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19/06/2024 | FRANCE | N°22/03624

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 19 juin 2024, 22/03624


MINUTE N° 318/24

























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Joseph WETZEL





Le 19.06.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 19 Juin 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03624 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5UT



Décision d

éférée à la Cour : 28 Juin 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



S.A.S. MLOVE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Joëlle LIT...

MINUTE N° 318/24

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Joseph WETZEL

Le 19.06.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 19 Juin 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03624 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5UT

Décision déférée à la Cour : 28 Juin 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.S. MLOVE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me ZIMMERMANN, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. BERFINE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me SPIEGEL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme DAYRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 29 juin 2020, par laquelle la SARL Berfine a fait citer la SAS Mlove devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 28 juin 2022, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a statué comme suit :

'FIXE l'indemnité d'éviction à la somme de 959.067 € (neuf-cent-cinquante-neuf-mille soixante sept euros), au besoin CONDAMNE la SAS MLOVE à payer cette somme à la SARL BERFINE ;

CONDAMNE en outre la SAS MLOVE à rembourser à la SARL BERFINE, sur justificatifs, les montants versés au titre des indemnités de licenciement.

FIXE l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2019 au montant de 31.550 €/an/HC/HT (trente-et un-mille-cinq-cent-cinquante euros), montant indexé sur les variations du coût de la construction ;

DEBOUTE la SARL BERFINE de sa demande en délais de paiement ;

DEBOUTE la SAS MLOVE de sa demande en compensation des sommes dues réciproquement ;

DEBOUTE la SARL BERFINE de sa demande en dommages-intérêts ;

La DEBOUTE de sa demande portant sur la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la SAS MLOVE aux dépens, y compris aux dépens de la procédure de référés RG 19/00021 et à payer à la SARL BERFINE la somme de 10.000 € (dix-mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

ECARTE l'exécution provisoire du présent jugement.'

Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Mlove contre ce jugement et déposée le 23 septembre 2022,

Vu la constitution d'intimée de la SARL Berfine en date du 10 octobre 2022,

Vu les dernières conclusions en date du 21 septembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Mlove demande à la cour de :

'Vu l'article L145-14 du Code du commerce,

Vu l'article L145-28 du Code de commerce,

Avant dire droit,

ENJOINDRE à la société BERFINE de produire son bilan pour l'exercice clos au :

- 31 mars 2022

- 31 mars 2023

ENJOINDRE à la société BERFINE de communiquer les charges et produits non afférents à une exploitation normale et notamment la rémunération annuelle du dirigeant et de son épouse pour les exercices comptables 2018 à 2022.

ENJOINDRE à la société BERFINE de préciser le montant du chiffre d'affaires que représente la vente à emporter lequel sera exclu du chiffre d'affaires pris pour la détermination de la valeur du fonds de commerce.

RESERVER le droit à la société MLOVE de conclure postérieurement à la production de ces éléments.

A défaut de production de ces éléments,

TIRER toutes conséquences de la carence de la société BERFINE à administrer la preuve de son préjudice, son existence et son montant.

Sur l'appel de la société MLOVE :

DIRE l'appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- FIXE l'indemnité d'éviction à la somme de 959.067 € (neuf-cent-cinquante neuf-mille soixante-sept €), au besoin CONDAMNE la SAS MLOVE à payer cette somme à la SARL BERFINE ;

- CONDAMNE en outre la SAS MLOVE à rembourser à la SARL BERFINE, sur justificatifs, les montants versés au titre des indemnités de licenciement.

- FIXE l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2019 au montant de 31.550 €/an/HC/HT, (trente et un mille cinq cent cinquante €), montant indexé sur les variations du coût de la construction ;

- DEBOUTE la SAS MLOVE de sa demande en compensation des sommes dues réciproquement ;

- CONDAMNE la SAS MLOVE aux dépens, y compris aux dépens de la procédure de référés RG 19/00021 et à payer à la SARL BERFINE la somme de 10.000 € (dix-mille €) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Et statuant à nouveau,

DIRE l'appel bien fondé,

Y faisant droit :

FIXER l'indemnité principale d'éviction à la somme de :

- Principalement 198.000,00 € (transfert)

- Subsidiairement 315.445,23 € (perte CA)

- Encore plus subsidiairement 476.119,50 € (moyenne 2 méthodes)

FIXER les indemnités accessoires à la somme de 45.509,66 €, subsidiairement 48.657 €, sauf à parfaire en fonction du montant de l'indemnité principale d'éviction.

Si la Cour opte pour une indemnité de transfert (limitée à 203.000 € au titre de l'indemnité principal[e],

DONNER ACTE au bailleur qu'il accepte de prendre en charge, à titre d'indemnité accessoire

ORDONNER leur consignation sur compte CARPA et décaissement sur preuve de la réinstallation et sur production des justificatifs correspondants.

