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12/06/2024 | FRANCE | N°22/03042

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 12 juin 2024, 22/03042


MINUTE N° 302/24





























Copie exécutoire à



- Me Mathilde SEILLE



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 12.06.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 12 Juin 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03042 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4VR<

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Décision déférée à la Cour : 21 Décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de METZ - 1ère chambre civile



APPELANT :



Monsieur [T] [N]

[Adresse 2]



Représenté par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me MONTRAVERS, avo...

MINUTE N° 302/24

Copie exécutoire à

- Me Mathilde SEILLE

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 12.06.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 12 Juin 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03042 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4VR

Décision déférée à la Cour : 21 Décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de METZ - 1ère chambre civile

APPELANT :

Monsieur [T] [N]

[Adresse 2]

Représenté par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me MONTRAVERS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A. BNP PARIBAS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GUIZARD, avocat au barreau de PARIS

Maître [J] [Z] mandataire judiciaire de Me [T] [N] [Adresse 4]

non représentée, assignée par le commissaire de justice à domicile le 20.09.2022

S.E.L.À.R.L. BCM prise en la personne de M. [I] [B] commissaire à l'exécution du plan de redressement de Me [T] [N]

[Adresse 5]

non représentée, assignée par le commissaire de justice à domicile le 20.09.2022 et à personne habilitée le 28.10.2022

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Avril 2024, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [N], avocat, qui avait été institué séquestre de la somme de 114 336,76 euros par une convention de séquestre passée avec des clients, a, par courrier du 3 mars 2003, auquel étaient joints la convention de séquestre et un chèque du montant de la somme confiée, demandé à la société BNP Paribas de placer cette somme sur un compte sûr, non saisissable et produisant des intérêts lui revenant, au titre de la rémunération de sa mission.

Le chèque a été encaissé par la banque, le 13 mars 2003, sur un compte épargne n°[XXXXXXXXXX01] qu'elle a, à cette occasion, ouvert dans ses livres au nom de M. [N].

Reprochant à la banque d'avoir, en exécution d'avis à tiers détenteur, remis au Trésor public une partie des sommes figurant sur ce compte, M. [N] l'a assignée, par acte du 9 mai 2012, en responsabilité contractuelle. Il s'est aussi prévalu d'un manquement de la banque à ses obligations précontractuelles d'information, de conseil et de mise en garde lors de l'ouverture du compte litigieux.

Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal de grande instance de METZ a :

- rejeté les moyens tirés de l'irrecevabilité présentés par la SA BANQUE BNP PARIBAS ;

EN CONSEQUENCE

- déclaré recevable l'action en responsabilité contractuelle engagée par M. [N] à l'encontre de la banque,

- débouté M. [N] de sa demande de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la banque et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 euros augmentée des intérêts conventionnels,

- déclaré irrecevable l'action en responsabilité précontractuelle engagée par M. [N] des chefs de manquement de la banque à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde en raison de la prescription,

- débouté M. [N] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral et économique,

- débouté la banque de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [N] à payer à la banque la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [N] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par arrêt du 29 octobre 2019, la Cour d'appel de Metz a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, condamné M. [N] à payer à la banque la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, débouté les parties de toute autre demande.

M. [N] a été placé en redressement judiciaire par jugement du 13 décembre 2019, Mme [Z] étant désignée mandataire judiciaire et la Selarl BCM, prise en la personne de M. [B], administrateur judiciaire. Par jugement du 21 décembre 2020, un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté et la Selarl BCM, prise en la personne de M. [B], a été désignée commissaire à l'exécution du plan.

Par arrêt du 9 mars 2022, la Cour de cassation a :

Cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de M. [N] de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la société BNP Paribas et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 euros augmentée des intérêts conventionnels et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la cour d'appel de Colmar ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société BNP Paribas et l'a condamnée à payer à M. [N], Mme [Z], en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [N], et la Selarl BCM, représentée par M. [B] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. [N], la somme globale de 3 000 euros.

