUTER les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE de toutes leurs demandes,

A titre éminemment subsidiaire :

DECLARER que les appelantes invoquent de mauvaise foi l'article 6 de l'accord-cadre de mission,

DECLARER que la société ELECTRICITE DE STRASBOURG a été confrontée à un événement de force majeure et l'exonérer de toute responsabilité,

DEBOUTER en conséquence les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE de toutes leurs demandes,

A titre infinement [comprendre : infiniment] subsidiaire :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que l'article 6 de l'accord-cadre de missions s'analysait en une clause pénale manifestement excessive,

DECLARER la clause pénale inapplicable faute de préjudice ou MODERER son montant à hauteur maximum d'un euro symbolique,

DEBOUTER en conséquence les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE de toutes autres demandes,

En toutes hypothèses :

CONDAMNER in solidum les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE à payer à la société ELECTRICITE DE STRASBOURG une somme de 10.000 € au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure de 1ère instance,

CONDAMNER in solidum les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE aux entiers frais et dépens de 1ère instance,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE de leurs fins, moyens et conclusions,

CONDAMNER in solidum les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE à payer à la société ELECTRICITE DE STRASBOURG une somme de 10.000 € au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

CONDAMNER in solidum les sociétés 360PLUS CONSULT et ENDURA GEOTHERMIE aux entiers frais et dépens d'appel'

et ce, en invoquant, notamment :

- à titre principal, la caducité de la convention de cession du fait de la disparition de l'autorisation qui en constituait l'élément essentiel, avec pour conséquence la disparition tant de la contrepartie que de la cause du contrat, dont l'exécution était, en outre, rendue impossible, aucune des phases prévues par les parties n'ayant pu débuter,

- en conséquence, la restitution à la concluante de la somme payée à la société EGF,

- la caducité, également, de l'accord-cadre de missions par l'effet de l'indivisibilité des contrats, et, en conséquence, de la caducité de la convention de cession, qui en constituait une condition déterminante comme sa disparition rendait impossible l'exécution de l'accord cadre, mais aussi sa caducité pour des raisons qui lui sont propres, à savoir la circonstance du non-renouvellement d'autorisation rendant impossible son exécution, comme étant subordonnée au projet '[Localité 3]', avec pour conséquence que la demande en paiement de la société 360Plus ne serait pas fondée,

- à titre subsidiaire, la nullité de la convention de cession pour erreur, selon elle déterminante et excusable, au regard des positions des parties comme de l'administration, sur les qualités substantielles de la prestation, à savoir l'aptitude à la prolongation de l'autorisation de recherches cédée, mais aussi l'interprétation du droit par l'administration pour refuser l'autorisation de travaux, en retenant la nécessité d'avoir une autorisation de recherches en cours de validité au moment du dépôt de la demande de travaux (DOTEX), mais aussi au moment de son octroi, avec pour conséquence la restitution à la concluante de la somme payée à la société EGF et le rejet de la demande de la société 360Plus, comme reposant sur un contrat caduc, par l'effet de l'indivisibilité des contrats,

- plus subsidiairement, le mal fondé de la demande de la société 360Plus, qui invoquerait le contrat, et plus particulièrement son article 6, de mauvaise foi, c'est-à-dire sans tenir compte du changement de circonstances qui a rendu impossible la prolongation de la relation, et en ce que la concluante pourrait faire valoir qu'elle est dans l'impossibilité de l'exécuter, du fait de l'événement de force majeure auquel elle se trouve confrontée,

- plus subsidiairement encore, une demande de la société 360Plus reposant non sur une clause de dédit, qui indemniserait l'exercice licite d'une faculté contractuelle, mais sur une clause pénale (sanctionnant une inexécution illicite) révisable et méritant de l'être, compte tenu de l'absence totale de préjudice subi par l'intéressée, dont l'argumentation sur ce point est réfutée,

- en tout état de cause, la contestation du calcul des montants réclamés par la société 360Plus, compte tenu des montants déjà payés, outre la contestation du bénéfice des dispositions de l'article L. 441-10 du code de commerce, ainsi que du jeu de l'anatocisme relevant de demandes nouvelles et donc irrecevables, et seul le taux prévu aux CGA étant, le cas échéant, applicable.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 mars 2024,

Vu les débats à l'audience du 17 avril 2024,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Au préalable, la cour rappelle que :

- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions, que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à 'dire et juger' lorsqu'elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).

