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04/06/2024 | FRANCE | N°23/00198

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 a, 04 juin 2024, 23/00198


Chambre 5 A



N° RG 23/00198 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7RF







MINUTE N°



















































Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER

- Me Guillaume HARTER





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 04 Juin 2024



Décision déférée à la Cour : 03 Novembre 2022 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE STRASBOURG





APPELANT :



Monsieur [P] [A]

né le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 13]

de nationalité française

[Adresse 9]

[Localité 10]



Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour,





INTIMÉ...

Chambre 5 A

N° RG 23/00198 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7RF

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Guillaume HARTER

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 04 Juin 2024

Décision déférée à la Cour : 03 Novembre 2022 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [P] [A]

né le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 13]

de nationalité française

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour,

INTIMÉE - APPEL INCIDENT

Madame [Z] [F] divorcée [A]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2024, en Chambre du Conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, et Mme DUPREZ, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme HERBO, Président de chambre

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme DUPREZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Karine HERBO, président et Mme Linda MASSON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [Z] [F] et M. [P] [A] se sont mariés le [Date mariage 3] 1984 à [Localité 14] sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

Deux enfants sont issus de leur union :

- [S] [A] née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 10],

- [E] [A] né le [Date naissance 8] 1990 à [Localité 10].

Par acte de donation-partage du 22 décembre 1989 reçu par Me [M], notaire associé à [Localité 15], en avancement d'hoirie imputable sur la part de réserve, M. [A] a reçu la pleine propriété d'un bien immobilier situé à [Localité 14], cadastrée section [Cadastre 5], maison et bâtiments accessoires évaluée à 300.000 francs et la somme de 60.000 francs, étant précisé que la maison est occupée par le donataire qui y effectue les travaux.

Par ordonnance de non-conciliation du 5 février 2007, le juge aux affaires familiales a notamment, attribué la jouissance du domicile conjugal à Mme [F] à titre gratuit en exécution du devoir de secours, fixé la pension alimentaire due au titre du devoir de secours par M. [A] à Mme [F] à la somme de 800 euros par mois, dit que M. [A] devra assurer le règlement des échéances mensuelles du prêt immobilier de 245,59 euros et partager par moitié les autre dettes communes.

Par jugement du 12 juillet 2011, le juge aux affaires familiales près du tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux, constaté que l'ordonnance de non-conciliation porte la date du 05 février 2007 et ordonné la liquidation du régime matrimonial. Ce jugement a été confirmé le 23 septembre 2013 par la cour d'appel de Colmar en toutes ses dispositions sauf en ce qui a trait au montant de la prestation compensatoire.

Par ordonnance du 26 janvier 2015, le tribunal d'instance d'Haguenau a ordonné l'ouverture de la procédure de partage judiciaire de la communauté de biens existant entre les époux divorcés M. [A] et Mme [F] et renvoyé les parties devant Me [T], notaire associé à [Localité 10] désigné en qualité de notaire commis au partage.

Me [T] a dressé un procès-verbal de difficultés le 23 juin 2016 et renvoyé les parties à se pourvoir.

Par assignation délivrée le 23 mai 2017, M. [A] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Par jugement avant dire-droit du 16 mai 2019, une expertise a été ordonnée. Une ordonnance de caducité a été rendue le 08 octobre 2020 et par ordonnance du 05 novembre 2020, il a été prononcé le relevé de caducité. Le rapport a été déposé le 15 juin 2021.

Par jugement du 03 novembre 2022, le juge aux affaires familiales a :

- fixé à 110.000€ la récompense due par M. [A] à la communauté pour les travaux effectués durant le mariage sur l'ensemble immobilier sis [Adresse 4],

- fixé à 14.000€ la créance de Mme [F] au titre des travaux de réhabilitation de la grange,

- constaté l'accord des parties sur le montant de 14.160€ au titre de l'indemnité d'occupation due par Mme [F] à M. [A],

- débouté M. [A] de ses demandes de versement de 8.000€ au titre des travaux de rénovation pour la remise en état du bien immobilier,

- débouté M. [A] de sa demande de versement de 21.890€ au titre des frais relatifs à la rénovation de la grange,

- débouté M. [A] de sa demande de versement de 304,49€ au titre de la moitié des frais relatifs au constat d'huissier établi par Me [C] [K],

- renvoyé les parties devant Me [I] [T] notaire associé à [Localité 10] pour la poursuite des opérations de partage,

- dit que les frais d'expertise seront à la charge de la masse répartie entre les parties lors de la finalisation des opérations de partage,

- débouté M. [A] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [F] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- dit que chacune des parties supporte la charge de ses dépens,

- rappelé qu'il appartient à la partie la plus diligente de procéder à la signification de la présente décision.