M. [N] a saisi la cour d'appel de Colmar par déclaration du 23 juillet 2022.

La SA BNP PARIBAS s'est constituée intimée le 10 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions datées du 24 octobre 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, M. [N] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du 21 décembre 2017 en ce qu'il déclare que Maître [T] [N] demandeur à l'instance ne prouve pas l'existence d'une convention de séquestre qualifiée par la banque 'd'imaginaire'

- Dire et Juger que la BNP PARIBAS a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Maître [N] [T] ;

- Condamner la BNP PARIBAS à remettre en état le compte séquestre ouvert dans les livres de la BNP, en représentant la somme de 114.336,76 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 5 novembre 2009 ;

- Condamner la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [N], les intérêts échus sur la somme de 114.336,76 € augmentée des intérêts au taux conventionnel, pour les années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 ;

- Assortir la condamnation d'une astreinte de 1.000 € par jour de retard ;

- Condamner la BNP PARIBAS à Monsieur [N] la somme de 50.000 € à titre d'indemnité du préjudice subi, matériel moral représenté par la mise en oeuvre des saisies de 2007 à 2012 malgré les courriers de 2009, le retard pris pour le règlement de ce dossier ;

- Dire qu'il n'y a lieu à compensation en l'absence de toute connexité sur la nature des sommes concernées

- Condamner la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [N] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la BNP PARIBAS aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures datées du 23 décembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SA BNP Paribas demande à la cour de :

ACCUEILLIR BNP PARIBAS en ses conclusions et les DECLARER recevables et bien-fondés ;

A titre Principal

REJETER l'appel adverse ;

JUGER que la Cour de céans est saisie dans les termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2022 et que toute demande excédant la cassation partielle est irrecevable ;

EN CONSEQUENCE JUGER IRRECEVABLE la demande d'indemnisation d'un préjudice matériel et/ou moral ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE la JUGER mal fondée ;

CONFIRMER le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a rejeté la demande de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de BNP PARIBAS et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114.336,76 € augmentée des intérêts conventionnels, y compris de la demande d'astreinte ;

CONFIRMER le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a condamné Monsieur [T] [N] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTER Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes ;

A Titre Subsidiaire,

Dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à l'encontre de BNP PARIBAS, CONDAMNER Monsieur [N] à payer à BNP PARIBAS les mêmes sommes, réglées au TRESOR PUBLIC augmentées des intérêts à la date des paiements ;

Monsieur [N] et BNP PARIBAS étant tous deux débiteur et créancier l'un de l'autre PRONONCER la compensation ;

En tout Etat de Cause

CONDAMNER Monsieur [T] [N] en cause d'appel à payer à BNP PARIBAS la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNER Monsieur [T] [N] aux entiers dépens de procédure tant de première instance que d'appel.

Par acte de commissaire de justice du 29 septembre 2022, M. [T] [N] a fait signifier à la SA BNP PARIBAS la déclaration de saisine en date du 23 juillet 2022, le récapitulatif de la déclaration d'appel, l'ordonnance fixant l'audience de plaidoirie au 22 mai 2023 et de l'avis de fixation daté du 1er septembre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 20 septembre 2022, M. [T] [N] a fait signifier à Me [Z] et à BCM, administrateurs judiciaires associés, la déclaration de saisine en date du 23 juillet 2022, le récapitulatif de la déclaration d'appel, l'ordonnance fixant l'audience de plaidoirie au 22 mai 2023 et de l'avis de fixation daté du 1er septembre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 28 octobre 2022, M. [T] [N] a fait signifier à Me [Z] et à BCM, administrateurs judiciaires associés, ses conclusions datées du 24 octobre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 3 janvier 2023, la SA BNP PARIBAS a fait signifier à la SELARL BCM et à Mme [Z] ses conclusions après reprise d'instance après cassation et bordereau de communication de pièces.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience de plaidoirie du 8 avril 2024.