Sur le contexte du litige :

Le 1er mars 2012, le préfet du département du Bas-Rhin a délivré, à la suite d'une demande en date du 18 octobre 2010, à la SARL Endura Géothermie France (EGF), filiale de la société allemande 360Plus Consult GmbH, spécialisée dans le développement de projets dans le domaine des énergies renouvelables, une autorisation de recherches de gîtes géothermiques 'Basse Température', selon une distinction prévue à l'époque par le code minier, qui en régit l'exercice, en fonction de la température de l'eau du sous-sol, dans un périmètre défini comme 'la zone de [Localité 3]', cette autorisation ayant une validité de trois ans, soit jusqu'au 1er mars 2015, conformément aux dispositions du code précité, étant précisé que cette autorisation, ouvrant une phase dite 'de recherches', devait être complétée par une 'Déclaration d'Ouverture de Travaux de Recherche et d'Exploitation' (DOTEX), pour pouvoir procéder aux forages nécessaires lors de cette phase de recherches. Il doit encore être précisé qu'une seconde phase dite 'd'exploitation', sanctionnée par un permis d'exploiter, s'ouvre à l'issue de la phase de recherches' si la recherche du titulaire de l'autorisation précitée est fructueuse.

Le 25 juin 2013, les sociétés EGF et ÉS, en pourparlers en vue de l'acquisition, par la société ÉS, de l'autorisation de recherche, ont signé une convention encadrant les modalités de leur collaboration dans le cadre du projet '[Localité 3]', notamment pour le dépôt de la DOTEX.

Le 7 août 2013, la préfecture du Bas-Rhin a notifié à la société EGF, que sa demande d'autorisation d'ouverture de travaux de forage dans le cadre de l'autorisation de recherches dite '[Adresse 5], à comprendre comme la demande de DOTEX, était recevable, ajoutant que cette demande était soumise à une enquête publique.

Le 19 mars 2014, la société EGF a cédé à la société ÉS l'autorisation de recherches, les deux parties devant conclure simultanément une convention de cession du projet de géothermie profonde et un accord-cadre de mission des projets de géothermie profonde.

Ainsi, la convention de cession prévoyait-elle la cession, par la société EGF, à la société ÉS, sous condition suspensive 'de l'obtention de l'autorisation de mutation de l'Autorisation de Recherche' à la société ÉS, de tous ses droits sur l'autorisation de recherches et la DOTEX, moyennant le paiement, par la société ÉS, à la société EGF, sous quinze jours, d'une somme de 350 000 euros hors taxes (HT), restituable à défaut de réalisation dans les 18 mois de la condition suspensive, puis d'une rémunération de résultat, due en cas de réalisation d'un (ou de) projets de géothermie profonde.

Aux termes de l'accord-cadre, la société ÉS s'engageait également, cette fois envers la société 360Plus, à commander, au cours des trois années suivant la signature, des prestations pour un volume minimum de 1 500 000 euros HT, l'article 6 de l'accord stipulant que, si la société ÉS commandait des prestations à la société 360PLUS pour un volume total inférieur au 'montant garanti des missions', les parties s'engageaient à se rencontrer pour proposer et conclure soit une prolongation de l'accord-cadre, compte tenu des évolutions de plannings et évolutions éventuelles, soit une indemnisation, dont serait redevable la société ÉS, égale à 20 % de la différence entre le montant garanti des missions et le volume des missions commandées.

Il est à noter que la cession de l'autorisation de recherches a été autorisée par l'autorité préfectorale, par arrêté en date du 15 septembre 2014.

À la demande de la préfecture, lui ayant proposé, 'au vu du nombre de compléments à produire', de 'retirer [son] dossier initial de demande d'ouverture de travaux et de déposer (...) un nouveau dossier comprenant l'ensemble des compléments demandés depuis le début de la procédure au titre de [sa] société, à l'issue de la procédure de mutation du titre d'autorisation, ceci dans un but de lisibilité et de meilleure compréhension en vue de l'enquête publique qui devra avoir lieu', la société ÉS a déposé, le 14 août 2014, une nouvelle DOTEX, déclarée recevable le 25 septembre 2014, l'enquête publique se déroulant du 14 avril au 18 mai 2015.