M. [A] a interjeté appel le 06 janvier 2023.

La clôture a été prononcée le 28 mars 2024 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 08 avril 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2024, M. [A] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et fondé en son appel et ses demandes,

y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- le déclarer recevable et fondé en ses demandes,

- débouter Mme [F] de sa demande relative à une récompense due par le concluant à la communauté au titre des travaux effectués durant le mariage sur l'ensemble immobilier sis [Adresse 4],

- fixer la récompense due par la communauté à M. [A] au titre des sommes encaissées par elle à la suite des donations partage à la somme de 69.050,35€,

- débouter Mme [F] de sa demande au titre d'une créance à son encontre pour les travaux de réhabilitation de la grange et juger en tout état de cause que la créance éventuelle sera valorisée au nominal,

- juger que Mme [F] est redevable d'une créance à son profit représentant les loyers encaissés au titre de la location du bien propre lui appartenant pour la période d'occupation entre l'ordonnance de non-conciliation et la date de remise des clés,

- enjoindre Mme [F] de justifier de l'intégralité des loyers perçus et lui réserver le chiffrage de ce montant au regard des éléments communiquées,

- fixer à défaut la créance due par Mme [F] à M. [A] à la somme de 110.920€ subsidiairement à la somme de 400€ par mois sur la période considérée soit 37.600€,

- fixer la créance due par Mme [F] à M. [A] au titre des travaux de remise en état du bien à la somme de 21.890€ pour la grange,

- fixer la créance due par Mme [F] à M. [A] au titre des travaux de remise en état du jardin à la somme de 7.200€,

- fixer la créance due par Mme [F] à M. [A] au titre du remontage de l'escalier à la somme de 5.000€,

- fixer la créance due par Mme [F] à M. [A] à la somme de 8.000€ au titre des travaux de rénovation du bien immobilier (maison principale),

- déclarer Mme [F] irrecevable en son appel incident, subsidiairement mal fondée, le rejeter, la déclarer irrecevable en ses demandes subsidiairement mal fondée,

En tout état de cause,

- débouter Mme [F] de l'intégralité de ses fins et conclusions,

- réserver à M. [A] de parfaire ses demandes après communication de ses pièces par Mme [F],

- confirmer le jugement sur le principe de l'indemnité d'occupation,

- fixer la créance due par Mme [F] à M. [A] au titre de l'indemnité d'occupation à compter du jour où le divorce est devenu définitif jusqu'à la date de remise des clés,

- lui réserver d'en parfaire le montant ou au notaire lors de l'établissement de l'acte,

- condamner Mme [F] à payer à M. [A] au titre du constat de Me [K] la somme de 304,49€,

- condamner Mme [F] aux entiers dépens des deux instances et à payer à M. [A] la somme de 3.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [A] fait valoir que Mme [F] s'est déclarée d'accord avec le paiement d'une indemnité de jouissance. Elle a occupé gratuitement le bien propre de M. [A] durant 7 années. La jouissance gratuite prend fin lorsque le divorce est prononcé de manière définitive. Mme [F] est donc redevable d'une créance dont le montant doit être confirmé étant relevé qu'elle a accepté ce montant et n'a pas succombé.

Le montant doit être confirmé mais actualisé au regard de la date du caractère définitif du divorce, qui n'est pas la date de transcription du divorce selon M. [A]. Il précise que Mme [F] ne produit pas de justificatif de la date à laquelle le divorce est devenu définitif.

Cette indemnité est due jusqu'à la restauration des lieux, dont la preuve doit être rapportée par Mme [F].

