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13/06/2024 | FRANCE | N°24/02111

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 6 (etrangers), 13 juin 2024, 24/02111


COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)





N° RG 24/02111 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IKBW

N° de minute : 214/2024





ORDONNANCE





Nous, Anne GALLIATH, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Laura BONEF, greffière ;





Dans l'affaire concernant :



M. [I] [N]

né le 12 février 1989 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité marocaine



Actuellement retenu au centre de rétention de [Lo

calité 4]





VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8,...

COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 24/02111 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IKBW

N° de minute : 214/2024

ORDONNANCE

Nous, Anne GALLIATH, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Laura BONEF, greffière ;

Dans l'affaire concernant :

M. [I] [N]

né le 12 février 1989 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 4]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1,R743-12 et suivantts R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;

VU l'arrêté pris le 25 avril 2024 par M. LE PREFET DU DOUBS faisant obligation à M. [I] [N] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 10 juin 2024 par M. LE PREFET DU DOUBS à l'encontre de M. [I] [N], notifiée à l'intéressé le même jour à 09h00 ;

VU le recours de M. [I] [N] daté du 11 juin 2024, reçu et enregistré le même jour à 17h51 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d'annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;

VU la requête de M. LE PREFET DU DOUBS datée du 11 juin 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h03 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. [I] [N] ;

VU l'ordonnance rendue le 12 Juin 2024 à 10h41 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant le recours de M. [I] [N] recevable et la procédure régulière, faisant droit partiellement au recours de M. [I] [N] et ordonnant la main-levée de la mesure de placement en rétention administrative de M. [I] [N] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 12 Juin 2024 à 14h49 et la demande aux fins de déclarer cet appel suspensif conformément à l'article L552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)

VU l'ordonnance rendue le 12 juin 2024 à 17h00 faisant droit à la demande de monsieur le Procureur de la République de Strasbourg aux fins de voir déclarer son appel suspensif ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. LE PREFET DU DOUBS par voie électronique reçu au greffe de la Cour le 12 juin 2024 à 23h57 ;

VU la notification de l'ordonnance sur appel suspensif valant convocation faite le 12 juin 2024 à l'intéressé, à Me Karima MIMOUNI, avocat de permanence, à M. LE PREFET DU DOUBS et à M. Le Procureur Général ;

Le représentant de M. LE PREFET DU DOUBS, appelant, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 12 juin 2024, n'a pas comparu.

Après avoir entendu M. [I] [N] en ses déclarations par visioconférence, Maître Karima MIMOUNI, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu, et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel interjeté par Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Strasbourg le 12 juin 2024 (à 14h45), par déclaration écrite et motivée, à l'encontre de l'ordonnance rendue le même jour à (à 10h41) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l'article R. 743-10 du CESEDA est recevable.

L'appel interjeté par la préfecture du Doubs le 12 juin 2024 (à 23h57), par déclaration écrite et motivée, à l'encontre de l'ordonnance rendue le même jour à (à 10h41) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l'article R. 743-10 du CESEDA est recevable.

Sur les appels

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Strasbourg a interjeté appel suspensif de l'ordonnance du 12 juin 2024 du juge des libertés et de la détention de Strasbourg déclarant le recours en contestation de l'arrêté de placement en rétention recevable, y faisant droit partiellement, déclarant la requête de M. Le préfet du Doubs recevable et la procédure régulière, déboutant M. Le préfet du Doubs de sa demande en prolongation de la mesure de rétention et ordonnant la remise en liberté de M. [I] [N] .

Par ordonnance du 12 juin 2024 de la cour d'appel de Colmar, la suspension des effets de l'ordonnance a été ordonnée.

La préfecture a également interjeté appel de cette décision.

Le juge des libertés et de la détention n'a pas fait droit à la demande de prolongtaion de la rétention au motif que l'intéressé n'avait pas été auditionné au moment où la décision de placement en rétention lui avait été notifiée, qu'il n'avait pas eu la possibilité de réaliser les démarches en vue de l'obtention d'un titre de séjour, que le préfet se contentait d'affirmer sans en justifier que l'intéressé ne disposait pas de garanties sérieuses pour s'assurer qu'il exécutera volontairement la mesure d'éloignement, qu'il est difficile de tirer d'une seule condamnation qu'il serait une menace à l'ordre public et que cet élément ne saurait justifier un placement en rétention et qu'au regard à sa situation personnelle et familiale une mesure d'assignation à résidence aurait pu être envisagée.