Subsidiairement en cas de condamnation de la société MLOVE au versement d'une indemnité au titre des licenciements :

DIRE que l'indemnité au titre des licenciements ne devra être réglée qu'à la condition expresse de la production de justificatifs de la réalité des licenciements et des sommes réglées aux personnes licenciées,

FIXER l'indemnité d'occupation due par la SARL BERFINE à 49.648,50 €, 45.135 € subsidiairement 40.622 €, payable mensuellement d'avance, rétroactivement à compter du 1er avril 2019, indexée sur les variations de l'indice du coût de la construction outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance de chacune des indemnités dues, jusqu'à restitution des clés,

ORDONNER la compensation des créances dues réciproquement à savoir entre le rappel de l'indemnité d'occupation avec l'indemnité d'éviction.

NOMMER un séquestre pour le versement de l'indemnité d'éviction après compensation avec le rattrapage de l'indemnité d'occupation.

CONDAMNER la société BERFINE à remettre les lieux loués à la société MLOVE au plus tard à l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la notification du versement de l'indemnité d'éviction au séquestre, à la société BERFINE à défaut de séquestre, conformément à l'article L145-29 du code de commerce, sous peine d'imputation d'une retenue de 1 % par jour de retard automatique et de plein droit.

DEBOUTER la société BERFINE de toutes conclusions contraires et de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions,

Sur l'appel incident de la société BERFINE :

DIRE l'appel incident irrecevable en tout cas mal fondé,

LE REJETER,

DEBOUTER la société BERFINE de toutes conclusions contraires et de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions, en ce compris sa demande de dommages et intérêts fondée sur le prétendu engagement de sa responsabilité contractuelle en exécution du protocole d'accord du 7 septembre 2016 dont la caducité a été reconnue entre les parties au 7 mars 2017, cette demande étant irrecevable, et en tout état de cause infondée,

En tout état de cause

CONDAMNER la SARL BERFINE à payer à la SAS MLOVE 20.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER la société BERFINE aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel outre ceux de la procédure de référé-expertise et de l'expertise judiciaire ordonnée sous n° RG 19/00021,

ORDONNER la capitalisation des intérêts dus pour une année entière'

et ce, en invoquant, notamment :

- la réfutation de la présentation factuelle adverse quant à la consistance du bail,

- une indemnité principale d'éviction, devant être fixée sans donner lieu à condamnation, indemnisant le seul préjudice, en considérant le caractère transférable du commerce, dans des conditions qu'elle détaille, impliquant une indemnisation de transfert à la valeur du droit au bail, et subsidiairement, en cas d'indemnité 'de remplacement', une évaluation, tout d'abord, sur la base du chiffre d'affaires, pris hors taxes, comme d'usage, au plus proche de la date d'éviction, avec production des bilans correspondants, l'évaluation adverse étant critiquée, notamment au regard des références prises en compte, ainsi que de la limitation du nombre de couverts, la vente à emporter non autorisée par le bail devant, en outre, être exclue, avec injonction au locataire de justifier de la part de chiffre d'affaires ainsi réalisée, sauf à retenir un montant forfaitaire, et le coefficient de valorisation appliqué devant être basé sur des exemples 'récents et pertinents' de ventes réalisées, qu'elle détaille également, critiquant les évaluations de la partie adverse et de l'expert judiciaire, au contraire de l'expert privé, le preneur se voyant également reprocher une carence fautive à produire les éléments permettant d'appliquer la méthode de l'excédent brut d'exploitation (EBE) au détriment du bailleur, cette carence, ne permettant pas une application pondérée des deux méthodes précitées, devant conduire à appliquer une moyenne entre la valeur du droit au bail et la valeur du fonds de commerce, seules méthodes qui ont pu être mises en application par l'expert, compte tenu des données communiquées par le preneur, et se rapprochant de l'indemnité calculée sur le chiffre d'affaires au regard des corrections proposées par la concluante,

- la contestation, non du principe, mais du montant des indemnités accessoires retenues par l'expert judiciaire, aucune indemnité pour licenciement n'étant due dès lors que le fonds serait transférable, et subsidiairement seule cette indemnité étant due s'il devait être considéré intransférable, référence étant faite pour les montants au rapport de M. [O], et l'octroi de frais de réinstallation supposant une réinstallation effective, sous peine de restitution ultérieure de son montant,

- sur l'indemnité d'occupation, la confirmation de la valorisation retenue par le tribunal correspondant à la valeur locative en application du principe, avec prise en compte de la majoration pour terrasse extérieure, et sans application d'un coefficient de précarité non prescrit par la loi, sauf à le limiter aux 10 % d'usage,

- la possibilité de compenser les indemnités d'éviction et d'occupation accordées par une décision judiciaire définitive, comme reconnu par la Cour de cassation, sans être contraire aux dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce,