M. [A] rappelle qu'il a bénéficié aux termes d'une donation-partage du 22 décembre 1989 de la maison abritant le domicile conjugal et d'une somme de 60.000 francs, d'une donation-partage du 19 septembre 1997 aux termes de laquelle il a reçu une somme de 116.189,04 francs, d'une donation-partage du 29 décembre 1999 aux termes de laquelle il a reçu 276.751,60 francs. L'argent a été versé sur le compte commun du couple. D'importants travaux ont été entrepris sur le bien grâce aux fonds recueillis dans le cadre des donations-partage.

Selon M. [A], ce n'est pas la communauté qui a financé les travaux sur le bien propre et elle ne peut prétendre à récompense. A titre subsidiaire, la communauté n'aurait dépensé que la différence entre les montants investis selon l'expert soit 110.000€ et le montant des donations de 69.050,35€, soit 40.949,65€. Très subsidiairement, si la cour considère que la communauté a financé les travaux et qu'elle a droit à récompense à ce titre, il estime que la communauté lui doit récompense pour la somme de 69.050,35€ pour des fonds lui appartenant en propre qu'elle a encaissés.

Il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, M. [A] rappelant qu'en matière de partage les demandes nouvelles sont toujours recevables.

M. [A] demande que Mme [F] précise le fondement juridique quant à sa demande de créance à hauteur de 14.000€ faisant observer que le premier juge a raisonné sur le fondement de l'article 815-13 du code civil alors qu'il ne s'agit pas d'un bien indivis. Il conteste le principe de cette créance du fait que Mme [F] ne rapporte aucune preuve des financements réalisés et de l'investissement de fonds personnels. Elle n'a sollicité à aucun moment M. [A] aux fins de réaliser des travaux, alors qu'elle bénéficiait d'une jouissance à titre gratuit.

Pour M. [A], les loyers procurés par la location de son bien propre ne peuvent revenir qu'au propriétaire et il appartient à Mme [F] de justifier le montant des loyers encaissés et le principe de cette créance doit lui être reconnu. Il soutient qu'il ne peut être tenu compte des dires de Mme [F], qui affirme qu'elle avait besoin de ces sommes pour vivre et chauffer la maison au motif qu'il ne réglait pas la pension, alors qu'elle disposait d'un titre qu'elle a fait exécuter.

Les clés de la maison lui ont été remises le 03 décembre 2014. Un constat d'huissier a été établi faisant état de l'absence d'entretien des extérieurs et nécessitant des travaux dont il sollicite le règlement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2024, Mme [F] demande à la cour de :

Sur l'appel principal

- débouter M. [A] de ses fins, moyens et prétentions,

- confirmer le jugement entrepris,

- déclarer irrecevable la demande de M. [A] tendant à voir fixer la récompense due par la communauté à M. [A] à hauteur de 69.050,35€ comme constituant une prétention nouvelle,

- déclarer irrecevable la demande de M. [A] tendant à voir Mme [F] condamnée à lui verser la somme de 5.000€ au titre du remontage de l'escalier comme constituant une prétention nouvelle,

- déclarer irrecevable la demande de M. [A] tendant à voir Mme [F] condamnée à lui verser la somme de 7.200€ au titre des travaux de remise en état du jardin comme constituant une prétention nouvelle,

Sur l'appel incident

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due par Mme [F] à M. [A] à hauteur de 14.600€,

Statuant à nouveau,

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [F] à M. [A] à hauteur de 11.249,33€,

Dans tous les cas,

- condamner M. [A] à payer à Mme [F] la somme de 8.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens y compris ceux de premières instance, dont l'intégralité des frais d'expertise.

Mme [F] rappelle que la maison sise [Adresse 12] constituant le domicile conjugal est un bien propre de M. [A]. La propriété est constituée d'une maison et d'une grange (des travaux y ont été faits mais non achevés), d'un préau et d'un terrain incliné (20 arrhes). De nombreux travaux ont été effectués durant la vie commune. Lors des débats devant le notaire M. [A] n'a jamais formulé un montant précis de la valeur du bien, la maison étant considérée comme inhabitable par le notaire.

