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14/05/2024 | FRANCE | N°21/04880

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 b, 14 mai 2024, 21/04880


Chambre 5 B



N° RG 21/04880 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HW4O









MINUTE N°































































Copie exécutoire à



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FR

ANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 14 Mai 2024





Décision déférée à la Cour : 01 Septembre 2021 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 8]





APPELANT :



Monsieur [B] [S] [W]

né le [Date naissance 2] 1952 à BÂLE (SUISSE)

de nationalité suisse

Weihermattrasse2

Ch - 4102 BINNINGEN (SU...

Chambre 5 B

N° RG 21/04880 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HW4O

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 14 Mai 2024

Décision déférée à la Cour : 01 Septembre 2021 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 8]

APPELANT :

Monsieur [B] [S] [W]

né le [Date naissance 2] 1952 à BÂLE (SUISSE)

de nationalité suisse

Weihermattrasse2

Ch - 4102 BINNINGEN (SUISSE)

Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour,

INTIMÉE :

Madame [F] [K] divorcée [W]

née le [Date naissance 1] 1951 à BÂLE (SUISSE)

de nationalité suisse

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme HERBO, Président de chambre

Mme KERIHUEL, Conseiller

Mme GREWEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WOLFF,

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Karine HERBO, président et Mme Lucille WOLFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [B] [W] et Mme [F] [K] ont acquis le 22 juin 1999 un bien immobilier situé 3 zone des chalets à [Localité 9].

L'acte de vente précise que les acquéreurs acceptent « pour leur compte commun, en stipulant que le pré-mourant d'eux sera réputé n'avoir jamais eu droit à la propriété des biens présentement vendus, qui appartiendront en totalité au survivant, considéré comme unique propriétaire, comme s'il les avait toujours possédés ».

M. [B] [W] et Mme [F] [K] se sont ensuite mariés, le [Date décès 3] 2005, sous le régime de la communauté universelle selon contrat reçu le 18 novembre 2005 par Me [U], notaire à [Localité 7].

Par ordonnance de non-conciliation du 18 janvier 2012, le juge aux affaires familiales avait notamment attribué la jouissance du bien commun à Mme [F] [K] à titre gratuit et dit que chacun des époux prendra en charge la moitié des échéances mensuelles du prêt immobilier de 4 442 francs suisses.

Leur divorce a été prononcé par jugement du 16 avril 2018 lequel a ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux. Le jugement est définitif.

Par requête du 2 août 2018, M. [B] [W] a saisi le tribunal d'instance de Mulhouse d'une demande de partage judiciaire du régime matrimonial des époux.

Par ordonnance du 10 octobre 2018, le partage a été ordonné et Me [N] a été désigné pour y procéder.

Un procès verbal de difficultés a été dressé le 23 mai 2019, relatif à l'application de la clause d'accroissement - ou tontine - de l'acte de vente et à ses conséquences s'agissant notamment de l'entrée du bien en communauté et de l'indemnité d'occupation dont est susceptible d'être redevable Mme [F] [K].

Par acte d'huissier du 16 décembre 2019, M. [B] [W] a assigné Mme [F] [K] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse.

Par jugement du 1er septembre 2021, la formation collégiale de la chambre de la famille du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- dit que la demande visant à voir prononcer la nullité de la clause d'accroissement contenue dans l'acte de vente du 22 juin 1999 ne peut se voir opposer la prescription ;

- rejeté la demande visant à voir constater la nullité et la caducité de la clause d'accroissement contenue dans l'acte de vente du 22 juin 1999 ;

- dit que l'immeuble acquis le 22 juin 1999 ne doit pas être pris en compte dans le cadre du partage des biens sauf à mentionner la reprise par chacune des parties des droits concurrents qui lui ont été alloués en vertu de la clause d'accroissement prévue par l'acte de vente ;

- dit que Mme [F] [K] est redevable à M. [B] [W] d'une indemnité d'occupation dès lors qu'elle bénéficie de la jouissance exclusive du bien acquis le 22 juin 1999, sous réserve de l'octroi d'une jouissance gratuite au titre du devoir de secours ou par convention des parties ;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens ;