- l'absence de justification d'élément de nature à permettre l'octroi de délais de paiement,

- sur la demande de dommages-intérêts, le rappel de la consistance du bail et le caractère abusif de l'occupation par le preneur d'une 'arrière pièce', le projet de rénovation de l'immeuble tel qu'autorisé par le permis de construire, jamais contesté par le preneur (qui n'a, en outre, jamais contesté la validité du congé qui lui a été signifié), ne constituant ni un empiétement ni une modification des locaux loués, et le protocole d'accord transactionnel n'ayant pas pour objet de mettre un terme à un conflit avec le preneur concernant une modification ou empiétement sur les locaux loués, outre qu'aucune faute ne serait imputable à la concluante, que la partie adverse n'aurait jamais contrainte à l'exécution du protocole, devenu caduc comme constaté d'un commun accord par les parties, rendant irrecevable toute action en responsabilité contractuelle, tandis que la partie adverse ne s'était réservée d'action en responsabilité délictuelle qu'envers le notaire, l'action en responsabilité contractuelle étant,

subsidiairement, mal fondée, en présence d'une promesse ne valant pas vente, donc d'un projet sans caractère contraignant, et la partie adverse ne justifiant d'aucune démarche antérieure à la date de caducité, ayant, au contraire, commis ce que la concluante qualifie de fraudes particulièrement graves susceptibles de justifier un refus de vente, et invoquant un préjudice qualifié de fantaisiste, en contradiction avec ses propres prétentions concernant l'indemnité d'occupation.

Vu les dernières conclusions datées du 12 février 2024, transmises par voie électronique le 13 février 2024, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL Berfine demande à la cour de :

'Sur l'appel de la société MLOVE :

JUGER l'appel de la société MLOVE mal fondé ;

L'en DEBOUTER ;

CONFIRMER le jugement du 28 juin 2022 en ce qu'il a :

- Fixé une indemnité d'éviction et, au besoin condamné la SAS MLOVE à payer ladite indemnité à la SARL BERFINE ;

- Condamné en outre la SAS MLOVE à rembourser à la SARL BERFINE, sur justificatifs, les montants versés au titre des indemnités de licenciement ;

- Débouté la SAS MLOVE de sa demande de compensation des sommes dues réciproquement ;

- Condamné la SAS MLOVE aux dépens, y compris aux dépens de la procédure de référés RG 19/00021, et à payer à la SARL BERFINE la somme de 10.000 € (dix-mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Ecarté l'exécution provisoire du jugement ;

Sur appel incident de la société BERFINE :

JUGER l'appel incident de la société BERFINE recevable et bien fondé ;

INFIRMER le jugement du 28 juin 2022 en ce qu'il a :

- Limité le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 959.067 € (neuf-cent-cinquante-neuf-mille soixante-sept euros),

- Fixé l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2019 au montant de 31.550 €/an/HC/HT, (trente-et-un-mille-cinq-cent-cinquante euros), montant indexé sur les variations du coût de la construction ;

- Débouté la SARL BERFINE de sa demande en délais de paiement ;

- Débouté la SARL BERFINE de sa demande en dommages-intérêts ;

- Débouté la SARL BERFINE de sa demande portant sur la capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau sur ces points :

Sur demande d'indemnité d'éviction :

FIXER l'indemnité d'éviction à la somme de 1 682 930 € ;

CONDAMNER la société MLOVE à payer à la société BERFINE la somme de 1 682 930 € à titre d'indemnité d'éviction, majorée des indemnités de licenciement sur justificatifs et des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ; subsidiairement, la condamner à payer ladite somme à l'expiration de l'éventuel délai d'exercice du droit de repentir ;

Dans l'hypothèse subsidiaire où la Cour estimerait que le fonds de commerce est transférable, CONDAMNER la société MLOVE à payer à la société BERFINE, outre l'indemnité principale et les indemnités accessoires, les frais de réinstallation (travaux de mise aux normes et d'aménagements en ce compris les travaux de création d'un four à bois, ainsi que tous honoraires, assurances...liés à ces travaux) sur justificatifs, subsidiairement RESERVER les droits de la société BERFINE à chiffrer et solliciter la condamnation de la société MLOVE au montant des frais de réinstallation dans l'hypothèse subsidiaire où la Cour estimerait que le fonds de commerce est transférable ;

Sur l'indemnité d'occupation :

FIXER l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2019 à un montant annuel maximal de 11.470 € ;

REPORTER à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de l'arrêt à intervenir, le paiement de l'éventuel différentiel d'indemnité d'occupation, encore plus subsidiairement, ACCORDER à la société BERFINE les plus larges délais de paiement ;

Sur demande de dommages-intérêts :