Elle a occupé le bien à titre gratuit jusqu'à l'arrêt de la cour du 23 septembre 2013 (arrêt devenu définitif) ; le divorce a été transcrit le 17 février 2014 et elle a quitté la maison le 03 décembre 2014. Selon Mme [F], la jouissance onéreuse ne court qu'à compter de l'arrêt définitif et jusqu'à la remise des clés soit du 17/02/2014 au 31/12/2014. Elle a accepté que l'indemnité totale s'élève à la somme de 14.160€ soit une valeur locative retenue par l'expert de 1.180€ par mois, elle propose la somme de 11.249,33€ pour une occupation de 9 mois et 16 jours.

L'expert a indiqué que l'ensemble de bien immobilier a une valeur de 245.000€ et chiffré le coût des travaux de rénovation réalisés entre le 22/12/1989 et le 05/02/2007 à 110.000€. La communauté a droit à récompense à hauteur de cette somme. Elle observe que M. [A] conteste ce droit et n'apporte aucun élément quant à un emploi ou remploi de la somme de 69.050,35€. De plus, il s'agit d'une prétention nouvelle à hauteur de cour.

Mme [F] indique avoir effectué de nombreux travaux dans la maison affirmant que M. [A] ne réglait pas de pension. Le bien a été valorisé et entretenu par Mme [F]. L'expert a retenu un coût de 18.750€, le profit subsistant s'élève à la somme de 14.000€.

Mme [F] relève qu'en première instance M. [A] n'a formulé aucune demande au titre des loyers qu'elle a perçus. S'agissant d'une demande nouvelle, celle-ci est irrecevable.

Elle ne conteste pas avoir loué une partie de la propriété à des touristes précisant que M. [A] ne s'acquittait pas des pensions alimentaires dont il était redevable et qu'à ce jour il doit des arriérés de près de 75.000€. Selon elle, M. [A] est mal venu de solliciter des éléments quant aux loyers perçus.

Elle déclare que la location a duré deux ans pour une moyenne de 400€. Elle indique qu'elle n'a tiré aucun profit des locations lui permettant de chauffer la maison.

Lorsque le constat d'huissier a été effectué, Mme [F] affirme qu'elle ne résidait plus au domicile depuis près d'une année. Dès le mois de mars 2013, elle a signalé le dysfonctionnement de la porte d'entrée de la grange-gîte. Elle a entretenu la maison jusqu'à son départ et amélioré le bien. Elle n'est redevable d'aucune indemnité pour défaut d'entretien de l'immeuble.

Elle ajoute que les demandes relatives aux travaux de remise en état du jardin et du remontage de l'escalier constituent des prétentions nouvelles et doivent être déclarées irrecevables.

Elle observe que les devis présentés par M. [A] concernent des postes de travaux qui ne résultent pas de l'occupation du bien immobilier.

M. [A] ne démontre pas que les travaux dont il se prévaut résulteraient d'un défaut d'entretien de la part de Mme [F].

MOTIVATION

1°) Sur la recevabilité des demandes nouvelles présentées par l'appelant

Dans le cadre de son appel, M. [A] sollicite les sommes suivantes :

- 69.050,35€ à titre de récompense,

- 7.200€ au titre des travaux de remise en état du jardin,

- 5.000€ au titre de la mise en place d'une remonte d'un escalier,

- loyers perçus par Mme [F] durant son occupation.

Mme [F] fait valoir que ces demandes sont irrecevables au motif qu'elles sont nouvelles. Pour sa part, M. [A] affirme qu'en matière de partage, les demandes nouvelles sont toujours recevables.

Selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Elles ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Sans conteste, M. [A] n'a pas formulé ce type de demande devant le premier juge. Cependant, conformément à la jurisprudence, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement d'un actif et d'un passif, toute demande constitue nécessairement une défense à la prétention adverse.

Il s'ensuit que les demandes présentées par M. [A] au titre des créances à hauteur de cour sont recevables, étant rappelé qu'initialement il sollicitait une somme de 14.160€ au titre de l'indemnité d'occupation, 8.000€ au titre des travaux de rénovation pour la remise en état du bien immobilier, 21.890€ au titre de travaux d'urgence effectués sur la grange après le départ de Mme [F].

2°) Sur les récompenses

L'article 1433 du code civil énonce que la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.

Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.

Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions.

L'article 1437 du même code dispose que toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.