MOTIFS :

Au préalable, la cour rappelle que :

- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à 'dire et juger' lorsqu'elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).

Sur les demandes de M. [N] :

- Sur la condamnation au paiement de la somme de 114 336,76 € augmentée des intérêts au taux conventionnel :

Aux termes de l'article 1915 du code civil, le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature.

Le banquier est dépositaire des fonds qui lui sont remis par son client. Il n'en est qu'un simple détenteur précaire, n'acquérant ni la propriété, ni la possession de la chose. Il est tenu d'une obligation de garde et de restitution.

Le dépôt peut faire l'objet d'une affectation spéciale et le banquier est tenu de respecter l'affectation stipulée, sous peine d'engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de son mandant (Com., 19 avril 1985, n°83-16.773), conformément aux dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause.

En l'espèce, par courrier du 3 mars 2003 adressé à la société BNP Paribas, M. [N] a demandé à la banque de placer la somme de 114 336,76 € sur un compte sûr, non saisissable et produisant des intérêts lui revenant au titre de sa rémunération. Il a joint à son courrier, outre le chèque du montant à placer, la convention de séquestre qu'il avait conclue le 28 février 2003 avec M. [R] [M] et Mme [S] [E].

Le chèque a été encaissé par la banque, le 13 mars 2003, sur un compte épargne n°[XXXXXXXXXX01] qu'elle a, à cette occasion, ouvert dans ses livres au nom de M. [N], de sorte que la convention liant ce dernier à la banque est une convention de dépôt et non un séquestre.

En exécution d'avis à tiers détenteur, la banque a remis au Trésor public :

- La somme de 4 203,90 € le 12 décembre 2007,

- La somme de 966,79 € le 10 janvier 2008,

- La somme de 46 076 € le 8 décembre 2009,

- La somme de 51 192,12 € le 21 mai 2012,

- La somme de 17 909,97 € le 22 novembre 2012,

montants débités du compte épargne n°[XXXXXXXXXX01].

Elle a ainsi versé au trésor public des fonds qui n'appartenaient pas à M. [N] et ce alors qu'elle avait connaissance de la convention de séquestre liant ce dernier à ses clients, et en conséquence de la propriété des fonds déposés.

Contrairement à ce que soutient la banque, le litige ne porte pas sur l'opposabilité de la convention de séquestre à la société BNP Paribas, mais sur le respect par la banque de l'affectation donnée au dépôt litigieux et de la propriété des fonds.

Ainsi, en remettant ces sommes au Trésor public, alors qu'elle savait que les fonds n'appartenaient pas à M. [N] mais aux clients de ce dernier, la banque a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile.

Elle ne peut arguer d'une approbation tacite de M. [N] en l'absence de protestation après les deux premiers virements, puisqu'il ne résulte pas des pièces produites au litige qu'elle l'ait informé de ces virements et qu'en outre, il n'est allégué d'aucune prescription de l'action en responsabilité engagée par ce dernier.

La banque ne peut pas plus reprocher à M. [N] de ne pas avoir contesté les avis à tiers détenteur, dans la mesure où, d'une part, selon l'article L 262 du Livre des procédures fiscales, l'avis à tiers détenteur ne peut avoir effet que sur les fonds appartenant ou devant revenir au redevable d'impôts, pénalités, frais et accession (Com., 25 février 1992, n°90-16.881) et d'autre part, le tiers détenteur est parfaitement en droit, à l'instar du titulaire du compte, de contester la saisie opérée par l'ATD, essentiellement lorsqu'il n'est pas débiteur envers le redevable, ce dans le délai d'opposition de deux mois prévu à l'article R.281-3-1 du livre des procédures fiscales.

Enfin, la banque ne peut se défausser de sa responsabilité, en reprochant à M. [N] de ne pas avoir procédé au virement des fonds litigieux après le premier avis à tiers détenteur. La cour observe à cet égard, que M. [N], dès lors qu'il a été informé des mouvements litigieux, a écrit à la banque pour rappeler qu'il n'était pas propriétaire des fonds et en solliciter la restitution.