CONDAMNER la société MLOVE à payer à la société BERFINE des dommages-intérêts d'un montant annuel de 276.768,50 € ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la société MLOVE à payer à la société BERFINE la somme de 20 000 € par application de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNER la société MLOVE aux entiers frais et dépens y compris d'expertise ;

DEBOUTER la société MLOVE de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions'

et ce, en invoquant, notamment :

- sur la demande d'indemnité d'éviction, reconnue en principe par les deux parties, la contestation du rapport d'expertise privé produit par la partie adverse comme non contradictoire et ne constituant pas une actualisation du rapport d'expertise judiciaire,

- sur le montant de l'indemnité d'éviction, son estimation en valeur de remplacement, la partie adverse ne rapportant pas la preuve du caractère transférable du fonds, dont le déplacement serait impossible en l'absence de locaux de transfert équivalents et dotés des mêmes équipements, notamment un four à bois pour pizza, et dont l'activité serait dépendante de son implantation, ainsi que de sa configuration avec une terrasse extérieure, la valeur de l'indemnité devant s'apprécier par l'analyse des bilans, en retenant un chiffre d'affaires TTC, comme d'usage et comme retenu par l'expert et les premiers juges, en prenant en compte les trois derniers exercices connus, en incluant la vente à emporter, en retenant un coefficient applicable au type d'activité concerné en grande ville, et dans un contexte de forte augmentation du chiffre d'affaires et de bonne rentabilité du fonds, la proposition de la partie adverse, dont les références sont critiquées par le menu, lui apparaissant totalement déconnectée des usages et de la valeur du fonds, dont le montant historique figurant au bilan devrait être réactualisé,

- un recours, justifié et conforme aux usages du tribunal à la méthode 'par le chiffre d'affaires', la méthode par l'EBE, écartée par l'expert, pourtant invité par la concluante à compléter son pré-rapport sur ce point, sans solliciter de pièces complémentaires, n'étant évoquée qu'à titre subsidiaire, avec l'application d'un coefficient multiplicateur minimal de 8 au regard de la croissance de l'activité, et la combinaison des deux méthodes aboutissant à une évaluation de l'indemnité principale a minima à 1 247 381 euros,

- sur les indemnités accessoires, l'allocation de l'indemnité de remploi, représentant, conformément aux usages, 10 % de l'indemnité principale, l'indemnisation du trouble commercial par référence à la capacité bénéficiaire du locataire des trois dernières années d'exploitation, ainsi que des frais de déménagement, au-delà de la somme retenue par l'expert, des indemnités de licenciement dont le chiffrage est en cours, et des frais d'agence, évalués à 8 % de la valeur du fonds et donc de l'indemnité principale,

- à titre subsidiaire, en cas d'évaluation de l'indemnité en valeur de déplacement, la contestation de la méthode d'évaluation de l'indemnité principale par l'expert, par différentiel de loyer, s'appuyant sur des références jugées peu pertinentes, au profit de la méthode par comparaison, en s'appuyant sur les cessions citées par l'expert judiciaire, les indemnités accessoires comprenant une demande de réserve de droits sur les frais de réinstallation, la concluante demandant la condamnation de la société Mlove au montant des frais correspondants, à chiffrer, à savoir l'ensemble des travaux d'aménagement ou d'équipement, les travaux de mise aux normes comprenant notamment le cas échéant, l'ensemble des frais d'installation d'un four à bois, etc,

- la contestation de la méthode adverse retenant, pour l'indemnité de déplacement, une moyenne entre le résultat obtenu par l'analyse des bilans, et l'évaluation basse de l'expert réalisée dans l'hypothèse de la prise en compte d'une indemnité de déplacement, ces deux méthodes étant exclusives l'une de l'autre,

- sur l'indemnité d'occupation, la contestation du montant retenu par le tribunal, compte tenu des caractéristiques du bien loué, telles que détaillées, de la destination des locaux, des obligations des parties, des facteurs locaux de commercialité, dans un environnement fortement concurrentiel, et des prix pratiqués dans le voisinage, outre une réévaluation de l'abattement de précarité à 30 % minimum, en considération de l'incidence de l'éviction sur l'exploitation de l'activité, ainsi que du comportement du bailleur, et à titre subsidiaire en cas de confirmation du montant retenu en première instance ou de satisfaction de la prétention adverse, l'absence d'indexation, compte tenu d'un montant très supérieur au loyer contractuel,

- l'octroi de délais de paiement de l'éventuel différentiel entre les montants versés et l'indemnité d'occupation fixée, en tenant compte du paiement des indemnités de licenciement et des nombreux frais, ainsi que de l'incidence qu'a eu la crise sanitaire sur l'activité, sans bénéfice de prêt garanti par l'État,

- l'irrecevabilité de la demande adverse de compensation, contraire aux dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce,

- l'irrecevabilité pour nouveauté de la demande adverse de désignation d'un séquestre,