L'article 1469 du code civil énonce que la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

En l'espèce, le premier juge a fixé à 110.000€ la récompense due par M. [A] à la communauté au titre des travaux de réhabilitation de la grange. Il a rappelé que l'ensemble immobilier est un bien propre de M. [A] et que ce dernier ne rapporte aucune déclaration d'emploi ou de remploi quant aux liquidités et qu'à défaut les fonds doivent être considérés comme des fonds communs.

A hauteur d'appel, M. [A] affirme qu'il est établi qu'il a bénéficié de trois donations-partage les 22 décembre 1989, 19 septembre 1997 et 29 décembre 1999 et que le couple ne disposait que d'un seul compte commun sur lequel l'argent été versé. Il ajoute que Mme [F] confirme dans ses conclusions que des travaux ont été effectués et rappelle qu'il travaillait sous le régime des indépendants tandis que Mme [F] n'exerçait aucune activité professionnelle. Ces éléments suffisent selon lui à établir que ce n'est pas la communauté qui a financé les travaux sur un bien propre. Il sollicite en conséquence qu'il soit tenu compte des sommes encaissées par la communauté et que la récompense due par la communauté soit fixée à la somme de 69.050,35€.

Si effectivement, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, les dires de M. [A] qui sont au demeurant contestées par Mme [F] ne démontrent aucunement que la communauté n'a pas financé les travaux étant rappelé que c'est à M. [A] de produire tous éléments justifiant ses demandes.

Or, il se contente de procéder par affirmation produisant aux débats une fiche de retraite de base des salariés, travailleurs indépendants et l'attestation de son frère indiquant que leurs parents ont payé les travaux pour l'installation du chauffage de la salle de bains et de l'électricité, qu'il a pu compter sur les liquidités et ventes des valeurs mobilières acquises lors des trois donations-partage et économiser de la main d''uvre en effectuant lui-même une partie des travaux.

Ces seuls éléments ne suffisent pas à établir que ce n'est pas la communauté qui a financé les travaux sur le bien propre étant relevé que l'attestation du frère de l'appelant est d'ordre général.

Quant à la récompense sollicitée par M. [A] à hauteur de 69.050,35€, cette somme correspond selon lui au montant de la valeur des donations et que s'agissant de deniers propres, la communauté est redevable de cette somme.

Or, M. [A] ne produit aucun élément démontrant que ces deniers ont été effectivement versés et encaissés sur un compte commun et ont profité à la communauté. Dès lors, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fixé la récompense due par M. [A] à la communauté à la somme de 110.000€.

3°) Sur la fixation des créances

Les créances entre époux portent sur des mouvements de valeurs intervenus entre les patrimoines propres des époux, sans transiter par la communauté. Elles sont réglementées par les articles 1478 et 1479 du code civil mais les dispositions de ce dernier article ne s'appliquent pas à la créance d'un époux née après la dissolution de la communauté.

En l'espèce, l'ensemble des demandes des parties sont relatives à une période postérieure à la dissolution de la communauté intervenue le 5 février 2007.

Les créances entre époux, quant à leurs causes, ressortissent au droit commun des obligations.

En l'espèce, le premier juge notant que Mme [F] a dépensé la somme de 16.750€ pour réhabiliter la grange a fixé à la somme de 14.000€ la créance de Mme [F] sur M. [A] au titre des travaux de réhabilitation de la grange.

Le premier juge a débouté M. [A] de sa demande au titre des travaux de rénovation pour la remise en état du bien immobilier (étant rappelé que ce dernier sollicite la fixation de la somme de 8.000€) et au titre des frais de rénovation de la grange pour un montant de 21.890€ en ce que les demandes ne sont pas fondées.

Préalablement Mme [F] relève que l'huissier instrumentaire a effectué un constat le 26 novembre 2014 et le 03 décembre 2014 alors qu'elle ne se trouvait plus dans les lieux depuis plus d'une année et indique qu'elle lui a remis les clés le 03 décembre 2014.

3.1 Créance de Mme [F] à l'égard de M. [A] au titre des travaux de rénovation de la grange

Mme [F] fonde sa demande sur l'enrichissement injustifié. Il lui appartient donc de démontrer l'existence de l'enrichissement de M. [A] corrélativement à son appauvrissement sans justification, l'indemnité étant égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement. Cependant, il n'y a pas lieu à indemnisation lorsque l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel.