Le procureur de la République soutient que l'absence d'audition de l'intéressé lors de la décision de placement en rétention constitue l'ajout d'une obligation à l'administration qui n'est pas justifiée par une obligation légale, que M. [I] [N] ne présente aucune garantie de représentation sérieuse et qu'ayant été condamné par le tribunal correctionnel de Besançon le 26 février 2024 pour des faits de violences conjugales et menaces de mort réitérées et à deux autres reprises, son comportement constitue une menace à l'ordre public.

Le conseil de la préfecture fait valoir qu'aucun texte n'impose que l'étranger soit entendu avant son placement en rétention, que seul le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement, que M. [I] [N] ne présente pas de garantie de représentation et représente une menace pour l'ordre public.

En l'espèce, M. [I] [N] a été placé en rétention administrative le 10 juin 2024, à sa levée d'écrou, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 25 avril 2024 et notifiée le 6 mai 2024.

L'arrêté de placement en rétention est motivé sur l'absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à la mesure d'éloignement, l'interéssé ne pouvant justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale en France, déclarant dans son audition être hébergé chez sa mère sans en apporter la preuve et d'autre part, sur la menace grave et réèlle à l'ordre public qu'il représente en raison de trois condamnations prononcées en 2012, 2014 et 2024.

Il ressort de la procédure que M. [I] [N] est entré régulièrement en France en 2011 et a toujours été titulaire d'un titre de séjour régulièrement renouvelé, sa situation irrégulière résultant de l'impossibilité de réaliser les démarches pour renouveler son titre de séjour en détention, son titre de séjour ayant expiré le 1er février 2024.

Il dispose d'un passeport marocain valide.

Il justifie vivre au domicile de sa mère, adresse qui était la sienne avant son incarcération, avoir travaillé avant son incarcération, avoir des attaches familiales en France dont sa fille âgée de 6 ans. Il produit notamment une attestation d'hébergement au [Adresse 1] à [Localité 2] datée du 10 juin 2024 et des attestations de ses proches.

Si l'audition préalable au placement en rétention n'est pas obligatoire pour l'administration, elle permet à la préfecture de mieux apprécier la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

Dans son arrêté de placement en rétention, l'admnistration reproche à M. [I] [N] de ne pas justifier d'une adresse stable et effective. Or sans audition préalable, il n'a pas été en mesure de le faire. La préfecture ne semble pas non plus lui avoir adressé avant son placement en rétention un questionnaire relatif à sa situation, ce document souvent transmis aux détenus avant le placement en rétention, ne figurant pas en procédure.

Par ailleurs, dès le 10 février 2024, dans le cadre de son audition pour non respect du contrôle judiciaire, M. [I] [N] évoquait déjà une adresse au [Adresse 1] à [Localité 2] chez sa mère et sa situation familiale et notamment sa situation de père de famille.

Par ailleurs, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français fait état de la situation personnelle de l'intéressé, qui n'a pas été reprise dans l'arrêté de placement en rétention.

L'administration avait donc connaissance de ces éléments au moment du placement en rétention de l'intéressé.

La menace à l'ordre public invoquée par l'administration n'est pas suffisamment motivée dans l'arrêté de placement en rétention administrative puisqu'elle doit démontrer que l'intéressé ne présente pas de garanties de réprésentation effectives au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'administration se contentant de citer les condamnations de 2012, 2014 et 2024.

Ainsi, l'administration a commis une erreur d'appréciation au regard des garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et aurait ainsi du envisager une assignation à résidence.

Dans ces conditions, il convient de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS l'appel de M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG recevable en la forme ;

DÉCLARONS l'appel de M. LE PREFET DU DOUBS recevable en la forme ;

au fond, les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 12 juin 2024;

ORDONNONS la mainlevée de la rétention de M. [I] [N] au centre de rétention administrative de [Localité 4], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ;

Prononcé à [Localité 3], en audience publique, le 13 Juin 2024 à 14h57, en présence de

- l'intéressé par visio-conférence

- Maître Karima MIMOUNI, conseil de M. [I] [N].

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 13 Juin 2024 à 14h57

l'avocat de l'intéressé

Maître Karima MIMOUNI

Comparante

l'intéressé

M. [I] [N]

Comparant par visioconférence

l'interprète

-/-

l'avocat de la préfecture

SELARL CENTAURE AVOCATS

Non comparante

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,

- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,

- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,

- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

- ledit pourvoi n'est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

- au CRA de [Localité 4] pour notification à M. [I] [N]

- à Me Karima MIMOUNI

- à la SELARL CENTAURE AVOCATS

- à M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG

- à M. LE PREFET DU DOUBS

- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. [I] [N] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 6 (etrangers)
Numéro d'arrêt : 24/02111
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.02111 ?
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