- la responsabilité de la société Mlove, pour manquement à ses obligations contractuelles, la concluante s'étant expressément réservée, s'agissant de la caducité du protocole portant compromis de vente, 'le droit d'engager toute voie de droit utile sur le fondement de la responsabilité civile', pas seulement envers le notaire, et n'ayant en aucun cas constaté la caducité du protocole d'accord, mais pris acte de la volonté de la société Mlove de ne pas donner suite à ce protocole,

- à ce titre, une faute de la société Mlove, qui est contractuellement engagée à accomplir les diligences nécessaires à la mise en copropriété de l'immeuble, et n'aurait volontairement accompli aucune démarche en ce sens, faisant délibérément obstacle à la vente, alors que la concluante, ignorante tant du délai de caducité de six mois de droit local que de son application au présent protocole, avait sollicité à cette fin tant sa banque qu'un notaire, dont la responsabilité a été écartée, par un autre jugement, par le tribunal,

- un préjudice causé à la concluante pour perte de chance de se constituer un capital, outre l'indemnisation du montant des indemnités d'occupation consécutives au congé, qui n'aurait pu être délivré en cas de vente.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 mars 2024,

Vu les débats à l'audience du 17 avril 2024,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur l'indemnité d'éviction :

Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction, égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

En l'espèce, tout d'abord, la cour observe que les parties s'accordent sur le principe de ce que la société Berfine dispose d'un droit à indemnité d'éviction.

Concernant, ensuite, l'estimation du montant de cette indemnité, il y a lieu de rappeler que, par ordonnance en date du 15 février 2019, une expertise a été ordonnée et confiée à Mme [M], qui a rendu son rapport définitif le 29 janvier 2020, aux fins, notamment, de fournir tous éléments utiles à l'estimation de l'indemnité d'éviction, cette mesure d'expertise étant, par nature, contradictoire, les parties ayant été mises à même, dans le cadre de cette mesure, de faire valoir leurs observations, que ce soit dans le cadre d'une réunion d'expertise ou par la formulation de dires les ayant mis en mesure de formuler toutes observations ou contestations quant aux évaluations et aux propositions de l'expert, ce rapport ayant, ensuite, été soumis aux débats devant les juges de première instance, comme il l'est, à nouveau, à hauteur de cour.

Tel n'est pas le cas du document intitulé 'rapport d'expertise en estimation d'indemnités d'éviction', établi le 2 juillet 2023 par M. [N] [O], qui résulte d'une commande unilatérale de la société Mlove, la société Berfine n'ayant pas été appelée aux opérations d'expertise, et n'ayant pas été mise en situation de répondre, notamment par voie de dire, aux observations de l'expert, de sorte que les conclusions de ce dernier sont, par définition, elles aussi unilatérales.

La société Mlove estime avoir sollicité le concours de M. [O] aux fins d'actualiser les conclusions du rapport de Mme [M], ce qui peut s'entendre, étant toutefois noté que l'évaluation faite de l'indemnité d'éviction repose sur les mêmes éléments comptables que ceux soumis à Mme [M], le fait que la société Mlove affirme ne pas disposer de l'ensemble des éléments postérieurs ne pouvant justifier, alors, la réalisation d'une expertise d'actualisation, si ce n'est pour invoquer ensuite l'existence de divergences d'appréciation avec le rapport d'expertise judiciaire.

Il n'en demeure pas moins que ce rapport peut valoir à titre de preuve, dès lors qu'il a, tout de même, été soumis à la libre discussion des parties, la société Berfine, le contestant, certes, mais ne sollicitant pas qu'il soit écarté des débats, d'autant qu'il peut être étayé par un certain nombre d'éléments, telles des annonces de ventes de fonds de commerce, versés aux débats par la société Mlove, mais aussi confronté aux conclusions du rapport d'expertise judiciaire.

Sur l'indemnité principale :

En application des dispositions précitées, qui impliquent une réparation intégrale du préjudice subi par le preneur, mais uniquement de ce préjudice, il est de principe que l'indemnisation doit couvrir la perte du fonds de commerce, qui est présumée, sauf pour le bailleur à établir que ce préjudice peut être minoré, à défaut, notamment, de disparition totale du fonds résultant de l'éviction du preneur, en particulier s'il apporte la preuve que le transfert du fonds est possible avec poursuite de l'activité sans perte significative de clientèle.

En l'espèce, si la société Mlove invoque le caractère transférable du fonds, non écarté par l'expert judiciaire qui en aurait simplement relevé les contraintes, elle-même évoquant l'existence de locaux vacants disponibles, plus que lors de la réalisation de l'expertise judiciaire, y compris avec la possibilité d'installer un four à bois, dont l'existence ne serait cependant pas une condition de transfert du fonds, mais dont elle propose, le cas échéant, de financer l'acquisition, ce caractère transférable est réfuté par la société Berfine, qui conteste l'existence de locaux équivalents pourvus des mêmes équipements, ce qui impliquerait des démarches qualifiées de longues, aléatoires et très coûteuses, se traduisant par une rupture de cycle commercial, induisant une perte de clientèle, contrairement à l'exemple invoqué par la partie adverse.