S'il résulte de l'expertise, que le coût des travaux de rénovation de la grange réalisés entre le 05 février 2007 et le 03 décembre 2014, date de l'occupation du bien par Mme [F], s'élève à la somme de 16.750€ et qu'il n'est pas contesté que l'intimée les a financés, même si elle n'en rapporte pas la preuve, elle expose dans ses conclusions les avoir réalisés afin de rendre le gîte habitable pour y résider avec l'enfant.

En conséquence, si Mme [F] s'est appauvrie, elle en a tiré un profit personnel ce qui fait obstacle à sa demande de créance.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé à 14.000€ la créance de Mme [F] au titre des travaux de réhabilitation de la grange.

3.2 Créances de M. [A] à l'égard de Mme [F] au titre de la remise en état du bien, des frais relatifs à la rénovation de la grange, de la rénovation du jardin, de la mise en place d'une remonte d'escalier

Au titre de ses créances M. [A] sollicite respectivement les sommes de 8.000€, 21.890€, 7.200€ et 5.000€.

3.2.1 Sur la remise en état du bien et les frais de rénovation de la grange

M. [A] fonde ses demandes sur le défaut d'entretien par Mme [F] du bien mis à sa disposition par l'ordonnance de non-conciliation.

M. [A] sollicite le remboursement de la somme de 10.890€ pour des travaux d'étaiement de la grange et au titre du crépissage du bien de 11.000€.

Alors qu'il résulte de l'expertise que des travaux ont été effectués dans la grange pour un montant de 66.000€, M. [A] ne justifie pas que les travaux dont il sollicite le remboursement ont été rendus nécessaires par le mauvais entretien du bien par Mme [F], qui en avait la jouissance.

En conséquence, faute pour M. [A] de rapporter la preuve de la cause de sa créance à l'égard de Mme [F], le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de versement d'une somme de 21.890€.

3.2.2 Sur les frais afférents à la rénovation du jardin et du remontage de l'escalier

Au titre du coût des travaux de rénovation pour remettre la maison dans l'état dans lequel elle se trouvait en 2007, l'expert a mentionné la faible importance des travaux réalisés dans la maison d'habitation depuis 2007 pouvant être qualifiés de travaux d'entretien réguliers, seuls les travaux de nettoyage et d'entretien extérieur seraient nécessaires pour remettre la maison dans l'état dans lequel elle se trouvait en 2007 et a estimé le coût de ces travaux de rénovation à la somme de 2.000€. Le constat de l'huissier mandaté par M. [A] réalisé les 26 novembre et 3 décembre 2014, au moment de la remise des clés par Mme [F], confirme la nécessité de travaux de remise en état du jardin.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de M. [A] au titre de la remis en état du jardin pour la somme de 2.000€.

Contrairement à ce que M. [A] déclare, il ne résulte pas du rapport d'expertise que Mme [F] aurait déplacé ou démonté un escalier dans la grange entre 2007 et 2014, en effet la description des lieux en 2007 mentionne l'existence d'une simple échelle.

En conséquence, M. [A] sera débouté de sa demande à ce titre.

3.2.3 Sur les frais afférents à la rénovation de la maison

M. [A] n'explique pas sa demande de condamnation de Mme [F] à lui verser la somme de 8.000€ au titre des travaux de la remise en état de la maison. Il ne produit aucune facture à ce titre alors même que l'expertise ne mentionne pas la nécessité de tels travaux.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [A] de ce chef.

3.3 Sur la créance due par Mme [F] à M. [A] au titre des loyers perçus

M. [A] demande en premier lieu d'enjoindre Mme [F] à justifier de l'intégralité des loyers perçus et en second lui réserver le chiffrage et à défaut que cette créance soit fixée à la somme de 110.920€ et subsidiairement à la somme de 37.600€.

Dans le cadre de la présente procédure, la cour relevant que les parties ont produit très peu de pièces que ce soit devant l'expert ou devant les juridictions, il n'y a lieu à enjoindre Mme [F] à produire les justificatifs sollicités et ce d'autant plus qu'elle ne conteste pas avoir loué le bien pour une période de deux ans.

Si la jouissance du domicile conjugal bien propre de M. [A] a été attribuée à Mme [F], cette attribution ne lui donnait pas droit aux fruits générés par le bien, s'agissant d'un simple droit d'occupation.