Parallèlement la société ÉS a déposé le 20 février 2015 une demande de prolongation d'autorisation de recherches, qui lui a été refusée le 28 juillet 2015, au motif, notamment que :

'aucune disposition du code minier relative à la géothermie basse température et aucune règle du décret n° 78-498 du 28 mars 1978 relatif aux titres de recherches et d'exploitation de géothermie ne prévoit de condition ou de procédure dans laquelle une telle autorisation peut être prolongée.

Dès lors, son titulaire ne dispose que de la faculté de demander, avant l'expiration de la validité de l'autorisation de recherches, l'octroi d'un permis d'exploitation dans les conditions de l'article 12 du décret du 28 mars 1978 précité dans l'hypothèse où il souhaiterait mener des activités d'exploitation, ou de la possibilité de solliciter une nouvelle autorisation de recherches, dans le respect des règles fixées aux articles 3 et suivants dudit décret, pour le cas où il souhaiterait poursuivre l'exploration de gîtes géothermiques.

Dans cette dernière hypothèse, la demande d'octroi de l'autorisation de recherches doit alors faire l'objet de l'instruction décrite aux articles 3 et suivants du décret, avec une nécessaire mise en concurrence de la demande, décrite à l'article 10 du décret.'

Finalement, le 13 août 2015, la préfecture a refusé la demande de DOTEX, compte tenu de la caducité de l'autorisation de recherches.

Sur la caducité de la convention de cession de l'autorisation de recherche et, par voie de conséquence, de l'accord-cadre :

Si la partie intimée, et appelante à titre incident, conclut à la caducité de la convention de cession du fait de la disparition de l'autorisation qui en aurait constitué, à son sens, l'élément essentiel, ce que réfutent les parties adverses, qui invoquent l'exécution parfaite de la convention de cession et l'absence de limitation du champ de l'accord-cadre au projet dit 'de Hangenbieten', la cour observe que la convention de cession a reçu exécution, à une date à laquelle l'autorisation de recherches octroyée en 2012 était encore en vigueur, et à charge pour la cessionnaire, à savoir, la société ÉS, d'en obtenir la mutation à son nom, ce dont il résulte non seulement que l'acte n'était pas dépourvu de cause à la date à laquelle il a reçu exécution, et ce alors que, comme l'a justement rappelé le tribunal, cette exécution avait un caractère instantané, nonobstant le caractère échelonné du paiement du prix, qui n'en est que la contrepartie et a été payé, mais encore que la prorogation de l'autorisation de recherche ne constituait pas une condition de validité de la convention de cession, la société EGF, pas davantage que la société 360Plus, n'ayant conservé, à l'issue de la cession, d'obligation à leur charge quant au renouvellement de l'autorisation de recherche.

Dès lors, et dans la mesure où il apparaît établi que la convention de cession et l'accord-cadre relevaient d'un ensemble contractuel, ce dont conviennent, en substance, les deux parties, peu important qu'elles invoquent, à ce titre, soit l'économie même des contrats, à savoir le lien existant entre le montant de la cession et l'engagement de commandes défini dans l'accord-cadre, chacun de ces engagements étant effectivement lié à l'autre, tel que cela résulte de la rédaction respective des clauses correspondantes, soit l'article 1186 du code civil, ou plus exactement l'état du droit, en particulier jurisprudentiel, antérieur à la rédaction, actuellement en vigueur, de cet article, l'absence de caducité de la convention de cession a donc pour effet logique et incontournable que l'accord-cadre n'est pas davantage atteint de caducité.