Cela étant, la cour observe que si l'expert [O] fait état d'un marché actuel proposant régulièrement de nouveaux biens, dont certains équivalents, avec des caractéristiques et équipements similaires, les éléments, actualisés, versés par la société Berfine, notamment émanant de la société Simond, spécialisée dans ce type de transaction, démontrent la rareté du nombre d'établissement équivalent, et l'absence de locaux équivalents disponibles, en particulier pourvus d'un four à bois, à l'instar du restaurant exploité par la société Berfine dont la cuisson au feu de bois est une spécialité, et peut être appréciée comme un avantage comparatif, ou à tout le moins caractéristique, dans un secteur fortement concurrentiel. À ce titre, le rapport d'expertise de Mme [M], qui rappelle l'attractivité du secteur et le nombre limité de cellules vacantes, indique ne pas avoir connaissance de locaux disponibles permettant le transfert de l'activité en l'état, qualifiant ainsi de coûteux et contraignant un transfert dans un local inadapté, supposant la réinstallation d'un four et des équipements adaptés, ce qui impliquerait 'la réalisation d'importants travaux, de coûts conséquents et la fermeture temporaire de l'enseigne impliquant une perte de clientèle.'

Force est, d'ailleurs, de constater que les propositions émises par la société Mlove sont concrètement les mêmes que celles qui ont été soumises aux juges de première instance, dont la cour, en l'état des éléments dont elle dispose, ne voit pas de raison de se départir de l'appréciation, en particulier quant à l'impossibilité d'installer une terrasse, quelle que soit d'ailleurs sa capacité, dans les locaux proposés rue du Faisan et quant à l'incertitude liée à la possibilité d'installer un four à bois, et quant à son coût, nonobstant l'autorisation promise par l'unique propriétaire des murs et l'offre financière de la société Mlove quant à l'acquisition du four lui-même, à quoi s'ajoute le fait que, comme l'indique la société Mlove dans ses écritures, le local n'est pas actuellement vacant, puisqu'il est occupé, précisément, par une pizzeria utilisant un four à gaz.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'indemnité d'éviction devait s'analyser sous l'angle de la perte du fonds de commerce, à défaut, pour la société Mlove, d'apporter la preuve suffisante que le transfert du fonds est possible avec poursuite de l'activité sans perte significative de clientèle.

Quant à la valorisation de cette indemnité, il sera rappelé d'une part, qu'elle doit être évaluée à la date la plus proche du départ effectif du locataire, c'est-à-dire, à la date à laquelle le juge statue (Cass, 3ème Civ. 6 mars 1985 ; 3ème Civ., 19 juin 1991, pourvoi n°90-12.423), ce qui implique, le cas échéant, de rechercher si le préjudice ne s'est pas aggravé entre la décision de première instance et la décision d'appel ou s'il n'a pas diminué (3ème Civ., 19 février 1986 ; 3ème Civ., 17 juillet 1987).

Si les parties s'opposent sur la base de calcul de cette indemnité, à savoir le chiffre d'affaires, ou une moyenne entre cette méthode et celle de l'excédent brut d'exploitation, le recours à la première méthode, par l'expert judiciaire comme, ensuite, par le tribunal apparaît justifié au regard de la nature de l'activité en cause, dont cette méthode, comme l'a rappelé l'expert, permet d'analyser le résultat quantitatif.

Au regard des usages de la profession (3ème Civ., 5 février 2014, pourvoi n° 13-10.174, Publié au Bulletin), devant s'apprécier au regard de ses caractéristiques, et notamment de l'importance du taux de main d'oeuvre, c'est également à bon droit que les juges de première instance ont retenu, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, qu'il y avait lieu de prendre en compte un chiffre d'affaires toutes taxes comprises (TTC).

Et s'agissant du coefficient applicable, si l'expert [O] propose un taux de 70 %, basé sur la valorisation, selon lui classique des pizzerias et la situation 'satisfaisante' du fonds, la société Mlove conclut, pour sa part, à un taux de 67 %, qu'elle estime cohérent, au regard de l'emplacement et de la rentabilité du fonds, en tenant compte des valeurs de plusieurs cessions intervenues, tandis que la société Berfine entend voir retenir un taux de 125 %, qu'elle entend justifier au regard de la valeur des cessions relevées par l'expert, et du prix de cession du fonds lui-même en 2008, dont le chiffre d'affaires se serait, depuis lors, considérablement accru.