Dans le cadre d'un courrier adressé à l'expert le 12 février 2020, le conseil de M. [A] précisait que Mme [F] a loué régulièrement la maison pendant un an à compter de 2007 pour un montant de 400€ et de façon saisonnière. Aucun élément n'est produit à l'appui des dires de M. [A], toutefois Mme [F] reconnaît dans ses conclusions avoir loué le bien pour 400€ pendant une période de deux ans.

L'expert propose une valeur locative pour l'ensemble immobilier de 1.180€ en 2014 et mentionne que M. [A] a loué la grange en 2015, 500€ par mois.

Alors que la réalité de la location est avérée, il appartenait à Mme [F] de démontrer précisément les périodes auxquelles elle a loué le bien et les sommes perçues, même s'il peut être considéré eu égard aux travaux réalisés entre 2007 et 2014, que le bien ne pouvait être loué dès 2007.

En conséquence, il sera partiellement fait droit à la demande de M. [A] et Mme [F] sera condamnée à lui verser la somme de 24.000€ à ce titre.

3.4 Sur l'indemnité d'occupation

Mme [F] bénéficiant de la jouissance gratuite du domicile conjugal, elle n'est redevable d'une indemnité d'occupation qu'à compter de la date à laquelle le divorce est devenu définitif soit deux mois après la signification de l'arrêt d'appel du 23 septembre 2013 ou au jour de l'acquiescement à celui-ci.

En l'espèce, aucune des parties ne produit la signification de cet arrêt ou l'acte d'acquiescement. Cependant, le divorce a été transcrit en marge de l'acte de mariage des parties le 17 février 2014, date à laquelle il était nécessairement définitif. A défaut d'autre élément il sera tenu compte de cette date.

En conséquence, Mme [F] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 17 février 2014 et jusqu'au 3 décembre 2014, date à laquelle elle a remis les clés du bien, ce qu'elle ne conteste pas.

Devant le premier juge, les parties se sont accordée pour fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [F] à la somme de 14.160€. Pour autant, au titre d'un appel incident Mme [F] demande que cette indemnité soit fixée à la somme de 11.249, 33€.

Il résulte des dispositions combinées des articles 546 et 564 du code de procédure civile, qu'à défaut de succombance, une partie ne peut faire appel d'une décision que s'il existe un élément nouveau survenu depuis le prononcé du jugement dont il est fait appel.

Or, à l'appui de son appel incident, Mme [F] ne fait valoir aucun élément nouveau justifiant cette demande. Il n'y a donc lieu à faire droit à cette demande.

Par conséquent, le jugement sera confirmé de ce chef.

4. Sur les frais et dépens

4.1 Sur les frais de constat d'huissier

Comme indiqué avec justesse par le premier juge, ce constat a été établi à la demande de M. [A] et il n'y a lieu à ce celui-ci soit pris en charge par Mme [F]. Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

4.2 Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la teneur de la présente décision, les demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que chacune des parties supporte la charge de ses dépens.

Dans le cadre de la présente procédure chaque partie assumera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevables les demandes présentées par M. [A] pour la première fois à hauteur d'appel afférentes à la récompense à hauteur de 69.050,35€, aux créances au titre des travaux de remise en état du jardin et du remontage d'un escalier,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [A] de ses demandes de versement de 8.000€ au titre des travaux de rénovation pour la remise en état du bien immobilier et en ce qu'il a condamné M. [A] à verser à Mme [F] la somme de 14.000€ au titre des travaux réalisés dans la grange,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Fixe la créance due par Mme [F] à M. [A] à la somme de 2.000€ (deux mille euros) au titre des travaux de rénovation pour la remise en état du jardin de l'ensemble immobilier,

Fixe la créance due par Mme [F] à M. [A] au titre des loyers perçus à la somme de 24.000€ (vingt-quatre mille euros),

Rejette les demandes présentées par M. [A] au titre du remontage de l'escalier et de la remise en état de la grange,

Rejette la demande de Mme [F] au titre des travaux de réhabilitation de la grange,

Rejette les demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie assumera la charge de ses dépens et au besoin les y condamne.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 a
Numéro d'arrêt : 23/00198
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.00198 ?
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