- renvoyé les parties devant notaire pour parfaire les opérations de liquidation et partage ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration au greffe par voie électronique du 26 novembre 2021, M. [B] [W] a interjeté appel afin d'obtenir l'annulation, l'infirmation voire la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande visant à voir constater la nullité et la caducité de la clause d'accroissement contenue dans l'acte de vente du 22 juin 1999, dit que l'immeuble acquis le 22 juin 1999 ne doit pas être pris en compte dans le cadre du partage des biens sauf à mentionner la reprise pour chacune des parties des droits concurrents qui lui ont été alloués en vertu de la clause d'accroissement prévue par l'acte de vente, en tant que le juge bien que mettant à la charge de Mme [F] [K] une indemnité d'occupation la fixe à compter du 22 juin 1999 en précisant sous réserve de l'octroi d'une jouissance gratuite au titre du devoir de secours par convention des parties et dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 1er février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 26 mars 2024.

En cours de délibéré le 26 mars 2024, comme elle y avait été autorisée, Mme [F] [K] a produit l'acte notarié du 14 novembre 2023 signé par les parties.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, M. [B] [W] demande à la cour d'appel de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- rejeter l'appel incident ;

faisant droit au seul appel principal,

- infirmer le jugement entrepris en tant qu'il a été débouté de ses demandes ;

statuant à nouveau,

- dire et juger que la clause d'accroissement ou clause de tontine contenue dans l'acte de vente du 22 juin 1999 est nulle et de nul effet ;

- dire et juger qu'en tout état de cause, cette clause d'accroissement est frappée de caducité ;

- dire et juger que l'immeuble situé [Adresse 5] est entré en communauté, respectivement les droits indivis des époux, et que le partage de la communauté de bien universelle doit tenir compte de la valeur de l'immeuble au jour du partage et des droits de chacune des parties dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et de l'indivision post-communautaire ;

- renvoyer les parties devant Me [N], notaire à [Localité 7], chargé de l'accommodement de la procédure de partage judiciaire ;

- débouter Mme [F] [K] de ses fins et conclusions ;

- la condamner aux frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700.

M. [B] [W] souligne que Mme [F] [K] se fonde sur les dispositions de l'article 2224 du code civil pour soutenir que son action est prescrite alors même que ces dispositions sont issues de la loi de 2008 et relève qu'elle ne répond pas au moyen tiré de la suspension de la prescription pendant le mariage en application de l'article 2036 du code civil.

A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1185 du code civil, il avance que l'exception de nullité est imprescriptible s'agissant d'un acte qui n'a pas reçu exécution à ce jour, la clause de tontine n'ayant vocation à ressortir ses effets qu'au décès de l'un des protagonistes.

Il rappelle que la validité de la tontine repose sur le caractère onéreux et aléatoire de l'opération et il en déduit que l'acquisition doit être faite par un financement à peu près équivalent de part et d'autre et que la chance de survie des deux acquéreurs doit être quantitativement égale.

Il soutient qu'il a majoritairement financé le bien, au moyen de deniers personnels pour 160 000 francs suisses, puis en remboursant le prêt de façon quasi-exclusive jusqu'au mariage puis, après celui-ci, de sorte que la clause de tontine est dépourvue d'aléa.

Il avance que si la clause de tontine était déclarée valable, elle ne saurait survivre au régime matrimonial adopté par les époux à savoir la communauté universelle, aucune clause ne pouvant porter atteinte à l'immutabilité du régime matrimonial. Il considère que la clause de tontine porte atteinte à cette immutabilité et qu'elle est devenue sans objet du fait du mariage en communauté universelle.

Subsidiairement, il estime que la clause de tontine a perdu sa cause avec la disparition des liens affectifs ayant existé entre les parties, la gestion commune du bien ayant garanti les droits de chacun après le décès de l'un d'eux. Il ajoute que toute convention devant s'exécuter de bonne foi, Mme [F] [K] ne saurait contester que la clause n'est plus causée.