La cour estime, au regard des éléments soumis à son appréciation, que le taux de 95 %, retenu par les premiers juges, en conformité avec celui pris en compte par l'expert [M], apparaît justifié, comme tenant compte à la fois des coefficients habituellement retenus dans le secteur d'activité, des valeurs des ventes en cours à proximité, mais également du chiffre d'affaires et du potentiel du fonds.

Les trois derniers chiffres d'affaires TTC connus de la société Berfine, dont il n'y a pas lieu d'opérer la déduction du chiffre d'affaires lié à la vente à emporter, qui constitue une modalité particulière d'exploitation de l'activité de restauration autorisée par le bail, sont les suivants :

- avril 2021 / mars 2022 : 828 892 euros TTC sur dix mois d'activité, compte tenu de la fermeture liée aux mesures sanitaires, soit 994 670,40 euros TTC rapporté sur douze mois,

- avril 2022 / mars 2023 : 1 094 151,59 euros TTC,

- mars 2023 / janvier 2024 : 891 522,75 euros TTC sur dix mois, soit 1 069 827,30 euros TTC rapporté sur douze mois.

Il en résulte un chiffre moyen arrondi à 1 052 883 euros, soit, après application du coefficient de 95 %, une valeur arrondie à 1 000 239 euros, à laquelle sera fixée l'indemnité d'éviction, le jugement entrepris devant donc être infirmé sur ce point.

Sur les indemnités accessoires :

Sur l'indemnité de remploi :

La cour retiendra une évaluation à hauteur de 10 % du montant de l'indemnité principale, conformément aux usages, à l'estimation de l'expert judiciaire, à l'appréciation des juges de première instance, ainsi qu'aux conclusions des parties.

L'indemnité principale ayant été fixée à 1 000 239 euros, la SARL Berfine bénéficiera donc d'une indemnité de remploi arrondie à 100 024 euros.

Sur le trouble commercial et les frais de déménagement :

Par ailleurs, le bailleur reste tenu d'indemniser des frais de réinstallation et de déménagement du preneur évincé d'un fonds non transférable, en l'absence de cessation de l'activité antérieure au refus de renouvellement du bail, et sauf si le bailleur établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds.

En l'espèce, la SARL Berfine, évoquant un chiffrage 'en cours', conteste néanmoins la somme de 2 000 euros retenue par les premiers juges, comme étant 'largement insuffisante compte tenu de la quantité d'objets à déménager'. Pour sa part, la société Mlove conteste l'intention de se réinstaller de la partie adverse, caractérisée, selon elle, par l'absence de démarches concrètes pour trouver un nouveau local.

Il reste qu'en l'état des éléments dont dispose la cour, et à défaut de preuve d'une volonté caractérisée du preneur de ne pas se réinstaller, elle n'aperçoit pas de raison de s'écarter de l'appréciation faite, sur la base des conclusions de l'expert judiciaire, d'ailleurs concordantes, sur ce point, avec le rapport de M. [O], par les premiers juges, le montant de 2 000 euros devant, ainsi, être confirmé.

L'indemnisation de la réinstallation implique également celle du trouble commercial, laquelle, au regard néanmoins de la perte du fonds, sera évaluée, conformément à l'appréciation faite par les premiers juges, mais au regard des données actualisées dont dispose la cour, à trois mois de résultat net du dernier exercice, soit 26 240 euros, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a retenu la somme de 8 000 euros.

Sur l'indemnité de licenciement :

Dans la mesure où la SARL Berfine serait amenée à licencier du personnel en raison de la perte du fonds de commerce, les indemnités de licenciement, que l'intimée évalue, en l'état, à 50 000 euros mais qui restent à chiffrer, seront supportées par la SAS Mlove, sur justificatifs, ainsi que l'a jugé la juridiction de première instance.

Sur les frais d'agence :

La SARL Berfine réclame, à ce titre, une indemnisation à hauteur de 8 % de la valeur du fonds et donc de l'indemnité principale, sans cependant s'en expliquer ni justifier d'une indemnisation distincte de celle due au titre de l'indemnité de remploi, dont les premiers juges ont justement retenu qu'elle incluait déjà ce poste de préjudice.

Au total, le montant des indemnités annexes doit donc être fixé à 128 264 euros, soit un montant total de l'indemnité d'éviction de 1 128 503 euros, majoré, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement due par la société Mlove.

La SAS Mlove sera, au besoin, condamnée au paiement de cette somme, cette condamnation entrant dans le pouvoir du juge saisi de la fixation de l'indemnité, dans le respect de l'existence d'un droit à indemnité, dont la société appelante fait justement observer qu'il trouve son corollaire d'exécution dans l'éviction du locataire, étant, à ce titre, rappelé que le locataire est en droit de rester dans les lieux jusqu'au règlement de l'indemnité d'éviction.