Sur la nullité pour erreur de la convention de cession et la caducité, par voie de conséquence, de l'accord-cadre :

La cour observe que la société ÉS ne démontre aucune erreur déterminante ou excusable, au moment de la conclusion de la convention de cession, alors d'une part que, comme cela a été rappelé sans ambiguïté dans le courrier de la préfecture, elle ne disposait d'aucun droit acquis à obtenir la prolongation ou le renouvellement de l'autorisation de recherches, ce qui devait inciter ce professionnel de l'énergie, de surcroît dans un contexte, lors de la cession, où l'autorisation de recherches était amenée à expirer, à s'informer et s'assurer du sort de cette autorisation, et partant de celui de la DOTEX qui y était évidemment étroitement lié, puis, si elle considérait que l'administration avait fait une interprétation erronée de ses droits, d'en contester les décisions, ce qu'elle n'a pas fait.

Dès lors, et en l'état des éléments qui lui sont soumis, la cour considère que sur ce point, les premiers juges ont fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties, pour la plupart repris en appel, pour rejeter la demande d'annulation, pour erreur, de la convention de cession.

Par voie de conséquence, et conformément à ce à quoi il a été conclu sous l'angle de l'examen de la caducité de la convention de cession, dès lors que la validité de la convention de cession n'est pas en cause, l'accord-cadre n'est donc pas frappé de caducité.

Sur l'application de l'article 6 de l'accord-cadre :

Sur l'applicabilité de l'article 6, la mauvaise foi et l'exception de force majeure invoquées par la société ÉS :

Compte tenu des conclusions auxquelles la cour est parvenue sous l'angle de l'examen des précédents moyens qui lui ont été soumis pour contester la validité, ou à tout le moins l'application de l'accord-cadre régissant les relations entre les parties, elle ne saurait davantage retenir une invocation de mauvaise foi de cet accord par les parties appelantes, auxquelles la société ÉS ne saurait opposer l'impossibilité d'exécuter un accord dont les prévisions demeuraient valables et existantes, au-delà du changement de circonstances dont elle se prévaut et dont le caractère imprévisible ne saurait se déduire de l'absence de renouvellement d'une autorisation prononcé en application de la loi, dont il a été précédemment retenu que la société ÉS était tout à fait à même d'appréhender la portée.

Dans ces conditions, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a écarté ce moyen et exclu la qualification de force majeure.

Sur l'existence d'une clause pénale :

Sur ce point, la cour relève que la disposition litigieuse, qui prévoit, en cas d'inexécution par la partie débitrice, en l'occurrence, la société ÉS, de son obligation de confier au prestataire, en l'occurrence la société 360Plus, un volume suffisant de missions, une forme d'indemnisation, soit en nature, par le biais d'une prorogation de l'accord-cadre, soit financière, par l'octroi d'une indemnité dont le montant n'est pas fixé forfaitairement, mais déterminable sur la base du montant des missions qui n'auraient pas été effectuées, s'analyse bien, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, comme une clause pénale.

Sur le caractère manifestement excessif :

Au regard des éléments dont dispose la cour, elle partage l'appréciation des premiers juges, à la fois quant au non-respect, par le donneur d'ordre, de son obligation de confier à la société prestataire un montant de missions à hauteur de 1 500 000 euros minimum, puisque seul un montant de 47 989,80 euros HT de prestations a été demandé à la société 360Plus, et quant au montant de l'indemnisation retenu qui tient compte à la fois de la possibilité qui restait à la société ÉS de confier au prestataire d'autres missions, mais aussi de l'incidence de l'abandon du projet de géothermie sur la zone dite de [Localité 3], de sorte que le jugement entrepris sera, également, confirmé sur ce point, et sans qu'il n'y ait lieu, au regard des conclusions auxquelles est parvenue la cour à ce titre, de faire droit aux demandes de la partie appelante au titre de l'application de l'article L. 441-10 du code de commerce et de l'anatocisme, demandes qui sont néanmoins, de par leur caractère complémentaire par rapport à la demande initiale, recevables.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'intimée, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou des autres parties, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg à compétence commerciale,

Y ajoutant,

Déclare la société 360Plus Consult GmbH recevable en ses demandes d'application de l'article L. 441-10 du code de commerce et de capitalisation des intérêts,

L'en déboute,

Condamne la SA Électricité de Strasbourg (ÉS) aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SA Électricité de Strasbourg (ÉS) que de la société 360Plus Consult GmbH et de la SARL Endura Géothermie France.

La Greffière : le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/04120
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.04120 ?
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