La faute de la banque a causé un préjudice à M. [N], qui s'est trouvé dans l'impossibilité de verser à ses clients, comme il en avait l'obligation légale, les sommes leur appartenant et qui avaient été déposées sur ce compte.

La société BNP Paribas sera, en conséquence, condamnée à payer à M. [N] la somme de 114 336,76 €, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2012, date de l'assignation.

M. [N] sera débouté de sa demande au titre des intérêts pour le surplus. Ces sommes lui revenant au titre de la convention de séquestre, c'est à juste titre que la banque a pu les verser au Trésor Public. En outre, concernant les sommes qu'il n'a pu percevoir en raison des virements litigieux, il ne subit aucun préjudice, dans la mesure où les intérêts qu'il aurait dû percevoir avaient vocation à être versés au trésor public.

Enfin, aucun moyen développé par M. [N] ne commande le prononcé de cette condamnation sous astreinte.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral :

L'article 623 du code de procédure civile dispose que la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres.

Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé, ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En l'espèce, la demande de préjudice matériel et moral a été rejetée par le tribunal de grande instance de Metz et la cour d'appel de Metz a confirmé ce rejet.

Ce chef de dispositif n'a pas été remis en cause par la cour de cassation, qui a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Metz, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de M. [N] de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la société BNP Paribas et de condamnation de cette dernière, au paiement de la somme de 114 336,76 euros, augmentée des intérêts conventionnels et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

S'agissant d'une cassation partielle, le chef de décision critiqué est passé en force de chose jugée et la demande de M. [N] est, ainsi que le soutient la banque, irrecevable.

Sur la demande reconventionnelle de la banque :

L'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause, l'action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute de l'appauvri (Com, 14 octobre 2014, n°13-22.894).

En l'espèce, la société BNP Paribas n'indique pas, dans le corps de ses conclusions, quel est le fondement juridique de sa demande reconventionnelle.

Elle fait valoir que M. [N] a commis ses propres fautes à l'origine de la situation qu'il évoque et qu'elle a payé les sommes litigieuses au trésor public, pour le compte de ce dernier.

Or, d'une part, aux termes des motifs ci-dessus retenus, la cour n'a relevé aucune faute de M. [N].

D'autre part, en donnant suite aux avis à tiers détenteur qu'elle avait reçus sur le compte client de M. [N], la banque a commis une faute à l'origine de son appauvrissement et la privant du bénéfice de l'action de in rem verso.

En conséquence, la demande reconventionnelle de la société BNP Paribas sera rejetée et la demande de compensation est sans objet.

Sur les demandes accessoires :

Succombant, la société BNP Paribas sera condamnée aux entiers dépens de la procédure et à payer à M. [N] la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes présentées au titre des dépens et frais irrépétibles présentées par la société BNP Paribas seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz le 21 décembre 2017 en ce qu'il a :

- Débouté M. [T] [N] de sa demande de remise en état du compte séquestre prétendument ouvert dans les livres de la BNP et de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 114 336,76 € augmentée des intérêts conventionnels ;

- Condamné M. [T] [N] à régler à la SA BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté M. [T] [N] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [T] [N] aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA BNP PARIBAS à payer à M. [T] [N] la somme de 114 336,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2012,

Déboute M. [T] [N] de ses demandes d'intérêts pour le surplus,

Déboute M. [T] [N] de sa demande d'astreinte,

Déclare irrecevable la demande de M. [N], tendant au paiement de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel et moral,

Déboute la SA BNP PARIBAS de sa demande reconventionnelle,

Dit que la demande de compensation est sans objet,

Condamne la SA BNP Paribas aux entiers dépens de la procédure,

Condamne la SA BNP Paribas à payer à M. [T] [N] la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA BNP PARIBAS de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles.

La Greffière : le Président :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/03042
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;22.03042 ?
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