Il indique que les parties ont des droits concurrents dans le bien qui emportent le droit pour chacune d'entre elle d'en jour indivisément, de sorte que si un des tontiniers a la jouissance exclusive de l'immeuble, il doit une indemnité d'occupation à l'autre, cotitulaire du droit de jouissance. Il précise que la jouissance du bien par Mme [F] [K] est de son fait, celle-ci s'étant maintenue dans le bien.

Il considère que l'indemnité d'occupation est due à compter de l'entrée en force jugée du divorce soit le 25 mai 2018.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, Mme [F] [K] demande à la cour d'appel de :

sur l'appel principal,

- déclarer M. [B] [W] irrecevable en son appel, en tout cas l'y dire mal fondé ;

- le rejeter ;

- débouter M. [B] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

sur l'appel incident,

- la déclarer bien fondée en son appel incident ;

- reformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

dit que la demande visant à voir prononcer la nullité de la clause d'accroissement contenue dans l'acte de vente du 22 juin 1999 ne peut se voir opposer la prescription ;

dit qu'elle est redevable à M. [B] [W] d'une indemnité d'occupation dès lors qu'elle bénéficie de la jouissance exclusive du bien acquis le 22 juin 1999 sous réserve de l'octroi d'une jouissance gratuite au titre du devoir de secours ou par convention des parties ;

statuant à nouveau,

- dire et juger, déclarer prescrite l'action en nullité intentée par M. [B] [W] ;

- dire et juger n'y avoir lieu à indemnité d'occupation ;

- débouter M. [B] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

en tout cas,

- condamner M. [B] [W] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [B] [W] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

Mme [F] [K] avance que l'action en nullité vise en l'espèce la protection d'un intérêt particulier de sorte que cette prétendue nullité s'analyserait en une nullité relative et ainsi soumise à la prescription quinquennale conformément à l'article 2224 du code civil.

Or le pacte ayant été conclu le 22 juin 1999, soit plus de 20 ans avant l'introduction de l'action en nullité, elle estime que l'action est prescrite.

Elle reprend la motivation des premiers juges pour s'opposer à la demande de nullité de la clause d'accroissement à savoir que le fait que le financement du bien n'ait pas été égalitaire ne suffit pas à démontrer l'absence d'aléa et à établir que l'acte a eu pour objet de consentir une libéralité.

Elle rappelle que le bien acquis avec clause de tontine échappe aux règles de droit commun de la succession et du mariage et qu'il est admis la survivance de la clause de tontine sur un immeuble acquis avant le mariage, celui-ci ne faisant pas automatiquement disparaître la clause.

Elle soutient que le bien acquis antérieurement au mariage avec clause de tontine n'entre donc pas dans le patrimoine commun quand bien même le régime est celui de la communauté universelle à défaut de disposition expresse en ce sens et qu'il appartient au patrimoine de celui qui survivra.

Elle indique comme souligné par les premiers juges que le contrat de vente du 22 juin 1999 ne pose aucune condition relative à l'existence d'une relation affective entre les acquéreurs de sorte que l'argument tendant à voir invalider la clause du fait de la rupture des liens découlant du divorce reviendrait à ajouter à la loi des parties.

Elle mentionne qu'elle ne peut être redevable d'une indemnité d'occupation dans la mesure où la clause de tontine ne prévoit pas expressément une co-jouissance des acquéreurs.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIVATION

Par acte du 14 novembre 2023, Me [N] a procédé à la liquidation et au partage du régime matrimonial de la communauté universelle ayant existé entre Mme [F] [K] et M. [B] [W] portant sur l'ensemble de leurs intérêts patrimoniaux, l'acte mentionnant notamment la renonciation des parties à la clause de tontine.

Il en résulte que les demandes des parties à la présente instance sont devenues sans objet.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

L'équité, l'issue du litige et la nature familiale de celui-ci commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour d'appel,

Dans les limites de l'appel principal de M. [B] [W] et de l'appel incident de Mme [F] [K],

Constate que les demandes sont devenues sans objet ;

Condamne chaque partie au paiement des dépens qu'elle a engagés en appel ;

Déboute Mme [F] [K] et M. [B] [W] de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 b
Numéro d'arrêt : 21/04880
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;21.04880 ?
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