Sur l'indemnité d'occupation :

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les

lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

Ainsi, comme l'ont rappelé les premiers juges, sont pris en compte, pour la détermination de l'indemnité d'occupation, les caractéristiques des locaux loués, les obligations des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix pratiqués dans le voisinage, ainsi que la situation précaire de l'ancien locataire.

Sur ces différents aspects, la cour n'aperçoit pas de raison de s'écarter de la motivation pertinente du jugement entrepris, qui sera donc approuvée, étant seulement précisé que si la société Berfine entend contester l'appréciation faite par les premiers juges, s'agissant du prix unitaire, sur la base des prix du voisinage, et qu'ils qualifient d''incompréhensible et totalement injustifiée', tout en réitérant la proposition, déjà formulée en première instance, d'un prix unitaire de 158,80 euros, il convient de rappeler que les premiers juges ne sont pas liés par les conclusions de l'expert, dont ils ont cependant pris en compte les références, pertinentes, des prix pratiqués dans le voisinage, qui concernaient cependant des surfaces très différentes, aboutissant à une valorisation moyenne de 676 euros pour les surfaces de plus de 100 m² et 342 euros pour les surfaces de moins de 100 m², et ce alors que la surface des lieux avoisine précisément les 100 m², ce qui justifie pleinement l'évaluation opérée.

Quant à l'abattement de précarité, dont il sera observé que la société Mlove souhaiterait le voir minorer, tandis que la société Berfine conclut à sa majoration, son évaluation à 20 % apparaît tout à fait justifiée, tenant pleinement compte de la situation de précarité qui est celle du locataire en phase d'éviction.

Le jugement entrepris sera, par voie de conséquence, confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 31 550 euros /an HC / HT.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la SARL Berfine :

Sur ce point également, les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, l'argumentation de la société Berfine, aux termes de laquelle elle aurait ignoré que le protocole était appelé à devenir caduc, ne pouvant valablement prospérer alors que nul n'est censé ignorer la loi, ce qui vaut, également, pour les règles de droit local telles qu'elles sont applicables dans les départements alsaciens et en Moselle, cette caducité n'ayant, certes, pas été formellement constatée par la société Berfine, qui a néanmoins eu connaissance de la

position de la société Mlove sur ce point et 'pris acte' de sa volonté de ne pas donner suite au protocole d'accord, se réservant, certes, l'exercice de toute voie de droit, notamment, mais non exclusivement, envers le notaire rédacteur de l'acte, ce qui lui permettait de mettre en cause la responsabilité de la société Mlove, sans pour autant, au vu de ce qui précède, qu'il n'y ait lieu de retenir de faute particulière de cette dernière et donc de faire droit à sa demande.

Le jugement entrepris sera donc, également, confirmé sur ce point.

Sur la demande de compensation des créances formée par la SAS Mlove :

Comme justement rappelé par les premiers juges, cette demande n'apparaît pas compatible avec la nature du litige, compte tenu des modalités de paiement prévues par la loi de l'indemnité d'éviction.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté cette demande.

Sur la capitalisation des intérêts :

Ainsi, également, que l'ont rappelé les premiers juges, la nature du litige ne justifie pas de faire droit à cette demande, le jugement entrepris devant être confirmé de ce chef.

Sur la demande de délais de paiement de la SARL Berfine :

La SARL Berfine entend solliciter l'octroi de délais de paiement 'au titre de l'éventuel différentiel d'indemnité d'occupation'.

Il est clair que le montant de l'indemnité d'occupation est beaucoup plus important que celui du loyer payé par le preneur, en l'occurrence de l'ordre de 7 760 euros, mais dont les premiers juges ont justement fait observer qu'il ne pouvait ignorer le décalage, flagrant, par rapport aux valeurs du marché.

De surcroît, la cour partage l'avis des premiers juges en ce qu'ils ont indiqué que le choix de la société Berfine, pour respectable qu'il soit, de ne pas recourir à l'emprunt, en l'occurrence au PGE, n'a pas à être assumé par la société Mlove.

Force est de constater, par ailleurs, que la SARL Berfine fait aussi valoir, fût-ce à d'autres fins, que son chiffre d'affaires et son résultat sont en constante augmentation.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté la demande de délais de paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'appelante, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande de ne pas faire application, à hauteur de cour, de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la SAS Mlove à ce titre.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 28 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ce qu'il :

'FIXE l'indemnité d'éviction à la somme de 959.067 €, au besoin CONDAMNE la SAS MLOVE à payer cette somme à la SARL BERFINE'

L'Infirme de ce chef,

Statuant à nouveau du chef de demande infirmé et y ajoutant,

Fixe l'indemnité d'éviction à la somme de 1 128 503 euros, au besoin, condamne la SAS Mlove à payer cette somme à la SARL Berfine,

Condamne la SAS Mlove aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SAS Mlove que de la SARL Berfine.

La Greffière : le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/03624
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.03624 ?
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